Synthèse Richard Miller Liberté et Libéralisme. Introduction
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Synthèse Richard Miller Liberté et Libéralisme. Introduction
Synthèse Richard Miller Liberté et Libéralisme. Introduction philosophique à l’humanisme libéral Résumé de l’ouvrage Liberté et libéralisme? reprend deux leçons présentées au Collège de Belgique en mai 2012. Richard Miller tente d’y décrire sa vision personnelle du libéralisme qui insiste sur les questions de l’égalité tout en restant fidèle à l’idéologie libérale. Incarnant l’esprit critique des Lumières, Richard Miller n’hésite pas dans cet objectif à confronter la pensée libérale à ses opposants directes. Jean Paul Sartre ou la critique d’Hayek du rationalisme constructiviste lui seront ainsi d’une aide précieuse afin de justifier un libéralisme de la pluralité soucieux des inégalités sociales. La liberté, raison d’être du libéralisme est définie comme un pouvoir pour le bien et pour le mal selon l’expression de Schelling et nécessite de ce fait un projet politique lui permettant d’éviter les deux écueils de la condition humaine que sont la rareté des biens et la possibilité du mal. (le traité transatlantique constitue un véritable danger pour ce projet politique qui nous permet jusqu’à maintenant de vivre en Europe dans une relative harmonie) Il souhaite ainsi parvenir à une orientation libérale, originale et surtout pertinente pour notre temps. La réponse aux inégalités sociales et à un monde en perte d’humanité ne se trouve pas pour Richard Miller dans la contestation du libéralisme mais bien au contraire dans sa redéfinition. Sa recherche des origines du libéralisme le conduit à citer Johnn Locke et le droit d’insurrection qu’il donne au peuple en cas de trop grandes injustices. I La liberté est la faculté d’imaginiser le réel Dans ce premier chapitre, Richard Miller tente de prémunir le lecteur des idées préconçues autour des liens entre libéralisme et liberté. La liberté n’est pas nécessairement liée au libéralisme bien que ce dernier soit une réponse aux attentes de la liberté. Ainsi Jean Paul Sartre est sans doute l’un des plus grand penseur de la liberté au 20èm siècle sans qu’il ne soit jamais devenu libéral. De plus, en dépit des incantations de certains en faveur d’une liberté tout azimut (comme les défenseurs du TTIP), cette notion n’est pas nécessairement positive. Elle peut même conduire à des situations tragiques tel que l’oppression d’un peuple par une dictature, des mutilations génitales imposées aux jeunes filles ou la spéculation financière au détriment des entreprises. Devant cette ambivalence de la liberté, Richard Miller épouse la thèse de Schelling selon lequel ne pas voir que « la liberté est un pouvoir pour le bien et pour le mal est un point de vue étranger à tout libéralisme ». (L’attitude libérale doit être responsable afin d’éviter la possibilité du mal et permettre donc des balises et des gardes fous pour protéger la société des dérives de l’économie capitaliste) Le libéralisme a donc besoin d’un courant politique suffisamment subtile pour orienter la liberté vers le bien tout en ne bridant pas sa puissance créatrice. Revenant aux liens entre liberté et libéralisme, Richard Miller situe l’origine du libéralisme à la naissance des Provinces Unies entre la Renaissance et les temps modernes. Pourtant le sentiment de liberté a précédé le libéralisme et était présent sur d’autres continents comme l’illustre la Chartre du Mandé en Afrique Le libéralisme ne se distingue donc pas par la liberté mais par une organisation sociétale prenant en compte l’ensemble des points de vue librement exprimés. Cette liberté de points de vue se voit confrontée à la nécessité d’orienter l’organisation de la société vers le bien par la mise en place de règles, d’institutions et d’instruments du pouvoir. (ce que risque de défaire le TTIP cf ISDS et coopération réglementaire) Cette volonté d’orienter la société vers une direction particulière est commune à toutes les idéologies politiques notamment au socialisme. Mais le libéralisme postule la confiance en l’être humain alors que le socialisme tire sa légitimité d’une connaissance a priori de ce qui est bon pour la population. Le libéralisme à l’inverse fait confiance à la pérfectiblité de l’être humain selon l’idée qu’il est capable d’intelligence et de bon sens. Ainsi pour Descartes, le bon sens est la chose du monde la mieux partagé. Il est donc toujours dans un esprit de réforme afin de chercher une amélioration de la loi. Richard Miller nous rappelle que l’organisation de la société est nécessaire car la liberté est un pouvoir pour le bien et pour le mal. Ainsi il distingue les trois composantes de ce pouvoir: unicité, inter-personnalité et pluralité de chaque être humain. Le pouvoir de l’homme sur le monde résulte de la perception unique de chaque individu sur l’univers. Ce rapport subjectif conduit à un état de séparation corrélé au sentiment que nous n’accéderons jamais à la certitude ultime. Chaque être croit à la singularité de ses propres images. Le politique intervient dans la conciliation des ces points de vue singuliers