Les chemins de Saint-Jacques de Compostelle en Wallonie

Transcription

Les chemins de Saint-Jacques de Compostelle en Wallonie
Les Cahiers de l’Urbanisme N° 71
Mars 2009
80
80-83
Les Amis
de Saint-Jacques asbl01
Les chemins de Saint-Jacques
de Compostelle en Wallonie
Les chemins de Saint-Jacques ont été reconnus en 1987 par le Conseil
de l'Europe comme «Premier itinéraire culturel européen». Ils ont ensuite
été inscrits, en tant que premier itinéraire culturel, sur la Liste du
Patrimoine mondial de l'Unesco en 1998.
La reconnaissance des chemins
de Saint-Jacques
Les tracés des chemins de Saint-Jacques à
travers la Wallonie font partie de ces grandes
voies pèlerines qui conduisaient les jacquets des
confins de l'Europe jusqu'au tombeau de l'Apôtre
en Galice, ce Finistère extrême occidental du
continent européen.02
01
Les Amis de Saint-Jacques
asbl, Chemin des Ajoncs, 2 à
5100-Wépion (tél. 081 46 12
58 ; [email protected] ).
Voir le site www.st-jacques.
ws
02
Cet article s’est largement
inspiré d’un article écrit
pour Les Journées du
Patrimoine de 2001, par les
« Amis de Saint-Jacques de
Compostelle » (M. Gheur)
et l’Institut « Îlon SaintJacques de Namur », d’une
brochure intitulée Les
chemins de Saint-Jacques
en Belgique de l’Association
belge des Amis de SaintJacques de Compostelle,
ainsi que du Topo-guide du
chemin de Saint-Jacques «
Via Mosana », paru en 2007.
Par leur ancienneté et leur renommée, les
chemins de Saint-Jacques font indéniablement
partie, depuis maintenant près de 1.000 ans du
patrimoine de notre région aussi bien dans la mémoire collective de ses habitants que physiquement sur le terrain par le tracé des «chemins» et
la présence des monuments et des équipements
qui les jalonnent.
Nous connaissons les noms prestigieux des voies
principales et l'exactitude de leurs itinéraires est
confirmée par des «guides» écrits et diffusés dès
l'origine du pèlerinage par les ordres religieux et
par des récits de pèlerins.
Cette apparente facilité pour retrouver l'implantation des grands axes de regroupement des
pèlerins jacquets contraste avec la difficulté
croissante qu'il y a à identifier les chemins de
Saint-Jacques lorsqu'on s'éloigne du but final
et des grandes voies. Cette difficulté augmente
aussi bien géographiquement qu'historiquement.
Ces difficultés n'ont pas rebuté les chercheurs
qui, avec l'appui d'indices de reconnaissance, ont
procédé à l'identification et au balisage des chemins jacquaires qui traversent le territoire mosan.
Parmi ces indices, on retiendra l'orientation et
l'ancienneté des chemins jacquaires.
Il est évident que dans nos régions l'objectif des
premières étapes étaient de rejoindre les principales voies de regroupement très attractives par la
renommée de leurs possibilités matérielles et religieuses. La direction principale devait donc s'inscrire entre une orientation plein sud et une oblique
sud-ouest. Quant à l'ancienneté, étant donné que
l'origine du pèlerinage à Compostelle se situe aux
environs de l'an mille et que les grands déplacements des pèlerins se sont produits et poursuivis
jusqu'au 15e siècle, il faut donc que l'on puisse
dater la présence de la voie et faire remonter son
existence à ces époques moyenâgeuses.
Cette datation sera basée sur des écrits anciens
et la toponymie. Recherche des noms de lieux tels
que : Faubourg Saint-Jacques, chemin romieu,
voie de pèlerin…
Une bonne part des indices précisant l’ancienneté
des chemins de pèlerinage sont d’ordre religieux
ou sacré : ils sont fournis dans les établissements
accueillant les pèlerins (hôtellerie des abbayes,
hospices des confréries…).
Enfin des archives nous donnent de précieux
renseignements sur divers travaux civils tels que
construction de ponts, aménagements de gués,
passage de cols, signalisation, etc. exécutés pour
faciliter la marche des pèlerins.
Parmi les obligations que devait remplir le pèlerin
en marche, l'une de première importance était
la visite aux saintes reliques. Ce sont autant
d'étapes qui assurait aux jacquets d'abondantes
indulgences. D'où l'importance de ces reliques
pour authentifier un chemin de pèlerinage.
