DOSSIER SCO COSI - Opéra
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DOSSIER SCO COSI - Opéra
d o s s i e r d ’ a c c o m pa g n e m e n t VENIR A UN SPECTACLE Nous sommes très heureux de vous accueillir à l’Opéra de Limoges! Ce dossier vous aidera à préparer votre venue avec les élèves. Vous pouvez le diffuser et le dupliquer librement. Le service éducatif est à votre disposition pour toute information complémentaire. N’hésitez pas à nous envoyer tous types de retours et de témoignages des élèves sur le spectacle. INFORMATIONS PRATIQUES La représentation débute à l’heure indiquée. Nous vous remercions d’arriver au moins 30 minutes à l’avance, afin d’avoir le temps de vous installer en salle. Les portes se ferment dès le début du spectacle. Nous rappelons aux enseignants et accompagnateurs que les élèves sont sous leur responsabilité pendant toute leur présence à l’Opéra. Ces derniers doivent demeurer silencieux pendant la durée de la représentation afin de ne pas gêner les artistes et les autres spectateurs. Il est interdit de manger et de boire dans la salle, de prendre des photographies ou d’enregistrer. Les téléphones portables doivent être éteints. Nous vous remercions de bien vouloir faire preuve d’autorité si nécessaire. Durée du spectacle : 2 h 30 environ avec entracte Opéra chanté en italien et surtitré en français bonus • Parcours scolaire MARIVAUDAGE MUSICAL? Visite de l’Opéra de Limoges. Date à réserver en début de saison. Rencontre, le lundi 11 mai 2015 à 10 h 30 à l’Opéra de Limoges, avec Jim Lucassen, metteur en scène, animée par Michel Noiray, directeur de recherches au CNRS. • Journée Tous à l’opéra le samedi 09 mai 2015 Concert : Chœur de l’Opéra-Théâtre de Limoges Mozart l’européen Conférence : Mozart et Così Rencontre avec J. Lucassen, metteur en scène et R. Tuohy, directeur musical Programme complet disponible en avril 2015 Nous vous souhaitons une très bonne représentation ! 2 COSÌ FAN TUTTE Così fan tutte est un opéra dramma giocoso (opéra burlesque) en deux actes de Wolfgang Amadeus Mozart créé à Vienne en 1790. Le livret de Lorenzo Da Ponte a été écrit d’après un fait divers qui avait amusé la noblesse de Vienne à l’époque. Personnages, rôles et voix Don Alfonso, vieux philosophe, ami de Ferrando et Guglielmo - basse A Limoges, l’opéra Così fan tutte est mis en scène par Jim Lucassen. La direction musicale est confiée à Robert Tuohy. Guglielmo, officier, amant de Fiordiligi - baryton Ferrando, officier, amant de Dorabella - ténor Fiordiligi, dame de Ferrare en villégiature à Naples soprano l’histoire A Naples, le cynique Don Alfonso tente de convaincre les deux officiers Ferrando et Guglielmo que leurs fiancées peuvent facilement se laisser séduire par d’autres hommes. Devant l’incrédulité des deux jeunes hommes, il leur fait le pari de leur prouver la légèreté amoureuse des deux sœurs Fiordiligi et Dorabella. Pour cela, il dispose de vingt-quatre heures… Dorabella, sa sœur - soprano instruments de l’orchestre 8 violons I 6 violons II 4 altos 4 violoncelles 2 contrebasses composition de l’orchestre symphonique Despina, servante de Fiordiligi et de Dorabella - soprano 2 flûtes traversières et 1 piccolo 2 hautbois 2 clarinettes 2 bassons 2 cors 2 trompettes 2 trombones Timbales Percussion Clavecin 3 argument ACTE I ACTE II Deux jeunes officiers, Ferrando et Guglielmo, discutent avec le vieux Don Alfonso qui leur soutient que leurs fiancées leur sont infidèles – comme toutes les femmes. Il va leur prouver ses dires en une journée. Despina tente de convaincre ses maîtresses de s’adonner au jeu de l’amour. Fiordiligi et Dorabella acquiescent et vont entreprendre les deux Albanais transis. Dorabella choisit Guglielmo et Fiordiligi porte sa préférence sur Ferrando. Les couples se forment, aidés par Don Alfonso et Despina et chacun va son chemin dans le jardin. Fiancées à Ferrando et