Dossier d`accompagnement

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Dossier d`accompagnement
Théâtre de Privas
Scène Conventionnée / Scène Rhône -Alpes
Direction Dominique Lardenois
©Michel Klein
Dossier d’accompagnement
L’AVARE
Mise en scène Jean-Louis Martinelli
Avec Jacques Weber
MARDI 2 JUIN |20h30
MERCREDI 3 JUIN |19h30
Théâtre
DURÉE 2H30 environ
Place André Malraux
BP 623 – 07006 Privas Cedex
www.theatredeprivas.com
Pourquoi un dossier d’accompagnement ?
Le dossier d’accompagnement est un outil que nous mettons à votre
disposition pour vous donner des éléments sur le spectacle et la
compagnie qui l’a créé. Nous vous laissons le soin de vous emparer de
ces éléments pour sensibiliser les élèves avant le spectacle ou encore
continuer à le faire après la représentation.
Parce que votre parole est essentielle :
0
Parce que nous souhaitons connaître votre avis sur les spectacles que
vous êtes venus voir et parce que votre ressenti et le regard que vous
portez sur les propositions artistiques sont essentiels, l’équipe du
Théâtre de Privas vous invite à partager vos réflexions sur les spectacles.
Vos impressions et les productions plastiques des élèves sont les
bienvenus.
Contact
Elise Deloince
Relation avec les publics et communication
Tél. 04 75 64 93 44
[email protected]
L’AVARE
De Molière
Création en mars 2015 au Théâtre Montansier - Versailles
Mise en scène Jean-Louis Martinelli
Avec :
dans le rôle de :
Jacques Weber
Harpagon
Alban Guyon
Cléante
Marion Harlez Citti
Mariane
Rémi Bichet
Valère
Nathalie Schmidt
Frosine
Jacques Verzier
La Flèche
Sophie Rodrigues
Elise
Vincent Debost
Maître Jacques
Production Scène Indépendante Contemporaine (Sic), Théâtre Montansier-Versailles &
Compagnie Allers/ Retours
PISTES PEDAGOGIQUES
proposées par Jérôme André, professeur-relais
SOMMAIRE
I - PREMIERES RECHERCHES SUR LA PIECE
A - RÉSUMÉ
B - LISTE DES PERSONNAGES - DISTRIBUTION
C - LE PERSONNAGE PRINCIPAL : HARPAGON
II - REGARDS SUR LE PERSONNAGE DE L'AVARE
A - Hommes de théâtre
B - L’Avare, vu par un psychanalyste
C - Un article : L’Avare, miracles à rebours
III - NOTES D'INTENTION DE QUATRE METTEURS EN SCENE DE L’AVARE
1 - Premières notes de Jean-Louis Martinelli
2 - Note d’intention par Ludovic Lagarde
3 - Note d’intentions du metteur en scène Jean-Philippe Daguerre
4 - Note d’intention d'Alexis Moati et Pierre Laneyrie, Cie Le Vol plané
IV - DEUX CRITIQUES DE LA MISE EN SCENE DE MARTINELLI
1 - Geoffrey Nabavian, 11 mars 2015, site TLC (Toute La Culture)
2 - Critique de Thomas Ngohong, site Hier au théâtre, 7 mars 2015
3 - Présentation du spectacle pour le théâtre de La Rochelle (La coursive)
V - GROUPEMENT DE TEXTES : le thème de l'avare en littérature
VI - ICONOGRAPHIE
A - Couvertures et affiches représentant la pièce de Molière
B - Quelques célèbres interprètes d'Harpagon
VII - SITOGRAPHIE
I - PREMIERES RECHERCHES SUR LA PIECE
A - RÉSUMÉ
Harpagon, vieil avare tyrannique, a entrepris de réduire le train de vie de sa maison. Par la
pratique de l’usure, il continue à accroître sa fortune. Veuf, il abrite sous son toit ses deux
enfants : sa fille Élise et son fils Cléante. Au début de la pièce, nous apprenons qu’Élise est
amoureuse de Valère, le fils d’un noble napolitain exilé, cachant son identité sous un faux nom,
mais elle n’ose envisager un mariage sans l’accord de son père.
Valère, pour vivre auprès d’elle, a donc imaginé de se faire engager comme majordome
d’Harpagon. Cléante, quant à lui, souhaite épouser Mariane, jeune fille sans fortune vivant avec
sa mère. Harpagon, grâce à l’entremetteuse Frosine, nourrit lui aussi un projet matrimonial avec
la jeune fille. Tout chavire lorsque Cléante essaie de rassembler une grosse somme d’argent.
L’usurier qu’on lui indique n’est autre que son père !
Entre temps, Harpagon a dissimulé dans son jardin une cassette remplie de dix mille écus.
Cette somme ensevelie le tourmente de craintes si bien qu’il devient obnubilé par la peur d’être
volé. Son incessant manège a été repéré par La Flèche, le valet de Cléante, qui voit dans le coffre
une solution aux difficultés d’argent de son maître. Après avoir découvert que son fils se couvrait
de dettes, Harpagon apprend que ce dernier est épris de Mariane. Ainsi le père se trouve-t-il en
concurrence avec son fils. Sa fureur est alors portée à son comble. Il entend écarter son fils au
nom de l’obéissance due à l’autorité paternelle et l’obliger à s’engager dans un mariage contre
nature avec la riche veuve qu’il lui destine. Quand, peu après, il découvre qu’on lui a dérobé sa
chère cassette, il sombre dans un délire paranoïaque.
Il accable alors Valère dénoncé par un serviteur qui désire se venger du majordome. Valère, qui
ignore ce qu’on lui reproche, avoue vouloir épouser Élise. Alors que la tension monte
dangereusement en présence d’un commissaire venu enquêter sur le vol, tout va heureusement
se terminer. Valère fait connaître sa véritable identité et retrouve son père et sa soeur, qui n’est
autre que Mariane. Cléante épousera Mariane, Valère épousera Élise, tandis qu’Harpagon reste
seul avec sa cassette.
A partir de ce résumé, précisez à quel(s) type(s) de comédie appartient L'Avare :
Comédie de mœurs : elle dépeint une habitude de vivre, un comportement social et moral. La
comédie a alors une intention satirique ou polémique ou didactique. Elle dénonce une attitude
afin d'éduquer moralement "castigat ridendo mores", ou le rire corrige les mœurs. Ex. : Les
Précieuses ridicules de Molière ou la critique du pédantisme.
Comédie de caractère : c'est une catégorie du sous-genre précédent. Un personnage
généralement éponyme de la pièce montre un défaut, un trait de caractère.
Ex. : Tartuffe (Molière) ou l'hypocrisie religieuse, l'Avare.
Comédie d'intrigue : l'intérêt est centré sur les aspects sentimentaux ou comiques et sur le
dénouement heureux. Ex. : la Place Royale (Corneille).
B - LISTE DES PERSONNAGES - DISTRIBUTION
Comédie représentée pour la première fois à Paris sur le Théâtre du Palais-Royal le 9e du mois
de septembre 1668 par la Troupe du Roi
Personnages
Harpagon, père de Cléante et d’Élise, et amoureux de Mariane.
Cléante, fils d’Harpagon, amant de Mariane.
Élise, fille d’Harpagon, amante de Valère.
Valère, fils d’Anselme et amant d’Élise.
Mariane, amante de Cléante et aimée d’Harpagon.
Anselme, père de Valère et de Mariane.
Frosine, femme d’intrigue.
Maître Simon, courtier.
Maître Jacques, cuisinier et cocher d’Harpagon.
La Flèche, valet de Cléante.
Dame Claude, servante d’Harpagon.
Brindavoine, La Merluche, laquais d’Harpagon.
Un commissaire et son clerc.
La scène est à Paris, dans la maison d’Harpagon.
Activités proposées :
1 - Prendre connaissance des liens sentimentaux et hiérarchiques à partir de la liste des
personnages.
2 - Rechercher le sens des diverses fonctions citées :
Femme d'intrigue : héritière de la "maquerelle" (lena) de la comédie latine, l'entremetteuse est
exploitée au théâtre dans la comédie italienne
Courtier : Personne dont la profession consiste à mettre en relation vendeurs et acheteurs
(commerçants ou particuliers), moyennant un courtage, pour des opérations de Bourse ou de
commerce
Cocher : Conducteur d'un véhicule tiré par un ou plusieurs chevaux
Laquais : Valet en livrée, chargé d'escorter son maître ou sa maîtresse
On devine que les personnages désignés par leur titre ou par un surnom ne sont là que pour
servir l’intrigue (noter d’ailleurs l’expression « femme d’intrigue » pour qualifier Frosine,
désignant quelqu’un agissant secrètement dans les relations entre les personnages).
