DOSSIER SCO COSI - Opéra

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DOSSIER SCO COSI - Opéra
d o s s i e r d ’ a c c o m pa g n e m e n t
VENIR A UN SPECTACLE
Nous sommes très heureux de vous accueillir à
l’Opéra de Limoges!
Ce dossier vous aidera à préparer votre venue avec les
élèves. Vous pouvez le diffuser et le dupliquer librement.
Le service éducatif est à votre disposition pour toute
information complémentaire.
N’hésitez pas à nous envoyer tous types de retours et de
témoignages des élèves sur le spectacle.
INFORMATIONS PRATIQUES
La représentation débute à l’heure indiquée. Nous vous
remercions d’arriver au moins 30 minutes à l’avance, afin
d’avoir le temps de vous installer en salle. Les portes se
ferment dès le début du spectacle.
Nous rappelons aux enseignants et accompagnateurs
que les élèves sont sous leur responsabilité pendant toute
leur présence à l’Opéra. Ces derniers doivent demeurer
silencieux pendant la durée de la représentation afin de
ne pas gêner les artistes et les autres spectateurs. Il est
interdit de manger et de boire dans la salle, de prendre
des photographies ou d’enregistrer. Les téléphones
portables doivent être éteints.
Nous vous remercions de bien vouloir faire preuve
d’autorité si nécessaire.
Durée du spectacle : 2 h 30 environ avec entracte
Opéra chanté en italien et surtitré en français
bonus
•
Parcours scolaire MARIVAUDAGE MUSICAL?
Visite de l’Opéra de Limoges. Date à réserver en
début de saison.
Rencontre, le lundi 11 mai 2015 à 10 h 30 à l’Opéra
de Limoges, avec Jim Lucassen, metteur en scène,
animée par Michel Noiray, directeur de recherches
au CNRS.
•
Journée Tous à l’opéra le samedi 09 mai 2015
Concert : Chœur de l’Opéra-Théâtre de Limoges Mozart l’européen
Conférence : Mozart et Così
Rencontre avec J. Lucassen, metteur en scène et
R. Tuohy, directeur musical
Programme complet disponible en avril 2015
Nous vous souhaitons une très bonne représentation !
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COSÌ FAN TUTTE
Così fan tutte est un opéra dramma giocoso (opéra
burlesque) en deux actes de Wolfgang Amadeus Mozart
créé à Vienne en 1790. Le livret de Lorenzo Da Ponte a
été écrit d’après un fait divers qui avait amusé la noblesse
de Vienne à l’époque.
Personnages, rôles et voix
Don Alfonso, vieux philosophe, ami de Ferrando et
Guglielmo - basse
A Limoges, l’opéra Così fan tutte est mis en scène par
Jim Lucassen. La direction musicale est confiée à Robert
Tuohy.
Guglielmo, officier, amant de Fiordiligi - baryton
Ferrando, officier, amant de Dorabella - ténor
Fiordiligi, dame de Ferrare en villégiature à Naples soprano
l’histoire
A Naples, le cynique Don Alfonso tente de convaincre les
deux officiers Ferrando et Guglielmo que leurs fiancées
peuvent facilement se laisser séduire par d’autres
hommes. Devant l’incrédulité des deux jeunes hommes, il
leur fait le pari de leur prouver la légèreté amoureuse des
deux sœurs Fiordiligi et Dorabella. Pour cela, il dispose de
vingt-quatre heures…
Dorabella, sa sœur - soprano
instruments de l’orchestre
8 violons I
6 violons II
4 altos
4 violoncelles
2 contrebasses
composition de l’orchestre symphonique
Despina, servante de Fiordiligi et de Dorabella - soprano
2 flûtes traversières et 1 piccolo
2 hautbois
2 clarinettes
2 bassons
2 cors
2 trompettes
2 trombones
Timbales
Percussion
Clavecin
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argument
ACTE I
ACTE II
Deux jeunes officiers, Ferrando et Guglielmo, discutent
avec le vieux Don Alfonso qui leur soutient que leurs
fiancées leur sont infidèles – comme toutes les femmes. Il
va leur prouver ses dires en une journée.
Despina tente de convaincre ses maîtresses de s’adonner
au jeu de l’amour. Fiordiligi et Dorabella acquiescent et
vont entreprendre les deux Albanais transis. Dorabella
choisit Guglielmo et Fiordiligi porte sa préférence sur
Ferrando. Les couples se forment, aidés par Don Alfonso
et Despina et chacun va son chemin dans le jardin.
