Lettre de la concurrence Competition newsletter

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Lettre de la concurrence Competition newsletter
Financial institutions
Energy
Infrastructure, mining and commodities
Transport
Technology and innovation
Life sciences and healthcare
Lettre de la concurrence
Competition newsletter
Numéro 46 / Septembre-Octobre 2014
Issue 46 / September-October 2014
Sommaire / Contents
02 Le droit de la concurrence, un
frein à l’innovation ?
03 Competition law, an obstacle to
innovation?
04 Actions privées et accès au
dossier : la Cour d’appel confirme
sa position
05 Private actions and access to files:
the Court of Appeal confirms its
position
06 Affaire Groupement des cartes
bancaires : un coup d’arrêt à
l’infraction par objet
08 Groupement des cartes bancaires
case: curtailing restrictions by
object
Dans ce numéro :
In this issue:
• Nous analysons la décision rendue
le 4 septembre 2014 dans l’affaire
Nespresso par laquelle l’Autorité
de la concurrence a accepté les
engagements proposés par le groupe
Nestlé, visant à remédier aux abus
de position dominante dont il était
suspecté dans la commercialisation
des machines et capsules Nespresso
en France.
• We analyse the decision rendered
on September 4, 2014 in the
Nespresso case in which the French
Competition Authority accepted the
commitments offered by the Nestlé
group with the aim of resolving
the abuse of a dominant position
of which it was suspected in the
marketing of Nespresso machines
and capsules in France.
• Nous étudions un arrêt de la Cour
d’appel de Paris du 24 septembre
2014 relatif à la communication des
pièces du dossier de l’Autorité de
la concurrence au juge saisi d’une
demande en réparation du préjudice
subi par une victime alléguée de
pratiques anticoncurrentielles.
• We study a judgment of the Paris
Court of appeal dated September
24, 2014 on the communication
of documents held in the French
Competition Authority’s file to a
civil court before which a victim of
alleged anticompetitive practices
had brought a private enforcement
claim.
• Nous commentons l’arrêt rendu le
11 septembre 2014 dans l’affaire
Groupement des cartes bancaires
par lequel la Cour de Justice encadre
plus précisément le recours par
la Commission européenne à la
qualification d’infraction par objet
dans ses décisions.
• We comment the judgment
dated September 11, 2014 in the
Groupement des cartes bancaires
case in which the Court of Justice
provided clarity on the criteria which
must be presented by the European
Commission to justify a finding of
an infringement by object in its
decisions.
Lettre de la concurrence – No 46
Le droit de la concurrence,
un frein à l’innovation ?
Par décision du 4 septembre 2014 (Décision), l’Autorité
de la concurrence (Autorité) a finalement accepté les
engagements proposés par le groupe Nestlé, visant à
remédier aux abus de position dominante dont il était
suspecté dans la commercialisation des machines
et capsules Nespresso en France. Des engagements
dont certains font craindre qu’ils ouvrent la porte à
une immixtion excessive de l’Autorité dans la stratégie
d’innovation des entreprises en position dominante et
entravent ainsi le progrès technologique.
de ses concurrents fabriquant des
capsules compatibles. En particulier,
aux termes de la Décision, Nestlé va
devoir :
Dans cette affaire, l’Autorité avait été
saisie par des fabricants de capsules
compatibles avec des machines
Nespresso de pratiques prétendument
abusives mises en œuvre par le groupe
Nestlé (Nestlé) sur les marchés des
machines à expresso à café portionné,
d’une part, et des capsules compatibles
avec les machines Nespresso, d’autre
part, sur lesquels il était susceptible de
détenir une position dominante.
• mettre à disposition de ses concurrents
quinze prototypes leur permettant de
réaliser des tests de compatibilité sur
leurs capsules, et même
L’Autorité suspectait Nestlé d’avoir lié de
manière abusive les ventes de ses
machines (marché liant) à celles de ses
capsules (marché lié), par le biais de
pratiques de nature juridique (limitation
de garantie des machines en cas
d’utilisation de capsules concurrentes),
commerciale (dénigrement des capsules
concurrentes) et technique (modifications
techniques apportées aux machines de
telle sorte qu’elles ne fonctionnent
correctement qu’avec des capsules
Nespresso). Afin de répondre à ces
“préoccupations de concurrence” et
d’éviter de se voir imposer une sanction
financière, Nestlé a souhaité mettre en
œuvre la procédure de l’article L. 464-2
III du Code de commerce et s’engager à
modifier son comportement pour l’avenir.