sur le monde pour permettre le vivre ensemble. Il ne peut pas être fondé sur un socle de certitudes puisque l’être humain ne peut croire qu’à des images à des représentations mais sur des valeurs communes. Enfin, la pluralité de chaque être humain est la résultante de notre faculté d’imaginer le réel. Cette perception subjective de la réalité est en constante évolution. Nous ne sommes jamais pareils à nous mêmes et nous ne pouvons donc pas être catégorisés dans des affiliations restrictives de notre identité plurielle. Nous avons un éventail de libertés que nous devons explorer dans une démultiplication de rencontres et de choix potentiels. Pour Richard Miller, si le 19 et le 20 ème furent marqués successivement par la question sociale et par la démocratie, le 21 ème sera centré sur le problème de l’humain (démographie, mondialisation, migrations climatiques etc.). « La question humaine est la caractéristique principale du libéralisme et les bouleversements et ébranlement actuels de ce qui fait l’humanité de l’homme sont des atteintes directes à ses valeurs » En effet, l’accessibilité à des biens et services fondamentaux est une condition sine qua non d’une vie libre et rien n’oblige à priori de faire bon usage de sa liberté. Le libéralisme doit donc réformer les instruments politiques et économiques afin de lutter contre les deux principaux obstacles à la liberté humaine qui sont la rareté des biens et la possibilité du mal. Pour Richard Miller, le système communiste en se coupant de la libre entreprise n’aura pas été capable de répondre au problème de la rareté des biens entraînant des tragédies pour des populations entières. De même l’économie capitaliste à parfois tendance à sous estimer la possibilité du mal comme l’illustre cet extrait suivant: “Ainsi lorsque l’économie capitaliste se prend pour la seule finalité et oublie que la production de biens doit servir prioritairement au développement et au mieux être des citoyens, elle met en danger l’ensemble de la société” C’est pourquoi le libéralisme doit s’efforcer d’allier production des biens et fonctionnement démocratique. II Jean Paul Sartre et Friedrich A. Hayeck Richard Miller souhaite désormais aborder la question de l’égalité qui est souvent opposée à la liberté par la pensée dite de gauche. Pourtant l’attitude libérale impose que l’on s’intéresse à cette question. En effet voulons nous la liberté pour soi, pour quelques uns ou pour tous? Le libéralisme doit dès lors adopter une attitude de combat face aux recrudescences des inégalités. C’est à partir d’une double lecture de Sartre et d’Hayeck et de leur approche de la liberté que Richard Miller entend définir cette attitude. Bien qu’opposés idéologiquement, ces deux auteurs n’ont pas cessé d’aborder le thème de la liberté. Jean Paul Sarte fut adepte de la liberté parlementaire avant de la critiquer fortement en devenant marxiste. Richard Miller souhaite adopter un libéralisme soucieux de l’égalité et considère avec intérêt la perspective sartrienne de concilier marxisme et liberté. Sartre aurait écrit les plus beaux développements sur la liberté notamment en affirmant que la personne n ‘est rien d’autre que sa liberté. Tout semble opposer Jean Paul Sartre et Friedrich Hayeck: la révolution socialiste est la route pour la liberté pour Sartre mais ne conduit qu’à la servitude pour Hayeck. Jean Paul Sartre est très cartésien mais Hayeck ne cesse de critiquer le rationalisme de Descartes. Pourtant les deux auteurs ont la même définition de la liberté qu’ils considèrent comme la marge d’autonomie laissée au travailleur par un encadrement de règles plus ou moins précises. Ils se rejoignent également dans leur critique du positivisme scientifique mais leurs conclusions sont opposées. Sartre conteste la légitimité du rationalisme à vouloir tout disséquer pour n’aboutir qu’a l’individu et à l’égoïsme éclairé. Cette critique le conduit à une contestation du libéralisme économique et politique (critique partagée par Richard Miller car il entend substituer cette vision traditionnelle du libéralisme à un libéralisme de combat sur le plan des inégalités). Hayek s’insurge contre le rationalisme constructiviste qui serait en mesure de modifier le monde selon la volonté humaine. A cette vision planificatrice, il oppose un ordre libéral spontané, une société ouverte. Richard Miller va se focaliser sur une opposition qui lui permettra de définir le concept d’égalité libérale. En effet, il remarque une insuffisance réciproque chez ces deux auteurs. La pensée de Hayek évoque pour lui un libéralisme de la normalité qui s’adresse aux satisfaits tandis que Sartre parle uniquement aux damnées de la terre. Hayek semble convaincu que le libéralisme est partagé par tous et que les pauvres n’ont qu’à attendre un avenir meilleur alors qu’à l’inverse Sartre incite à la violence voir au meurtre contre les salauds représentés par M et M tout le monde qui sont des démocrates bourgeois. L’opposition entre Hayek et Sartre pourrait être résumée par leur rapport à la révolte. Sartre pense qu’on a toujours raison de se révolter et Hayek croit qu’on a toujours tort car toute révolte