UN TRIPARTISME DE TRANSITION

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UN TRIPARTISME DE TRANSITION
UN TRIPARTISME DE TRANSITION
Éric Bélanger
La poussée adéquiste marque-t-elle un véritable réalignement du système de partis
ou n’est-elle guère plus qu’une marque d’insatisfaction passagère ? Éric Bélanger,
politologue à l’Université McGill, examine les facteurs penchant en faveur de la
première option et ceux permettant plutôt d’envisager le retour à un équilibre entre
le PLQ et le PQ dans un avenir rapproché. Selon lui, trois conditions devront être
rencontrées pour que cette élection se traduise par un changement durable : que
l’ADQ ne soit pas qu’un refuge temporaire pour des péquistes et des libéraux
insatisfaits ; que « l’opinion publique ait véritablement évolué pour atteindre une
sorte de point de non-retour où elle aurait renoncé à l’idée de la souveraineté » ;
que le fédéralisme d’ouverture continue de porter des fruits.
Does the upsurge of the ADQ in the recent Quebec election signal a veritable
realignment of the parties, or is it a passing manifestation of disatisfaction? McGill
political scientist Éric Bélanger looks at some factors pointing toward the first
option, and others that highlight a possible return to equilibrium between the
Liberal Party and the Parti québecois in the not too distant future. According to
him, three conditions will have to be met for this election to translate into lasting
change: first, that the ADQ not be a temporary refuge for unhappy Péquistes and
Liberals; second, that “public opinion has truly evolved and reached a kind of point
of no return where it has renounced the idea of sovereignty”; and third, that open
federalism continues to be successful.
«Ç
a sent 1976 ! » Le chef du Parti québécois,
André Boisclair, ne pensait peut-être pas si
bien dire durant cette campagne électorale
provinciale, au terme de laquelle l’Action démocratique du
Québec de Mario Dumont – et non le PQ, contrairement à
ce qu’annonçait la déclaration de M. Boisclair – aura réussi
une percée impressionnante. Le résultat de cette élection
nous aura donné un gouvernement Charest considérablement affaibli, une ADQ comme opposition officielle et un
PQ relégué au troisième rang, tant en termes de suffrages
que de sièges à l’Assemblée nationale.
Les facteurs ayant mené à la montée de l’ADQ ont été
assez bien cernés par les journalistes et les politologues
ayant commenté la campagne dans les médias. On peut en
énumérer au moins quatre. Le premier facteur serait le discours et les idées très proches des « gens ordinaires » (certains emploieraient le terme de populisme) du chef Mario
Dumont. Il semble que la clientèle adéquiste de 2007 ait été
remarquablement diversifiée, attirant des électeurs de tous
les âges, et en particulier ceux de la classe moyenne. De ce
point de vue, la priorité accordée par le parti à l’éducation et
à la famille semble être une donnée importante. Le deuxième facteur serait la réaction d’une frange de la population
contre le nationalisme des « vieux partis ». D’une part, la
position autonomiste de l’ADQ aura sans doute offert aux
électeurs un véhicule davantage en symbiose avec l’opinion
publique actuelle. D’autre part, la question des accommodements raisonnables aura réussi à donner un élan au parti
dans les semaines cruciales ayant précédé le déclenchement
de la campagne, en permettant à Mario Dumont de se positionner comme le seul chef comprenant réellement les
inquiétudes identitaires des régions. Les deux autres facteurs
sont liés de près au précédent et seraient la réaction de ces
régions contre les villes (en particulier Montréal et son cosmopolitisme) de même que la mise au jour d’un courant
conservateur libéré du carcan habituel des options constitutionnelles et qui viendrait remettre en question (ou à tout le
moins diminuer) le mythe du « Québec progressiste ».
Au-delà des causes de la percée adéquiste, il y a aussi eu
quelques spéculations dans les médias concernant la possibilité que le résultat du 26 mars dernier ait signalé un réalignement majeur et durable du système partisan québécois. La
référence faite à 1976 durant la campagne invite d’ailleurs à
une comparaison de la nouvelle conjoncture avec le dernier
grand réalignement survenu au Québec il y a une trentaine
d’années. Elle fait également écho à la fameuse prédiction du
politologue Vincent Lemieux, énoncée dans un texte écrit en
1986, selon laquelle un nouveau réalignement dans le système
partisan québécois devrait survenir au début du présent siècle.
