La gueule de bois du lendemain

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La gueule de bois du lendemain
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La gueule de bois
du lendemain
L’euphorie est passée et l’on ne discute plus sur les compte-à-rebours
épiques ni sur les spinnaker déchirés. Il est en effet maintenant question de tribunaux, d’expertises et de juristes qui se battent. La Coupe
de l’America a fait deux pas en avant à Valence, la voilà maintenant qui
risque d’en faire trois en arrière.
Texte et photos:
les premiers détails du protocole de la prochaine Coupe. Le changement le plus radical:
l’introduction d’un nouveau bateau, plus
grand. 90 pieds de long, avec un tirant d’eau
variable et un équipage de 21 à 23 personnes.
Une des exigences posées avant l’édition
2007 déjà était ainsi concrétisée. Le cadre est
donné, à savoir exactement 100 règles de
jauge IACC selon lesquelles les nouveaux
yachts doivent être construits. Les détails
concernant cette jauge valable pour la 33e
Coupe de l’America ainsi que le lieu où se déroulera la prochaine édition seront fournis à
la fin de l’année au plus tard. Les choses
étaient toutefois claires dès le début et Valence, avec son «Challenger of Record» espagnol, avait de bonnes cartes pour conserver la
main à ce niveau. En outre, la remarque
concernant le tirant d’eau variable cadre parfaitement avec les conditions portuaires de
Valence.
lori schüpbach
La chronologie tout d’abord, pour se rafraîchir la mémoire: mardi, 3 juillet 2007, Alinghi
remporte la septième manche de la Coupe et
bat ainsi son challenger, Team New Zealand,
par 5 à 2. La Coupe rest en Europe, Alinghi
reste defender, la Société Nautique de Genève
(SNG) reste «propriétaire» du trophée et
l’America’s Cup Management (ACM) continue à être responsable de l’organisation et de
la réalisation de la prochaine édition.
Une nuit et un jour durant, les responsables
se sont donnés du temps pour fêter la victoire, mais aussi pour poser les jalons de la
prochaine Coupe. Car après la Coupe c’est
aussi avant la Coupe. Le jeudi déjà, soit deux
jours après la victoire du team suisse, Alinghi
présente le défi espagnol Club Nautico Español de Vela (CNEV) comme le nouveau
«Challenger of Record» et communique déjà
Les protagonistes s‘apprêtent à
continuer le duel devant les
tribunaux: Ernesto Bertarelli
(à gauche) et Larry Ellison.
aujourd’hui dans tout autre type de sport.
Mais c’est justement le genre de situation typique de l’America’s Cup: le vainqueur définit
l’orientation. Et parce que selon le «Deed of
Gift» les règles doivent être élaborées d’un
commun accord entre le defender de la
Coupe et le «Challenger of Record», les chances sont bonnes pour que le defender en
question ne veuille pas que tout soit a priori
à son avantage.
C’est justement ce reproche qui a été soulevé
10 jours à peine après la signature du protocole par le Golden Gate Yacht Club (GGYC),
Fort bien. Il n’y a rien de plus de stipulé dans
le protocole de la 33e Coupe de l’America. A
part seulement qu’Alinghi peut dicter les règles de la prochaine compétition et qu’il a la
possibilité de participer hors compétition aux
régates préliminaires des challengers.
L’acte de fondation de 1887
En fait, avec ce protocole, Alinghi s’est aménagé quelques portes ouvertes et a ainsi créé
une situation qui ne serait pas imaginable
avec le propriétaire du team Oracle, Larry Ellison. Et les Américains font dans tous les registres. Alinghi ferait tout selon eux pour faire
de la prochaine Coupe une affaire unilatérale.
De plus, le Club Nautico Español de Vela ne
saurait être accepté comme nouveau Challenger of Record, pour la simple raison qu’il
s’agirait d’un yachtclub nouvellement créé.
Alinghi fait savoir de son côté qu’il s’en tient
au défi des Espagnols et ne voit aucune raison de bouger. En outre, d’autres défis se sont
annoncés entre-temps, qui se seraient déclarés d’accord avec le protocole proposé, notamment le nouveau syndicat britannique
Origin et Shosholoza, sans oublier Team New
Zealand.
L’affaire éclate huit jours plus tard à peine: le
Golden Gate Yacht Club fait savoir qu’il entend faire valoir devant les tribunaux le droit
de devenir «Challenger of Record». Il a d’ores
et déjà déposé plainte auprès d’un tribunal
de New York. Premièrement, le défi du Club
Náutico Español de Vela (CNEV) devrait, selon les Américains, être déclaré non valable
et, deuxièmement, Alinghi devrait être
contraint à élaborer en collaboration avec le
GGYC un nouveau protocole pour la 33e
America’s Cup.
Bien évidemment, Alinghi n’est pas d’accord.
Ernesto Bertarelli et Michel Bonnefous ont
même réagi de manière indignée face à ces
reproches et les ont rejetés. Ils ont fait savoir,
à la fin juillet, que la prochaine édition de la
Coupe aurait lieu à Valence, en 2009, et que
les détails concernant la nouvelle classe de
bateau seraient communiqués à la fin septembre.
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Ces dernières semaines, l’atmosphère s’est encore tendue après l’annonce – attendue - de
l’engagement comme CEO de Russell Coutts,
l’un des artisans du premier succès d’Alinghi,
au sein du team de Larry Ellison. A quoi il faut
ajouter que Ernesto Bertarelli et ses hommes
rencontreront les gars de BMW Oracle dans le
cadre du CM des Farr 40, à Copenhague.
Une première audience s’est déroulée le 10
septembre 2007 au tribunal de New York. Si
les parties ne parviennent pas à s’entendre, il y
a effectivement un risque de voir la Coupe de
l’America devenir une farce, comme en 1998.
Un avenir incertain
La situation est dans l’impasse et laisse la
place à toutes les spéculations. Larry Ellison
fait-il tout ce théâtre pour déstabiliser Alinghi et les autres teams et les empêcher de
bien se préparer? Ou bien veut-il effectivement contraindre les autres teams de courir
sur un gros catamaran, comme la rumeur le
laisse entendre? D’un autre côté, Alinghi at-il un «plan B», au cas où les Américains devaient se voir donner raison par le tribunal?
Si Alinghi refusait en revanche de défendre la
Coupe contre Oracle, alors celle-ci devrait revenir au defender précédent, à savoir les
Kiwis… Le cas échéant, comment ceux-ci réagiraient-ils?
Une chose est claire: toute cette histoire reste
passionnante, mais tout ce théâtre n’est pas
vraiment sain pour la voile sportive en général et la Coupe de l’America en particulier. 
Alinghi Homecoming Tour 2007
L’euphorie que l’on a pu constater en Suisse après la défense
Berne (photos de gauche) et Lugano. ­Même scène à Montreux
victorieuse d’Alinghi n’était pas tout à fait comparable à celle
où l’équipage d’Alinghi fut prié par Claude Nobs, le créateur
qui régnait en mars 2003. Cela dit, là où Alinghi se pointait,
du festival de jazz de Montreux, de monter sur scène entre
c’était l’émeute, ou presque. Pour preuve, la réception accor-
deux concerts, celui de Van Morrison et de Gianna Nannini.
dée aux héros lors de leur Home­comig-Tour à Genève, ­Zurich,
Quatre ans plus tard, l’enthousiasme était bien présent.
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Lori Schüpbach
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