Lectio Divina - Regnum Christi

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Lectio Divina - Regnum Christi
LECTIO DIVINA
Dimanche I de Carême - Année A
Pendant ce temps de Carême, l’Église nous fait parcourir un chemin spirituel en compagnie du Christ.
Nous entrons au désert avec Lui pour vivre la tentation (1º dimanche), mais nous ne sommes pas seuls : l’amour
du Père se manifeste sur le chemin (la Transfiguration, 2º dimanche). Dans l’optique de la veillée pascale, les
évangiles qui préparent le baptême et la profession de foi sont ensuite proclamés : la révélation à la Samaritaine
(3º), la guérison de l’aveugle-né (4º) et la résurrection de la Lazare (5º). Pour ce dimanche, c’est la comparaison
entre Adam (sa chute) et Jésus (sa victoire sur la tentation) qui nous illumine en suivant la théologie de saint
Paul.
Lectures de la Messe
Gn 2,7-3,7 La création de l'homme et le péché
Ps 51 Pitié, Seigneur, car nous avons péché
Rm 5,12-19 Là où le péché s'était multiplié, la grâce a surabondé
Mt 4,1-11 La tentation de Jésus
Explication des lectures
La liturgie, par nécessité d’espace, a découpé le texte de la Genèse : nous passons directement de la
création d’Adam (Gn 2,7-9) au récit de la chute (3,1-7), sans nous attarder à la description du Paradis, au
commandement de ne pas manger, ni à la création de la femme. Ainsi apparaît l’essentiel : le contraste si grand
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entre la bonté de Dieu qui a tout créé et tout mis à disposition de l’homme, et l’ingratitude de celui-ci
qui décide de suivre plutôt la voix du Tentateur.
Le Psaume 51 (50), le fameux Miserere, attribué à David après son péché avec Bethsabée, est offert à tout
croyant qui se trouve submergé par son propre péché et cherche les mots pour exprimer son repentir devant
Dieu : nous passons du cri de douleur (pitié pour moi) à la confession (ce qui est mal à tes yeux, je l’ai fait), puis à la
supplication au Dieu miséricordieux (crée en moi un cœur pur, ô mon Dieu) pour terminer dans l’espérance (ma
bouche annoncera ta louange).
Saint Paul révèle toute sa grandeur théologique - mais aussi sa complexité - dans le fameux passage de la
Lettre aux Romains où sa pensée s’appuie sur une comparaison entre l’ancien Adam (celui de la première
lecture) et le nouvel Adam (Jésus). Le premier, en péchant, a fait entrer la mort qui frappe désormais tous les
hommes. Le second, en obéissant (par sa Passion), a vaincu la mort et nous a obtenu la vie (la « justification »).
Mais saint Paul souligne combien la grâce de Dieu est supérieure à la faute de l’homme : l’œuvre de Jésus est bien
plus qu’une simple « réparation » du péché d’Adam.
Ce nouvel Adam, nous le contemplons dans l’évangile de Matthieu face au Tentateur. Il a voulu
partager notre condition humaine jusqu’à la souffrance, la tentation et la mort. C’est pourquoi, après son
baptême et avant sa vie publique, l’Esprit le mène au désert pour vaincre le démon. Il s’appuie sur la Parole de
Dieu (il est écrit), c’est-à-dire sur la volonté de son Père et non sur ses forces humaines, et ainsi nous montre
comment l’obéissance filiale triomphe de toutes les tentations. Son exemple nous accompagne pour notre
chemin de Carême, comme le dit la liturgie :
En jeûnant quarante jours au désert, il consacrait le temps du carême ; lorsqu’il déjouait les pièges du Tentateur, il nous
apprenait à résister au péché, pour célébrer d’un cœur pur le mystère pascal, et parvenir enfin à la Pâque éternelle. (1)
Méditation
1. La dynamique des trois tentations de Jésus
Jésus face au diable… une scène insolite qui nous pose bien des questions. Mais saint Paul nous offre la
clef pour la comprendre : Jésus, vrai homme partageant tout de notre condition, a voulu vaincre le péché et
Satan ; il est allé l’affronter là où Adam s’était laissé entraîner dans l’esclavage, hors de la volonté du seul
Maître bienveillant, notre Père qui est aux Cieux. Les tentations de Jésus révèlent la dynamique de toute
tentation, elles sont trois pour nous montrer pédagogiquement toutes les formes possibles de chute.