Fiancées à Ferrando et Guglielmo, Dorabella et Fiordiligi
chantent leur amour pour leurs fiancés lorsque
Don Alfonso apparaît. Ce dernier est, soi-disant, chargé de
les avertir qu’ils ont été appelés au service actif. Les deux
hommes arrivent. C’est la séparation douloureuse.
Don Alfonso reste alors seul avec les deux femmes, à
fomenter ses intrigues. Arrive Despina, la bonne. Ses
maîtresses se lamentent. Elle les incite à prendre du bon
temps, partant du principe qu’eux n’hésiteront pas à le
faire. Les deux jeunes filles se retirent.
Don Alfonso, de retour dans la place, va corrompre
Despina et s’en faire une alliée pour ses projets. Il fait
entrer Ferrando et Guglielmo, déguisés en Albanais, qui
vont entreprendre chacun la fiancée de l’autre. Les deux
jeunes femmes résistent vaillamment et clament leur
amour pour les deux hommes partis à la guerre.
Don Alfonso n’en reste pas là. Il renvoie les Albanais
chez ces dames et leur fait prétendre avoir, de désespoir,
absorbé de l’arsenic. Après avoir expliqué aux deux
soeurs que les deux hommes mourront sans le secours
d’un docteur, Don Alfonso revient avec un docteur
qui n’est autre que Despina déguisée, qui les soigne.
Revenant à eux, les deux hommes crient de nouveau leur
amour mais les deux soeurs restent de marbre... enfin
presque.
Dorabella cède vite, donnant à son amant une miniature
offerte à son départ par son fiancé, alors que Fiordiligi
revient seule, ayant refusé les avances du jeune Albanais.
Lorsque les trois hommes se retrouvent, Guglielmo est
triomphant et Ferrando désespéré.
Voici les trois femmes ensemble : Despina félicite
Dorabella qui a déjà succombé aux avances de son
amant, Fiordiligi refuse toujours de se laisser tenter et
s’habille en soldat pour rejoindre son fiancé sur le front.
Ferrando survient et la presse à tel point qu’elle finit par
céder. Guglielmo, qui observait la scène, caché avec
Don Alfonso, est au désespoir. Ferrando est fier de lui.
Don Alfonso leur conseille d’épouser les deux jeunes
filles. Despina annonce que ses maîtresses sont prêtes à
épouser les Albanais. Le mariage s’organise. Don Alfonso
fait entrer le notaire, à nouveau Despina déguisée, pour
dresser les contrats de mariage.
À peine la cérémonie se termine-t-elle qu’on entend au
loin le chœur des soldats. Les deux jeunes femmes se
cachent. Les deux hommes réaparaissent dans
leurs habits de soldats. Don Alfonso sort devant Ferrando
les contrats de mariage, obligeant Dorabella et Fiordiligi à
avouer toute l’affaire. Suite aux aveux, les couples se
reforment et les noces ont bel et bien lieu.
Les six héros terminent en chœur sur la morale :
« Heureux l’homme qui sait accepter le bon comme le
mauvais ».
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WOLFGANG AMADEUS MOZART, le génie musical
WOLFGANG AMADEUS MOZART
27 janvier 1756, Salzbourg (Autriche) – 5 décembre 1791, Vienne
Aujourd’hui l’un des compositeurs et musiciens les plus réputés, cet artiste, bien que
mort à seulement 35 ans, laisse une œuvre prolifique et englobant tous les genres
musicaux de son époque. Il est célèbre notamment pour la composition de sonates,
de concertos et de symphonies et est considéré comme un des maîtres de l’opéra.
l’enfant prodige
Né à Salzbourg, Léopold Mozart (le père), est violoniste,
pédagogue et vice-maître de Chapelle à la cour du PrinceArchevêque. Wolfgang Amadeus Mozart nait donc dans
un milieu musical. Il révèle dès ses trois ans des dons
pour la musique. Ayant l’oreille absolue, il est capable de
déchiffrer des partitions et de taper la mesure avant ses
cinq ans. A six ans, il compose ses premières œuvres.
Devant tant de talent, son père décide de l’entrainer,
lui et sa sœur, dans une tournée européenne à travers
les grandes villes d’Europe. L’enfant impressionne
l’aristocratie européenne et est nommé « Chevalier de
l’éperon d’or » par le pape Clément XIV. Il entreprend
quelques années plus tard un voyage avec sa mère dans
le but de trouver un poste. Sa mère meurt à Paris durant le
périple et il rentre à Salzbourg, déprimé.