Le caractère extensif et intrusif de
certains de ces engagements laisse
perplexe, d’autant plus qu’il est difficile
de se forger une opinion sur la
définition des marchés et l’appréciation
des pratiques, l’Autorité y consacrant
peu de développements, comme elle en
a l’habitude dans ses décisions
d’engagements.
Pour limiter le risque de dénigrement
des capsules concurrentes, Nestlé a
offert de compléter son programme
de conformité par des mesures
d’information et de formation du
personnel de Nespresso en contact
régulier avec les consommateurs. Dans
ce cadre, Nestlé est allé jusqu’à faire
valider par l’Autorité la formule précise
que ses commerciaux, dirigeants et
mandataires sociaux devront mot
pour mot employer pour répondre aux
questions des consommateurs relatives
aux capsules concurrentes.
Mais de manière plus surprenante,
Nestlé a pris des engagements
techniques dont on peut se demander
s’ils ne risquent pas de limiter indûment
son avancée technologique, sous
prétexte de ne pas retarder l’adaptation
02 Norton Rose Fulbright – Septembre-Octobre 2014
• communiquer à ses concurrents
les informations relatives aux
modifications techniques qu’elle
entend apporter sur ses machines
au moment où elle donnera l’ordre
de mise en production des nouvelles
machines, et au moins quatre mois
avant la mise sur le marché des
machines,
• communiquer à l’Autorité un dossier
détaillant les raisons qui motivent
chaque changement technique.
Ce faisant, les concurrents de Nestlé
obtiennent en quelque sorte un droit
de regard sur la stratégie d’innovation
de cette dernière, ce qui semble
difficilement compatible avec la liberté
d’entreprendre. On peine en outre à
comprendre une telle restriction à la
faculté d’innover de Nestlé alors même
que, comme toute entreprise en position
dominante, elle est précisément censée
exercer une concurrence par les mérites.
Quant à l’Autorité, on peut se demander
comment et à quel titre elle pourrait,
techniquement, considérer que les
modifications décidées par Nestlé ne
sont pas véritablement justifiées.
Des engagements pour le moins
atypiques dont on peut souhaiter
qu’ils ne se généralisent pas, sauf à
mettre quelque peu à mal tout effort
d’innovation.
Competition newsletter – No 46
Competition law, an obstacle
to innovation?
By a decision of September 4, 2014 (Decision), the
French Competition Authority (FCA) ultimately
accepted the commitments offered by the Nestlé group
with the aim of resolving the abuse of a dominant
position of which it was suspected in the marketing of
Nespresso machines and capsules in France. Some of
the commitments may, though, raise concerns over the
FCA’s excessive interference in the innovation strategy of
dominant companies, thus hindering technical progress.
not delaying the adaptation of its
competitors manufacturing compatible
capsules. In particular, pursuant to the
Decision, Nestlé undertakes:
In the relevant case, the FCA had
received complaints by manufacturers
of capsules compatible with Nespresso
machines of allegedly abusive practices
implemented by the Nestlé group
(Nestlé) in both the markets for singleportion expresso coffee machines, and
for capsules compatible with Nespresso
machines, in which it was likely to have
a dominant position.
The extensive and intrusive nature
of some of these commitments is
questionable, particularly since it is
difficult to form an opinion with respect
to the definition of the relevant markets
and the assessment of the practices
on the basis of the Decision, since
the FCA devoted little discussion to
such issues, as is usual practice in
commitments decisions.
• to make available to its competitors
fifteen prototypes enabling them to
perform compatibility tests on their
capsules, and even
The FCA suspected Nestlé of having
improperly linked the purchase of its
machines (tying market) to that of its
capsules (tied market), through legal
(limiting the warranty of the equipment
when using competing capsules),
commercial (disparagement of competing
capsules) and technical practices
(technical modifications carried out
on the machines in order for them to
correctly work only with Nespresso
capsules). In order to respond to these
“competition concerns” and to avoid a
financial penalty, Nestlé expressed its
willingness to implement the procedure
of Article L. 464-2 III of the Commercial
Code and to change its behavior for the
future.