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Selon saint Grégoire le Grand, le serpent au Paradis les avait accumulées contre Adam :
« L’ennemi de toujours se dressa contre le premier homme, notre père, par une triple tentation : il le tenta par
la gourmandise, par la vaine gloire et par la cupidité. Or en le tentant il triompha de lui, car il se l’assujettit en
le faisant consentir. Il le tenta de gourmandise lorsqu’il lui montra le fruit défendu et l’engagea à le manger. Il
le tenta de vaine gloire en lui disant : ‘Vous serez comme des dieux’. Il le tenta par une cupidité de haut vol en
lui disant : ‘Vous saurez le bien et le mal’. Car il est une cupidité de grandeur et pas seulement d’argent. […]
Le diable a donc entraîné notre père à l’orgueil en le poussant à la cupidité des grandeurs. » (2)
Aujourd’hui, nous parlerions de péché de sensualité, de vanité et d’orgueil : ce sont les trois formes que
prend en nous l’égoïsme qui nous fait rejeter Dieu et choisir le mal. Qu’il est bon pour nous d’en prendre
conscience en contemplant la scène de la Genèse ! N’essayons pas de nier la présence de ces vices en notre vie,
n’ayons pas la témérité de nier l’existence du Diable : il serait le premier à s’en frotter les mains… Au
contraire, prenons le chemin de l’humilité et de l’obéissance comme Jésus nous l’a enseigné. À son école
nous sommes vainqueurs du mal, et nous contemplons notre frère aîné dans son combat :
« Mais, de la même manière dont il avait terrassé le premier homme, de la même manière, face au second
Adam, il eut le dessous. Il le tente par la gourmandise, lorsqu’il lui dit : ‘Dis que ces pierres deviennent des
pains’. Il le tente par la vaine gloire, lorsqu’il lui dit : ‘Si tu es Fils de Dieu, jette-toi d’en haut’. Il le tente par la
cupidité des grandeurs, lorsqu’il lui montre tous les royaumes de la terre, en lui disant : ‘Tout cela, je te le
donnerai, si tu te prosternes à mes pieds et si tu m’adores’. Mais, de la manière même dont il se glorifie d’avoir
vaincu le premier homme, il est vaincu par le second ; ainsi il sortirait vaincu de notre cœur par le chemin
même par lequel il s’y était introduit pour nous assujettir. » (3)
Merci, Seigneur, d’avoir vaincu pour moi le démon et le mal ; merci d’avoir ensuite vaincu la mort en t’y livrant sur
la Croix. C’est ton Amour qui vainc le péché, c’est notre péché qui cause ta mort en Croix, mais c’est ta résurrection qui nous
réconcilie avec le Père. Enseigne-nous cette obéissance dans l’amour, cette humilité d’avoir toujours recours à la volonté du
Père ; éloigne de nous toute tentation de jouissance effrénée, de vanité ridicule, d’orgueil monstrueux. Porte nous jusqu’à la
fin sur ce chemin de retour au Père.
2. La tentation de la tristesse dans notre vie
Jésus a voulu que nous assistions à ses tentations : Il a voulu que nous contemplions sa lutte contre le
démon et comment Il est arrivé à le vaincre. Cela nous inspire dans notre vie personnelle, où nous sommes
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confrontés aux tentations de sensualité, de vanité et d’orgueil ; mais cela nous éclaire aussi sur la vie de l’Église.
Tout ce que Jésus a vécu dans son humanité pendant sa vie terrestre, nous sommes appelés à le vivre comme
membres de l’Église. Et quelles tentations nous guettent dans la vie ecclésiale ? Comment les vaincre ? Dans sa
dernière Exhortation apostolique (Evangelii Gaudium, la joie de l’Evangile), le pape François a voulu décrire de
façon détaillée les tentations des agents pastoraux (le pessimisme, la mondanité, la guerre entre nous…). En
particulier, il s’est penché sur l’acédie égoïste de beaucoup d’entre nous, laïcs ou prêtres : un manque de
disponibilité, un égoïsme pratique qu’il décrit ainsi :
« Aujourd’hui, par exemple, il est devenu très difficile de trouver des catéchistes formés pour les paroisses et
qui persévèrent dans leur tâche durant plusieurs années. Mais quelque chose de semblable arrive avec les
prêtres, qui se préoccupent avec obsession de leur temps personnel. Fréquemment, cela est dû au fait que les
personnes éprouvent le besoin impérieux de préserver leurs espaces d’autonomie, comme si un engagement
d’évangélisation était un venin dangereux au lieu d’être une réponse joyeuse à l’amour de Dieu qui nous
convoque à la mission et nous rend complets et féconds. » (4)
Reconnaissons-le : nous sommes très préoccupés par notre petit nid douillet, par notre train-train
quotidien bien confortable, sans souci pour la Parole de Dieu (sa volonté). Comme dans la première tentation
de Jésus, nous voudrions changer les pierres du chemin (nos difficultés, les croix de l’apostolat) en pain
matériel (nos satisfactions, nos succès mondains). Mais sommes-nous vraiment heureux ? Petit à petit nous
acceptons la défaite et capitulons devant les tâches de l’évangélisation, et…
« Ainsi prend forme la plus grande menace, « c’est le triste pragmatisme de la vie quotidienne de l’Église, dans
lequel apparemment tout arrive normalement, alors qu’en réalité, la foi s’affaiblit et dégénère dans la
mesquinerie » (Benoît XVI). La psychologie de la tombe, qui transforme peu à peu les chrétiens en momies de
musée, se développe. Déçus par la réalité, par l’Église ou par eux-mêmes, ils vivent la tentation constante de
s’attacher à une tristesse douceâtre, sans espérance, qui envahit leur cœur comme « le plus précieux des élixirs
du démon » (Bernanos). Appelés à éclairer et à communiquer la vie, ils se laissent finalement séduire par des
choses qui engendrent seulement obscurité et lassitude intérieure, et qui affaiblissent le dynamisme apostolique.