Au même titre que les reliques, les miracles attribués à l'intercession de saint Jacques entretenaient l'ardeur et la foi des pèlerins. Leurs représentations (tableaux, retables, etc.) fleurissaient
sur les chemins au fur et à mesure de l'extension
du pèlerinage et de son ancienneté. Ce type de
mobilier sacré pourrait aussi constituer un indice
de reconnaissance du chemin.
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Carte des différents
chemins de Saint-Jacques
en Europe
À côté de présences sacrées exceptionnelles, il
en est de plus humbles mais non moins significatives, qui permettent le repérage et le balisage du chemin tout en invitant à la prière et au
recueillement : chapelle dans la campagne, croix
au carrefour.
Il faut également tenir compte des lieux de culte
de saint Roch, pèlerin de Rome qui, à partir du 16e
siècle a remplacé saint Jacques dans nos régions.
Tous ces indices mis en faisceaux et recoupés
nous permettent de retrouver les traces du passage de nos prédécesseurs sur les chemins du
grand pèlerinage à Santiago.
Historique de l’association
La magnifique exposition «Santiago de
Compostella – 1000 ans de pèlerinage européen», réalisée à Gand dans le cadre de
«Europalia 85 Espagne», a laissé un souvenir impérissable dans le cœur et l'esprit de tous ceux
qui ont eu la chance de la visiter. Dans la foulée
de cette manifestation d'une qualité exceptionnelle, dont les échos vibrent encore aujourd'hui,
une poignées d'amis, ayant déjà pérégriné
jusqu'à Santiago de Compostela, passionnés du
Camino et par le phénomène jacquaire, fondent
l'Association des Amis de Saint-Jacques de
Compostelle le 16 avril 1986.
Un des statuts définit l'objet de l'Association comme suit : «L'Association a pour objet l'étude des
activités artistiques, littéraires, historiques, religieuses, sociales et culturelles qui ont vu le jour
en Europe – et plus spécialement dans nos régions – eu égard à la vénération de saint Jacques
le Majeur et à la continuation de la tradition en
rapport avec les pèlerinages à Compostelle…»
Pluraliste, l'Association souhaite regrouper tous
les «amis de saint Jacques». Son vœu est donc de
réunir, non seulement toutes celles et tous ceux
qui ont accompli le pèlerinage, mais aussi celles
et ceux qui sont intéressés par le culte de saint
Jacques le Majeur.
Outre les études jacquaires, l'Association a
comme objet primordial l'édition de sa revue
trimestrielle «Le Pecten», la promotion du Camino,
la défense et la mise en valeur du patrimoine jacquaire, l'aide au candidat-pèlerin par la fourniture
de conseils pratiques, de documents de voyage et
de guides pour organiser son pèlerinage à SaintJacques.
L'intérêt croissant pour l'aventure pèlerine en
général et vers Compostelle en particulier, l'ardeur
des fondateurs, la reconnaissance en 1987 par le
Conseil de l'Europe du Camino comme «Premier
itinéraire culturel européen», premier itinéraire
déclaré «Patrimoine de l'Humanité» par l'UNESCO
en 1998, un «retour aux sources» à travers le
contact avec l'art roman et l'art gothique… ont
contribué à mener l'Association à maturité. En
effet, avec le troisième millénaire, elle compte
aujourd'hui plus de 1.300 membres, dont le nombre est en croissance constante.
Outre ces manifestations exceptionnelles, l'Association repère et balise les chemins. À cette
fin, elle a édité en 2007 un Topo-guide du Chemin
de Saint-Jacques «Via Mosana», sentier reliant
Aix-la-Chapelle à Namur en passant par Liège,
Huy et Andenne, ainsi qu’un autre tronçon entre
Maestricht et Liège.
L'Association souhaite également entretenir des
liens étroits avec les associations compostellanes existantes dans d'autres régions ou pays,
dans un esprit de collaboration et de respect des
autonomies.
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Carte des différents
chemins de Saint-Jacques
en Belgique et dans le Nord
de la France
© Xunta de Galacia –
Xerencia de Promoción do
Camiño de Santiago
Hospice Saint-Jacques
Confrérie Saint-Jacques
église Saint-Jacques
Chapelle Saint-Jacques
Chapelle Saint-Jacques
de Castrum ou de
Château
Abbaye ou Prieuré
Commanderie
Ermitage
Croix Saint-Jacques
Hospice pour voyageurs
Hôtel Saint-Jacques ou
Maison de Galice
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Les premiers pèlerins liégeois
à Compostelle
En ce qui concerne le culte de saint Jacques à
Liège, un des documents les plus importants
nous est fourni par la relation écrite entre
1095 et 1121 par un moine de l'abbaye SaintJacques de Liège sur le voyage entrepris à
Compostelle par des Liégeois en 1056.