In order to limit the risk of
disparagement of competing capsules,
Nestlé offered to complete its
compliance program with means of
information and training of Nespresso’s
employees who are in regular contact
with consumers. In this context, Nestlé
went as far as obtaining approval from
the FCA of the precise formula that
its salesmen, directors and corporate
officers will be required to use word-byword to answer consumers’ questions
regarding competing capsules.
By doing so, Nestlé’s competitors
obtained what amounts to a right
of inspection of Nestlé’s innovation
strategy, which hardly seems
compatible with the freedom of
business. Furthermore, it is difficult
to understand such a restriction on
Nestlé’s ability to innovate given that,
as is the case for any company in a
dominant position, it is specifically
supposed to compete on the merits. As
to the FCA, it is questionable how and
in what capacity it could technically
consider that the modifications carried
out by Nestlé are not truly justified.
But more surprisingly, Nestlé undertook
technical commitments which it may be
questioned as to whether they are likely
to wrongfully hinder its technological
progress, under the pretext of
The commitments are at the very
least atypical. Hopefully they will
not become widespread, unless the
jeopardizing of any effort of innovation
is acceptable.
• to notify competitors of information
concerning any technical
modifications it intends to implement
on its machines at the time the order
is given to put the new machines
into production, and at least four
months before the machines are
released onto the market,
• to disclose the FCA a file detailing
the reasons for each technical
modification.
Norton Rose Fulbright – September-October 2014 03
Lettre de la concurrence – No 46
Actions privées et accès au dossier :
la Cour d’appel confirme sa position
Dans son arrêt du 24 septembre 2014, la Cour d’appel
de Paris (Cour d’appel) statue sur la communication
des pièces du dossier de l’Autorité de la concurrence
(ADLC) au juge civil saisi d’une demande en réparation
du préjudice subi par une victime alléguée de pratiques
anticoncurrentielles.
A la suite d’un jugement du Tribunal
de commerce de Paris (Tribunal) rendu
dans le cadre d’une action intentée par
la société DKT international (DKT) à
l’encontre de deux entreprises, la Cour
d’appel a été saisie aux fins de statuer
sur la question de l’accès à des pièces
détenues par l’ADLC pour les besoins
d’un contentieux privé en réparation de
dommages concurrentiels.
Le jugement du Tribunal faisait suite
à une décision par laquelle l’ADLC,
saisie par DKT, avait accepté des
engagements présentés par les deux
sociétés qui étaient soupçonnées
d’avoir mis en œuvre des pratiques
d’éviction dans le secteur de la gestion
des déchets d’emballage. A la suite de
la clôture de la procédure par l’ADLC,
DKT a introduit contre ces sociétés
une action en réparation et a sollicité
au préalable que l’ADLC communique
certains éléments de son dossier au
Tribunal.
Alors que le Tribunal avait enjoint
à l’ADLC de produire les pièces
demandées sur le fondement de
l’article 138 du CPC, la Cour d’appel
juge qu’il appartient à la partie qui
dispose de pièces du dossier de
l’ADLC et qui entend s’en prévaloir
de les produire devant le juge civil,
peu important qui avait à l’origine
produit les pièces. Il appartient ainsi
à DKT de prouver que, conformément
à la jurisprudence dite Semavem, la
divulgation de chacune des pièces est
nécessaire pour assurer le respect de
ses droits. La Cour d’appel confirme en
cela la solution adoptée dans son arrêt
du 20 novembre 2013 concernant une
demande similaire de la société Ma
Liste de Courses (Voir notre Lettre
de la concurrence n°40).
Si elle a le mérite d’être en accord
avec le principe de protection du
secret de l’instruction en France,
cette solution n’en est pas moins
susceptible de décourager les
entreprises d’intenter des actions
civiles en réparation compte tenu du
risque qu’elles encourent en cas de
production de pièce à mauvais escient.
En effet en dehors de l’exception
Semavem, la divulgation par les
parties d’informations dont elles
ont eu connaissance à l’occasion
04 Norton Rose Fulbright – Septembre-Octobre 2014
d’une procédure devant l’ADLC est
susceptible d’entrainer des sanctions
pénales (amende à hauteur de 15.000
euros et un an d’emprisonnement).
On peut également s’interroger sur
la cohérence de cette approche avec
la politique encourageant le recours
aux actions privées par une entreprise
s’estimant victime de pratiques
anticoncurrentielles.