Pour tout cela je me permets d’insister : ne nous laissons pas voler la joie de l’évangélisation ! » (5)
L’attitude de Jésus nous enseigne comment vaincre cette tentation : en cherchant avant tout la Volonté
de Dieu, en acceptant son dessein sur notre vie et sur l’Église, et en retrouvant la joie de l’Evangile par une
générosité renouvelée dans notre vocation.
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C’est ainsi que nous pouvons prier de nouveau le Psaume de la messe :
Rends-moi la joie d’être sauvé ; que l’esprit généreux me soutienne. Seigneur, ouvre mes lèvres, et ma bouche
annoncera ta louange. (Ps 51, 14-15).
3. La liberté ou le pain ?
Jésus, en affrontant le démon, n’a pas seulement agi comme Fils de Dieu, ou comme exemple pour le
combat chrétien : il nous a aussi montré la dignité de l’homme et sa vocation la plus haute. Le démon, en
profitant de son état de faiblesse, voulait le réduire à œuvrer pour des pains matériels. Ce faisant, il aurait
abdiqué sa liberté souveraine et recherché un bien égoïste, en se détournant de la volonté de son Père. En
répétant que ce n’est pas seulement de pain que l’homme doit vivre, il a défendu notre vraie liberté comme
hommes appelés à une vocation divine.
C’est ce qui a le plus marqué Dostoïevski : dans la Légende du Grand Inquisiteur (une partie du roman Les
frères Karamazov), il imagine que Jésus, revenu sur terre pendant le Moyen-Âge, est mis en prison par le grand
Inquisiteur. Celui-ci lui reproche de ne pas avoir changé les pierres en pain, et ainsi de nourrir toute
l’humanité. Pourquoi Jésus a-t-il défendu si âprement la liberté ? Voici l’apostrophe de l’Inquisiteur, qui étonne
par son actualité :
« Mais tu n’as pas voulu priver l’homme de la liberté, et tu as refusé, estimant qu’elle était incompatible avec
l’obéissance achetée par des pains. Tu as répliqué que l’homme ne vit pas seulement de pain, mais sais-tu qu’au
nom de ce pain terrestre, l’Esprit de la terre s’insurgera contre toi, luttera et te vaincra, que tous le suivront en
s’écriant : ‘Qui est semblable à cette bête, elle nous a donné le feu du ciel ?’ Des siècles passeront et l’humanité
proclamera par la bouche des savants et de ses sages qu’il n’y a pas de crimes, et, par conséquent, pas de péché ;
qu’il n’y a que des affamés. ‘Nourris-les, et alors exige d’eux qu’ils soient vertueux !’ Voilà ce qu’on inscrira
sur l’étendard de la révolte qui abattra ton temple. A sa place, un nouvel édifice s’élèvera, une seconde tour de
Babel, qui restera sans doute inachevée, comme la première ; mais tu aurais pu épargner aux hommes cette
nouvelle tentative et mille ans de souffrance. » (6)
En fait, Jésus a bien voulu nous donner le pain, non seulement le pain terrestre (l’Église fait tellement
dans le monde pour soulager la misère humaine…), mais surtout le pain surnaturel qui est l’Eucharistie. Voici
la nourriture dont nous avons vraiment besoin : non pas une liberté autonome, mais la vie divine que nous
communique l’Eucharistie. Alors notre vie spirituelle grandit, et notre liberté humaine devient plus grande,
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libérée des entraves du péché, élevée par l’amour divin, comme l’exprime si bien la liturgie :
Le pain que nous avons reçu de toi, Seigneur notre Dieu, a renouvelé nos cœurs : il nourrit la foi, fait grandir l’espérance et
donne la force d’aimer ; apprends-nous à toujours avoir faim du Christ, seul pain vivant et vrai, et à vivre de toute parole qui
sort de ta bouche. Par Jésus, le Christ notre Seigneur. (7)
Pour aller plus loin
Résolution
Ce début de Carême est un excellent temps pour faire un examen de conscience approfondi, pour voir
dans ma vie toutes les occasions où la scène de la Genèse se répète, mais aussi où la victoire de Jésus s’affermit.