Jacques Stiennon a étudié en quelles circonstances, lors de la lutte opposant le comte de
Flandre Baudouin V à l'empereur d'Allemagne Henri III, un certain Jean d'Osie, que
l'auteur identifie avec Jean, avoué d'Arras,
s'était réfugié à Liège avec des ecclésiastiques
de sa «clientela».
Là, les plus pieux d'entre eux, dit le texte,
voyant qu'entraînés par leur grande dévotion,
des habitants de Liège allaient à Jérusalem ou
à des lieux célèbres de dévotion, décidèrent
d'aller en Galice.
Comme le fait remarquer A. Georges, l'évêque Théoduin et le doyen du chapitre de
Saint-Lambert, Anselme avaient fait en 1053
le voyage de Jérusalem.
Par ailleurs, en 1054, l'évêque de Cambrai,
Lietbert, avait fait lui aussi le voyage de
Jérusalem, au retour duquel il avait ordonné
la construction d'un monastère du SaintSépulcre. Si l'initiative du pèlerinage vient
des Liégeois, le choix de la Galice comme but
de celui-ci semble le fait des ecclésiastiques
cambrésiens, originaires, comme le souligne
A. Georges, d'une région où le culte de saint
Jacques est attesté très tôt.
Notons d'ailleurs, en ce qui concerne l'abbaye
liégeoise, que celle-ci, dès sa fondation en
1019, avait été placée sous le vocable de saint
Jacques-le-Mineur, confirmé en 1030 lors de
la consécration du sanctuaire.
Désireux de ramener des reliques de
Compostelle, les Liégeois prièrent l'abbé de
Saint-Jacques de déléguer un de ses moines
afin de faciliter les démarches. Celui-ci choisit le moine Robert qui, plus tard (de 1076 à
1095) deviendra abbé du monastère.
Le groupe, avec en tête le comte de Grez, se
mit en route et parvint sans encombre au
but de son voyage, après avoir rencontré en
chemin un chanoine de la collégiale de Liège
et, le dimanche des Rameaux, l'évêque de
Barcelone avec lequel ils firent route. La
relation rédigée il est vrai entre 40 à 65 ans
plus tard, ne donne pas de détails sur l'itinéraire suivi, mais il se borne à dire que «les
voyageurs trouvèrent un refuge aussi bien
lors d'un long cheminement à travers les
pays que dans le franchissement de régions
hostiles qui s'opéra en dessous de certains
lieux incultes qu'on appelle communément
«tesqua» (landes)».
D'après Jacques Stiennon, il s'agit sans doute
de la traversée des landes bordelaises, ce qui
laisse supposer que les pèlerins liégeois ont
dû passer par le col de Cize.
Arrivés à Compostelle le Mercredi Saint,
c'est-à-dire le 3 avril, les Liégeois furent
reçus en audience par le roi, grâce auquel
ils obtinrent une relique de saint Jacques.
Notons que par un «pieux mensonge», ils
avaient prétendu que leur église était dédiée
à l'apôtre de l'Espagne, alors qu'il s'agissait
en fait de saint Jacques-le-Mineur.
Le retour à Liège eut lieu en la fête de saint
Servais, le 13 mai 1056. Notons que la veille,
les pèlerins avaient fait halte à Huy et qu'ils
passèrent ensuite la nuit dans la maison du
maire de Chokier, qui était un domaine de
Saint-Jacques.
En ce qui concerne la durée du pèlerinage,
J. Stiennon l'estime à environ 70 jours, et
ceci en doublant le chiffre de jours du retour
(du lendemain de Pâques à la Saint-Servais),
soit 36 jours, ce qui implique un voyage fait
à cheval.
L’arrivée des reliques à Liège donna lieu à
de grandes réjouissances. C'est sans doute
grâce au pèlerinage de 1056 et à la présence
des reliques ramenées de Compostelle,
que, tout d'abord, le patronage de l'église
Saint-Jacques passa insensiblement de celui
du Mineur à celui de Majeur, et que le culte
de l'apôtre s'implanta à Liège. Un vitrail de
l'église liégeoise représente saint Jacques
auprès de Jean de Hornes.
Extrait de Léon MARQUET, Voies des
pèlerins et chemins de Saint-Jacques
de Compostelle à travers l'Ardenne,
Imprim’press, Verviers, 1991.

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