ALQUIER Jean-Yves (1931- 2007)

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ALQUIER Jean-Yves (1931- 2007)
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ALQUIER Jean-Yves (1931- 2007)
Témoignage du journal de marche d'un officier parachutiste.
1) Le témoin :
Né le 30 avril 1931 à La Rochelle dans une famille éprise de la France : son grand-père,
polytechnicien, mort en février 1916 fut à la tête de sa batterie d'artillerie. Son père, quand à lui,
ingénieur des Mines et directeur à la Compagnie Générale Transatlantique est rappelé en 1939
comme capitaine et est fait prisonnier de guerre de juin 40 à juin 1945.
Diplômé de l'Institut d'Études Politiques de Paris en 1952 et ancien élève de la « London School
of Economics » (1953), il fut donc soumis aux obligations militaires après un sursis pour achever
ses études.
Le 11 mai 1953, il rejoint le 501e Régiment de chars de combat à Rambouillet et quelques mois
plus tard, le 1er septembre 1953 du fait de ses nombreuses qualités , il est nommé brigadier. Il est
muté au 1er Régiment de hussards parachutistes (R.H.P) à partir du 1er mai 1954 et après avoir
obtenu son brevet parachutiste il devient le chef de peloton au 2e escadron. Le 1er novembre
1954, il est libéré de ses obligations militaires et retourna à Paris où il sera le secrétaire particulier
de M. Pierre de Gaulle, Président du Conseil Municipal de Paris. Rappelé en mai 1956 comme
officier parachutiste, il prend part, jusqu'en octobre, à des opérations dans les régions les plus
diverses d'Algérie, à la tête d'un peloton de reconnaissance du 8e Régiment de parachutistes
coloniaux.
En octobre, il rejoint le 1er régiment de hussards parachutistes et y sert volontairement en
situation d'activité jusqu'en août 1957. Pendant neuf mois, il occupe des fonctions variées telles
que chef d'une Section administrative spécialisée (S.A.S), chef de commandos de nuit ainsi que
officier des renseignements.
Il est de plus le fondateur de l'Union Nationale des Combattants d'Algérie, tant il fut attaché à ce
pays. Enfin, il sera membre du conseil économique et social de 1959 à 1961. Jean-Yves Alquier
reçu un grand nombre de décoration, tout d'abord celle de la Croix de la valeur militaire avec
palme et étoile d'argent en 1957, puis celle de la Croix du combattant volontaire AFN en 2001
ainsi que celle du chevalier de la Légion d'honneur en 2002.
Il est cité une première fois à l'ordre de la brigade en janvier 1957 puis une deuxième fois à
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l'ordre de l'armée et enfin une troisième fois en décembre 1957 à l'ordre de la division. Voilà ce
que l'on peut lire lors de la deuxième citation : « Jeune officier ardent et courageux. Dans la nuit
du 29 décembre 1956, après une marche de cinq heures en terrain difficile, a déjoué par une
manœuvre habile de son commando, la surveillance des guetteurs de la mechta SIDA dans le
Tamesguida, capturant ainsi deux rebelles et récupérant deux fusils. En qualité d’officier
renseignement du sous quartier de Texenna, a obtenu de brillants résultats. En particulier le 1er
février 1957, alors qu’il participait avec un commando léger dans le Tabellout à une action de
nuit en région très difficile. A découvert en fin de mission un renseignement important.
N’hésitant pas à l’exploiter sur le champ, est parvenu après une marche épuisante à fixer un
groupe de huit rebelles qu’il anéantit totalement récupérant sept armes et abattant
personnellement au pistolet trois hors la loi ».