On constate que les mères des deux familles ne sont pas là.
3 - Quels semblent être les fils de 'intrigue à partir des désignations des personnages et leurs
relations?
Deux grands pôles sont visibles :
- les relations amoureuses : distinguer le sens d'amant (qui aime et est aimé en retour) et
d'amoureux (qui aime sans être payé de retour), et les sentiments plus ou moins partagé ; le
rôle de l'entremetteuse hérité de l'Antiquité
ex : conflit entre Harpagon et son fils Cléante, dans la mesure où le second est aimé de Mariane,
mais non le premier
- les relations d'argent : présence d'un courtier, d'un commissaire, ou les services d'une "femme
d'intrigue"
C - LE PERSONNAGE PRINCIPAL : HARPAGON
Rechercher le sens et l’étymologie du nom « Harpagon »
a - Dictionnaire historique de la langue française, Le Robert (dir. Alain Rey), 2006.
HARPAGON, ONNE n. m. et adj. Est attesté comme nom commun en 1696 et comme adjectif en
1719 ; il vient du nom propre Harpagon, personnage principal de L’Avare de Molière (1668),
emprunt au latin harpago « harpon » et au figuré « rapace », lui-même formé sur le grec ̔ α ρ π
α γ η ́ (harpagê) signifiant « rapine », « proie », « rapacité », de harpazein « piller », « enlever »,
mot d’origine indoeuropéenne, de la racine signifiant « crochu ».
Harpagon, terme littéraire, se dit d’un homme d’une grande avarice.
b - Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales
Harpagon, nom masculin
P. réf. au personnage ainsi nommé dans L'Avare de Molière] Homme d'une grande avarice. C'est
un harpagon! Quel harpagon! Un vieil harpagon. Cet harpagon de qualité qui alla trouver un
prédicateur célèbre pour le prier de faire un sermon contre l'usure (Jouy, Hermite, t. 3, 1813, p.
153).Vous ne connaissez pas tous les millionnaires ultramontains : ce sont de véritables
harpagons (Dumas père, Monte-Cristo, t. 2, 1846, p. 101).
Rem. On rélève le fém. harpagonne : Il serait sublime que la vieille harpagonne qui m'insulte (...)
eût été désignée pour payer mon terme (Bloy, Journal, 1900, p. 39).
REM.
Harpagonnerie, subst. fém. Défaut de celui qui est avare. Je sais d'où vous vient cette ardeur
d'harpagonnerie : vous en serez récompensée ici, quand vous verrez vos privations
métamorphosées en jouissances que vous ne soupçonnez pas (Balzac, Lettres Étr., t. 2, 1850, p.
437).
II - REGARDS SUR LE PERSONNAGE DE L'AVARE
A - Hommes de théâtre
Extrait d'une lettre de Jacques Copeau à Louis Jouvet, 17 juillet 1919
Il y a une chose que je veux te dire dès maintenant, parce que j'y pense depuis longtemps, et
parce que tu auras à y réfléchir. J'ai le désir de te faire jouer Harpagon. Naturellement j'ai une
conception de Jouvet dans Harpagon tout à fait différente de celle que j'avais indiquée à Dullin,
et dont l'interprétation générale de la pièce subira le contrecoup. Je ne veux rien te dire pour le
moment, afin de ne pas gâter tes propres pensées. Une indication générale seulement : un
Harpagon beaucoup plus bourgeois, beaucoup plus décent et par conséquent beaucoup plus
hypocrite (sans être mielleux). Le ton de l'interprétation beaucoup plus austère. Un beau
vieillard. Un beau veuf. Pense à cela. Et dis-moi si ça te fait plaisir.
Extrait de la réponse de Louis Jouvet à Jacques Copeau, dimanche 20 juillet 1919
La misère de l'Avare est dans son âme et dans l'âme même – l'atmosphère de la maison – non
sur les habits d'Harpagon. De là doit venir le grotesque et le tragique. Beaucoup de traits que je
prenais pour des accents de comédie italienne comme on en rencontre dans d'autres oeuvres
de Molière, me semblent maintenant d'une logique, d'un naturel dans le personnage qui le
transforme tout à coup ("Montre-moi tes mains... les autres ?") etc. et lui donne un caractère
plus profondément humain. Je vous dis ça très mal. Je ne vois pas encore "l'hypocrite" – je
comprends "austère". Je ne pense pas à une passion qu'il a pour l'argent – ou du moins il faudrait
donner à "passion" le sens abstrait du XVIIè. C'est une sorte de maladie de l'argent – qui le rend
stupide et dur, et égoïste à un degré magnifique.
Je sens une sorte de stupidité aussi et de mécanisme en lui - quelque chose comme un organe
humain exceptionnel – hypertrophié à un degré tel – qu'il n'est que psychologiquement un
monstre et que le "sans dot" [scène 5 de l’Acte I, entre Harpagon, Valère et Elise, à propos du
mariage imaginé par Harpagon entre Elise et Anselme] dans la scène est d'un simple
enchaînement, de logique dans sa pensée – qui est vraiment le sublime.
Jean-Luc Martinelli, Premières notes
Ce bouffon paranoïaque manipulateur manipulé n’en sera pas pour autant antipathique ; tout
son désespoir et sa noirceur en révèleront la tristesse d’un homme passé à côté de son existence.
B - L’Avare, vu par un psychanalyste
© Gérard Wajcman, Collection, suivi de L’Avarice, Editions Nous, 2014
L’Avarice
L'Avare, dans sa figure, est un despote. En sa maison, ailleurs, avec tous, partout, tout le temps,
par nature. Despotisme implacable, impitoyable. Insupportable. L'Avare impose un ordre de fer.
D'or. (...)
L'Avare qui plie tout à sa passion, tyran domestique ? Sans doute. Mais pourquoi ne pas le
regarder sous un autre jour ? Plus haut. D'un despotisme du désir. L'Avare en animal désirant.
Que l'objet de cette passion soit l'Or, on peut s'en plaindre, la condamner ou la vomir, mais pas
nier qu'elle s'orne de tous les traits de la passion amoureuse, enfiévrée, jalouse, y incluant une
part physique et sensuelle, avec ébats amoureux et plaisir quasi orgasmique. Traits qui,
d'ailleurs, forment le visage obscène de l'Avarice. Rien, sur ces points, ne permet de séparer
l'Avare du commun des fétichistes (...). L'un et l'autre ont une vertu heuristique : ils montrent
que le désir est suspendu à un objet unique et singulier ; qu'il est conditionné absolument. En
cela, il faut dire de l'argent, pour l'Avare, non qu'il l'aime mais qu'il le désire. D'abord parce que
quand on aime on ne compte pas, ensuite parce que si l'amour s'entretient de n'importe quel
signe, le désir ne se suspend qu'à la particularité extrême.[…]
Mais le désir est despotique, Sade le fait savoir. L'Avare veut plier le monde sous l'empire de son
désir. Changer l'ordre du monde plutôt que son désir. Moment de placer que le mot "avare"
vient de l'ancien français "avere" qui signifiait "désirer vivement". Que l'Avare est homme de
désir, cela éclate, en creux, dans le quiproquo entre Valère (qui parle de son amante, la fille
d'Harpagon), et Harpagon.
VALÈRE : Tous mes désirs se sont bornés à jouir de sa vue ; et rien de criminel n'a profané
la passion que ses beaux yeux m'ont inspirée.
HARPAGON : Les beaux yeux de ma cassette ! Il parle d'elle comme un amant d'une
maîtresse.[…]
L'Avare courant partout en criant "Ma cassette ! Ma cassette !", ça fait rire. Pourquoi ?
Peut-être parce que, aux yeux de tous, voici soudain le désir qui surgit avec l'objet de ce désir.