Qu’en est-il au juste ? Avons-nous des raisons de croire qu’un
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Éric Bélanger
PQ (41 p. 100 des voix) qui vient confirmer le nouvel ordre électoral. Cette
élection marque le début d’un nouveau
cycle de « politique ordinaire » au
Québec, avec le PQ et le Parti libéral
comme alternatives. Cette phase de
réalignement aura vu un changement
crucial dans le niveau et la structure du
vote, avec une majorité de l’électorat
francophone abandonnant l’Union
nationale pour se tourner de manière
’entrée de jeu, on doit noter que
durable vers le PQ. La mutation de
la théorie des réalignements a
l’agenda politique aura été causée par
généralement un faible pouvoir de prél’arrivée de l’option souverainiste sur la
diction. Il est en effet reconnu qu’il est
scène électorale québécoise. Cette
beaucoup plus facile d’appliquer cette
option aura radicalisé l’axe de polarisathéorie à l’explication d’une série
tion entre les partis provinciaux
d’événements passés, ex post, avec
qui
s’étendait
plusieurs années de recul. Mais
Par le passé, les grands réalignements québécois,
jusqu’alors du fédéralisme du
cela n’empêche pas d’explorer
électoraux au Québec sont survenus PLQ à l’autonomisme de
les liens possibles entre les
propositions de cette théorie et
environ une fois par génération, et l’Union nationale. La saillance
la
conjoncture
électorale
toujours à la suite d’une scission au de l’enjeu de souveraineté aura
eu pour effet de margiactuelle au Québec.
sein du Parti libéral. En effet, le PLQ ainsi
naliser la position autonomiste
Les grands travaux amériest le seul élément stable du système longtemps populaire sous
cains et français sur la probléDuplessis.
matique des réalignements
partisan québécois depuis ses tout
électoraux font d’abord une
débuts, et l’alternative au PLQ a
distinction importante entre
es conditions d’un nouveau
toujours été issue de ses propres
une élection « de rupture », qui
réalignement
sont-elles
rangs : l’Action libérale nationale
ouvre une phase de réaligneaujourd’hui réunies au Québec ?
ment dans le système partisan
Il semble d’abord y avoir eu un
dans les années 1930, le Parti
en déstabilisant l’ordre élecquébécois à la fin des années 1960, changement important à la fois
toral existant, et une élection
le niveau et la structure des
que René Lévesque fonda suite à son dans
« de réalignement », qui clôt la
appuis aux partis en place.
phase de réalignement en départ du PLQ, et maintenant l’ADQ, L’ADQ a fait un bond significatif
cristallisant un nouvel ordre
de 18 à 31 p. 100 du vote. Non
fondée par des libéraux déçus du
électoral qui va se maintenir
seulement a-t-elle récolté 41
manque de leadership exercé par
durant le cycle qui débute. Ces
sièges, mais elle est arrivée deuxRobert Bourassa.
travaux suggèrent donc qu’un
ième dans la moitié des autres
majeure ou d’une mutation importante
système partisan connaît une succescirconscriptions de la province. Cette
dans l’agenda politique, qui précipite le
sion perpétuelle de phases de réaligneavancée se situe dans la continuité
réalignement des forces partisanes.
ment et de périodes de « politique
puisque l’ADQ n’a cessé de progresser
Un exemple devrait permettre d’ilordinaire » où l’équilibre entre les
dans l’électorat depuis son apparition
lustrer ces propositions. On considère
forces partisanes en place demeure reen 1994.
généralement que la séquence 1970lativement stable. Cela signifie égaleDe plus, cette poussée semble avoir
1973-1976 a constitué une phase de
ment que les périodes de politique
été essentiellement liée à un changeréalignement au Québec. L’élection de
ordinaire et les phases de réalignement dans la structure du vote au sein
1970 en est une de rupture, où l’Union
ments peuvent être de durée variable.