UN GENIE DE LA COMPOSITION
A partir de 1781, il quitte Salzbourg pour Vienne et peut
composer plus librement. Après l’immense succès de
L’Enlèvement au Sérail, il collabore avec le librettiste
Lorenzo Da Ponte et crée trois opéras : Les Noces de
Figaro (1786), Don Giovanni (1787) et Così fan tutte
(1790). Il compose également de nombreuses œuvres,
reconnues mais n’ayant pas un immense succès, la
noblesse préférant l’opéra italien.
MORT PREMATUREE
Durant les dernières années de sa vie, Mozart vit malade
et très endetté. Il mène en effet une vie au-dessus de
ses moyens et le triomphe de ses pièces ne suffit pas
à combler ses créances. Malgré le succès de La Flûte
enchantée, l’empereur Léopold II n’apprécie guère son
œuvre et s’oppose fermement à la franc-maçonnerie, dont
Mozart fait partie. En 1791, un inconnu (qui s’avère être le
comte Franz de Walsegg) lui commande le Requiem mais
Wolfgang Amadeus Mozart meurt le 5 décembre 1791.
Les causes du décès ne sont pas connues.
Quelques œuvres
1768 Bastien et Bastienne, opéra
1781 Sonate pour piano no 11 en la majeur dite
« Alla turca »
1786 Les Noces de Figaro, opéra
1787 Une Petite musique de nuit, sérénade pour quatuor à cordes et piano
1791 La Flûte enchantée, opéra
Concerto pour clarinette en la majeur
Requiem
LORENZO DA PONTE
10 mars 1749, Ceneda (Italie) - 17 août 1838, New York
Après une vie atypique et romanesque, Lorenzo Da Ponte, homme de lettres,
aventurier et ami de Casanova, devient à partir de 1781 « poète impérial » à la cour
de Joseph II d’Autriche. Il devient également le librettiste de nombreux compositeurs
tels que Martín Y Soler, Salieri et en particulier Mozart, pour qui il écrit le livret de trois
opéras célèbres : Les Noces de Figaro, Don Giovanni et Così fan tutte. Après son exil
d’Europe en 1805, il devient le principal introducteur et propagateur de la culture de
l’opéra italien en Amérique avec notamment l’organisation, en 1826, de la première de
Don Giovanni.
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CosÌ et la commedia dell’arte
La Commedia dell’arte est un genre théâtral qui trouve
ses origines en Italie au XVIe siècle. Reposant sur
l’improvisation d’acteurs masqués, elle propose des
intrigues simples et récurrentes.
Ingéniosité, naïveté, ruses et travestissements sont les
principaux ingrédients de la Commedia dell’arte
(« comédie de métier »), qui a remporté un vaste succès
en Europe, du XVIIe au XVIIIe siècle. Connue jusqu’au
XVIIIe siècle sous le nom de « comédie d’histrions »,
« comédie improvisée » ou « comédie à l’impromptu »,
cette forme théâtrale est née en Italie à l’initiative des
hommes de théâtre qui cherchaient à se démarquer, à la
fois du théâtre littéraire et du dilettantisme des comédiens
de la Renaissance. Les scénarii sont souvent basés sur
des faits réels.
Des personnages truculents
Jeunes amants, valets malicieux, étudiants candides,
marchands cupides, soudards, vieillards libidineux et
avares, les personnages truculents qui peuplent la
Commedia dell’arte sont souvent issus du théâtre du
Moyen Âge. A chaque pièce, des personnages récurrents,
et à chaque personnage, sa propre personnalité.
Arlequin appartient à la famille des
Zanni, c’est-à-dire des valets, les
plus populaires des personnages
comiques de la Commedia dell’arte.
De tempérament dynamique,
Arlequin est un meneur de l’intrigue,
rusé, spirituel et railleur, qui ne
cesse de brouiller les cartes.
