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Lori Schüpbach crier gare, mais certains d’entre eux se distinguent parfois par des performances exceptionnelles sur de longues durées. On pourrait par exemple citer la force d’attraction exercée par le HC Berne et le FC Bâle. Il n’y a aucune raison compréhensible au succès incroyable de ces deux clubs auprès de la population locale de chacune des deux villes, un succès que l’on ne retrouve de loin pas partout! Au moment où ces lignes ont été écrites, Gigi Oeri, la présidente du FCB, était tellement absorbée par les finales de championnat et de coupe qu’elle ne trouvait même plus le temps et l’envie de faire quoi que ce soit qui ne soit pas en rapport avec l’actualité du FCB. On peut ainsi tout à fait comprendre que Mme Oeri n’avait pas vraiment la tête à s’exprimer sur les «phénomènes sportifs». Il semblerait même qu’elle ait elle aussi subi l’influence d’un phénomène: elle vibrait avec son équipe, ce que tout supporter digne de ce nom a déjà dû ressentir maintes fois. En football (le sport qui a actuellement le plus de succès), les supporters vibrent presque tous les jours avec leur équipe. La plupart du temps, ce phénomène est d’ailleurs très impressionnant, comme lors de la dernière Coupe du monde en été 2006 où l’enthousiasme a atteint des dimensions incroyables. C’était non seulement le cas en Allemagne, mais aussi en Suisse, où des vagues d’émotions en tous genres ont submergé plus de spectateurs qu’à l’accoutumée. Dans le domaine de la voile, cet enthousiasme a enfin atteint nos lacs il y a environ quatre ans. A l’époque, un nombre incroyable de Le phénomène Alinghi Dans le domaine du sport, le succès dépend de nombreux paramètres: technique, tactique, préparation, matériel, condition, classe individuelle ou esprit d’équipe peuvent en effet expliquer une victoire ou une défaite. Plus le niveau est élevé, plus il faudra être bon dans chacun de ces domaines, sans parler du petit plus qui fait parfois toute la différence. On dit souvent qu’on a forcé la chance, mais personne ne sait exactement comment s’y prendre pour y arriver. Il y a sûrement un rapport avec la volonté, mais il est de toute façon impossible de tout expliquer. Chaque année et dans chaque sport, on trouve de nombreux exemples pour illustrer ces propos. christian dick On parle parfois de phénomène sportif lorsque les performances réalisées sont telles qu’elles deviennent impossibles à expliquer avec la seule raison (même après analyse détaillée de ces dernières). Ce terme a même été utilisé comme surnom de l’un des plus grands sportifs modernes: pendant sa meilleure période, le footballeur brésilien Ronaldo jouait tellement bien que la meilleure façon de le décrire était de parler de phénomène. Le Brésilien était le plus rapide, le plus technicien et le plus créatif de ses contemporains: le 10 America’s Cup plus célèbre des attaquants de l’époque. Ceci fut valable jusqu’à la finale des championnats du monde de 1998, lorsqu’il pouvait à peine mettre un pied devant l’autre pour des raisons qui n’ont pas encore été complètement expliquées; résultat, il dut laisser son titre de champion du monde au Français Zinedine Zidane. Aujourd’hui, Zidane s’est retiré des terrains et Ronaldo fait toujours partie des meilleurs; mais on ne parle plus de lui comme du «fenômeno». Dans le monde du tennis, Roger Federer a lui aussi été affublé de l’étiquette de phénomène. La plupart du temps, ce type de sportifs apparaît et disparaît sans [email protected] • www.marina-online.ch Tél: 031 301 00 31 • Service des abonnements Tél: 031 300 63 43 marina.ch juin 07 Alinghi a déjà gagné la Coupe une fois et est maintenant prêt à la défendre. Pour moi, travailler dans un team aussi performant est une expérience incroyable. Il est important que malgré le professionnalisme ambiant, nous ne perdions rien de notre plaisir. Yves Detray, pitman Lori Schüpbach texte: « juin 07 marina.ch » Enthousiasme espagnol débordant: les fans fêtent «leur» Desafio Español 2007. America’s Cup 11 [email protected] • www.marina-online.ch Tél: 031 301 00 31 • Service des abonnements Tél: 031 300 63 43 s pectateurs se levait au beau milieu de la nuit et s’asseyait devant la télévision pour suivre la Coupe de l’America et plus spécialement la bataille AlinghiTeam New Zealand. Ce sport marginal peu spectaculaire et difficile à comprendre pour les novices envahissait les foyers suisses, provoquant ainsi un incroyable écho que l’on peut entendre aujourd’hui encore. Difficile d’expliquer précisément cet enthousiasme soudain; nous avons cependant essayé de trouver des bribes de réponses auprès de personnes ayant à faire à des phénomènes sportifs. Discussion