L’entrée en vigueur de la Directive sur
les actions privées et sa transposition
en droit français pourrait en outre
changer la donne. Elle consacre en
effet un principe général d’accès au
dossier des autorités de concurrence
qu’elle assortit d’exceptions absolues
(pièces ne pouvant en aucun cas
être communiquées) et temporaires
(pièces ne pouvant être communiquées
qu’après la clôture de l’instance par
l’autorité). Ces exceptions étant listées
de manière exhaustive, les parties à
l’instance devant l’ADLC souhaitant
produire des pièces dans le cadre
d’actions privées bénéficieront alors
d’une grille d’analyse plus claire, ce
qui devrait en principe avoir pour effet
de réduire le risque pesant aujourd’hui
sur elles. Cette solution devrait dès lors
être davantage en phase avec la volonté
constamment réaffirmée des autorités
de concurrence d’un usage croissant
des actions privées en matière de
concurrence.
Competition newsletter – No 46
Private actions and access to files: the
Court of Appeal confirms its position
In a decision dated September 24, 2014, the Paris
Court of Appeal (Court of Appeal) issuing a ruling on
the communication by the French Competition Authority
(FCA) of documents held in its own file to a civil court
before which a victim of alleged anticompetitive practices
had brought a private enforcement claim.
Following a judgment of the Paris
Commercial Court (Court) issued in an
action brought by the company DKT
International (DKT) against two other
companies, the case was brought before
the Court of Appeal to decide on the
question of access to evidence held by
the FCA for the purpose of a private
claim for compensation for competitive
damages.
The judgment of the lower Court
followed a decision in which the
FCA, on application by DKT, accepted
the commitments offered by the two
companies, which were suspected
of having implemented exclusionary
practices in the area of packaging
waste management. Following the
termination of such proceedings by
the FCA, DKT commenced an action
for damages against such companies
and for the purposes of such action
requested that the FCA provides the
Court with communication of certain
components of the FCA’s own file.
Although the Court ordered the FCA to
communicate the evidence requested
pursuant to Article 138 of the CPC, the
Court of Appeal held that it is up to the
party who has elements of the file of the
FCA at its disposal and who intends to
rely on them to produce such evidence
before the civil court, regardless of who
provided such documents in the first
place. Therefore, it was up to DKT to
show, in accordance with the precedent
laid down in the Semavem case, that
disclosure of each item of evidence
was necessary in order to ensure the
respect of its rights. The Court of Appeal
thereby confirmed the position adopted
in its judgment of November 20, 2013
regarding a similar request made by the
company “Ma Liste de Courses” (see our
Competition Newsletter n°40).
Although this solution is in line
with the basic principle underlying
the requirements of protection of
secrecy of investigations in France,
it is nevertheless likely to prevent
companies from bringing civil actions
for damages due to the risk they face in
the event the communication of items of
evidence is misused. Indeed, outside of
the Semavem exemption, the disclosure
by the parties of information of which
they have become aware during a
procedure before the FCA can result in
the imposition of fines of up to 15,000
euros and one year’s imprisonment.
The consistency of such approach
with the policy which encourages
the bringing of private actions by a
company which considers itself victim
of anti-competitive practices can also be
questioned.
The entry into force of the Directive on
private actions and its transposition into
French law might change the situation.
The Directive enshrines a general
principle of access to the file with
certain absolute exceptions (evidence
which cannot be communicated
under any circumstances) and other
temporary exceptions (evidence which
can only be communicated after the
termination of the case by the FCA).
As such exceptions are listed on an
exhaustive basis, the parties in the
action before the FCA who wish to
produce evidence in the context of
private actions will benefit from a
clearer analysis grid, which should have
the effect of mitigating the risk which
they currently face. This solution should
therefore be more in line with the desire
constantly reiterated by the competition
authorities of increased use of private
actions related to competition matters.
Norton Rose Fulbright – September-October 2014 05
Lettre de la concurrence – No 46
Affaire Groupement des cartes
bancaires : un coup d’arrêt à la
restriction par objet
Par un arrêt rendu le 11 septembre 2014, la Cour
de Justice de l’Union européenne (Cour) a annulé
l’arrêt du Tribunal par lequel il a rejeté le recours du
Groupement des cartes bancaires (Groupement) contre
la décision de la Commission européenne (Commission)
ayant retenu la participation du requérant à une
infraction anticoncurrentielle par objet. En soulignant
l’insuffisance du contrôle par le Tribunal sur la
qualification d’infraction par objet de la pratique en
cause, la Cour précise plus clairement le recours à la
qualification d’infraction par objet.