Guglielmo, Dorabella et Fiordiligi chantent leur amour pour leurs fiancés lorsque Don Alfonso apparaît. Ce dernier est, soi-disant, chargé de les avertir qu’ils ont été appelés au service actif. Les deux hommes arrivent. C’est la séparation douloureuse. Don Alfonso reste alors seul avec les deux femmes, à fomenter ses intrigues. Arrive Despina, la bonne. Ses maîtresses se lamentent. Elle les incite à prendre du bon temps, partant du principe qu’eux n’hésiteront pas à le faire. Les deux jeunes filles se retirent. Don Alfonso, de retour dans la place, va corrompre Despina et s’en faire une alliée pour ses projets. Il fait entrer Ferrando et Guglielmo, déguisés en Albanais, qui vont entreprendre chacun la fiancée de l’autre. Les deux jeunes femmes résistent vaillamment et clament leur amour pour les deux hommes partis à la guerre. Don Alfonso n’en reste pas là. Il renvoie les Albanais chez ces dames et leur fait prétendre avoir, de désespoir, absorbé de l’arsenic. Après avoir expliqué aux deux soeurs que les deux hommes mourront sans le secours d’un docteur, Don Alfonso revient avec un docteur qui n’est autre que Despina déguisée, qui les soigne. Revenant à eux, les deux hommes crient de nouveau leur amour mais les deux soeurs restent de marbre... enfin presque. Dorabella cède vite, donnant à son amant une miniature offerte à son départ par son fiancé, alors que Fiordiligi revient seule, ayant refusé les avances du jeune Albanais. Lorsque les trois hommes se retrouvent, Guglielmo est triomphant et Ferrando désespéré. Voici les trois femmes ensemble : Despina félicite Dorabella qui a déjà succombé aux avances de son amant, Fiordiligi refuse toujours de se laisser tenter et s’habille en soldat pour rejoindre son fiancé sur le front. Ferrando survient et la presse à tel point qu’elle finit par céder. Guglielmo, qui observait la scène, caché avec Don Alfonso, est au désespoir. Ferrando est fier de lui. Don Alfonso leur conseille d’épouser les deux jeunes filles. Despina annonce que ses maîtresses sont prêtes à épouser les Albanais. Le mariage s’organise. Don Alfonso fait entrer le notaire, à nouveau Despina déguisée, pour dresser les contrats de mariage. À peine la cérémonie se termine-t-elle qu’on entend au loin le chœur des soldats. Les deux jeunes femmes se cachent. Les deux hommes réaparaissent dans leurs habits de soldats. Don Alfonso sort devant Ferrando les contrats de mariage, obligeant Dorabella et Fiordiligi à avouer toute l’affaire. Suite aux aveux, les couples se reforment et les noces ont bel et bien lieu. Les six héros terminent en chœur sur la morale : « Heureux l’homme qui sait accepter le bon comme le mauvais ». 4 WOLFGANG AMADEUS MOZART, le génie musical WOLFGANG AMADEUS MOZART 27 janvier 1756, Salzbourg (Autriche) – 5 décembre 1791, Vienne Aujourd’hui l’un des compositeurs et musiciens les plus réputés, cet artiste, bien que mort à seulement 35 ans, laisse une œuvre prolifique et englobant tous les genres musicaux de son époque. Il est célèbre notamment pour la composition de sonates, de concertos et de symphonies et est considéré comme un des maîtres de l’opéra. l’enfant prodige Né à Salzbourg, Léopold Mozart (le père), est violoniste, pédagogue et vice-maître de Chapelle à la cour du PrinceArchevêque. Wolfgang Amadeus Mozart nait donc dans un milieu musical. Il révèle dès ses trois ans des dons pour la musique. Ayant l’oreille absolue, il est capable de déchiffrer des partitions et de taper la mesure avant ses cinq ans. A six ans, il compose ses premières œuvres. Devant tant de talent, son père décide de l’entrainer, lui et sa sœur, dans une tournée européenne à travers les grandes villes d’Europe. L’enfant impressionne l’aristocratie européenne et est nommé « Chevalier de l’éperon d’or » par le pape Clément XIV. Il entreprend quelques années plus tard un voyage avec sa mère dans le but de trouver un poste. Sa