de l’électorat francophone. Cet élecnationale sortante s’effondre en
Par exemple, une phase de réalignetorat semble s’être massivement
obtenant un peu moins de 20 p. 100 du
ment, où il y a instabilité dans le sydéplacé vers l’ADQ en 2007, dans
vote et où le PQ émerge avec 23 p. 100
stème, ne s’opère pas sur une seule
l’ensemble des régions à l’extérieur de
de l’appui populaire. L’élection de
élection mais s’étire sur au moins deux
Montréal bien sûr, mais particulièreréalignement, au sens entendu plus
élections, et parfois plus.
ment dans la couronne nord et sud de
haut, survient deux élections plus tard,
Les écrits proposent que trois conMontréal. Dans cette région du « 450 »,
en 1976, avec la prise du pouvoir par le
ditions essentielles doivent être réunies
il est flagrant que tous les gains faits par
tel réalignement des forces partisanes est
en train de s’opérer au Québec ? En
d’autres termes, la poussée adéquiste
saura-t-elle durer ou ne sera-t-elle que
passagère ? Pour répondre à ces questions, il n’est pas inutile de revisiter les
écrits sur les conditions menant aux
réalignements partisans dans les démocraties occidentales.
D
afin de conclure à un véritable réalignement des partis politiques. Les deux
premières conditions sont qu’il doit y
avoir changement significatif à la fois
dans le niveau et dans la structure des
appuis aux partis. Un parti émergent
doit faire montre d’une progression
importante dans le niveau global de ses
appuis, ce qui s’accompagne généralement d’un recul dans l’appui aux autres
partis du système. Mais cette progression doit aussi se faire au niveau de la
structure des appuis, c’est-à-dire qu’une
frange substantielle de l’électorat doit
se déplacer d’un bloc vers un parti
émergent. La troisième condition est
l’existence d’une crise politique
L
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Un tripartisme de transition
En effet, le PLQ est le seul élément stable du système partisan québécois
depuis ses tout débuts, et l’alternative
au PLQ a toujours été issue de ses propres rangs : l’Action libérale nationale
dans les années 1930 (qui s’associa au
Parti
conservateur
de
Maurice
Duplessis pour former l’Union
nationale), le Parti québécois à la fin
des années 1960, que René Lévesque
fonda suite à son départ du PLQ, et
maintenant l’ADQ, fondée par des
libéraux déçus du manque de leadership exercé par Robert Bourassa suite à
l’échec de l’Accord du lac Meech au
tournant des années 1990.
place à l’Assemblée nationale, si bien
que la coalition adéquiste apparaît,
pour le moment du moins, assez
hétérogène et potentiellement instable.
Il est plausible qu’un certain conservatisme
idéologique
constitue
présentement l’épine dorsale de ce
mouvement. Un autre élément de solidarité au sein de cette coalition
d’électeurs adéquistes est sans doute,
comme nous l’avons décrit plus haut,
son adhésion à la vision autonomiste de
son chef. Le problème avec l’argument
de la montée du sentiment autonomiste est que cette dernière ne reflète
pas l’apparition d’un nouvel enjeu à
portée durable, et ne fait pas non plus
suite à une quelconque crise politique
’autres indicateurs incitent toutemajeure. La question des accommodefois à la prudence et suggèrent
ments raisonnables ne peut constituer
qu’un retour à l’équilibre entre PQ et
un enjeu qui polarisera les partis poliPLQ dans un avenir rapproché
tiques québécois pour plusieurs décendemeure une possibilité envisageable.
nies à venir. De même, la seule « crise »
Premièrement, le changement
ayant actuellement généré une forte
observé le 26 mars dans la structure du
frustration au sein de l’électorat fut
vote ne semble pas résulter d’un moul’impopularité
du
gouvernement
vement de masse aussi homogène
Charest, un phénomène conjoncturel
qu’on peut le croire a priori. Si l’élecpar définition. Nous sommes loin des
torat francophone hors-Montréal s’est
grands bouleversements politiques
tourné en masse vers l’ADQ, cela semgénéralement associés aux réaligneble s’être fait pour une grande variété de
ments partisans, tels la crise
raisons. La coalition actuelle d’électeurs
économique des années
Le problème avec l’argument de la montée du sentiment
1930 ou encore celle des
autonomiste est que cette dernière ne reflète pas l’apparition années 1970 autour de la
question constitutionnelle.