Je chercherai donc un nouveau formulaire d’examen de conscience pour soumettre humblement ma vie à la
volonté de mon Père.
Réflexion
La nouvelle traduction liturgique de la Bible a introduit une nouvelle formulation du Notre Père : Et ne
nous laisse pas entrer en tentation. Au-delà des discussions sur la valeur de telle ou telle expression (aucune
traduction ne peut être parfaite), il est instructif de lire les paragraphes du Catéchisme sur le sens de cette
prière (8) :
2846 Cette demande atteint la racine de la précédente, car nos péchés sont les fruits du consentement à la
tentation. Nous demandons à notre Père de ne pas nous y " soumettre ". Traduire en un seul mot le terme grec
est difficile : il signifie " ne permets pas d’entrer dans " (cf. Mt 26, 41), " ne nous laisse pas succomber à la
tentation ". " Dieu n’éprouve pas le mal, il n’éprouve non plus personne " (Jc 1, 13), il veut au contraire nous
en libérer. Nous lui demandons de ne pas nous laisser prendre le chemin qui conduit au péché. Nous sommes
engagés dans le combat " entre la chair et l’Esprit ". Cette demande implore l’Esprit de discernement et de
force.
2847 L’Esprit Saint nous fait discerner entre l’épreuve, nécessaire à la croissance de l’homme intérieur (cf. Lc
8, 13-15 ; Ac 14, 22 ; 2 Tm 3, 12) en vue d’une " vertu éprouvée " (Rm 5, 3-5), et la tentation, qui conduit au
péché et à la mort (cf. Jc 1, 14-15). Nous devons aussi discerner entre " être tenté " et " consentir " à la
tentation. Enfin, le discernement démasque le mensonge de la tentation : apparemment, son objet est " bon,
séduisant à voir, désirable " (Gn 3, 6), alors que, en réalité, son fruit est la mort.
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Dieu ne veut pas imposer le bien, il veut des êtres libres ... A quelque chose tentation est bonne. Tous, sauf
Dieu, ignorent ce que notre âme a reçu de Dieu, même nous. Mais la tentation le manifeste, pour nous
apprendre à nous connaître, et par là, nous découvrir notre misère, et nous obliger à rendre grâce pour les
biens que la tentation nous a manifestés (Origène, or. 29).
2848 " Ne pas entrer dans la tentation " implique une décision du cœur : " Là où est ton trésor, là aussi sera ton
cœur ... Nul ne peut servir deux maîtres " (Mt 6, 21. 24). " Puisque l’Esprit est notre vie, que l’Esprit nous
fasse aussi agir " (Ga 5, 25). Dans ce " consentement " à l’Esprit Saint le Père nous donne la force. " Aucune
tentation ne vous est survenue, qui passât la mesure humaine. Dieu est fidèle ; il ne permettra pas que vous
soyez tentés au-delà de vos forces. Avec la tentation, il vous donnera le moyen d’en sortir et la force de la
supporter " (1 Co 10, 13).
2849 Or un tel combat et une telle victoire ne sont possibles que dans la prière. C’est par sa prière que Jésus
est vainqueur du Tentateur, dès le début (cf. Mt 4, 1-11) et dans l’ultime combat de son agonie (cf. Mt 26, 3644). C’est à son combat et à son agonie que le Christ nous unit dans cette demande à notre Père. La vigilance
du cœur est rappelée avec insistance (cf. Mc 13, 9. 23. 33-37 ; 14, 38 ; Lc 12, 35-40) en communion à la
sienne. La vigilance est " garde du cœur " et Jésus demande au Père de " nous garder en son Nom " (Jn 17, 11).
L’Esprit Saint cherche à nous éveiller sans cesse à cette vigilance (cf. 1 Co 16, 13 ; Col 4, 2 ; 1 Th 5, 6 ; 1 P 5,
8). Cette demande prend tout son sens dramatique par rapport à la tentation finale de notre combat sur terre ;
elle demande la persévérance finale. " Je viens comme un voleur : heureux celui qui veille ! " (Ap 16, 15).
Références
(1) Préface du 1º dimanche de carême.
(2) Grégoire le Grand, Homélies sur l’évangile, XVI 2 (SC 485, livre I, p. 351).
(3) Ibid., p. 353.
(4) Pape François, Exhortation apostolique Evangelii Gaudium, n. 81.
(5) Ibid., n. 83.
(6) Dostoïevski, Les frères Karamazov, Pléiade, pp. 273-274.
(7) Prière après la communion de la messe du 1º dimanche de carême.
(8) Catéchisme de l’Eglise catholique, Explication du Notre Père : VI. Ne nous soumets pas à la tentation, nn. 2846
à 2849.
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