mère meurt à Paris durant le périple et il rentre à Salzbourg, déprimé. UN GENIE DE LA COMPOSITION A partir de 1781, il quitte Salzbourg pour Vienne et peut composer plus librement. Après l’immense succès de L’Enlèvement au Sérail, il collabore avec le librettiste Lorenzo Da Ponte et crée trois opéras : Les Noces de Figaro (1786), Don Giovanni (1787) et Così fan tutte (1790). Il compose également de nombreuses œuvres, reconnues mais n’ayant pas un immense succès, la noblesse préférant l’opéra italien. MORT PREMATUREE Durant les dernières années de sa vie, Mozart vit malade et très endetté. Il mène en effet une vie au-dessus de ses moyens et le triomphe de ses pièces ne suffit pas à combler ses créances. Malgré le succès de La Flûte enchantée, l’empereur Léopold II n’apprécie guère son œuvre et s’oppose fermement à la franc-maçonnerie, dont Mozart fait partie. En 1791, un inconnu (qui s’avère être le comte Franz de Walsegg) lui commande le Requiem mais Wolfgang Amadeus Mozart meurt le 5 décembre 1791. Les causes du décès ne sont pas connues. Quelques œuvres 1768 Bastien et Bastienne, opéra 1781 Sonate pour piano no 11 en la majeur dite « Alla turca » 1786 Les Noces de Figaro, opéra 1787 Une Petite musique de nuit, sérénade pour quatuor à cordes et piano 1791 La Flûte enchantée, opéra Concerto pour clarinette en la majeur Requiem LORENZO DA PONTE 10 mars 1749, Ceneda (Italie) - 17 août 1838, New York Après une vie atypique et romanesque, Lorenzo Da Ponte, homme de lettres, aventurier et ami de Casanova, devient à partir de 1781 « poète impérial » à la cour de Joseph II d’Autriche. Il devient également le librettiste de nombreux compositeurs tels que Martín Y Soler, Salieri et en particulier Mozart, pour qui il écrit le livret de trois opéras célèbres : Les Noces de Figaro, Don Giovanni et Così fan tutte. Après son exil d’Europe en 1805, il devient le principal introducteur et propagateur de la culture de l’opéra italien en Amérique avec notamment l’organisation, en 1826, de la première de Don Giovanni. 5 CosÌ et la commedia dell’arte La Commedia dell’arte est un genre théâtral qui trouve ses origines en Italie au XVIe siècle. Reposant sur l’improvisation d’acteurs masqués, elle propose des intrigues simples et récurrentes. Ingéniosité, naïveté, ruses et travestissements sont les principaux ingrédients de la Commedia dell’arte (« comédie de métier »), qui a remporté un vaste succès en Europe, du XVIIe au XVIIIe siècle. Connue jusqu’au XVIIIe siècle sous le nom de « comédie d’histrions », « comédie improvisée » ou « comédie à l’impromptu », cette forme théâtrale est née en Italie à l’initiative des hommes de théâtre qui cherchaient à se démarquer, à la fois du théâtre littéraire et du dilettantisme des comédiens de la Renaissance. Les scénarii sont souvent basés sur des faits réels. Des personnages truculents Jeunes amants, valets malicieux, étudiants candides, marchands cupides, soudards, vieillards libidineux et avares, les personnages truculents qui peuplent la Commedia dell’arte sont souvent issus du théâtre du Moyen Âge. A chaque pièce, des personnages récurrents, et à chaque personnage, sa propre personnalité. Arlequin appartient à la famille des Zanni, c’est-à-dire des valets, les plus populaires des personnages comiques de la Commedia dell’arte. De tempérament dynamique, Arlequin est un meneur de l’intrigue, rusé, spirituel et railleur, qui ne cesse de brouiller les cartes. Dans Così fan tutte, Despina se rapproche de ce personnage : elle est rusée, capable de se déguiser sans être remarquée et volage en amour (elle incite les deux sœurs à profiter de leur âge et du départ de leurs fiancés). Elle campe le rôle de plusieurs personnages tels le docteur ou le notaire. Elle reste cependant un valet facilement corruptible. En effet, elle réalise son forfait pour obtenir de l’argent de la part de Don Alfonso. dynamique