Dans Così fan tutte, Despina se
rapproche de ce personnage : elle
est rusée, capable de se déguiser
sans être remarquée et volage
en amour (elle incite les deux sœurs à profiter de leur
âge et du départ de leurs fiancés). Elle campe le rôle de
plusieurs personnages tels le docteur ou le notaire. Elle
reste cependant un valet facilement corruptible. En effet,
elle réalise son forfait pour obtenir de l’argent de la part de
Don Alfonso.
dynamique simpliste des scénarii
de la Commedia dell’arte, où il
parle le dialecte vénitien, il ménage
un suspense qui fait rire. Avare,
soupçonneux, prudent, parfois
naïvement confiant, grondeur,
mais aussi bonhomme, il porte un
masque à long nez, à moustaches
et à barbiche. Le personnage de
Don Alfonso se rapproche de
Pantalon de par son statut de vieux
personnage philosophe, mêlé à
des intrigues amoureuses. Il est
également soupçonneux envers
les femmes qu’il considère comme volages et se montre
prudent à leur égard. C’est cette même prudence qui lui
permettra de prouver à Ferrando et Guglielmo que leurs
fiancées ne sont pas fiables (même s’il sera surpris par
l’arrivé des soldats à la fin de l’acte II, révélant ainsi la
trop grande confiance qu’il avait en ses plans). Ces ruses
restent cependant efficaces car il arrive à prouver aux
deux jeunes soldats que les femmes sont infidèles.
CosÌ, une commedia dell’arte?
Così fan tutte, tout en étant un opéra autrichien, se
rapproche quelque peu de la Commedia dell’arte. D’une
part, il s’inspire d’un fait réel. On raconte que l’histoire est
inspirée d’un incident dont on parlait beaucoup à Vienne
à l’époque. Deux jeunes hommes, sûrs de la fidélité des
deux sœurs à qui ils étaient fiancés, font un pari avec
un vieux célibataire de leurs amis qui remet en cause la
fiabilité des femmes. L’œuvre possède également une
intrigue simple, des personnages récurrents comme Don
Alfonso, personnage âgé, cynique et rusé, une opposition
entre les personnages appartenant à la classe des
domestiques (Despina) et ceux appartenant à la classe
des « maîtres » (Les couples Ferrando / Dorabella et
Guiglielmo / Fiodiligi)...
Pantalon est un marchand avisé et maître d’Arlequin,
Polichinelle et Colombine (d’autres personnages
récurrents). Il est cependant mêlé à de médiocres
intrigues amoureuses. Avec son ample manteau et ses
pantoufles noires, ses chausses et son chapeau rouges,
c’est un personnage qui fait rire par sa balourdise. Dans la
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ainsi font-elles toutes?
Pierre Carlet de chamblain de marivaux
Aux environs du 4 février 1688, Paris – 12 février 1763, Paris
Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux, plus communément appelé Marivaux, est un
journaliste, romancier et auteur dramatique français. Il est connu, entre autres, pour ses
pièces légères en lien étroit avec le théâtre italien (en particulier la Commedia dell’arte).
Il est encore l’un des auteurs les plus joués à la Comédie-Française.
Fréquentant divers salons parisiens, il rédige de nombreuses œuvres et développe un
style parodique propre ainsi qu’un genre nouveau, le « marivaudage ».
Considéré comme un très grand moraliste, certains le comparent à La Bruyère.
En 1720, il crée son premier succès au théâtre, Arlequin poli par l’amour et s’attache
aux troupes de comédiens italiens dont il aime le style. Il révolutionne la comédie
sentimentale, grâce à de nombreuses pièces dont Le Jeu de l’amour et du hasard
(1730) et Les Fausses confidences (1737).
marivaudage?
L’œuvre théâtrale de Marivaux est souvent qualifiée de
« précieuse ». En effet, elle montre une grande maîtrise
des dialogues, tout en subtilité et légèreté, et s’attache
principalement à décrire les tourments de l’amour
naissant. Le terme de « marivaudage » (apparu du vivant
même de l’auteur), qui signifie « badiner avec préciosité ;
échanger des propos galants et raffinés », ou de manière
plus péjorative « expression mièvre du sentiment »,
pourrait qualifier l’opéra de Mozart. En effet, plusieurs
couples se font et se défont, le badinage est présent dans
les discours de Ferrando et Guglielmo, dans les propos
échangés entre les amants (scène du jardin, acte II).
