Grossesse adolescente, la quête de sens

Dossier
Adolescents et sexualité
Grossesse adolescente,
la quête de sens
Carole Durand
La grossesse chez une adolescente, qui poursuit une scolarité professionnalisante, ne
peut se résumer qu'au seul “accident”, mais pose la question du sens comme réponse
possible à sa quête identitaire, son besoin de reconnaissance.
© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
Teenage pregnancy, a search for direction. Pregnancy in a teenager, following a vocational
education, cannot be summed up as a simple “accident”, but raises the question of it
being a possible response to her search for identity, her need for recognition.
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Mots clés
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28
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Adolescence
Contraception
Grossesse
Quête identitaire
Keywords
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Adolescence
Contraception
Pregnancy
Search for identity
Déclaration d’intérêts L’auteur déclare ne pas avoir
de conflits d’intérêts en
relation avec cet article.
L'auteur Carole Durand
Médecin attaché, service de
gynécologie, CHU de
Montpellier, médecin de PMI,
coordinatrice de l’association
APARSA, 2 rue Pierre-Boissier,
34070 Montpellier, France
[email protected]
Q
ue représente la grossesse, chez certaines
jeunes filles, dont le parcours scolaire est
peu valorisant ? Dans le contexte social
actuel, la grossesse devient un risque, doublé d’un
interdit absolu, fondé sur l’incapacité supposée des
jeunes filles à pouvoir s’occuper d’un enfant.
Une quête de sens
  La puberté est la transformation d’un corps
d’enfant en corps de femme. La grande question
des jeunes filles sur leur normalité se confond souvent avec celle de la fertilité… Résumer cette transformation corporelle trop rapidement à sa fonction
érotique n’aide pas les jeunes à élaborer autour de
la capacité nouvelle de procréer. La volonté de faire
à tout prix « un enfant qui, lui, m’aimera » est le
programme de jeunes filles qui, dans ce projet, espèrent réparer leur enfance. Cet enfant est un lien à
venir pour enfin pouvoir exister.
  La grossesse est souvent l’aboutissement d’un
désir profond et secret. Il est bien difficile pour certaines de dire pourquoi, mais elles rêvent de cette
grossesse. Elles trouvent enfin un but dans la vie, un
projet “réalisable”, qu’elles peuvent se représenter. En
effet, souvent, elles ont élevé un petit frère, une nièce, et
en parlent avec émotion… Aucun autre projet ne leur
fait cet effet-là : celui-là, elles s’en sentent capables. Mais
personne n’entend ce talent, cette capacité revendiquée, cette maturité propre à leur histoire.
  L’espoir d’accéder à un nouveau statut social.
« Vous verrez l’année prochaine, comment on me
regardera avec ma poussette devant moi ! » Il n’est
pas sûr que cette adolescente ait pensé au bébé dans
la poussette, mais l’image de la poussette est précise.
Elle dit bien cette attente d’une reconnaissance, d’un
statut social enfin acquis. Vouloir les maintenir dans
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http://dx.doi.org/10.1016/j.revssu.2013.02.011
un statut d’adolescent représente un risque, car certaines souhaitent déjà être dans la cour des grands.
  La quête d’une identité identifiable et reconnue : être mère. Construire sa sexualité c’est
construire son identité : qui je suis ? Quelle femme
puis-je être ? Pour cela, tous les modèles sont passés
au crible. Le modèle de la mère est puissant. Les
questions de la filiation, de la maternité, de la procréation et de l’enfantement parlent de son histoire
de future femme. Mais l’enjeu est d’être mère.
  L’échec d’une contraception mal vécue. La
contraception sonne comme une obligation, à
l’heure où ces jeunes filles cherchent à savoir ce
qu’aimer veut dire. Elle s'impose comme première
parole sur la sexualité et intervient avant même de
savoir si elles voudront ou pourront faire des
enfants, d'autant que cette question ne leur est pas
permise.
Prendre une contraception à l’adolescence, c’est faire
entrer une décision d’adulte quand on a encore un
pied dans l’enfance, c'est apporter une réponse qui
ne correspond pas à la question.
Conclusion
La grossesse à l’adolescence, c’est naturellement
transmettre la vie qui nous a été transmise et s’inscrire simplement dans la chaîne des vivants.
Pour certaines adolescentes, grandir prendra ce
chemin-là, même si le projet n’aboutira pas. Mettre
un interdit, déguisé par surcroît, risque de les empêcher de rêver et de se projeter : c’est un risque
qu’elles refusent parfois en étant enceintes.
L’enjeu des professionnels est d’accompagner cette
complexité afin de trouver, au-delà de l’interdit, les
voies d’un possible qui leur permette de grandir et
d’attendre un moment plus favorable, peut-être ?
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La revue de santé scolaire & universitaire ● Mars-Avril 2013 ● n° 20