simpliste des scénarii de la Commedia dell’arte, où il parle le dialecte vénitien, il ménage un suspense qui fait rire. Avare, soupçonneux, prudent, parfois naïvement confiant, grondeur, mais aussi bonhomme, il porte un masque à long nez, à moustaches et à barbiche. Le personnage de Don Alfonso se rapproche de Pantalon de par son statut de vieux personnage philosophe, mêlé à des intrigues amoureuses. Il est également soupçonneux envers les femmes qu’il considère comme volages et se montre prudent à leur égard. C’est cette même prudence qui lui permettra de prouver à Ferrando et Guglielmo que leurs fiancées ne sont pas fiables (même s’il sera surpris par l’arrivé des soldats à la fin de l’acte II, révélant ainsi la trop grande confiance qu’il avait en ses plans). Ces ruses restent cependant efficaces car il arrive à prouver aux deux jeunes soldats que les femmes sont infidèles. CosÌ, une commedia dell’arte? Così fan tutte, tout en étant un opéra autrichien, se rapproche quelque peu de la Commedia dell’arte. D’une part, il s’inspire d’un fait réel. On raconte que l’histoire est inspirée d’un incident dont on parlait beaucoup à Vienne à l’époque. Deux jeunes hommes, sûrs de la fidélité des deux sœurs à qui ils étaient fiancés, font un pari avec un vieux célibataire de leurs amis qui remet en cause la fiabilité des femmes. L’œuvre possède également une intrigue simple, des personnages récurrents comme Don Alfonso, personnage âgé, cynique et rusé, une opposition entre les personnages appartenant à la classe des domestiques (Despina) et ceux appartenant à la classe des « maîtres » (Les couples Ferrando / Dorabella et Guiglielmo / Fiodiligi)... Pantalon est un marchand avisé et maître d’Arlequin, Polichinelle et Colombine (d’autres personnages récurrents). Il est cependant mêlé à de médiocres intrigues amoureuses. Avec son ample manteau et ses pantoufles noires, ses chausses et son chapeau rouges, c’est un personnage qui fait rire par sa balourdise. Dans la 6 ainsi font-elles toutes? Pierre Carlet de chamblain de marivaux Aux environs du 4 février 1688, Paris – 12 février 1763, Paris Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux, plus communément appelé Marivaux, est un journaliste, romancier et auteur dramatique français. Il est connu, entre autres, pour ses pièces légères en lien étroit avec le théâtre italien (en particulier la Commedia dell’arte). Il est encore l’un des auteurs les plus joués à la Comédie-Française. Fréquentant divers salons parisiens, il rédige de nombreuses œuvres et développe un style parodique propre ainsi qu’un genre nouveau, le « marivaudage ». Considéré comme un très grand moraliste, certains le comparent à La Bruyère. En 1720, il crée son premier succès au théâtre, Arlequin poli par l’amour et s’attache aux troupes de comédiens italiens dont il aime le style. Il révolutionne la comédie sentimentale, grâce à de nombreuses pièces dont Le Jeu de l’amour et du hasard (1730) et Les Fausses confidences (1737). marivaudage? L’œuvre théâtrale de Marivaux est souvent qualifiée de « précieuse ». En effet, elle montre une grande maîtrise des dialogues, tout en subtilité et légèreté, et s’attache principalement à décrire les tourments de l’amour naissant. Le terme de « marivaudage » (apparu du vivant même de l’auteur), qui signifie « badiner avec préciosité ; échanger des propos galants et raffinés », ou de manière plus péjorative « expression mièvre du sentiment », pourrait qualifier l’opéra de Mozart. En effet, plusieurs couples se font et se défont, le badinage est présent dans les discours de Ferrando et Guglielmo, dans les propos échangés entre les amants (scène du jardin, acte II). Le fait que les personnages principaux revêtent divers costumes tisse un parallèle avec Le Jeu de l’amour et du hasard. Le jeu du déguisement est semblable, il sert à dissimuler une identité tout en essayant de