Tout cru. Sans voile. Un diable sautant tout nu hors de sa boîte - de sa cassette - au beau milieu
d'un parterre de gens très bien venus en beaux habits prendre un plaisir élevé au théâtre. Ça fait
rire. Ça pourrait être obscène, effrayant aussi, hideux, comme le visage avéré du péché. (...) La
figure de l'Avare dresse une figure irregardable du désir. Appelons ça, donc, sa face sadienne :
qu'il n'y a nulle démocratie du désir, que tout désir présente un visage, souterrain et obscur,
plus qu'obstiné (trait que Freud, d'ailleurs, associe à l'Avarice), impatient, impératif, impérieux,
impitoyable, tyrannique, asservissant, avilissant, brutal, criminel voire meurtrier. Disons, au
moins, le désir n'est pas généreux, il ne partage pas.[…]
Molière en savait un bout sur l'Avare ; c'est sans doute que l'Avare, lui, en sait un bout sur le
désir (ressort essentiel de l'intérêt de Molière pour l'Avare ?) Ironie, voici l'Avare élevé en Figure
de vérité sur les âmes en proie au péché. Contrairement au commun des mortels, l'Avare sait ce
qu'il veut, clair sur son désir. Non seulement il sait ce qu'il veut mais cela lui donnerait une
pénétration sur ce qui s'agite au plus intime de chacun.
C - Un article : L’Avare, miracles à rebours
Les enfants dépensent, les vieux préservent et les valets édifient un ou plusieurs stratagèmes
capables de rétablir l'harmonie. Le vieux est un vert-galant, rival de son fils, lui-même jeune
timoré, et le nœud de la pièce se tourne donc nécessairement sur la question matrimoniale et
domestique. Costume, physique, ton de voix, séquences gestuelles fixes, situations attendues,
on sait d'emblée que L'Avare de Molière est une comédie standard. D'antiques problèmes,
venus de Plaute et que Molière adapte à la société moderne, y sont traités : comment dépenser
le moins possible lorsqu'on est vieux (Harpagon a soixante ans bien comptés) ? Comment
profiter d'une dot pour soi et ne pas avoir à en débourser une pour sa fille ? Harpagon interdit
donc aux jeunes l'accès aux femmes, à la dépense, à la consommation, à l'échange social, au
dehors. Son univers d’accumulation refuse tout véritable échange social et se referme sur un
monde sans plaisir où il n'est question que de conserver le patrimoine (ce que le père a amassé).
Il est seul (le personnage d'Anselme n'étant qu'un artifice de théâtre venu in extremis) face aux
jeunes gens, nombreux : il accumule, ils ont faim de tout et veulent tout dépenser.
Harpagon concrétise ainsi la vieillesse de comédie jusqu'à l'épure. Il est la préservation faite
homme et les jeunes gens, Cléante en tête, sont la dépense incarnée. Et en deux mots, deux
univers s'affrontent : celui de l'usure et celui du commerce (dans tous leurs sens). Mais, au-delà
de la peinture d'une folie qui s'écarte du monde et de la sanction morale qu'on peut
raisonnablement lui appliquer, il y a, dans cette pièce, d’autres questions. Qu'est-il dit en effet
dans L'Avare, non plus du personnage, mais du monde ? Qu'il est fondé sur les principes de
l'aveuglement, de la surdité, de la parole intenable, du goût perverti, des apparences
trompeuses, de l'isolement de chacun et de la cruauté de tous. Bref, il s’agit du monde que nous,
spectateurs du XXIe siècle, connaissons fort bien…
Que faire des gens âgés qui se croient encore si jeunes ? Malgré ses soixante ans, Harpagon
joue au jeune homme et, se posant en rival de son propre fils, veut épouser Mariane. S'appuyant
sur l'idée, fort légitime au XVIIe siècle, que le père de famille est le roi absolu de ses enfants, il
détourne ce principe et le rend exorbitant en privant son fils de ce qu'il désire. Vieux de nature,
Harpagon veut ainsi être aussi jeune en ne perdant pas ce qu'il estime être les qualités de la
vieillesse : il veut être tout à la fois, père absolu et mari absolu, beau comme un adolescent et
superbe comme un vieillard, riche et aimé.
Comment prendre ses distances avec cette cérémonie sociale, festive et parfois religieuse
qu’est le mariage ? Une comédie se termine généralement par une union matrimoniale
concrétisée par le départ des personnages pour une cérémonie, un banquet final qui célèbre
l'harmonie retrouvée. Or, dans L'Avare, Molière reprend ces éléments institutionnels,
dramaturgiques et esthétiques pour les mettre en débat en cours de pièce, les miner en les
soupesant, les corroder par le rire en les mesurant à l'aune de la dérision.
Le contrat matrimonial est traité comme un jeu de dupes, et à chaque moment de la pièce, ces
"choses les plus sacrées" que sont les paroles de futur (les fiançailles), le mariage (l'inclination
et l'intérêt), le contrat lui-même et la cérémonie de mariage (le banquet) sont pris dans le
désordre du caractère d'Harpagon si bien que toutes les instances et les valeurs qui font
l'essence de la cérémonie matrimoniale sont retournées : le mariage du père n'est ni vrai ni
juste, il n'induit ni amour, ni foi, ni charité, ni espérance, ni justice. Et si pour les enfants le
mariage est fondé sur l'inclination, il est la résultante d'un détournement voire d'un vol (la
bague), d'un stratagème (Frosine) ou d'un hasard théâtral (la reconnaissance), enfin il se fait en
l'absence du consentement du père de famille par des enfants qui se moquent de l'héritage
comme de la malédiction paternelle.
Mais il y a plus grave encore. Le repas, l'invitation que fait Harpagon, est discutée elle aussi très
tôt, mesurée, évaluée, et c'est cette mesure pécuniaire et avaricieuse qui pervertit l'ensemble.
Que demande donc Harpagon à son cuisiner-cocher ? De faire des miracles, illusoires et
théâtraux, de faire de la profusion une rareté (paradoxe), de rendre le vin rare (au contraire des
noces de Cana), de transformer le vin en eau (au contraire de la cène, cette autre scène...), de
ne pas multiplier les pains, de ne pas donner les restes (de ne pas faire charité), de cacher la
pauvreté sous le déguisement de l'apparence (de dissimuler malhonnêtement), bref d'utiliser
toute son habileté pour enfreindre ce qu'un banquet de mariage, une cérémonie et une cène
peut être.
Et pour ce faire, Harpagon s'appuie sur un discours médical dont on sait à quel point il est
dégradé chez Molière : le pain, le vin et le festin deviennent ainsi des haricots (ce qui fait du
vent) et du pâté aux marrons (de la lourdeur). Le sens de la nourriture, symbole de profusion,
s'inverse et devient synonyme de rareté, une rareté qu'on ne donne pas, qu'on suspend, non
parce qu'il n'y a rien mais parce qu'on la garde pour soi, qu'on ne la partage pas. Plus loin, à
l'acte V, la nourriture, le cochon de lait, est un objet qu'on torture et qu'on dévore pour soi, sans
partage ni justice véritable, puisque la justice est, si l’on peut dire, une farce.
La pièce met alors en scène l'avarice sous la forme de la préservation du monde pour soi seul
au détriment d'autrui, contre les autres. Le banquet harmonieux et le contrat matrimonial sont
ainsi pervertis par le rire et marquent la dysharmonie du monde imposée par Harpagon. Et seul
un coup de théâtre résoudrait l'intrigue ? Autant dire un artifice évident, non-vraisemblable et
irréel, édifié in extremis sur les ruines d'un univers en désordre... Que reste-t-il alors de la vérité,
de la vertu, de la justice et des valeurs ? Pas grand-chose…
Le théâtre a donc réussi à rendre possible l'impossible, que la dépense et la préservation
coexistent, qu'un vieil impuissant épouse symboliquement une vierge, que l'argent circule et
reste enfermé. Le théâtre a permis à la société représentée sur scène de laisser le fou vivre sa
folie par l'artifice sans se prononcer sur la vérité morale, sans proposer un véritable système
social, ou plutôt en montrant que tout est illusoire et qu'on peut en rire. Impunément, Molière
s'est moqué des choses les plus sacrées, de la vérité et du théâtre lui-même. Par le rire et grâce
à la notion de divertissement, Molière dénonce et accepte par le théâtre la folie, la raison, la
cassette libidineuse et le monde comme il va. Là est la violence diabolique de son théâtre.