est nécessairement violente. Il critique ainsi la Révolution française qui sous le prétexte de la liberté a conduit à l’usage arbitraire du pouvoir par les représentants élus du peuple. Hayek s’oppose à la révolte non par conservatisme mais par ce qu’il défend une vision de la liberté caractérisée par l’absence de coercition imposée à une personne par d’autres. Cette définition est réductrice pour Richard Miller. En effet selon le concept de pluralité de la personne humaine la coercition peut prendre différente formes et se manifester dans différents aspects et pas d’autres. Il faut donc élargir cette liberté au delà du cercle des satisfaits du libéralisme à l’humanité toute entière. Pour Richard Miller, être libéral, c’est vouloir la liberté pour tous et non pas seulement pour certains satisfaits qui bénéficieraient du libéralisme. La liberté et la démocratie nous déporteraient naturellement vers l’universel. La liberté s’adresse donc à tous les êtres humains. La dimension profondément humaine du 21 eme siècle doit conduire le libéralisme à approprier la connaissance de l’homme et à se placer sur le terrain de l’égalité. Mais Miller se souhaite pas une égalité réductrice de l’unicité et de la pluralité de chaque être humain qui reviendrait à considérer que 1 égale 1. Miller propose une égalité universelle qui irait à l’encontre des affiliations identitaires qui réduisent les possibilités de l’individu dans une forme d’égalitarisme communautaire. Mais pour que cet universalisme ne reste pas abstrait il faut un libéralisme de combat qui permette à chacun d’avoir une vie unique avec autrui et plurielle. Il faut pour cela que les instruments politiques et économiques se conjuguent à l’échelle mondiale. Car en citant Richard Miller: “ Ce n’est pas la mondialisation qui est une mauvaise solution, c’est l’insuffisance de gouvernementalité mondiale, l’impuissance des organisations politiques internationales à endiguer l’usage des libertés financières et économiques. Impuissance qui entraîne pour conséquence que l’espace de la mondialisation comme l’écrivait déjà Ferdinand Braudel est un espace troué. La prospérité mondiale est creusée de trous de pauvreté: les pays qui peinent à se développer bien sur, mais également dans les pays riches ou se creusent des zones à populations paupérisées.” Compte tenu de cet état de fait, Richard Miller répond positivement à la question initiale de la révolte. S’il exprime une réticence philosophique à l’idée de révolte, certaines situations concrètes comme la situation actuelle de la mondialisation permettent sur le plan politique d’envisager sa possibilité. Ainsi “les menaces que la mondialisation - insuffisamment contrebalancée par le politico économique - fait peser sur des population entières, sont telles qu’on ne peut l’accepter, ni pour ce qui concerne ces populations, ni au regard de l’humanité elle même”. Richard Miller termine en citant John Locke fondateur du libéralisme qui dans son traité du gouvernement civil définit et approuve les modalités de droit de résistance du peuple qu’il considère comme un des droits humains fondamentaux. Je cite en guise de conclusion de cette synthèse de la pensée deux paragraphes situés à la fin de cet essai qui sont particulièrement révélateur de l’originalité sociale de son libéralisme : « Je sais que ce droit de résistance est lié aux circonstances de son temps, et que l’on pourrait en trouver la source dans la théorie médiévale du mauvais roi. Mais à toute époque ses défis et ses combats. En ce 21 em siècle où les ennemis fondamentalistes de la démocratie, ou les ennemis spéculateurs à l’encontre du monde de l’entreprise et du travail tendent à saper la confiance dans la liberté humaine, le libéralisme doit être davantage à la pointe des combats légitimes. ( …) J’ai la conviction qu’aujourd’hui dans le contexte économique complexe et dans le con texte d’agression à l’encontre de la vision humaniste de l’homme, l’égalité au même titre que la liberté, appelle un combat porté par le libéralisme et non pas tourné contre celui-ci. Je fais donc mienne la thèse de Nicolas Tenzer président du CERAP : le libéralisme est aujourd’hui la seule doctrine susceptible de réaliser les espoirs et les promesses d’une plus grande égalité. Mais en insistant comme il le fait, sur ceci : les propositions libérales sont actuellement inaudibles sur ce terrain car elles n’indiquent aucune intention de changer cet état de fait. Au contraire, elles paraissent superposer des inégalités enracinées et une insécurité nouvelle dont ne devrait pâtir que la partie la plus faible de la société. » Au lobbying citoyen de démontrer à Richard Miller que c’est bien ce libéralisme qui inspire les auteurs du TTIP, c'est-à-dire un libéralisme à rebours du projet humaniste européen, des instruments démocratiques de régulations et conduisant à de nouvelles inégalités. « Mais le libéralisme tel que je le vois est le seul courant à même d’empêcher que ne perdurent des inégalités et des situations de domination durable » Sa vision du libéralisme ne pourrait logiquement que le conduire à une position au moins critique vis-à-vis du TTIP.