découvrir celle de l’autre. Et tous sont « coupables ». Mozart se montre avant tout cynique - et non misogyne. Hommes et femmes sont tous des êtres sensuels qui aiment plaire et qui aiment aimer... d’où la séduction, les tentations, les trahisons... Si les deux sœurs apparaissent à la fois comme les inconstantes et les victimes de la farce, prises en flagrant délit d’infidélité, elles sont finalement les seuls personnages sincères de la pièce. Elles ignorent tout du stratagème dont elles occupent la place centrale. Victimes de la philosophie des uns, de la vanité des autres, elles ne sont pourtant pas des marionnettes. Mais si elles cèdent et se révèlent « infidèles », les hommes sont-ils irréprochables? Tous sont victimes d’un jeu, jeu dangereux mais jeu... une comedie douce / amere L’invraisemblance de l’histoire ne semble présente que pour mettre en valeur la véracité des sentiments. C’est pour Mozart un moyen de mêler les genres : la comédie, la Commedia dell’arte, la farce, la tragédie... La musique s’amuse également à brouiller les pistes. Elle est à la fois triste et narquoise, joyeuse mais désenchantée. En fait, Mozart dissimule la gravité de son propos (découverte de soi et d’autrui, premiers émois et désirs, incertitude des sentiments...) sous une apparente légèreté. La musique ne se contente jamais de figurer le texte, elle cherche à lui donner une autre dimension. Par exemple, dans le quintette des adieux, lorsque Ferrando et Guglielmo feignent la tristesse de la séparation et que Don Alfonso est pris d’un fou rire irrésistible, la partition et l’utilisation excessive des champs lexicaux dans le livret soulignent un double-sens, un sens figuré implicite. De même dans le duo dans lequel Ferrando séduit Fiordiligi. La perfection et la complexité des procédés musicaux laissent planer le doute quant aux réels sentiments des personnages. Ferrando ne se laisserait-il pas submerger par la passion? Ne serait-il pas pris à son propre jeu? 7 Amour et mariage a l’epoque de cosÌ fan tutte Article de Monique Morestin, programme de salle de l’Opéra Orchestre national de Montpellier, saison 2013-14 Jean-Baptiste Greuze, L’accordée du village, 1761 Dans un intérieur paysan aisé, se déroule un événement important. Le père de famille vient d’accorder sa fille à un jeune homme, en lui payant sa dot. Assis devant une table, un homme de loi entérine l’acte. Les deux jeunes gens, dont le destin est ainsi scellé, occupent le centre du tableau. Les autres personnages expriment des sentiments divers : le père semble énumérer les qualités de sa fille, la mère, émue, pleure. Une sœur paraît s’interroger, l’autre essuie une larme. Cette vision de création d’un couple, encadré par des structures familiales, est bien loin de celle présentée dans l’opéra de Mozart, Così fan tutte. Dans cette œuvre, les deux jeunes femmes, Dorabella et Fiordiligi, paraissent maîtresses de leur destin, passant d’un prétendant à l’autre (même si les deux héroïnes ne se laissent pas tenter avec la même promptitude). Pas de père, de famille qui intervienne. Leurs amoureux, bien que certains de leur flamme, se prêtent au jeu du travestissement pour éprouver leur foi. Ce subterfuge se rencontre plusieurs fois chez Mozart, mais de façon ponctuelle (par exemple, la comtesse et Suzanne qui échangent leur tenue au dernier acte des Nozze, pour confondre le comte). Dans Così fan tutte, ces déguisements sont au centre de l’action. Le théâtre recourt, lui aussi, à ce stratagème, issu de la Commedia dell’arte qui exerce une grande influence dans l’Europe entière. Ainsi dans Le Jeu de l’amour et du hasard de Marivaux une jeune fille obtient de son père l’autorisation d’échanger son rôle avec sa suivante pour mieux observer et connaître le jeune homme auquel on la destine. Ce qu’elle ignore, c’est que celui-ci a eu la même idée. Plusieurs pièces de Marivaux utilisent cet