le point de vue du nutritionniste

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le point de vue du nutritionniste
45ème J.A.N.D.
28 janvier 2005
NUTRITIONNISTES, DIÉTÉTICIENS :
QUEL AVENIR ? LE POINT DE VUE
DU NUTRITIONNISTE
M. Krempf
Clinique d’Endocrinologie, Maladies Métaboliques et Nutrition - Hôtel Dieu, Nantes.
Résumé
Les rapports médecins nutritionnistes et diététiciens sont déjà établis de longue date.
Au-delà de la réflexion actuelle consistant à déléguer un certain nombre de tâches
habituellement médicales vers les paramédicaux et notamment les diététiciens, il apparaît plus important de redéfinir les différents contours des métiers de la nutrition et
d’établir une formation commune avec des déclinaisons spécifiques à chaque tâche. Il
s’agit très certainement d’un enjeu important de la nutrition pour les prochaines
années et devrait être un objectif prioritaire à très court terme.
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Envisager les relations diététiciens/nutritionnistes revient aujourd’hui à définir les métiers de la
nutrition dans le futur proche. Il est certain que le moment est venu pour cette réflexion. Le
contexte nous y incite et notamment l’intérêt croissant des consommateurs pour une alimentation sûre et de qualité, respectant et protégeant leur santé pousse l’industrie agroalimentaire et la grande distribution à se saisir de cette nouvelle dimension dans le critère de choix des
achats. De plus, l’émergence forte des pathologies métaboliques dans un contexte de croissance de l’obésité de l’adulte et de l’enfant impressionnante alerte bien sûr le monde médical mais
aussi les responsables de santé publique.
Il y a ainsi aujourd’hui de grands enjeux pour l’alimentation et la nutrition des populations avec
l’apparition de problèmes de santé jusqu’alors inconnus auxquels tentent de répondre aujourd’hui certains états ou des organisations internationales comme l’OMS. Le Programme National
Nutrition et Santé (PNNS) en France représente un exemple remarqué au niveau européen.
Dans toutes les actions du PNNS, les problèmes sont bien posés et des solutions sont proposées.
Cependant les acteurs et leur organisation sont encore très mal définis. En d’autres termes, ses
programmes définissent ce qu’il faudrait faire, recherchent des stratégies pour répondre aux
objectifs mais n’indiquent pas clairement quels sont les acteurs des tâches.
La situation en France sur ce point est remarquable. Des médecins d’horizons multiples et de
formation très diverse se réclament « nutritionnistes », d’ailleurs en toute légalité jusqu’à ce
jour puisque la spécialité médicale (nutrition) n’existe pas, même si elle est enseignée depuis
une dizaine d’années dans les Facultés de Médecine. Des chercheurs scientifiquement de tous
horizons issus de la recherche fondamentale ou de l’épidémiologie ont également rejoint cette
« cohorte » de nutritionnistes, imités en cela plus récemment par des ingénieurs issus des écoles
de formation agroalimentaire ou des filières universitaires. Bref, aujourd’hui il y a beaucoup de
« nutritionnistes » d’activités et de compétences très diverses à l’origine de beaucoup d’incohérence et de confusion. Les diététiciens échappent encore peut-être à cet amalgame mais
pour peu de temps tant la tentation donnée par leurs compétences est forte et surtout par la
confusion si fréquente des patients et des consommateurs.
Le terme nutritionniste quitte ainsi le champ du nom commun pour rejoindre celui de l’adjectif dans une confusion impressionnante. Il est temps indiscutablement de repenser les tâches et
les fonctions de tous ces acteurs et de définir leur formation ainsi que leur titre en conséquence. La situation actuelle résulte d’une évolution empirique, historique et opportuniste qui finalement aujourd’hui finit par plus nuire au système que le servir. Nous devons donc penser à
organiser les métiers de la nutrition si nous voulons être efficace et le débat qui nous est proposé aujourd’hui ne doit pas être réduit aux médecins et diététiciens.
La réflexion devrait être conduite autour de quatre grands axes concernant tout d’abord la
recherche, soit sur l’aliment soit la physiologie ou physiopathologie humaine voire animale. Le
deuxième axe concerne plus spécifiquement la santé publique avec notamment la forte implication des agences telles que l’AFSSA ou l’Institut de Veille Sanitaire. Mais ce champ d’action
est certainement beaucoup plus large et doit impliquer les organisations politiques. Le troisième axe concerne le soin, qu’il soit primaire durant les échanges patients/soignants, ou dans l’organisation de l’intervention des différents acteurs. Enfin bien sûr le dernier axe concerne l’industrie au sens très large incluant notamment la production, la grande distribution mais aussi
la restauration collective sous toutes ses formes. Dans ces différents axes, et en fonction des
tâches clairement définies, les différents métiers doivent s’organiser. Nous ne pourrons pas faire
l’économie de cette réflexion si nous souhaitons acquérir de l’efficacité et une meilleure lisibilité. Elle fait intervenir beaucoup de partenaires, Education Nationale, Santé, Agriculture,
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Recherche, Commerce… et il est certainement indispensable de trouver un cadre d’organisation qui pourrait être le PNNS ou, mais là l’ambition est certainement trop grande…, un Institut
National de la Nutrition.
C’est à partir de la définition du contour des tâches et des responsabilités dans ce cadre général que devrait être organisée la formation selon un schéma général actuellement souhaité au
niveau européen de licence, master et doctorat. Cette formation générale aura des déclinaisons
spécifiques en fonction des métiers prédéfinies et pourra être rejointe par des étudiants formés
dans d’autres filières et à différents niveaux tels que la Médecine, les écoles d’ingénieurs agroalimentaires, d’autres filières de formation universitaire, etc.
La formation de diététique devrait s’inscrire dans ce schéma général, notamment le titre de diététicien ne devrait pouvoir être acquis qu’au terme de la licence, avec le cas échéant une spécialisation vers le soin ou la santé publique ou l’industrie par exemple. La possibilité restera bien
sûr ouverte de poursuivre la formation commune dans le cadre de masters également spécialisés, voire de doctorats. Ce schéma général aurait l’avantage de proposer une formation commune et permettre ainsi des passerelles entre les différents métiers.
Voici une projection qui pourrait être faite dans un futur proche mais aujourd’hui comment
avancer ? La formation de diététicien est toujours sur 2 ans ce qui est bien sûr insuffisant,
notamment dans le contexte européen. L’intégration dans un tronc commun des études médicales apparaît aujourd’hui problématique et d’autres solutions à court terme pourraient être
recherchées pour atteindre un objectif de formation de 3 ans correspondant à une licence. La
redéfinition des tâches est également en cours de discussion. La réduction de la démographie
médicale doit effectivement encourager le transfert de tâches sous la responsabilité médicale
vers des paramédicaux. La nutrition et plus spécifiquement la diététique relèvent normalement
d’une prescription et d’un suivi médical mais il peut être envisagé, suivant des expériences
pilotes qui vont être conduites, de démontrer qu’il est possible de déléguer, selon des schémas
clairement définis, un certain nombre de tâches de diététique vers les diététiciens avec une efficacité identique. Cette délégation de tâches devrait avoir un effet très positif sur le gain de
temps de consultation médicale. Ce premier pas devrait être utile pour repositionner la place
des diététiciens dans la filière de soins et sa définition dans le Code de Santé Publique. Mais
tous ces aspects, s’ils sont certes très pragmatiques, restent encore très parcellaires et ne
devraient pas permettre d’éviter de mener une réflexion plus large sur l’ensemble des métiers
de la nutrition.
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