Le fait que les personnages principaux revêtent divers
costumes tisse un parallèle avec Le Jeu de l’amour et
du hasard. Le jeu du déguisement est semblable, il sert
à dissimuler une identité tout en essayant de découvrir
celle de l’autre. Et tous sont « coupables ». Mozart se
montre avant tout cynique - et non misogyne. Hommes
et femmes sont tous des êtres sensuels qui aiment plaire
et qui aiment aimer... d’où la séduction, les tentations,
les trahisons... Si les deux sœurs apparaissent à la fois
comme les inconstantes et les victimes de la farce, prises
en flagrant délit d’infidélité, elles sont finalement les seuls
personnages sincères de la pièce. Elles ignorent tout du
stratagème dont elles occupent la place centrale. Victimes
de la philosophie des uns, de la vanité des autres, elles
ne sont pourtant pas des marionnettes. Mais si elles
cèdent et se révèlent « infidèles », les hommes sont-ils
irréprochables? Tous sont victimes d’un jeu, jeu dangereux
mais jeu...
une comedie douce / amere
L’invraisemblance de l’histoire ne semble présente que
pour mettre en valeur la véracité des sentiments. C’est
pour Mozart un moyen de mêler les genres : la comédie,
la Commedia dell’arte, la farce, la tragédie... La musique
s’amuse également à brouiller les pistes. Elle est à la fois
triste et narquoise, joyeuse mais désenchantée. En fait,
Mozart dissimule la gravité de son propos (découverte de
soi et d’autrui, premiers émois et désirs, incertitude des
sentiments...) sous une apparente légèreté. La musique
ne se contente jamais de figurer le texte, elle cherche à lui
donner une autre dimension.
Par exemple, dans le quintette des adieux, lorsque
Ferrando et Guglielmo feignent la tristesse de la
séparation et que Don Alfonso est pris d’un fou rire
irrésistible, la partition et l’utilisation excessive des champs
lexicaux dans le livret soulignent un double-sens, un
sens figuré implicite. De même dans le duo dans lequel
Ferrando séduit Fiordiligi. La perfection et la complexité
des procédés musicaux laissent planer le doute quant
aux réels sentiments des personnages. Ferrando ne se
laisserait-il pas submerger par la passion? Ne serait-il pas
pris à son propre jeu?
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Amour et mariage a l’epoque de cosÌ fan tutte
Article de Monique Morestin, programme de salle de l’Opéra Orchestre national de Montpellier, saison 2013-14
Jean-Baptiste Greuze, L’accordée du village, 1761
Dans un intérieur paysan aisé, se déroule un événement
important. Le père de famille vient d’accorder sa fille
à un jeune homme, en lui payant sa dot. Assis devant
une table, un homme de loi entérine l’acte. Les deux
jeunes gens, dont le destin est ainsi scellé, occupent le
centre du tableau. Les autres personnages expriment
des sentiments divers : le père semble énumérer les
qualités de sa fille, la mère, émue, pleure. Une sœur paraît
s’interroger, l’autre essuie une larme.
Cette vision de création d’un couple, encadré par des
structures familiales, est bien loin de celle présentée dans
l’opéra de Mozart, Così fan tutte. Dans cette œuvre, les
deux jeunes femmes, Dorabella et Fiordiligi, paraissent
maîtresses de leur destin, passant d’un prétendant à
l’autre (même si les deux héroïnes ne se laissent pas
tenter avec la même promptitude). Pas de père, de famille
qui intervienne. Leurs amoureux, bien que certains de
leur flamme, se prêtent au jeu du travestissement pour
éprouver leur foi.
Ce subterfuge se rencontre plusieurs fois chez Mozart,
mais de façon ponctuelle (par exemple, la comtesse et
Suzanne qui échangent leur tenue au dernier acte des
Nozze, pour confondre le comte). Dans Così fan tutte, ces
déguisements sont au centre de l’action.
Le théâtre recourt, lui aussi, à ce stratagème, issu de
la Commedia dell’arte qui exerce une grande influence
dans l’Europe entière. Ainsi dans Le Jeu de l’amour et du
hasard de Marivaux une jeune fille obtient de son père
l’autorisation d’échanger son rôle avec sa suivante pour
mieux observer et connaître le jeune homme auquel on la
destine. Ce qu’elle ignore, c’est que celui-ci a eu la même
idée. Plusieurs pièces de Marivaux utilisent cet artifice.