2) Le témoignage :
Jean-Yves Alquier, Nous avons pacifié tazalt, journal de marche d'un officier parachutiste,
Robert Laffont, 1957, broché, couverture illustrée, 272 pages et table. Dans cet ouvrage on
découvre un extrait de la lettre préface du Général Sauvagnac, premier parachutiste de France,
Commandant la 25e Division parachutiste. Il s'agit d'un journal de marche d'un officier
parachutiste rappelé en Algérie. Dans ce livre, l'auteur s'adresse en tout particulier à ses
camarades de la 25e Division Parachutiste et en particulier au 1er Régiment de Hussard
Parachutistes ainsi qu'à ses amis Français Musulmans qui risquent tout les jours leurs vies par
fidélité à la France. Présenté sous la forme d'un journal de marche, écrit dès son retour en France,
cet ouvrage permet au lecteur de revivre la vie d'une zone soumise à la loi du FNL (Front de
Libération Nationale) et que l'action des militaires de son régiment et de la SAS (Section
Administrative Spécialisée) locale vont ramener à la France peu à peu. Ce journal de marche
recense les caractéristiques propre d'un journal, en effet, sont relatés les événements vécus par
l'officier parachutiste au cours de sa campagne, durant la guerre d'Algérie. La lecture suit le
cheminement des jours, des mois et des années passés à Tazalt. L'ouvrage n'est pas illustré.
3) L’analyse :
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Si Jean-Yves Alquier commence par utiliser le « je » à la première page de son journal de
marche : «Je crois donc pouvoir dire que j'ai participé à la Guerre d'Algérie» (p. 15) c'est qu'il
souhaite faire part de ses pensées les plus intimes dans son journal de marche. Son témoignage
commence le 15 octobre 1956 et il s'appliquera à écrire tous les jours afin de détailler sa vie
quotidienne loin de la France. L'utilisation du « nous » et « on » comme le montre ces phrases
«déjeuner sur le pouce : le chef d'État-Major nous attend pour nous annoncer nos affections» (p.
18), lui permet d'intégrer ses collègues qui sont devenus – au fil des pages – des gens sur qui il
peut compter. Slimane est un personnage très souvent cité du fait qu'il soit le garde du corps de
Jean Yves Alquier : « Slimane, mon garde du corps en qui j'ai la confiance la plus absolue » (p.
23).
Notre sous-lieutenant Alquier n'a pas d'autres choix – en l'absence de titulaire – que de prendre la
charge de la S.A.S, la Section Administrative Spécialisée. Les S.A.S avaient pour but de pacifier
un secteur et également de promouvoir l'Algérie française grâce à une assistance scolaire, sociale
et médicale envers les populations rurales musulmanes, tel que Tazalt, et cela afin de les gagner à
la cause de la France.
Dans ce journal de marche, Jean Yves Alquier a vécu des moments de tranquillité mais
également des moments de peur. Dans les premières pages de son journal – qui correspondent
aux premiers jours passés sur place – il fait part de son enthousiasme par rapport à sa mission :
« je suis frappé par la passion » (p. 25). Il décrit par la suite, la tranquillité et le confort à Tazalt :
« heureusement quelques traces de balles dans les murs et les portes pour nous rappeler que nous
sommes en guerre » (p. 26). Cependant, l'auteur fait très vite part de se sentiment d'insécurité et
de violences qui règne sur Tazalt. En effet, la plupart des régions étaient contrôlées par la
rébellion : la peur était donc permanente : « on a peur » (p.39), « mais on a peur. Peur des
fellaghas » (p. 43). Le terme de fellagha désigne un combattant algérien qui est rentré en lutte
pour l'indépendance de son pays alors sous domination française. De plus, autre que le sentiment
de peur, celui de la violence y est constamment évoqué, au risque de se répéter très souvent.
Chaque jour décrit par Jean Yves Alquier permet de se replonger dans la Guerre d'Algérie et dans
ses horreurs. Nous retrouvons ainsi le champs lexical de la violence : « ils ont été égorgés en
représailles de l'accueil d'hier » (p. 31), « il a violé cette fille après avoir égorgé le père » (p. 58),
« la menace permanente de tueurs » (p. 129), « nous récupérons un homme à demi-mort que les
rebelles ont abandonnés » (p. 213). Ce témoignage met en lumière le cycle irrégulier de la
violence et du repos. Même si le mot « égorgé » y est trop de fois évoqué.