artifice. Nous sommes dans le monde du théâtre, donc de l’illusion, où les situations les plus extravagantes donnent du sel à l’histoire. Il est évident que dans la vie réelle, il en va autrement. le mariage dans la societe occidentale Dans la société occidentale, il n’y a que deux alternatives: l’entrée en religion ou le mariage. Ce dernier est une union régie par des règles précises codifiées par l’Eglise depuis le XIIIe siècle. Pour qu’il n’y ait pas mariage sous contrainte, celle-ci a imposé le libre consentement des futurs époux, le prêtre étant témoin de cette liberté de choix. Le mariage, qui n’était qu’un acte civil, devient un acte religieux. Sous l’Ancien Régime, le consentement parental pour les femmes de moins de vingt-cinq ans et les hommes de moins de trente ans est demandé. La présence de quatre témoins et la proclamation des bans permettent de vérifier qu’aucun empêchement n’existe (lien de parenté, mariage déjà contracté...). Mais en réalité, les impératifs économiques et sociaux sont la principale préoccupation. Le choix du conjoint est surveillé de près par les parents, sinon fait par eux. En effet, le mariage permet de conforter la position socio-économique d’une famille. La plupart des unions se font dans le même milieu : par exemple, la plupart des magistrats épousent des filles de magistrats. 8 Amour et mariage a l’epoque de cosÌ fan tutte Dans les campagnes, ou dans le monde de l’artisanat, cette stratégie est très visible. Le tableau de Greuze présente une famille de laboureurs (paysans aisés) ; le jeune homme appartient également à cette catégorie de paysans. Bien entendu, on ne peut s’établir que lorsqu’on est capable de faire vivre une famille. Cela explique l’âge tardif du premier mariage dans les classes populaires (27-28 ans pour les hommes, 25- 26 ans pour les filles). le mariage dans la haute societe Dans la haute société, on case les héritiers plus jeunes. Le rang, le patrimoine, le nom pèsent d’un grand poids dans le choix du futur conjoint. Combien de familles nobles désargentées ont affermi leur situation par le choix d’un parti, parfois moins haut dans l’échelle sociale, mais fortuné (c’est l’origine de l’expression « redorer son blason »). Molière a maintes fois raillé cette attitude. Le rôle de l’église s’efface devant celui du notaire qui préside à la signature du contrat de mariage. On le voit intervenir également dans le théâtre de Beaumarchais, Marivaux, et bien entendu, dans Così fan tutte (même si, en l’occurrence, il s’agit de Despina déguisée). On a longtemps pensé que toutes ces exigences empêchaient un mariage d’amour. Il faut nuancer cette certitude. D’abord pour la majorité de la population, c’est-à-dire les ruraux, les occasions de rencontre entre garçons et filles sont très nombreuses : veillées, travaux des champs, fêtes... Les parents peuvent approuver une inclination réelle entre deux jeunes gens. [...] On peut aussi souligner que même si la plupart des unions sont des mariages de convenance, la vie en commun est parfois l’occasion de l’épanouissement de l’amour. Evoquons l’exemple du duc de Saint-Simon, le célèbre mémorialiste. Orphelin à vingt ans, il se trouve « fort esseulé à la cour ». Il cherche donc à s’établir, en s’alliant à une famille de haut rang. Ce n’est pas une jeune femme qu’il convoite, mais une union bien assortie. Il jette le dévolu sur les huit filles du duc de Beauvillier. Peu importe laquelle. Il exprime naïvement son idée : « C’était lui qui m’avait charmé et que je voulais épouser ». Il faut croire que le duc de Beauvillier ne trouve pas ce gendre à son goût pour sa descendance. Peu de temps après, Saint-Simon remarque la fille du maréchal de Lorges.