Nous sommes dans le monde du théâtre, donc de
l’illusion, où les situations les plus extravagantes donnent
du sel à l’histoire. Il est évident que dans la vie réelle, il en
va autrement.
le mariage dans la societe occidentale
Dans la société occidentale, il n’y a que deux alternatives:
l’entrée en religion ou le mariage. Ce dernier est une
union régie par des règles précises codifiées par l’Eglise
depuis le XIIIe siècle. Pour qu’il n’y ait pas mariage sous
contrainte, celle-ci a imposé le libre consentement des
futurs époux, le prêtre étant témoin de cette liberté de
choix. Le mariage, qui n’était qu’un acte civil, devient un
acte religieux. Sous l’Ancien Régime, le consentement
parental pour les femmes de moins de vingt-cinq ans et
les hommes de moins de trente ans est demandé. La
présence de quatre témoins et la proclamation des bans
permettent de vérifier qu’aucun empêchement n’existe
(lien de parenté, mariage déjà contracté...). Mais en
réalité, les impératifs économiques et sociaux sont la
principale préoccupation.
Le choix du conjoint est surveillé de près par les parents,
sinon fait par eux. En effet, le mariage permet de conforter
la position socio-économique d’une famille. La plupart
des unions se font dans le même milieu : par exemple, la
plupart des magistrats épousent des filles de magistrats.
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Amour et mariage a l’epoque de cosÌ fan tutte
Dans les campagnes, ou dans le monde de l’artisanat,
cette stratégie est très visible. Le tableau de Greuze
présente une famille de laboureurs (paysans aisés) ; le
jeune homme appartient également à cette catégorie de
paysans. Bien entendu, on ne peut s’établir que lorsqu’on
est capable de faire vivre une famille. Cela explique l’âge
tardif du premier mariage dans les classes populaires
(27-28 ans pour les hommes, 25- 26 ans pour les filles).
le mariage dans la haute societe
Dans la haute société, on case les héritiers plus jeunes.
Le rang, le patrimoine, le nom pèsent d’un grand poids
dans le choix du futur conjoint. Combien de familles
nobles désargentées ont affermi leur situation par le
choix d’un parti, parfois moins haut dans l’échelle sociale,
mais fortuné (c’est l’origine de l’expression « redorer
son blason »). Molière a maintes fois raillé cette attitude.
Le rôle de l’église s’efface devant celui du notaire qui
préside à la signature du contrat de mariage. On le voit
intervenir également dans le théâtre de Beaumarchais,
Marivaux, et bien entendu, dans Così fan tutte (même si,
en l’occurrence, il s’agit de Despina déguisée).
On a longtemps pensé que toutes ces exigences
empêchaient un mariage d’amour. Il faut nuancer cette
certitude. D’abord pour la majorité de la population,
c’est-à-dire les ruraux, les occasions de rencontre entre
garçons et filles sont très nombreuses : veillées, travaux
des champs, fêtes... Les parents peuvent approuver une
inclination réelle entre deux jeunes gens. [...]
On peut aussi souligner que même si la plupart des
unions sont des mariages de convenance, la vie en
commun est parfois l’occasion de l’épanouissement de
l’amour. Evoquons l’exemple du duc de Saint-Simon, le
célèbre mémorialiste. Orphelin à vingt ans, il se trouve
« fort esseulé à la cour ». Il cherche donc à s’établir, en
s’alliant à une famille de haut rang. Ce n’est pas une jeune
femme qu’il convoite, mais une union bien assortie. Il
jette le dévolu sur les huit filles du duc de Beauvillier. Peu
importe laquelle. Il exprime naïvement son idée : « C’était
lui qui m’avait charmé et que je voulais épouser ». Il faut
croire que le duc de Beauvillier ne trouve pas ce gendre
à son goût pour sa descendance. Peu de temps après,
Saint-Simon remarque la fille du maréchal de Lorges.« La
probité, la droiture, la franchise du maréchal de Lorges
me plaisaient infiniment... La magnificence avec laquelle
il vivait partout, sa naissance fort distinguée... et plus que
tout encore sa bonté... m’avaient donné un désir extrême
de ce mariage ». Jusqu’ici, nous sommes dans le schéma
classique : une alliance dans la même sphère sociale,
ou un peu mieux, si possible. Mais Saint-Simon est
réellement tombé amoureux de sa femme. Il en parle en
des termes extrêmement affectueux et lorsqu’elle meurt,
en 1743, après quarante-huit ans de vie commune, il est si
désespéré qu’il arrête la rédaction des Mémoires pendant
six mois. Selon son souhait, son cercueil sera enchaîné à
celui de son épouse.
L’Eglise veille en théorie sur la moralité de la société, en
rappelant que les relations hors-mariage sont un grave
péché. Le but du mariage est la procréation. De nombreux
préceptes entourent les relations sexuelles entre époux,
ceux-ci doivent se comporter avec modération et éviter les
excès de la luxure. Mais les théories médicales divulguées
à la Renaissance pensent que la jouissance féminine est
un élément indispensable au succès de la procréation.