d’un nouvel enjeu à portée durable, et ne fait pas non plus
L’éclosion de l’ausuite à une quelconque crise politique majeure. La seule
tonomisme semble davan« crise » ayant actuellement généré une forte frustration au
tage attribuable à une
sein de l’électorat fut l’impopularité du gouvernement
simple redéfinition de l’axe
traditionnel de compétition
Charest, un phénomène conjoncturel par définition. Nous
entre les partis au Québec.
sommes loin des grands bouleversements politiques
Plus précisément, c’est à un
généralement associés aux réalignements partisans, tels la
retour à l’équilibre pré-1970
crise économique des années 1930 ou encore celle des
auquel on semble présentement assister. Ce retour
années 1970 autour de la question constitutionnelle.
s’accompagne bien évidemment d’une marginalisation de la posiCes quelques observations tenadéquistes semble regrouper, princition plus radicale du souverainisme
dent à indiquer qu’un réalignement est
palement mais pas exclusivement, des
embrassée depuis 40 ans par le PQ.
bel et bien en train de s’opérer, surtout
jeunes de la région de Québec, des perCette mutation pourrait mener à
au détriment du PQ. Un autre indicasonnes plus âgées habitant notamment
un changement durable de l’agenda
teur est le fait que, par le passé, les
les comtés plus ruraux, et les familles de
politique, et donc de l’axe de compétigrands réalignements électoraux au
classe moyenne des banlieues de
tion entre partis, à trois conditions. Il
Québec sont survenus environ une fois
Montréal. Il est difficile de voir dans ce
faudra premièrement que l’ADQ fasse
par génération, et toujours à la suite
mouvement celui d’une nouvelle
la preuve qu’elle ne constitue pas
d’une scission au sein du Parti libéral.
génération qui souhaite prendre sa
l’ADQ l’ont été dans des circonscriptions habituellement péquistes, incluant celles que leur avait dérobées le
Parti libéral en 2003 (à l’exception de
Soulanges qui est demeurée libérale et
de Huntingdon que l’ADQ a prise au
PLQ). Dans l’ensemble, cette érosion
du vote péquiste dans l’électorat francophone hors-Montréal au profit de
l’ADQ était déjà visible en 2003, mais
elle s’est accentuée en 2007.
Il apparaît ensuite que la polarisation habituelle entre fédéralisme et
souverainisme ait été délaissée au profit de la position autonomiste de
l’ADQ. On peut parler ici d’une certaine mutation de l’agenda politique,
au sens où la vision autonomiste de
Mario Dumont et son positionnement,
rapide et sans ambiguïté, sur la
question des accommodements raisonnables ont déplacé le débat sur le
terrain plus traditionnel de la préservation de l’identité québécoise. Du coup,
ce déplacement a eu pour effet de rendre décalée l’opposition habituelle
entre le fédéralisme du PLQ et le souverainisme du PQ, en donnant l’impression que les deux partis n’étaient
plus au diapason de l’opinion publique
sur la question nationale.
D
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Éric Bélanger
The Gazette, Montreal
René Lévesque et Jacques Parizeau lors du scrutin d’octobre 1973 qui s’inscrit comme une élection de transition dans la phase de
réalignement qui s’amorce en 1970, où l’Union nationale s’effondre et où le PQ émerge avec 23 p. 100 de l’appui populaire, et se termine
en 1976 avec la prise du pouvoir par le PQ.
qu’un refuge temporaire pour les
libéraux nationalistes insatisfaits du
gouvernement Charest et pour les
péquistes déçus du leadership de leur
propre parti. À ce chapitre, il faut noter
que le taux de participation à l’élection
de 2007 ne fut pas plus élevé qu’à la
précédente, ce qui suggère qu’une
frange de l’électorat péquiste s’est probablement abstenue de voter encore
une fois. Il n’est donc pas garanti que la
désaffection actuelle de ces électeurs
perdure ; ceux-ci pourraient encore
revenir à leur parti d’origine une fois
l’offre des « vieux partis » renouvelée.