avec une mère Benedikt Weibel, ancien CEO des CFF et aujourd’hui délégué du Conseil fédéral pour l’EURO 2008, se rappelle très bien de la dernière édition de la Coupe de l’America. «A l’époque, on savait bien qu’il s’agissait d’un évènement sportif extraordinaire. L’enthousiasme du public pour la compétition ne m’a pas étonné: en Suisse, l’évènement avait tout de même été très bien couvert par les médias. La NZZ avait par exemple consacré une page entière à la tactique et la stratégie dans les sports de voile. Je me suis moi-même levé une fois au milieu de la nuit pour suivre une régate; ça m’a rappelé les grands combats de boxe des poids lourds que nous suivions à la télévision au milieu de la nuit quand j’étais plus jeune. Difficile de dire si l’effet Alinghi sera un effet durable. Jusqu’à maintenant, les pré-régates n’ont pas vraiment soulevé de grandes vagues d’enthousiasme». Weibel, qui connaît Bruno Marazzi, pense bien que ceci pourrait bien changer du jour au lendemain lorsqu’Alinghi entrera en lice. Le syndicat d’Alinghi évolue actuellement dans « Avec Alinghi, chaque entraînement est une petite compétition interne pour les postes disponibles à bord. Il est impressionnant de constater que malgré les plus de 20 nationalités différentes qui se trouvent à bord, nous n’avons aucun problème de communication. Enrico De Maria, grinder 64534_65x12.75_marina_f.qxp Alinghi & nous 12 America’s Cup 29.3.2007 » 13:18 U une dimension plutôt hors-norme. Autre évènement important à venir: les championnats d’Europe de football qui se dérouleront l’année prochaine en Suisse et en Autriche. «A l’heure actuelle, il est inutile de se demander si le public va suivre la compétition! On pourra se poser la question le 6 juin 2008, la veille du match d’ouverture. Il s’agit maintenant de se fier aux organisateurs. Nous avons prévu de faire bouger un peu les choses en automne afin d’éveiller un peu l’intérêt des spectateurs pour l’EURO». A ce sujet-là, Weibel a déjà fait plusieurs expériences positives. Récemment, à l’occasion d’un exposé auprès de GastroSuisse, il a constaté que la motivation et les préparatifs des hôteliers et des tenanciers de restaurant étaient en très bonne voie pour l’EURO. «Je crois que je ne me rends pas encore compte de ce qui nous attend. Cela me fait penser à une expérience que j’ai vécue dernièrement: l’été passé, pour la première fois, ma mère a parlé football avec moi à l’occasion de la Coupe du monde en Allemagne». L’enthousiasme soulevé dans le pays a également été possible grâce à l’engagement de l’équipe-hôte. Pour Weibel, il faut aussi un déclic dans le monde du sport. «En même temps, Athènes a considérablement vibré lors de la finale de la Ligue des Champions, même si les Grecs n’y participaient pas». des plus fascinantes avec celle de Sauber», explique Lüthi qui possède lui-même un bateau depuis peu. «Je ne suis pas en mesure de juger l’aspect sportif de la compétition, mais l’entreprise qui se trouve derrière Alinghi est tout simplement impressionnante. C’est incroyable, tout ce que l’on peut faire si une personne s’engage au maximum et investit son argent dans le sport. Dans ce cas-là, on parle d’entreprises 15 fois plus grandes que le HCB. Et tout ça pour seulement cinq régates! C’est plutôt difficile de bien s’en rendre compte. On pourrait comparer la Coupe de l’America à la Formule 1, en plus difficile à comprendre». Vivre l’action L’entraîneur de football Hanspeter Latour fait partie de ces personnalités qui peuvent passer du statut de héros à celui de raté du jour au lendemain. Mais il est très apprécié pour son côté très terre à terre et son humour: «Rien de très voyant, mais un sentiment agréable». Mais le soutien de sa famille lui permet de mieux vivre la situation. «Lorsque je reviens sur mes premiers pas et que je suis le cours des évènements, je remarque que peu de choses ont réellement changées. Et au fond, mes victoires et mes défaites ne touchent pas tout le monde!». Une phrase empreinte de la sagesse de l’âge que l’entraîneur de 60 ans ne renie pas, bien au contraire: «Je considère ce monde comme contingent et j’ai suffisamment gagné et perdu pour prendre tout ça avec sérénité. Avec le temps, on n’éprouve plus ce besoin d’être parfait partout. J’ai dépassé ma période strass et paillettes!». Pour lui, c’est aussi à ce niveau qu’il faut chercher les causes de l’enthousiasme soulevé par Alinghi. «Lorsque quelqu’un a une chance de gagner, il va chercher beaucoup de forces à l’extérieur de lui-même. Prenon par exemple le cas de Werner Gunthör, notre super-champion de lancer du poids: lorsqu’il prenait son poids, tournait sur lui-même et le projetait à une distance incroyable, nous