De l`alimentation à la gastronomie, une conférence de Philippe Ligron
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De l`alimentation à la gastronomie, une conférence de Philippe Ligron
ECHALLENS De l’alimentation à la gastronomie, une conférence de Philippe Ligron Mardi 10 février dernier à Echallens, l’historien gastronome Philippe Ligron a présenté sa conférence pour Connaissance 3, De l’alimentation à la gastronomie. Chef de cuisine, titulaire d’un brevet fédéral suisse et d’un brevet de maîtrise français, Philippe Ligron est aussi un enseignant à l’Ecole hôtelière de Lausanne qui souhaite transmettre sa passion pour tout ce qui touche à son métier. Il est par ailleurs animateur sur RTS La Première dans l’émission Bille en tête, diffusée du lundi au vendredi de 9h30 à 10h. Avec verve et humour, Philippe Ligron a tenu son auditoire en haleine pendant plus d’une heure. Parmi d’innombrables informations au sujet de l’alimentation, de la cuisine, de la gastronomie et de la manière de se tenir à table, nous avons pu saisir au vol de nombreux renseignements drôles et intéressants sur une période qui va de l’Antiquité jusqu’au Moyen Age. Et c’est ainsi que nous avons appris que si l’alimentation est un moyen de survivre indispensable, la gastronomie est un moyen d’entrer en relation de manière pacifique avec nos semblables et que la tenue à table constitue un très fort élément de séduction. Il est par exemple conseillé depuis plusieurs siècles déjà de se tenir assis bien droit sur son siège parce qu’un balancement d’une fesse sur l’autre pourrait laisser penser à un fâcheux relâchement de l’intestin peu apprécié en société. La nourriture change avec les régions du monde, chacun de nous l’a constaté, mais la manière de manger et de se tenir à table varie elle aussi. Une mastication puis une déglutition sans bruit, bouche fermée, est une marque d’éducation chez nous alors que dans certaines régions il est bien vu de se nourrir bruyamment, voire de mâcher la bouche ouverte. Dans nos régions, c’est faire honneur à la cuisinière ou au cuisinier que de manger tout ce qu’ils proposent, d’où la jolie expression populaire de «poutzer les plats», alors qu’ailleurs il serait très impoli de ne pas laisser quelques mets en réserve à la fin du repas afin de bien faire comprendre aux hôtes que la nourriture proposée était largement suffisante. Dans certains pays, on saisit la nourriture directement dans le plat, avec la seule main droite. La main gauche étant réservée aux ablutions intimes, sa présence dans un plat entraînerait l’élimination complète de l’entier de la nourriture ainsi souillée. Et «les pieds qu’on met dans le plat», une métaphore qui signifie qu’une personne aborde maladroitement un sujet à éviter et qu’elle continue à en parler longuement, sème le malaise chez ceux qui l’écoutent, surtout à table. Notre manière de se nourrir se modifie constamment en fonction des produits proposés. Les étalages de fruits, de légumes et de viandes sont entièrement différents de ceux d’il y a 40 ou 50 ans. De nouveaux légumes sont apparus, les poivrons notamment, légumes que de nombreuses personnes très âgées refusent encore de manger. Notre consommation de viande et surtout de viande de très bonne qualité a considérablement augmenté depuis le moment où, sous le règne du roi Henri IV, en France vers 1600, les gens du peuple pouvaient s’estimer contents de mettre, au moins une fois par semaine, «la poule au pot», alors que dans la haute Avec verve et humour, Philippe Ligron a tenu son auditoire en haleine pendant plus d’une heure. société et la haute noblesse la nourriture était essentiellement carnée et sucrée, entraînant des caries dentaires, comme chez Louis XIV qui était déjà édenté à 28 ans, la goutte comme en mourut Charles Quint, voire même le scorbut comme on le soupçonne pour la mort du roi Henri VIII d’Angleterre. En Suisse, la consommation moyenne de viande est de 50 kg environ, par personne et par année. Elle monte à plus de 100 kg, voire davantage encore, dans certains pays nordiques. Mais cela serait à expliquer ailleurs. L’alimentation a beaucoup changé dans notre pays vers 1500 lors du retour des soldats mercenaires qui étaient partis combattre dans les pays voisins et qui en étaient revenus avec d’autres habitudes alimentaires. Ils s’étaient suffisamment habitués à une nourriture plus fine et plus élaborée, en Italie surtout, pays d’où est partie la gastronomie, pour ne plus accepter les potées cuites dans l’âtre de leur chalet, potées dans lesquelles tout était bouilli, viande, légumes et céréales ensemble, sans jamais nettoyer la marmite jusqu’au fond. La découverte de l’Amérique n’a pas seulement apporté la syphilis dans le Vieux Continent mais aussi beaucoup de légumes inconnus dans nos régions. Cette découverte a été beaucoup plus profitable à l’Ancien Monde qu’au Nouveau Monde. Comme la cuisine de nos ancêtres devait être triste sans les ananas, les haricots, les poivrons, les pommes de terre, le maïs, la vanille et surtout les tomates qu’on met dans presque tous nos plats. Et vivre sans chocolat, plus personne ne pourrait l’imaginer. Quant aux piments et autres épices, ils ont eu un succès et une diffusion mondiale immédiate dès leur arrivée en Europe, tant pour l’assaisonnement que pour la conservation et la désinfection des aliments. Il avait été remarqué en effet que leur effet bactéricide permettait de réduire fortement les infections intestinales. En conclusion, le partage de la nourriture que l’on peut remarquer chez les primates, les chimpanzés et les bonobos notamment, est un très fort élément de survie au sein d’une espèce. C’est un des éléments de la réussite de l’humanité. La gastronomie et la convivialité à table contribuent très fortement à la paix chez les humains, tous beaucoup trop portés à la bagarre. Puisse cette convivialité se développer encore davantage afin de diminuer, ne serait-ce que d’un peu, les conflits qui minent l’humanité. Et n’oubliez pas d’écouter Philippe Ligron, de 9h30 à 10h du lundi au vendredi, sur RTS La Première. Jean-Marc Laurent, pour Connaissance 3 d’Echallens