Dans ce témoignage, plusieurs sentiments apparaissent face à la guerre, qui dans ce journal de
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marche, y est que très rarement évoqué. Jean Yves Alquier fait preuve d'un patriotisme
remarquable en tentant d'approcher des les populations sous le joug des rebelles. L'auteur connait
en effet, parfaitement le pays et ses habitants ce qui lui permet d'avoir des bons résultats en terme
de pacification du Tazalt. Jean Yves Alquier occupe deux fonctions, celle d'officier de
renseignements et chef de S.A.S ce qui lui donne un certain prestige et lui permet d'avoir des
possibilités d'actions très variées. Cet officier est entouré d'homme de la S.A.S mais également de
personnes musulmanes qui lui seront d'une grande aide. Ainsi, nous pouvons lire à la page 21 :
« le toubib, M Dupré, le régisseur-comptable et également maire, sa fille Monique sera ma
secrétaire et M. Lamine mon attaché musulman, un fin lettré ».
Puis, face à l'ennemi, la haine est toujours de mise. Dès son arrivée à Tazalt, le capitaine explique
à Jean Yves Alquier, la difficulté de sa mission : « voilà où nous en sommes après trois mois de
présence : sur 25000 habitants dont nous avons la charge, les rebelles en contrôlent 15000, 15000
êtres humains dont nous supposons l'existence car tout contact avec eux est impossible » (p. 22).
Nous voyons donc au travers de ces lignes, que la mission de l'officier parachutiste n'est pas
facile mais avec le soutien de ses camarades et celui de ses hommes, il réussi à faire de nouveau
régner la sécurité et l'ordre français.
Puis, l'expression de la violence de guerre se retrouve dans les actions de tous les jours. Les
patrouilles et les gardes sont constamment évoqués. Avec le capitaine, l'officier Alquier, n'a pas
d'autres choix que de passer des nuits blanches et de traverser l'Oued. Pour vaincre l'ennemi des
fusils sont à la disposition des hommes les plus courageux même si il a fallu attendre un certain
temps pour que les gens soient équipés : « ils n'ont pas été des hommes. Ils ont eu peur. Mais ils
n'avaient pas d'armes pour se défendre, maintenant ils sauront se protéger » (p. 85). L'ennemi,
c'est-à-dire les rebelles qui souhaitent l'indépendance de l'Algérie, que l'on appelle fellaghas, tue
avec des pistolets ou bien des couteaux. Selon Jean Yves Alquier, les fellaghas aiment égorger
leurs victimes, que cela soit des hommes, des femmes, enfants ou vieillards. Tous ceux qui
s'opposeront à eux subiront le même sort.
Dans ce témoignage, nous voyons que Jean Yves Alquier fait preuve d'un enthousiasme et d'un
optimisme à tout épreuve mais il est parfois possible de voir quelques moments de faiblesse. La
faim, la peur que ressentent les hommes qui travaillent pour lui ne font que de s'accentuer au fil
des missions. Les rebelles offrent à ceux qui les rejoindraient de quoi manger mais surtout une
assurance de ne pas être tué. Mais à travers les pages de cet ouvrage, l'officier et parachutiste
Alquier arrive à convaincre grâce à une remarquable capacité de persuasion, les populations à le
rejoindre afin de battre l'ennemi.
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La nostalgie envahie Alquier lorsqu’il fut obliger de retourner en France et de laisser derrière lui
tous ces gens qui l'ont tant aidé à promouvoir l’Algérie française. « L'indépendance...Ils ont bien
compris qu'elle n'a de sens que par la France. Et je leur jure qu'elle ne les abandonnera pas. » (p.
269).
Kelly LEBEL (Université de Nice Sophia-Antipolis)

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