III - NOTES D'INTENTION DE QUATRE METTEURS EN SCENE DE L’AVARE
Travail : observer comment chacun des metteurs en scène pense son personnage, comment il
perçoit la modernité de la pièce ; trouver des points convergents ou divergents,…
1 - Premières notes de Jean-Louis Martinelli
Lundi 16 septembre 2013 - Premières notes
Depuis des lustres Harpagon accumule, retient, épargne, amasse.
Au-delà de la raison il préserve ses biens et n’a de cesse d’en mettre « sous le tapis ».
La vitalité des plus jeunes, guidés par la dépense vestimentaire et sexuelle notamment, le
menace.
Il convient de déjouer leur plan et Harpagon en deviendra tour à tour rusé, féroce à force de
vouloir tout maîtriser et ne rien lâcher. Ce bouffon paranoïaque manipulateur manipulé n’en
sera pas pour autant antipathique ; tout son désespoir et sa noirceur en révèleront la tristesse
d’un homme passé à côté de son existence.
L’énergie déployée à amasser aura finalement été celle qui aura creusé sa propre tombe. Entre
le vieux et les jeunes que tout oppose : les valets, dont le jeu consistera à tirer le maximum de
bénéfices de leur entremise. Ils tireront les ficelles de cette comédie humaine dont nous savons
qu’un jour les jeunes joueront le rôle des vieux, les petits celui des grands, et qu’il y a fort à
parier que l’histoire se reproduise.
2 - Note d’intention par Ludovic Lagarde
Aussi étrange que cela puisse paraître, c’est comme si j’avais découvert Molière en relisant
L’Avare ces derniers mois. J’ai été frappé par la beauté de cette prose, la violence comique d’une
pièce où, si la farce n’est jamais loin, elle n’en rend que plus cruelles l’âpreté des rapports et la
rudesse des enjeux.
Au centre du dispositif, l’avarice, donc la rétention. Ce n’est pas qu’il n’y a pas d’argent ici, au
contraire – mais il ne circule pas. Il n’a plus de valeur d’usage. Il semble être devenu l’objet d’un
culte mortifère. Tout peut être sacrifié à l’argent, puisque rien d’autre ne compte, rien ne vaut,
plus rien n’a de prix… rien que l’argent, justement. Pour cette nouvelle morale, un seul impératif,
catégorique comme il se doit : sans odeur, invisible, l’argent doit engendrer l’argent, toujours
plus. Sans que personne n’en jouisse. Sauf l’avare, puisque son bien est très exactement un
argent qui ne sert à rien sinon à le faire désirer, lui. Aussi dans le grand écart entre les masses
d’argent accumulé et le manque vécu, subi, de toute monnaie d’échange, c’est toute la microsociété régie par l’avarice qui se dérègle, et littéralement s’affole, fièvre panique : il faut trouver
de l’argent coûte que coûte, puisque la pénurie fictive est devenue la seule réalité partagée. Il
semble bien qu’on ne s’en sorte pas, chez les maîtres comme chez les valets, pour le père comme
pour ses enfants, tout tourne autour de cet argent construit en obsession. Et sans surprise,
l’amour n’est pas épargné.
Sauve qui peut !
Difficile de renvoyer la pièce de Molière au seul XVIIème siècle… pourtant ce serait tentant, car
jamais l’avarice n’est avouable, pas plus aujourd’hui qu’hier. Mais elle a traversé le temps, et si
l’on pense au roman du XIXème, au père Grandet de Balzac par exemple, un Don De Lillo pourrait
aujourd'hui nous en raconter l'histoire. Celle d'un adorateur mystique, ascétique et malade de
l’argent qui plus que jamais nous fait rêver, nous manque, nous fait souffrir ou nous obsède. C'est
avec Laurent Poitrenaux, Christèle Tual, Julien Storini et le nouveau collectif de la Comédie,
Marion Barché, Myrtille Bordier, Louise Dupuis, Alexandre Pallu et Tom Politano, que nous
approcherons cet Avare familier, bien trop paranoïaque et sadique pour être simplement
grotesque, et la société en crise qu’il ordonne, où l’argent règne en despote. Sans perruque ni
chandelier.
Photo Pascal Gély
3 - Note d’intentions du metteur en scène Jean-Philippe Daguerre
Aimer le Théâtre c'est aimer Molière et réciproquement.
« L'Avare » est un chef d'œuvre de Molière et donc un chef d'œuvre du Théâtre... tout le monde
le sait mais cela ne coûte rien de le redire et c'est tout l'art de Molière de s'amuser de la folie
des Hommes, qui s'exprime à travers ce chef d'œuvre classique si moderne.
Quelle réjouissance donc pour l'amoureux que je suis du Théâtre de Molière que de s'attaquer
à la mise en scène de cette pièce mythique, de ce furieux et spectaculaire bric-à-brac
tragicomique.
Outre la jubilatoire analyse psychiatrique de l'avarice à travers le personnage d'Harpagon et la
formidable exposition du conflit des générations, la pièce se distingue par un foisonnement
théâtral qui mêle intrigues amoureuses et familiales dans un style où Molière se régale à réunir
le langage naturel d'Harpagon et celui plus sophistiqué des autres personnages.
Mais le grand génie de Molière, c'est avant tout de réussir à faire rire le public avec un
personnage principal odieux, tyrannique, égoïste et maladivement...avare.
Dans ma vision scénique de « l'Avare », Harpagon erre avec force et énergie dans sa maison
hantée par l'avarice où chaque meuble et chaque objet est protégé de l'usure par un tissu gris
qui habille également ses fantômes de serviteurs.
Pour que le comique de la cruauté d'Harpagon s'exprime au delà de son comportement maladif
et son discours tyrannique, il me semble important de mettre en lumière l'humanité de son
entourage et les caractères beaucoup plus complexes qu'ils ne paraissent, de ces personnages
dit secondaires (Elise, Marianne, La Flèche, Dame Claude...).
Enfin je veux que la pièce se joue au rythme soutenu de son personnage principal dont
l'excellente santé physique porte furieusement les décombres de sa santé mentale.
4 - Note d’intention d'Alexis Moati et Pierre Laneyrie, Cie Vol plané
L’aveu de la représentation et le jeu des conventions
Le 11 mars 2008, nous jouons la première du Malade imaginaire au Théâtre de la Calade, à Arles.
Au départ, ce projet est pour nous un laboratoire du travail sur le jeu de l’acteur. Nous avions
envie de nous imposer des contraintes fortes (quatre acteurs, pas de décor, pas de costumes,
un plein feu) afin de se mettre quasiment dans l’impossibilité de jouer la pièce.
Nous avons donc construit un dispositif rudimentaire : un espace tracé au sol de six mètres sur
cinq, huit chaises, deux fauteuils, une chaise roulante et un écran vidéo. Toute la régie du
spectacle est gérée par les acteurs à partir du plateau. Les personnages sont repérés par un
système de marquage. Autour de nous, sur trois côtés, au plus proche, les spectateurs. La jauge
est volontairement limitée. […]
Deux saisons plus tard, après plus de cent représentations, ce spectacle, que nous avons conçu
comme du « théâtre d’intervention », construit dans la plus grande urgence, a rencontré un
écho inespéré et ouvert chez nous un appétit toujours plus grand.
Cherchant à prolonger le projet, l’idée nous vient naturellement de repartir en répétitions sur
un autre Molière, pouvant se jouer avec les mêmes acteurs, pour pouvoir alterner
indifféremment les deux pièces, en diptyque. Commencer à se constituer un « répertoire ».
L’Avare s’impose assez vite comme le meilleur écho au Malade imaginaire : même figure
centrale de folie, rapports tyranniques à la filiation, mariage forcé, abîmes et vertiges de la
raison...
Tout en retrouvant l’impureté de style, les mélanges de genre qui nous avaient séduit et conduit
dans notre choix, Le Malade est plus une comédie tragique, L’Avare une tragédie comique. Argan
et Harpagon se contemplent l’un et l’autre, frères monstrueux, en un miroir grimaçant, celui
d’une monstrueuse inhumanité, tellement paroxystique qu’elle devient trop humaine,
universelle.
Miroir inversé de deux pathologies, celle d’un Argan égocentrique, tourné vers lui-même,
aveugle, alors qu’Harpagon n’est qu’un œil acéré, s’oubliant lui-même dans la surveillance
paranoïaque du monde. Nous allons repartir en répétitions, à cinq acteurs cette fois, sans
scénographe, sans éclairagiste, sans costumier, sans autre force que le verbe et l’invention
nécessaire à toute liberté, l’insolence.