La deuxième condition est liée à la
première. Pour que l’ADQ puisse garder
ces nouveaux partisans dans son giron,
il faudra que, sur la question constitutionnelle, l’opinion publique ait véritablement évolué pour atteindre une
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sorte de point de non-retour où elle
aurait renoncé à l’idée de la souveraineté. En d’autres termes, il reste
encore à voir si l’état actuel de l’opinion, plutôt défavorable à l’option du
PQ et surtout à sa proposition de tenir
un nouveau référendum sur la souveraineté du Québec, est généralisé et,
surtout, cristallisé. Les propos de Mario
Dumont durant le débat télévisé, selon
lesquels André Boisclair et son parti
vivent dans le rêve et l’utopie, vont-ils
résonner durablement au sein de l’électorat ? Si c’est le cas, ce sera que la tentative du Parti québécois de redéfinir
l’extrême de l’axe de compétition partisan, c’est-à-dire d’étirer cette logique de
décentralisation jusqu’à l’indépendance, aura ultimement échouée.
Enfin, il faudra qu’il y ait absence
de crise constitutionnelle au pays à
court et moyen terme. Si l’ADQ de
Mario Dumont et le PLQ de Jean
Charest ont réussi, chacun à leur façon,
à convaincre la population que le
Québec pouvait très bien continuer de
se développer tout en demeurant à l’intérieur du Canada, il faudra que l’avenir
proche leur donne raison. À court
terme, cela signifie qu’il faudra que
l’ouverture actuelle du gouvernement
fédéral aux aspirations du Québec continue de porter ses fruits. À moyen
terme, il faudra que Mario Dumont surmonte, d’une manière ou d’une autre,
le présent handicap de sa position
autonomiste : malgré le fait qu’elle
cadre bien avec le sentiment général
actuel de la population, concrètement
cette position annonce un retour en
arrière, à la période post-Meech de rapatriement des pouvoirs à Québec et de
Un tripartisme de transition
possibles négociations constitutionnelles. Cela dénote une absence d’évolution de l’ADQ par rapport aux
positions initiales du rapport Allaire,
malgré les flottements du parti entre
1995 et 2003. Cela ouvre aussi la porte
à de nouvelles déceptions pour les nouveaux partisans adéquistes, particulièrement ceux qui ont appuyé le PQ dans le
passé. De ce point de vue, une nouvelle
crise constitutionnelle repousserait à
coup sûr ces électeurs dans les bras du
Parti québécois, et nous assisterions
alors à un retour de l’équilibre partisan
post-1970 et à la marginalisation du discours autonomiste.
O
n le voit bien : il y a autant de
raisons de croire à un réalignement partisan au Québec que de
raisons d’en douter. La meilleure
garantie d’un nouveau réalignement
serait que la compétition entre les partis délaisse pour de bon le terrain constitutionnel pour se limiter à un axe
gauche-droite plus traditionnel. Mais
après une quarantaine d’années de
débat national, il semble hasardeux de
croire que les Québécois ont mis de
côté cette question pour une longue
période, d’autant plus que l’ADQ ne
propose pas à la population de renoncer au nationalisme.
Si l’on considère que le bipartisme
est l’état normal de notre système au
Québec, une chose apparaît certaine :
2007 n’est pas une « élection de
réalignement » au sens défini plus haut
car le nouvel ordre électoral, le nouveau cycle de stabilité dans le système
de partis, n’a pas encore été confirmé.
Tout au plus est-elle une « élection de
rupture ». Et si l’état actuel du système
devait éventuellement mener à un rem-
placement du PQ par l’ADQ comme
alternative aux libéraux, c’est probablement 2003 qu’il faudrait alors considérer comme l’élection de rupture, avec
2007 comme élection transitoire.
Le tripartisme actuel ne pourra pas
durer très longtemps. Soit l’ADQ va
déloger durablement un des deux partis (et dans ce cas, c’est sans doute le
PQ qui est le plus menacé), soit elle va
s’écraser dès lors que la polarisation du
système sur la dimension constitutionnelle refera surface. Quel que soit le
scénario, la période actuelle de tripartisme ne constituera vraisemblablement qu’une période de transition, et
non pas le début d’un nouvel ordre
électoral à trois.
Éric Bélanger est professeur adjoint au
département de science politique de
l’Université McGill.
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