Malgré tout, les relations préconjugales sont nombreuses,
la promiscuité à la campagne et dans le petit peuple les
favorise : 10 à 15 % des naissances en sont le résultat.
Les écarts de conduite ne sont pas rares dans les classes
plus élevées de la société. La sagesse exigée par
l’Eglise dans le mariage s’accordant mal avec la passion
amoureuse.
En France et en Angleterre, le XVIIIe siècle favorise
de plus en plus l’épanouissement des sentiments. La
recherche du bonheur est une des grandes aspirations
du siècle des Lumières. Les mariages d’inclination
augmentent progressivement, dans la plupart des classes
sociales. L’emprise familiale reste forte uniquement
dans la haute noblesse pour maintenir les mariages de
convenance. A l’opposé, en Italie, les mariages arrangés
restent de mise dans tous les milieux aisés. Il existe
souvent un écart important entre un mari âgé et une
femme jeune. Et beaucoup d’hommes, cadets de famille,
restent célibataires.
En conclusion, si Così fan tutte présente une situation peu
vraisemblable (deux jeunes femmes entièrement libres
de leurs mouvements et de leurs sentiments), le livret
puise son inspiration dans l’évolution des mœurs au XVIIIe
siècle : recherche du bonheur, primauté des sentiments
personnels et licence dans certains milieux de la société
ou zones géographiques. Da Ponte laisse courir son
imagination et Mozart habille les mésaventures des héros
de l’opéra d’une musique suave.
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cosÌ fan tutte par jim lucassen
Così fan tutte ou la naissance de l’individu
Au début de l’opéra, Fiordiligi, Dorabella, Ferrando et
Guglielmo partagent un système de valeurs qui prône
la fidélité indéfectible en amour.
Leurs personnalités, leurs traits de caractère sont subordonnés à ce principe.
Ce système de valeurs laisse bien peu de place à l’affirmation de l’individualité.
Les mots-clé de ce système sont : amour, mariage, fidélité jusqu’à la mort.
Le départ de Guglielmo et de Ferrando, leur retour sous des déguisements
bouleversent totalement l’équilibre initial du système. Un conflit éclate entre
les amants, leurs valeurs, leurs consciences. Chacun doit revoir son point
de vue initial car il ne leur est pas possible de revenir à leurs anciennes
certitudes. Désormais, chacun à sa manière est mis à l’épreuve et se doit de
trouver de nouvelles solutions pour résoudre les conflits, quitte à souffrir de
la perte de toute certitude. Cette épreuve va inévitablement conduire à un
processus d’affirmation de la personnalité de chacun.
Le pari de Don Alfonso est une expérience, un rite de passage pour les
amants. Cette expérience se déroule dans un monde d’images en perpétuel
mouvement qui infléchit les croyances et les opinions. Don Alfonso les pousse
à plus de souplesse dans leur vision des choses de la vie.
Comme les amants sont des nantis, ils ne luttent pas pour survivre, ils ont
le temps et les moyens de s’attarder longuement sur l’observation de leurs
propres sentiments.
Photo Opéra national de Lorraine
Le meilleur cadre pour une telle expérience pourrait être un tourbillon fait
d’images, de séduction, d’argent et de luxe. Un endroit où le commerce de
luxe propose un monde qui se transforme en permanence afin de toujours
attiser la tentation.
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cosÌ fan tutte par jim lucassen
Nous entrons dans un magasin et nous voilà retombés en enfance – fascinés,
innocents, curieux, espérant trouver ce que l’on a toujours désiré. Dans ce
monde virtuel frénétique fait de séduction, nous perdons la maîtrise de notre
identité propre (notre femme, notre mari, notre maison, notre avenir, notre
bonheur) pour devenir des esclaves démunis dont on manipule constamment
les émotions. Toute cette avidité trahit une beauté fragile, impuissante.
Qu’on le veuille ou non, tout devient marchandise, ce n’est qu’une question de
temps. Et pourtant, aucun coeur, aucun être ne saurait être acheté ; à moins
que…
C’est ainsi que Così fan tutte devient une « école des amants », dans un
paradis de séduction qui engendre les joies et les souffrances d’une prise de
conscience, du développement et de l’affirmation d’une identité.