IV - DEUX CRITIQUES DE LA MISE EN SCENE DE MARTINELLI
Travaux possibles :
- repérer les termes évaluatifs qui servent à apprécier la pièce et ses diverses composantes (jeu
des acteurs, rythme, scénographie, choix de mise en scène,…)
- à votre tour, vous composerez une critique de la pièce vue au théâtre, en visant à en apprécier
les aspects positifs (et/ou négatifs) ; vous pouvez également centrer votre analyse sur le
personnage de l'avare et son interprétation par Jacques Weber
- compte rendu oral : à partir de la lecture des deux critiques, exprimez vos réactions et votre
adhésion (ou non) à ce que les chroniqueurs ont pensé de la pièce
1 - Geoffrey Nabavian, 11 mars 2015, site TLC (Toute La Culture)
http://toutelaculture.com/spectacles/theatre/a-versailles-jean-louis-martinelli-reveille-lavareet-son-intelligence/
A Versailles, Jean-Louis Martinelli réveille « L’Avare » et son intelligence
Coup gagnant pour cette mise en scène pas farcesque, pas précipitée, du classique de Molière.
En se plaçant au niveau des mots et de leur concret, Jean-Louis Martinelli convoque le côté sobre
de cette comédie. Et l’humour, lui, vient tout seul. Quelques piétinements ne gâchent pas le
plaisir qu’on prend. Une création en coproduction avec le Théâtre Montansier, à voir ensuite en
tournée.
La situation de départ de cet Avare-là sent la vieillesse et la fatigue. Le fils d’Harpagon, Cléante
(Alban Guyon), n’est plus un tout jeune homme. Et voilà qu’il déclare à sa sœur, dans la scène 2,
qu’il « aime »… N’aurait-il jamais « aimé » ? A son âge ?… Puis entre ledit Harpagon. Jacques
Weber l’habite avec grand talent. Mi-gros nounours, mi-vieil aigri menaçant. On sent qu’il a
contraint tous les corps à l’ascétisme, dans sa maison de bois poussiéreuse, bien fermée… Cette
mise en scène-là se situe au niveau des corps et des mots. A la limite du naturel pur. On ne
s’étonne pas que La Flèche (charismatique Jacques Verzier) soit habillé en voyou classe. Pas
d’effet comique superflu : c’est avec les sentiments qu’on traite. Que l’on se débat. Dans le
public, on peut tendre l’oreille, on entend tout. Très bien. On ressent même superbement la
plainte larmoyante du Maître Jacques campé par Vincent Debost, à propos de ses chevaux…
Et l’évolution qu’on attend intervient. Au troisième acte. Car les corps se libèrent. Et Jacques
Weber de nous offrir un sublime, sublime numéro physique de vieil homme. Et Alban Guyon de
mettre aussitôt son grain de sel avec superbe. Et Rémi Bichet, qui campe Valère, d’asséner une
belle série de coups à notre Maître Jacques… Le corps d’Harpagon s’effondrera bientôt, comme
soudain incapable de parler. Et on pourra rire. Car l’évidence est là : en ayant campé un cadre
sérieux et juste au début, Jean-Louis Martinelli a permis au décalage et à l’humour de s’inviter.
Simple. Et excellent.
On aurait bien aimé une toute petite suggestion sur la raison qui a conduit cet Harpagon à la
sécheresse, mais bon… Dans le deuxième acte, le parti-pris verse à quelques moments dans
l’uniformité… Et si la situation choisie pour le moment des révélations finales rend le
dénouement un peu confus, il n’en reste pas moins que le plaisir est là. Intelligent et juste. Et
qu’il sait donner un bel éclat, entre tristesse et drôlerie, à cette comédie de Molière qu’on a vu
tant de fois montée de façon balourde.
2 - Critique de Thomas Ngohong, site Hier au théâtre, 7 mars 2015
https://hierautheatre.wordpress.com/2015/03/07/jacques-weber-ce-sale-gosse-dharpagon/
Au Montansier, Jean-Louis Martinelli offre à Jacques Weber le rôle d’Harpagon dans sa nouvelle
création de L’Avare. Tel un grand gamin, le colosse s’octroie une cure de jouvence et revient
dans une forme olympienne en bouffon vénal et néanmoins si humain. Une réussite.
Dans une bâtisse en bois clair où les persiennes éclairent avec délicatesse l’intérieur d’une
famille en pleine ébullition, Élise et Cléante fomentent des projets amoureux secrets. Tandis que
la sœur fait entrer Valère dans la maisonnée au titre d’intendant en chef, le frère souhaite
épouser Mariane, une jeune femme vertueuse mais sans le sou. Sauf qu’Harpagon, avare
comme pas un, a des desseins bien arrêtés : tandis qu’il se mariera avec Mariane, ses deux
enfants s’uniront à de vieux nantis. Cachant précieusement une cassette de dix mille écus au
fond de son jardin, Harpagon délaisse sa famille pour se concentrer sur la fructification de ses
revenus. La comédie de Molière condamne férocement la monomanie financière et se fait
l’avocate de l’amour désintéressé dans une succession de savoureux quiproquos.
Martinelli choisit d’ancrer son Avare dans un monde résolument contemporain par le biais
vestimentaire : perfecto stylé, pantalon de créateur au goût douteux, costume élégant ou
chemise relâchée. En transportant l’intrigue de nos jours, l’ancien directeur des Amandiers
pointe du doigt le capitalisme exacerbé de notre société vouant un culte à l’argent qui régule les
relations humaines. Recevoir sans rien donner, voici un credo qui n’a pas vieilli en trois cents
ans. Cette mise en scène pleine de cachet tient la barre haute au niveau de la direction d’acteurs.
En y réfléchissant bien, confier le rôle éponyme de ce paranoïaque maladif et bougon à Jacques
Weber dont la physionomie avenante génère de la sympathie relevait du défi. Au final, quelle
idée du tonnerre ! Weber revient plus en forme que jamais et se pavane comme un roi sur scène
avec une aisance communicative. La stature imposante de l’acteur contraste singulièrement
avec son comportement de gosse agité et narquois. L’admirer tirant la langue, minaudant ou
faisant le vieux beau n’a pas de prix. Facétieux comme un diable, Weber semble réellement
s’amuser sur le plateau dans une partition difficile à tenir. Il parvient à rendre Harpagon
attachant dans ses extrémités et sa crise cardiaque finale accentue atrocement la solitude d’un
être passé à côté de son existence.
Le reste de la troupe est à l’avenant : on retiendra l’interprétation gourmande de Christine Citti
dans la peau de Frosine, l’entremetteuse bravache et celle d’Alban Guyon, improbable Cléante
clownesque. Le jeu choral carbure à plein régime malgré quelques légères baisses de tension et
le plaisir pris à se lancer dans cette aventure est palpable pour le public.
Ainsi, cet Avare semble promis à un grand succès et signe le grand retour sur scène d’un Jacques
Weber au top de ses capacités physiques. Portant avec brio sur ses épaules la version de
Martinelli, le comédien permet néanmoins à ses camarades d’évoluer harmonieusement à ses
côtés. Un classique qui se déguste sans broncher.
3 - Présentation du spectacle pour le théâtre de La Rochelle (La coursive)
A des fins de comparaison, vous montrerez comment ce texte de présentation reste purement
informatif, exception faite du jugement mélioratif porté sur les deux "monstres" de théâtre. On
peut imaginer aussi un travail d'écriture portant sur une présentation de la pièce dans le cadre
d'une programmation : ceci peut également être une manière d'en vérifier la compréhension et
de mettre l'accent sur les éléments essentiels de la comédie de Molière.
C’est porté par deux monstres de théâtre que L’Avare parachèvera la saison théâtrale de La
Coursive. Le premier est un metteur en scène historique, Jean-Louis Martinelli, ayant tour à tour
dirigé les théâtres de Lyon, Strasbourg et Nanterre, signé depuis les années 70 un nombre
impressionnant de pièces marquantes et fait jouer ce que la France compte de grands acteurs.