« La probité, la droiture, la franchise du maréchal de Lorges me plaisaient infiniment... La magnificence avec laquelle il vivait partout, sa naissance fort distinguée... et plus que tout encore sa bonté... m’avaient donné un désir extrême de ce mariage ». Jusqu’ici, nous sommes dans le schéma classique : une alliance dans la même sphère sociale, ou un peu mieux, si possible. Mais Saint-Simon est réellement tombé amoureux de sa femme. Il en parle en des termes extrêmement affectueux et lorsqu’elle meurt, en 1743, après quarante-huit ans de vie commune, il est si désespéré qu’il arrête la rédaction des Mémoires pendant six mois. Selon son souhait, son cercueil sera enchaîné à celui de son épouse. L’Eglise veille en théorie sur la moralité de la société, en rappelant que les relations hors-mariage sont un grave péché. Le but du mariage est la procréation. De nombreux préceptes entourent les relations sexuelles entre époux, ceux-ci doivent se comporter avec modération et éviter les excès de la luxure. Mais les théories médicales divulguées à la Renaissance pensent que la jouissance féminine est un élément indispensable au succès de la procréation. Malgré tout, les relations préconjugales sont nombreuses, la promiscuité à la campagne et dans le petit peuple les favorise : 10 à 15 % des naissances en sont le résultat. Les écarts de conduite ne sont pas rares dans les classes plus élevées de la société. La sagesse exigée par l’Eglise dans le mariage s’accordant mal avec la passion amoureuse. En France et en Angleterre, le XVIIIe siècle favorise de plus en plus l’épanouissement des sentiments. La recherche du bonheur est une des grandes aspirations du siècle des Lumières. Les mariages d’inclination augmentent progressivement, dans la plupart des classes sociales. L’emprise familiale reste forte uniquement dans la haute noblesse pour maintenir les mariages de convenance. A l’opposé, en Italie, les mariages arrangés restent de mise dans tous les milieux aisés. Il existe souvent un écart important entre un mari âgé et une femme jeune. Et beaucoup d’hommes, cadets de famille, restent célibataires. En conclusion, si Così fan tutte présente une situation peu vraisemblable (deux jeunes femmes entièrement libres de leurs mouvements et de leurs sentiments), le livret puise son inspiration dans l’évolution des mœurs au XVIIIe siècle : recherche du bonheur, primauté des sentiments personnels et licence dans certains milieux de la société ou zones géographiques. Da Ponte laisse courir son imagination et Mozart habille les mésaventures des héros de l’opéra d’une musique suave. 9 cosÌ fan tutte par jim lucassen Così fan tutte ou la naissance de l’individu Au début de l’opéra, Fiordiligi, Dorabella, Ferrando et Guglielmo partagent un système de valeurs qui prône la fidélité indéfectible en amour. Leurs personnalités, leurs traits de caractère sont subordonnés à ce principe. Ce système de valeurs laisse bien peu de place à l’affirmation de l’individualité. Les mots-clé de ce système sont : amour, mariage, fidélité jusqu’à la mort. Le départ de Guglielmo et de Ferrando, leur retour sous des déguisements bouleversent totalement l’équilibre initial du système. Un conflit éclate entre les amants, leurs valeurs, leurs consciences. Chacun doit revoir son point de vue initial car il ne leur est pas possible de revenir à leurs anciennes certitudes. Désormais, chacun à sa manière est mis à l’épreuve et se doit de trouver de nouvelles solutions pour résoudre les conflits, quitte à souffrir de la perte de toute certitude. Cette épreuve va inévitablement conduire à un processus d’affirmation de la personnalité de chacun. Le pari de Don Alfonso est une expérience, un rite de passage pour les amants. Cette expérience se déroule dans un monde d’images en perpétuel mouvement qui infléchit les croyances et les opinions. Don Alfonso les pousse à plus de souplesse dans leur vision des choses de la vie. Comme les amants sont des nantis, ils ne luttent pas pour survivre, ils ont le temps et les moyens de s’attarder longuement sur l’observation de leurs propres sentiments. Photo Opéra national de Lorraine Le meilleur cadre pour une telle expérience pourrait être un tourbillon fait d’images, de séduction, d’argent et de luxe. Un endroit où le commerce de luxe propose un monde qui se transforme en permanence afin de toujours attiser la tentation. 