Retenir l’existence d’une infraction par
objet présente un avantage indéniable
pour la Commission, car elle lui permet
de s’exonérer de la démonstration des
effets anticoncurrentiels de la pratique
litigieuse. Dans certains cas, cela peut
être compréhensible : il peut en effet
exister des infractions dont le degré de
nocivité est d’une évidence telle qu’il
apparaît superflu de démontrer leurs
effets – tel peut être le cas, par exemple,
d’un accord sur les prix.
Ces dernières années cependant, la
Commission a eu tendance à faire une
utilisation de plus en plus fréquente de
la qualification d’infraction par objet,
aboutissant ainsi à un certain flou sur
les contours de la notion. L’arrêt de
la Cour dans l’affaire du Groupement
des cartes bancaires représente un
sérieux coup d’arrêt à cette évolution, et
restaure ainsi le niveau du standard de
preuve applicable.
Créé en 1984 pour assurer
l’interopérabilité des systèmes de
paiement et de retrait par cartes
bancaires émises par ses membres, le
Groupement a fait l’objet en octobre
2007 d’une décision de sanction
de la Commission (Décision) pour
sa participation à un accord secret
anticoncurrentiel. Ce dernier, mis en
place en 2002, visait à améliorer le
fonctionnement du Groupement en
instaurant trois mesures financières
visant à compenser, dans ce marché
biface (émission de cartes bancaires et
acquisition de nouveaux commerçants),
le fait que certains membres aient une
activité d’émission supérieure à celle
d’acquisition.
Dans la Décision, la Commission
avait qualifié ces mesures tarifaires
06 Norton Rose Fulbright – Septembre-Octobre 2014
d’infraction anticoncurrentielle au
regard de leurs objet et effets. A la suite
du rejet par le Tribunal de son recours
contre la Décision, le Groupement
s’était pourvu devant la Cour. Bien
lui en a pris, puisque cette dernière a
annulé l’arrêt du Tribunal, considérant
le contrôle par la juridiction de la
qualification d’infraction par objet
comme insuffisant. Au-delà du cas
d’espèce, la Cour opère quelques
précisions intéressantes s’agissant de
l’analyse des restrictions par objet.
Au plan des principes généraux,
l’arrêt critique tout d’abord le Tribunal
pour avoir décidé que l’existence
d’une restriction de concurrence par
objet ne devait pas être analysée “de
manière restrictive”, conclusion que
le Tribunal avait cru pouvoir tirer
du caractère “non-exhaustif” des
exemples donnés par l’article 101 §
1 du Traité sur le fonctionnement de
l’Union européenne. La Cour souligne
également l’importance de l’expérience
dans l’analyse des accords litigieux
pour évaluer l’existence a priori d’effets
suffisamment négatifs sur le marché.
S’agissant de la méthode
d’identification des restrictions par
objet, la Cour précise que le critère
juridique “essentiel” réside dans “la
constatation qu’une telle coordination
présente, en elle-même, un degré
suffisant de nocivité à l’égard de la
concurrence”. De jurisprudence établie,
ce constat doit ressortir clairement (i)
Lettre de la concurrence – No 46
de la teneur des dispositions de l’accord
en question, (ii) de ses objectifs, ainsi
que (iii) du contexte économique et
juridique dans lequel il s’insère. Un
apport majeur de l’arrêt est de préciser
que cette analyse en trois branches ne
se confond pas avec l’identification
des effets anticoncurrentiels potentiels
de l’accord. Ainsi, le contenu de
l’accord vise ses “termes mêmes” et ses
“objectifs” sont bien ceux directement
exprimés par les parties et non ceux,
indirects, qu’il est (souvent) possible
de soupçonner. Enfin, l’analyse du
“contexte” doit essentiellement
servir à conforter l’analyse des deux
premiers critères, c’est-à-dire, selon
l’avocat général Wahl qui avait pris
des conclusions dans cette affaire,
à conforter ou “neutraliser” les
conclusions découlant du contenu et
des objectifs de l’accord. On se souvient
à cet égard des trois hypothèses
pouvant “faire douter” de l’existence
d’une infraction par objet envisagées
par l’avocat général Trstenjak dans
ses conclusions sous l’arrêt BIDS:
(i) l’absence de concurrence ou de
concurrence suffisante entre les
parties à l’accord, (ii) l’existence
d’effets ambivalents sur la concurrence
(restriction et encouragement) de
l’accord et (iii) le caractère accessoire
de la restriction causée par l’accord par
rapport à son objet principal.