Le second est un ogre, de ces comédiens dont la présence seule irradie la scène et brûle la
pellicule. Jacques Weber, aussi à l’aise en Cyrano sur les planches que dans les comédies les plus
truculentes au cinéma. Weber en Harpagon… un fantasme d’amoureux de théâtre.
Omniprésent, le pingre le plus célèbre de la littérature est un tyran domestique doublé d’un
mufle, un chef de famille qui a réussi dans les affaires d’argent et pense pouvoir s’acheter la
douceur conjugale pour ses vieux jours, au mépris même de ses propres enfants. Quand père et
fils désirent la même personne…
Pour ne pas régler de dot, le vieil Harpagon interdit aux jeunes l’accès aux femmes, à la
dépense et à la consommation. Son univers clos d’accumulation refuse tout véritable échange
social et se referme sur un monde sans plaisir où il n’est question que de conserver le
patrimoine. En face, la jeunesse a faim de vie et veut tout dépenser. Deux univers s’affrontent,
celui de l’usure et celui du commerce des hommes, avec tout le génie burlesque de la mécanique
de Molière: les enfants dilapident, les vieux préservent et les valets édifient des stratagèmes
pour rétablir l’harmonie.
V - GROUPEMENT DE TEXTES : le thème de l'avare en littérature
TRAVAUX
1 - Relever les points communs entre ces portraits. Comment se définit la figure de l'avare?
Quels traits dominants se retrouvent dans les divers textes? Sur quoi repose l'archétype de
l'avare?
2 - Demander aux élèves s’ils connaissent d’autres figures d’avares, par exemple dans
l’univers des dessins animés.
On peut penser à la figure de Balthazar Picsou (« oncle Picsou »). Apparu en 1947, il se nomme
Scrooge Mc Duck (en référence au personnage de Dickens) aux États-Unis ; en France, il s’est
d’abord appelé oncle Harpagon. Dans The Simpsons, le milliardaire Charles Montgomery Burns
offre un savoureux portrait d’avare.
3 - Dans une perspective comparatiste (ou de la noion de réécriture en Série L), on peut
s'attacher plus précisément aux versions antiques et modernes, en les rattachant aux
caractéristiques du Classicisme (comment dire mieux ce que les auteurs anciens ont déjà
pensé) : fable de La Fontaine revisitant et augmentant celle d'Esope ; réécriture et
transposition de la Marmite de Plaute par Molière.
1 - Esope, Fables, fable 144, De l'avare et du passant
Un Avare enfouit son trésor dans un champ ; mais il ne put le faire si secrètement qu’un Voisin
ne s’en aperçût.
Le premier retiré, l’autre accourt, déterre l’or et l’emporte.
Le lendemain l’Avare revient rendre visite à son trésor. Quelle fut sa douleur lorsqu’il n’en
trouva que le gîte ! Un dieu même ne l’exprimerait pas. Le voilà qui crie, pleure, s’arrache les
cheveux, en un mot se désespère. À ses cris, un Passant accourt.
Qu’avez-vous perdu, lui dit celui-ci, pour vous désoler de la sorte ?
Ce qui m’était mille fois plus cher que la vie, s’écria l’Avare : mon trésor que j’avais enterré près
de cette pierre.
Sans vous donner la peine de le porter si loin, reprit l’autre, que ne le gardiez-vous chez vous :
vous auriez pu en tirer à toute heure, et plus commodément l’or dont vous auriez eu besoin.
En tirer mon or ! s’écria l’Avare : ô ciel ! je n’étais pas si fou. Hélas ! je n’y touchais jamais.
Si vous n’y touchiez point, répliqua le Passant, pourquoi vous tant affliger ? Eh, mon ami, mettez
une pierre à la place du trésor, elle vous y servira tout autant.
(format audio sur deezer : http://www.deezer.com/track/268553)
2 - Jean de La Fontaine, Fables, L’avare qui a perdu son trésor, livre IV, 20, 1668
L'usage seulement fait la possession.
Je demande à ces gens de qui la passion
Est d'entasser toujours, mettre somme sur somme,
Quel avantage ils ont que n'ait pas un autre homme.
Diogène là-bas est aussi riche qu'eux,
Et l'avare ici-haut comme lui vit en gueux.
L'homme au trésor caché qu'Ésope nous propose,
Servira d'exemple à la chose.
Ce malheureux attendait,
Pour jouir de son bien, une seconde vie;
Ne possédait pas l'or, mais l'or le possédait.
Il avait dans la terre une somme enfouie,
Son cœur avec, n'ayant autre déduit
Que d'y ruminer jour et nuit,
Et rendre sa chevance à lui-même sacrée.
Qu'il allât ou qu'il vînt, qu'il bût ou qu'il mangeât,
On l'eût pris de bien court, à moins qu'il ne songeât
A l'endroit où gisait cette somme enterrée.
l y fit tant de tours qu'un fossoyeur le vit,
Se douta du dépôt, l'enleva sans rien dire.
Notre avare, un beau jour, ne trouva que le nid.
Voilà mon homme aux pleurs : il gémit, il soupire,
Il se tourmente, il se déchire.
Un passant lui demande à quel sujet ses cris.
« C'est mon trésor que l'on m'a pris.
Votre trésor ? où pris ? - Tout joignant cette pierre. Eh ! sommes-nous en temps de guerre
Pour l'apporter si loin ? N'eussiez-vous pas mieux fait
De le laisser chez vous en votre cabinet,
Que de le changer de demeure ?
Vous auriez pu sans peine y puiser à toute heure.
A toute heure, bons Dieux ! ne tient-il qu'à cela ?
L'argent vient-il comme il s'en va ?
Je n'y touchais jamais. Dites-moi donc, de grâce,
Reprit l'autre, pourquoi vous vous affligez tant,
Puisque vous ne touchiez jamais à cet argent, Mettez une
pierre à la place,
Elle vous vaudra tout autant. »
Gravure de Gustave Doré (XIXème siècle)
3 - Plaute, La marmite (Aulularia), acte IV, scène 9, monologue d' Euclion
EUCLION - Périi, intérii, óccidi ! Quo cúrram ? quo non cúrram ? Téne, téne ! Quem ? Quis ?
Néscio, níhil vídeo, caécus eo atque équidem quo éam, aut úbi sim, aut qui sim, Néqueo cum
ánimo cértum investigáre. Obsécro égo vos, mi auxílio, Óro, obtéstor, sítis et hóminem
demonstrétis quis éam abstúlerit.Quid ais tu ? tíbi crédere cértum est ; nam esse bónum ex vóltu
cognósco. Quid est ? Quid ridétis ? Nóvi ómnes : scío fúres ésse hic complúres, qui vestítu et
créta occúltant sése átque sédent quási sint frúgi. Hem, némo hábet hórum ? occidísti. Dic ígitur,
quis hábet ? néscis ? Heu me mísere míserum, périi ! mále pérditus, péssime ornátus éo, Tàntum
gemíti et màli maestitiáeque hic díes mi optulit, fámem et pau periem ! Perditíssimus ego sum
ómnium in térra. Nam quid mi ópust víta ? tántum aúri. Pérdidi quod concustodívi sédulo !
Egómet me defraudávi Animúmque méum geniúmque méum ; Nunc érgo álii laetificántur. Méo
málo et dámno. Páti néqueo.
Traduction d'Alfred Ernout, Les Belles Lettres, C.U.F., 1976.
EUCLION - Je suis fini, je suis mort, je suis assassiné. Où courir, où ne pas courir ? Arrêtez-le !
Arrêtez-le ! Qui ? Et par qui ? Je ne sais, je ne vois rien, je suis aveugle ; où vais-je, où suis-je, qui
suis-je, je ne suis plus certain de rien. Je vous en supplie, je vous le demande, je vous en conjure,
secourez-moi, et montrez-moi l’homme qui me l’a enlevée. Que dis-tu, toi ? Je veux te croire ;
je vois à ton visage que tu es un honnête homme. Qu’y a-t-il ? Pourquoi riez-vous ? Je vous
connais tous ; je sais qu’il y a ici beaucoup de voleurs qui, sous un vêtement blanchi, se
dissimulent et sont assis à leur place, comme s’ils étaient de braves gens. Eh bien, personne,
parmi les gens d’ici, ne l’a prise ? Tu m’as assassiné. Dis-moi, donc, qui est-ce qui l’a ? Tu ne le
sais pas ? Ah, malheureux que je suis, tout est fini ! Je suis vraiment fini, et bien mal en point,
tant ce jour m’a apporté de gémissements, de malheurs et de tristesse ! Et la faim, et la misère
! Je suis, de tous les vivants, le plus abandonné. A quoi me sert de vivre ? J’ai perdu tout l’or que
je gardais si soigneusement ! Je me suis privé moi-même, moi, mon âme et mon génie ; et
maintenant d’autres se réjouissent de mon malheur et de ma perte. Je ne puis le supporter !