Photo Opéra national de Lorraine
Propos traduits par Carmelo Agnello
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cosÌ fan tutte par jim lucassen
Photo Opéra national de Lorraine
Photo Opéra national de Lorraine
Costumes Silke Willrett / Scénographie Marc Weeger
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Photo Opéra national de Lorraine
Photo Opéra national de Lorraine
cosÌ fan tutte a nancy
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distribution
Ferrando : Anthony Gregory
Gugliemo : nn
Despina : Devon Guthrie
Fiordiligi : Maren Favela
Dorabella : Hanna Hipp
Don Alfonso : David Bizic
Direction musicale : Robert Tuohy
Chef de chant : Elizabeth Brusselle
Mise en scène : Jim Lucassen
Assistante mise en scène : Juliette Paul
Scénographie : Marc Weeger
Costumes : Silke Willrett
Lumières : Reinhard Traub
Chœur de l’Opéra-Théâtre de Limoges
Direction : Jacques Maresch
Orchestre de Limoges et du Limousin
situation initiale
acte II
Amis
Amis
Don Alfonso
David Bizic
basse - baryton / serbe
Complices
Despina
Devon Guthrie
soprano / américaine
Ferrando
Anthony Gregory
ténor / anglais
Servante
Guglielmo
nn
Amants
Sœurs
Fiancés
Fiancés
Dorabella
Hanna Hipp
mezzo-soprano / polonaise
Fiordiligi
Maren Favela
soprano / allemande
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ecouter, voir, lire...
ouvrages
• O. Aslan et D. Bablet, Le Masque : du rite au théâtre,
CNRS, 2005*
• C. Mic, La Commedia dell’arte ou le Théâtre des
comédiens italiens des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles,
Librairie théâtrale, Paris, 1980*
• Marivaux, La Double inconstance (suivi de) Arlequin
poli par l’amour, Librairie générale française, 2008*
• Avant-scène Opéra, Così fan tutte, 1990*
• J. et B. Massin, Wolfgang Amadeus Mozart,
« Les indispensables de la musique », 1990*
•
•
A. Duault et C. Masson, L’opéra, Ed. Hugo & Cie, 2010*
P. Dulac (sous la dir.), Inventaire de l’opéra,
Universalis, « Inventaires », 2005*
• Guide de l’opéra, Fayard, « Les indispensables de la
musique », 2000
R. Laffont, Dictionnaire encyclopédique de la musique, «
Bouquins », 1998
CD
•
Così fan tutte, R. Jacobs (dir), V. Gens (Fiordiligi),
B. Fink (Dorabella), W. Güra (Ferrando), M. Boone
(Guglielmo), P. Spagnoli (Don Alfonso), G. Oddone
(Despina), Kölner Kammerchor, Concerto Köln,
Harmonia mundi, 1999
lien
• M. Morestin, programme Opéra-orchestre National de
Montpellier, http://www.opera-orchestre-montpellier.fr/
sites/default/files/fichiers/cosi_fan_tutte_cp_2013.pdf
• http://www.youtube.com/watch?v=8OUrafVroho
Nicholas Hytner (mes), Iván Fischer (dir), Orchestra
Of The Age Of Enlightenment, The Glyndebourne
Chorus, 2006
*Ouvrage disponible à la Bibliothèque Francophone Multimédia de Limoges
situer...
1720
Arlequin poli
par l’amour
Marivaux
Radamista
Haendel
1730
Le Jeu de
l’amour et du
hasard
Marivaux
1790
1791
Mort de Mozart
2013
2015
Première de
Don Giovanni
à New York
Mort de Da Ponte
Così fan tutte
à Limoges
Première de La
Jeune Fille et
la Mort
Schubert
Cantates
Bach
Brutus
Voltaire
1838
Première de
Così fan tutte
mis en scène
par J. Lucassen
Così fan tutte
Mozart
Cantate sur
la mort de
l’empereur
Joseph II
Beethoven
1828
Première
Constitution
Française
Traduction
du Faust de
Goethe
Retour à Yvetot
A. Ernaux
Don Gregorio
Donizetti
15
Opéra-Théâtre de Limoges
Actions éducatives et culturelles
05 55 45 95 11
[email protected]
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L’Opéra-Théâtre est un service de la Ville de Limoges.
L’Orchestre est financé pour sa mission lyrique et symphonique par la Ville de Limoges et le conseil régional du Limousin.
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Conception et rédaction Olivier Roda et Anne Thorez | 2014
Photo Opéra national de Lorraine
anne thorez

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