l’absence d’objet anticoncurrentiel
en l’espèce. Au passage, la Cour en
profite pour rappeler au Tribunal
qu’il doit, en tout état de cause, bien
contrôler la qualification juridique, par
la Commission, de données de nature
économique et donc implicitement ne
pas se contenter de corroborer – ou non
– les analyses économiques soumises
par les requérants.
Si l’arrêt de la Cour n’est pas exempt
d’incertitudes (la définition de ce
que constitue un “degré suffisant de
nocivité à l’égard de la concurrence” ne
manquera pas d’alimenter des débats
ultérieurs), la volonté de préciser la
grille d’analyse des restrictions par
l’objet est louable et va assurément
dans le bon sens quand on connaît
la tendance de la Commission à
recourir à cette qualification. La Cour
rappelle clairement que les facilités
procédurales qu’elle permet n’ont
pas vocation à s’appliquer aux cas
complexes et notamment à ceux pour
lesquels la Commission ne dispose
pas de suffisamment de recul. Au-delà
de la bonne nouvelle pour le droit de
la concurrence lui-même, cet arrêt
vient aussi rappeler aux entreprises
que l’alternative “objet/effet” demeure
davantage qu’une simple formule
rituelle sans portée.
En l’espèce, la Cour constate qu’au
lieu de conduire une telle analyse
“objective” du contenu et des objectifs
des mesures en cause, le Tribunal a
manqué, pour le premier, d’expliquer
en quoi leurs “formules” mêmes
faisaient clairement apparaître
un degré suffisant de nocivité à la
concurrence et, pour le second,
d’appréhender l’objectif poursuivi
tel que formulé par les parties. Or en
recherchant à la place en quoi les
mesures en cause étaient “susceptibles
de restreindre la concurrence”, le
Tribunal a confondu l’analyse de
l’objet avec celle des effets, faisant
par là même ressortir indirectement
Norton Rose Fulbright – Septembre-Octobre 2014 07
Competition newsletter – No 46
Groupement des cartes bancaires
case: curtailing restrictions by object
By a judgment of September 11, 2014, the Court of
Justice of the European Union (Court) set aside the
judgment of the General Court in which that court
dismissed an appeal of the Groupement des cartes
bancaires (Grouping) against a decision of the European
Commission (Commission) finding that the Grouping
had participated in an anti-competitive infringement
by object. Highlighting the inadequacy of the General
Court’s assessment of the infringement by object, the
Court provided clarity on the criteria which must be
present to justify a finding of an infringement by object.
Finding an infringement by object
offers undeniable advantages for the
Commission because it exempts it from
the need to demonstrate the anticompetitive effects of the challenged
practice. In some cases, this may be
understandable: offences might exist for
which the degree of harm is so obvious
that it is unnecessary to demonstrate
their effects - this may be the case for a
price fixing agreement, for example.
However, in recent years, the
Commission had been inclined to rely
more frequently on the categorisation
of infringements as being ‘by object’,
resulting in a lack of clarity on the
scope of this concept. The judgment of
the Court in the Groupement des cartes
bancaires case represents an end to this
trend, and thus restores the level of the
applicable standard of proof.
Created in 1984 to ensure the
interoperability of payment and
withdrawal systems with bank cards
issued by its members, the Grouping
was subject in October 2007 to a
decision of the Commission imposing
penalties (Decision) for participating in
an anticompetitive secret agreement.
The latter, introduced in 2002, aimed
to improve the operation of the
Grouping by establishing three financial
measures aiming to compensate, in this
two-sided market (bank card issuing
and new merchants acquisition), the
fact that some members had issuing
activities which were greater than their
acquisition activities.