4 - Molière, L’Avare, acte IV, scène 7, monologue d'Harpagon
Harpagon (Il crie au voleur dès le jardin, et vient sans chapeau.) : Au voleur ! Au voleur ! A
l’assassin ! Au meurtrier ! Justice, juste ciel ! Je suis perdu, je suis assassiné, on m’a coupé la
gorge, on m’a dérobé mon argent. Qui peut-ce être ? Qu’est-il devenu ? Où est-il ? Où se cachet-il ? Que ferai-je pour le trouver ? Où courir ? Où ne pas courir ? N’est-il point là ? N’est-il point
ici ? Qui est-ce ? Arrête. Rends-moi mon argent, coquin… (Il se prend lui-même le bras.) Ah !
C’est moi. Mon esprit est troublé, et j’ignore où je suis, qui je suis, et ce que je fais. Hélas ! Mon
pauvre argent, mon pauvre argent, mon cher ami ! On m’a privé de toi ; et puisque tu m’es
enlevé, j’ai perdu mon support, ma consolation, ma joie ; tout est fini pour moi, et je n’ai plus
que faire au monde : sans toi, il m’est impossible de vivre. C’en est fait, je n’en puis plus ; je me
meurs, je suis mort, je suis enterré. N’y a-t-il personne qui veuille me ressusciter, en me rendant
mon cher argent, ou en m’apprenant qui l’a pris? Euh? Que dites-vous? Ce n’est personne. Il
faut, qui que ce soit qui ait fait le coup, qu’avec beaucoup de soin on ait épié l’heure ; et l’on a
choisi justement le temps que je parlois à mon traître de fils. Sortons. Je veux aller quérir la
justice, et faire donner la question à toute la maison : à servantes, à valets, à fils, à fille, et à moi
aussi. Que de gens assemblés ! Je ne jette mes regards sur personne qui ne me donne des
soupçons, et tout me semble mon voleur. Eh ! De quoi est-ce qu’on parle là ? De celui qui m’a
dérobé ? Quel bruit fait-on là-haut ? Est-ce mon voleur qui y est ? De grâce, si l’on sait des
nouvelles de mon voleur, je supplie que l’on m’en dise. N’est-il point caché là parmi vous ? Ils
me regardent tous, et se mettent à rire. Vous verrez qu’ils ont part sans doute au vol que l’on
m’a fait. Allons vite, des commissaires, des archers, des prévôts, des juges, des gênes, des
potences et des bourreaux. Je veux faire pendre tout le monde ; et si je ne retrouve mon argent,
je me pendrai moi-même après.
5 - Honoré de Balzac, Eugénie Grandet, 1839 : Félix Grandet, l'avare balzacien
Il n’y avait dans Saumur personne qui ne fût persuadé que monsieur Grandet n’eût un trésor
particulier, une cachette pleine de louis, et ne se donnât nuitamment les ineffables jouissances
que procure la vue d’une grande masse d’or. Les avaricieux en avaient une sorte de certitude en
voyant les yeux du bonhomme, auxquels le métal jaune semblait avoir communiqué ses teintes.
Le regard d’un homme accoutumé à tirer de ses capitaux un intérêt énorme contracte
nécessairement, comme celui du voluptueux, du joueur ou du courtisan, certaines habitudes
indéfinissables, des mouvements furtifs, avides, mystérieux, qui n’échappent point à ses
coreligionnaires. Ce langage secret forme en quelque sorte la franc- maçonnerie des passions.
[...] Financièrement parlant, monsieur Grandet tenait du tigre et du boa : il savait se coucher, se
blottir, envisager longtemps sa proie, sauter dessus, puis il ouvrait la gueule de sa bourse, y
engloutissait une charge d’écus, et se couchait tranquillement, comme le serpent qui digère,
impassible, froid, méthodique. Personne ne le voyait passer sans éprouver un sentiment
d’admiration mélangé de respect et de terreur. Chacun dans Saumur n’avait-il pas senti le
déchirement poli de ses griffes d’acier ? [...]
Il n’allait jamais chez personne, ne voulait ni recevoir ni donner à dîner ; il ne faisait jamais de
bruit, et semblait économiser tout, même le mouvement. [...] Cette figure annonçait une finesse
dangereuse, une probité sans chaleur, l’égoïsme d’un homme habitué à concentrer ses
sentiments dans la jouissance de l’avarice [...]. Saumur ne savait rien de plus sur ce personnage.
6 - Charles Dickens, Le Cantique de Noël, 1843 : le personnage d'Ebenezer Scrooge
Oh ! il tenait bien le poing fermé sur la meule, le bonhomme Scrooge ! Le vieux pécheur était un
avare qui savait saisir fortement, arracher, tordre, pressurer, gratter, ne point lâcher surtout!
Dur et tranchant comme une pierre à fusil dont jamais l’acier n’a fait jaillir une étincelle
généreuse, secret, renfermé en lui-même et solitaire comme une huître. Le froid qui était au
dedans de lui gelait son vieux visage, pinçait son nez pointu, ridait sa joue, rendait sa démarche
roide et ses yeux rouges, bleuissait ses lèvres minces et se manifestait au dehors par le son aigre
de sa voix. Une gelée blanche recouvrait constamment sa tête, ses sourcils et son menton fin et
nerveux. Il portait toujours et partout avec lui sa température au-dessous de zéro ; il glaçait son
bureau aux jours caniculaires et ne le dégelait pas d’un degré à Noël. La chaleur et le froid
extérieurs avaient peu d’influence sur Scrooge. Les ardeurs de l’été ne pouvaient le réchauffer,
et l’hiver le plus rigoureux ne parvenait pas à le refroidir. Aucun souffle de vent n’était plus âpre
que lui. Jamais neige en tombant n’alla plus droit à son but, jamais pluie battante ne fut plus
inexorable. Le mauvais temps ne savait par où trouver prise sur lui ; les plus fortes averses, la
neige, la grêle, les giboulées ne pouvaient se vanter d’avoir sur lui qu’un avantage : elles
tombaient souvent « avec profusion ». Scrooge ne connut jamais ce mot.
Personne ne l’arrêta jamais dans la rue pour lui dire d’un air satisfait : « Mon cher Scrooge,
comment vous portez-vous ? quand viendrez-vous me voir ? » Aucun mendiant n’implorait de
lui le plus léger secours, aucun enfant ne lui demandait l’heure. On ne vit jamais personne, soit
homme, soit femme, prier Scrooge, une seule fois dans toute sa vie, de lui indiquer le chemin de
tel ou tel endroit.
VI - ICONOGRAPHIE
A - Couvertures et affiches représentant la pièce de Molière
Analyse de l'image :
Sur quoi les couvertures de livres de poche mettent-elles l'accent? Comment susciter l'intérêt du
lecteur à partir de ces images?
Apprécier le type d'images (dessin, photo extraite d'une mise en scène,..) ; la présence ou non
d'un personnage ; la valeur accordée à l'objet (pièces ; cassette ou tirelire ; valeur symbolique du
robinet,…)
Laquelle vous semble la mieux réussie? Pourquoi? Laquelle vous semble la moins pertinente?
Expliquez et justifiez vos choix.
A votre tour, vous devrez composer une couverture pour un livre de poche (choisir le public visé :
collégien, amateur de théâtre, …) ou une affiche pour le spectacle de l'atelier-théâtre du collège.
B - Quelques célèbres interprètes d'Harpagon
Pour analyser le costume du personnage et ce qu'on peut en interpréter, vous pouvez utiliser le
questionnaire ci-dessous :
PARLER DES COSTUMES DANS UN COMPTE RENDU DE SPECTACLE
1 – Comment est-il ? Tous les acteurs sont-ils habillés (cf. la « mode » et le développement de la
nudité sur scène depuis le Living Theater jusqu’à Jan Fabre ou Wajdi Mouawad) ?