étions avec lui, nous le faisions avec l ui. «Ici, nous parlons d’optimisme, de travail en équipe et de financement. Nous n’avons pas de mer mais Alinghi incarne un mélange de technique, de sportifs et d’espoir. La symbolique de ce défi est très importante: on est tous dans la même barque et c’est ensemble qu’on arrivera à quelque chose. Il suffit de se bouger!». « Alinghi est toujours à la recherche de la perfection, qu’elle soit sportive, que ce soit au niveau du design, du marketing ou autre. Aujourd’hui, Alinghi est fort à tous les niveaux et notre objectif est on ne peut plus clair. » Pierre-Ives Jorand, coach voile Comme en Formule 1 Marc Lüthi est le directeur commercial du HC Berne, un club de hockey sur glace qui attire depuis bientôt 40 ans le plus grand nombre de spectateurs de Suisse et qui est même depuis quelques années le numéro 1 invaincu en matière d’audience: «L’esprit du temps a changé, mais le HCB a toujours eu du succès dans notre ville calme et plutôt modeste». Depuis dix ans à la tête de cette entreprise qui se porte comme un charme, Lüthi a lui aussi de la peine à trouver d’autres raisons au phénomène du HCB. «On peut toujours gagner ou perdre, c’est ça qui fait le charme du sport. En tennis, Roger Federer est en un bon exemple: il a été élu sportif de l’année, mais ses longues séries de victoire l’ont presque rendu «ennuyant». C’est seulement maintenant qu’il a subi quelques défaites que le public s’intéresse à nouveau à lui». Alinghi fait le même effet au public que Federer lors de ses premières grandes victoires. «La Coupe de l’America est suivie dans le monde entier et nous faisons enfin partie de la fête. La fierté entre inévitablement en compte. Je trouve que l’histoire d’Alinghi est l’une marina.ch juin 07 marina.ch Ralligweg 10 3012 Berne Tél: 031 301 00 31 [email protected] www.marina-online.ch Service des abonnements juin 07 marina.ch Tél: 031America’s 300 63 43 Cup 13 « Les succès, moteurs du courage Alinghi est sûrement le meilleur, si ce n’est le plus expérimenté des teams au monde. Nous sommes tous très professionnels. Même maintenant, juste avant la Coupe, nous travaillons dans un calme exemplaire, sans la moindre nervosité. Nils Frei, régleur » Ralph Krueger, l’entraîneur de notre équipe nationale de hockey sur glace, se trouve lui aussi dans une «situation phénoménale». Tout change très rapidement dans le monde du sport, mais Ralph Krueger a réussi à rester entraîneur depuis près de dix ans: sur les 16 entraîneurs qui se trouvaient à Moscou lors des derniers championnats du monde, il était celui qui avait tenu son poste le plus longtemps. Pour lui, tout n’est pas forcément simple. Avec son équipe, Ralph Krueger cherche encore et toujours à dépasser les quarts de finale des championnats du monde où la Suisse échoue systématiquement. «Cette situation entraîne des critiques avec lesquels je dois vivre: j’essaie toujours d’être le plus réaliste possible. Je ne cherche pas à être populaire à tous les niveaux. Si on se laisse aller à des décisions démagogues, on a perdu. Il est plus important d’être transparent et de suivre une ligne claire. Ce qui me déplaît par contre, c’est que mon programme et mes joueurs sont souvent moins respectés que ceux qui ne sont pas dans le coup». L’Association Suisse de Hockey sur Glace a conclu des contrats à long terme avec Ralph Krueger. «La continuité exige de la patience. Fondamentalement, mon travail est toujours le même, mais je suis constamment obligé de trouver de nouveaux moyens d’atteindre mes buts. Il en faut pas mal pour réussir à surprendre les joueurs!». L’entraîneur explique très bien sa conception du groupe dans son livre «Teamlife». Il analyse la situation d’Alinghi de la même manière. «Je me suis renseigné sur la manière de travailler d’Alinghi – sur l’eau et à terre. J’ai été impressionné non seulement par les tâches techniques effectuées sur le bateau, mais aussi par la capacité de Bertarelli à créer une véritable famille. Alinghi est une équipe aux liens très intenses composée de très bons athlètes». Pour Krueger, l’enthousiasme du public n’est pas étonnant: «On trouve beaucoup de liens très forts entre Alinghi et la Suisse. Les succès sportifs sont toujours très agréables à vivre et sont sources d’encouragement pour la société. Lors des JO 2006 de Turin, nous avons nous-mêmes vécu une situation identique. Beaucoup de personnes qui ne savaient pas de quoi avait l’air un puck nous ont félicités après nos victoires contre la Tchéquie et le Canada. Dans le monde du sport, le patriotisme peut parfois avoir du bon!» Le port comme arène – public Lori Schüpbach et cupper y sont côte à côte. 14 America’s Cup marina.ch juin 07