In the Decision, the Commission
described the tariff measures of
anticompetitive infringements in
accordance with their object and
effects. Following the rejection by the
08 Norton Rose Fulbright – September-October 2014
General Court of its appeal against
the Decision, the Grouping lodged an
appeal before the Court. This proved
to be the right move since the latter set
aside the judgment of the General Court
considering the analysis carried out by
the General Court on the categorisation
of the infringement by object to be
insufficient. Beyond the present case,
the Court makes some interesting points
of clarification regarding the analysis of
restrictions by object.
In terms of general principles, the
judgment first criticises the General
Court for having decided that the
existence of a restriction of competition
by object should not be analyzed
“narrowly”, a conclusion that the
General Court had thought to draw
from the “non-exhaustive” nature of
the examples given by Article 101(1)
of the Treaty on the functioning
of the European Union. The Court
also emphasises the importance of
experience when analysing contested
agreements to assess the existence a
priori of effects that are sufficiently
negative on the market.
Regarding the identification method of
restrictions by object, the Court states
that the “essential” legal test lies in “the
finding that such coordination has, in
itself, a sufficient degree of harm with
regard to competition”. According to
settled case law, this finding should
make clear (i) the content of the
provisions of the concerned agreement,
Competition newsletter – No 46
(ii) its objectives, and (iii) the economic
and legal context in which it is involved.
A major contribution of the judgment is
to clarify that separating this analysis
into three limbs should not be confused
with identifying the potential anticompetitive effects of the agreement.
Thus, the content of the agreement
concerns those “terms themselves”
and the “objectives” are those directly
expressed by the parties and not
those, indirect, which (often) may be
suspected. Finally, the analysis of the
“context” is mainly used to reinforce
the analysis of the first two criteria,
that is to say, according to the Advocate
General Wahl who has delivered his
opinion in this case, to confirm or
“neutralize” the findings from the
agreement’s content and objectives.
It is useful to consider in this regard
the three hypotheses which could
cast “doubt” upon the existence of an
infringement by object contemplated by
the Advocate General Trstenjak in her
opinion in BIDS case: (i) the absence of
competition or sufficient competition
between the parties to the agreement,
(ii) the existence of ambivalent effects
on competition (restriction and
incentive) of the agreement and (iii)
the ancillary nature of the restriction
caused by the agreement in relation to
its main purpose.
the absence of any anti-competitive
object in this case. In addition, the
Court took the opportunity to remind
the General Court that it is required to
assess whether the evidence relied upon
by the Commission satisfies the legal
tests and must not simply reproduce –
and then implicitly corroborate, or not
– the economic analysis submitted by
the applicants.
While the judgment of the Court is not
free of uncertainties (the definition of
what constitutes a “sufficient degree
of harm with regard to competition”
would certainly feed into the debate),
the desire to clarify what constitutes a
restriction by object is commendable
and is certainly moving in the right
direction given the Commission’s
tendency to extend the ‘object’ box. The
Court clearly said that the procedural
benefits the ‘object’ box provides are
not intended to apply to complex
cases including those for which the
Commission does not have sufficient
insight. Beyond the good news for
competition law itself, this judgment
is a reminder for companies that the
alternative “object / effect” remains
more than just a ritual formula without
significance.
In this case, the Court found that
instead of conducting an “objective”
analysis of the content and objectives
of the measures at issue, the General
Court failed first, to explain whether
the evidence relied upon by the
Commission enabled it correctly to
conclude that the measures at issue
demonstrated a sufficient degree of
harm to competition and, second, to
understand the objectives pursued by
the agreement as set out by the parties.
By seeking instead to understand how
the measures at issue were “likely to
restrict competition”, the General Court
confused an object analysis with one of
effect, thereby indirectly highlighting
Norton Rose Fulbright – September-October 2014 09
nortonrosefulbright.com
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Mélanie Thill-Tayara
Associée
Droit de la concurrence et
Réglementation économique
Tél +33 1 56 59 52 52
[email protected]
Marta Giner Asins
Associée
Droit de la concurrence et
Réglementation économique
Tél +33 1 56 59 52 72
[email protected]
Lettre rédigée par des membres de l’équipe Droit de la concurrence
et Réglementation économique, notamment :
Mélanie Thill-Tayara
Marta Giner Asins
Yann Anselin
Lolita Berthol
Dylan Damaj
Sophie Pelé
Arnaud Sanz
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