Donner les grandes lignes du costume qui paraissent d’emblée : la coupe ; la ou les couleur(s) ;
l’apparence donnée (sobre, éclatant, baroque, sauvage, noir,…) ; matières utilisées : soie, laine,
dentelle, batiste, métal, cuir, drap,… Il est possible de le dessiner (croquis,…), pour en donner une
vision plus concrète.
2 – Vise-t-il à donner une indication réaliste (de référenciation) par rapport à l’époque et au lieu
où se déroule l’action ? (Jouer Molière à la mode Louis XIV, en dentelle et rubans ; un costume
anglais typique pour la Cantatrice chauve censée se dérouler aux environs de Londres) ? Si non,
que penser de cet anachronisme ?
Voit-on des costumes intemporels, plus « discrets » qui ne permettent pas de situer clairement le
lieu et l’époque de l’action (chemise blanche et pantalon noir, par exemple) ? Pourquoi ?
Dans le costume, est-il un détail, un élément qui frappe d’emblée le spectateur : un masque, une
couleur criarde ou détonante, un accessoire discordant ou hyperbolique, un style frappant
(costume rayé – truand, prisonnier ou déporté ; costume aux motifs fleuris, baroque (costume
identique au canapé dans Le père Noël est une ordure !)
3 – Permet-il de définir la situation, la condition sociale du personnage ? Un noble, un paysan, un
bourgeois,…
Un métier ? Un notaire, un créancier, un maître de musique,… Un type social, un état? (militaire,
agent de police, prêtre,…) Y a-t-il respect des codes vestimentaires propres à telle ou telle
situation ou bien joue-t-on avec ces codes (mettre à jour et/ou briser les conformismes ; casser le
quotidien mis à distance,…)?
4 – Le costume permet-il de deviner, de mettre en évidence l’âge, le caractère du personnage, le
poids (ou la taille), des caractéristiques que suggère le costume et la façon de le porter ou de
l’endosser (débraillé = dilettante ou fantasque par exemple) ?
Le costume marque-t-il un jugement -favorable ou défavorable- entre les personnages, entre le
personnage et les spectateurs (complicité, répulsion, admiration,…) ?
5 - Les costumes de tous les personnages appartiennent-ils à la même époque ? Y a-t-il mélange
des époques ou des costumes, selon les groupes ou rôles des personnages ? (dans La Nuit des
Rois, les « clowns » en costume moderne et les personnages de l’intrigue amoureuse en costume
élisabéthain)
Les personnages gardent-ils le même costume du début à la fin ? Changent-ils entièrement de
costume ou simplement un accessoire (perruque, veste, chapeau,…) Le changement entraîne-t-il
une évolution du personnage ? Montre-t-il une transformation, un déclin (une chute), une
épaisseur nouvelle ou au contraire un affadissement ?
6 – Quel rapport entretient le personnage avec son costume ?
- Un élément du jeu à part entière (les lunettes noires de Hamm dans Fin de partie, la chaussure
ou le chapeau de Vladimir et Estragon,… (Fonction dramatique)
- Une extension, un prolongement de lui-même ?
- Un double ou une distance d’avec soi (ne pas habiter sa fonction, son rang : une couronne trop
grande pour un roi, un habit trop étriqué qui étouffe le personnage ou dit sa propre étroitesse) ?
- Une mise en valeur du corps ou au contraire, une volonté de le cacher aux regards d’autrui ?
- Une manière de signifier la transformation ou la métamorphose du personnage ?
7 – L’intention du metteur en scène –qui a travaillé avec un costumier, perruquier, … - est-elle
sensible ?
Un système d’oppositions ou de symétrie est-il à l’œuvre (passé/présent ; sombre/lumineux, …)
Quelle valeur psychologique, métaphorique, symbolique ou philosophique revêt le costume par
rapport à son détenteur ? Quelles significations ou lignes de force en tirer pour les enjeux de la
mise en scène ?
1 - Louis de Funès dans L’Avare réalisé par Louis de Funès et Jean Girault (1980).
2 - Michel Bouquet dans L’Avare mis en scène par Pierre Franck (1989).
3 - Denis Podalydès dans L'Avare mis en scène par Catherine Hiegel (2009).
4 - Jacques Sereys (Harpagon) et Catherine Jacob (Frosine) dans la mise en scène de Jérôme Savary
au théâtre de Chaillot, 1999
5 - Jacques Weber dans la mise en scène de Jean-Louis Martinelli, 2015 (photo Pascal Victor)
VII - SITOGRAPHIE
1 - Texte intégral de L'Avare
http://www.inlibroveritas.net/oeuvres/303/l-avare
http://www.atramenta.net/lire/oeuvre307-chapitre11.html
http://la-bnbox.fr/789-Texte-integral---L-Avare-de-Moliere---Sommaire.cahier
http://www.toutmoliere.net/l-avare,43.html
Interview d'Agathe Sanjuan, conservateur de la bibliothèque-musée de la Comédie-Française : Les
mises en scène de L’Avare à la Comédie Française (1'05)
http://www.reseau-canope.fr/tdc/tous-les-numeros/moliere-en-scene/interview/article/lesmises-en-scene-de-lavare-a-la-comedie-francaise.html
Mises en scène de la Comédie Française
Jean-Paul Roussillon, avec Michel Aumont, 1969 :
http://www.ina.fr/art-et-culture/arts-duspectacle/video/CAF97062264/creation-de-l-avare- avecmichel-aumont-a-la-comediefrancaise.fr.html
Michel Aumont, avant la représentation, qui explique son maquillage pour son rôle d’Harpagon :
http://www.ina.fr/video/CAF97062264/creation-de-l-avare-avec-michel-aumont-ala-comediefrancaise-video.html
Catherine Hiegel, 2010:
http://culturebox.france3.fr/all/16291/l_avare-de-moliere-a-la-comedie-francaise-avecdenispodalydes#/all/16291/l_avare-de-moliere-a-la-comedie-francaise-avecdenispodalydes.fr.html
Monologue d'Harpagon, Denis Podalydès (1'49)
http://www.dailymotion.com/video/xtpup8_moliere-l-avare_creation
France Télévisions propose, sur ses pages dédiées à l’éducation, des vidéos consacrées à
la mise en scène de L’Avare proposée par Jean-Daniel Laval en 2010. Elles sont consacrées
à différentes étapes du travail du metteur en scène :
- L’Avare de Molière, le travail préparatoire : http://education.francetv.fr/videos/lavarede-moliere-le-travail-preparatoire-v109060
- L’Avare de Molière, les choix du metteur en scène :
http://education.francetv.fr/videos/l-avare-de-moliere-les-choix-du-metteur-enscenev109061
- L’Avare de Molière, répétitions et représentations :
http://education.francetv.fr/videos/l-avare-de-moliere-repetitions-et-representationsv109063
- L’Avare de Molière, avant le lever de rideau : http://education.francetv.fr/videos/lavarede-moliere-avant-le-lever-de-rideau-v109064
L'avare avec Michel Bouquet dans le rôle-titre (extraits et interview de l'acteur) 2'44
http://www.dailymotion.com/video/xfd4vb_l-avare-michel-bouquet_news
L'Avare mise en scène de Gildas Bourdet en 2009, 2005 (scénographie et costumes)
http://www.sceno.eu/jcdb/bio/Avare/avare.htm
Extraits du film de Jean Girault avec Louis de Funès et Michel Galabru : le repas à préparer (7'08)
http://www.dailymotion.com/video/x641bn_l-avare-galabru-de-funes_shortfilms
Extrait du film de Jean Girault avec Louis de Funès et Bernard Menez (La peste soit des avares et
des avaricieux!) 1'39
http://www.dailymotion.com/video/x2ldu1_avare-video-001_shortfilms
Deux sites particulièrement intéressants pour ouvrir les perspectives et les recherches
pédagogiques
Pièce (dé) montée n° 137, octobre 2011; numéro consacré à L'Avare de Molière, extrêmement bien
fait, qui offre de nombreuses pistes pédagogiques et de réflexion
http://crdp.ac-paris.fr/piece-demontee/pdf/avare_total.pdf
Eduscol : Site précieux de ressources sur les mises en scène de l'Avare et des articles sur l'avare ou
l'avarice
http://eduscol.education.fr/theatre/ressources/ressources-auteur/moliere/avare

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