10 cosÌ fan tutte par jim lucassen Nous entrons dans un magasin et nous voilà retombés en enfance – fascinés, innocents, curieux, espérant trouver ce que l’on a toujours désiré. Dans ce monde virtuel frénétique fait de séduction, nous perdons la maîtrise de notre identité propre (notre femme, notre mari, notre maison, notre avenir, notre bonheur) pour devenir des esclaves démunis dont on manipule constamment les émotions. Toute cette avidité trahit une beauté fragile, impuissante. Qu’on le veuille ou non, tout devient marchandise, ce n’est qu’une question de temps. Et pourtant, aucun coeur, aucun être ne saurait être acheté ; à moins que… C’est ainsi que Così fan tutte devient une « école des amants », dans un paradis de séduction qui engendre les joies et les souffrances d’une prise de conscience, du développement et de l’affirmation d’une identité. Photo Opéra national de Lorraine Propos traduits par Carmelo Agnello 11 cosÌ fan tutte par jim lucassen Photo Opéra national de Lorraine Photo Opéra national de Lorraine Costumes Silke Willrett / Scénographie Marc Weeger 12 Photo Opéra national de Lorraine Photo Opéra national de Lorraine cosÌ fan tutte a nancy 13 distribution Ferrando : Anthony Gregory Gugliemo : nn Despina : Devon Guthrie Fiordiligi : Maren Favela Dorabella : Hanna Hipp Don Alfonso : David Bizic Direction musicale : Robert Tuohy Chef de chant : Elizabeth Brusselle Mise en scène : Jim Lucassen Assistante mise en scène : Juliette Paul Scénographie : Marc Weeger Costumes : Silke Willrett Lumières : Reinhard Traub Chœur de l’Opéra-Théâtre de Limoges Direction : Jacques Maresch Orchestre de Limoges et du Limousin situation initiale acte II Amis Amis Don Alfonso David Bizic basse - baryton / serbe Complices Despina Devon Guthrie soprano / américaine Ferrando Anthony Gregory ténor / anglais Servante Guglielmo nn Amants Sœurs Fiancés Fiancés Dorabella Hanna Hipp mezzo-soprano / polonaise Fiordiligi Maren Favela soprano / allemande 14 ecouter, voir, lire... ouvrages • O. Aslan et D. Bablet, Le Masque : du rite au théâtre, CNRS, 2005* • C. Mic, La Commedia dell’arte ou le Théâtre des comédiens italiens des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, Librairie théâtrale, Paris, 1980* • Marivaux, La Double inconstance (suivi de) Arlequin poli par l’amour, Librairie générale française, 2008* • Avant-scène Opéra, Così fan tutte, 1990* • J. et B. Massin, Wolfgang Amadeus Mozart, « Les indispensables de la musique », 1990* • • A. Duault et C. Masson, L’opéra, Ed. Hugo & Cie, 2010* P. Dulac (sous la dir.), Inventaire de l’opéra, Universalis, « Inventaires », 2005* • Guide de l’opéra, Fayard, « Les indispensables de la musique », 2000 R. Laffont, Dictionnaire encyclopédique de la musique, « Bouquins », 1998 CD • Così fan tutte, R. Jacobs (dir), V. Gens (Fiordiligi), B. Fink (Dorabella), W. Güra (Ferrando), M. Boone (Guglielmo), P. Spagnoli (Don Alfonso), G. Oddone (Despina), Kölner Kammerchor, Concerto Köln, Harmonia mundi, 1999 lien • M. Morestin, programme Opéra-orchestre National de Montpellier, http://www.opera-orchestre-montpellier.fr/ sites/default/files/fichiers/cosi_fan_tutte_cp_2013.pdf • http://www.youtube.com/watch?v=8OUrafVroho Nicholas Hytner (mes), Iván Fischer (dir), Orchestra Of The Age Of Enlightenment, The Glyndebourne Chorus, 2006 *Ouvrage disponible à la Bibliothèque Francophone Multimédia de Limoges situer... 1720 Arlequin poli par l’amour Marivaux Radamista Haendel 1730 Le Jeu de l’amour et du hasard Marivaux 1790 1791 Mort de Mozart 2013 2015 Première de Don Giovanni à New York Mort de Da Ponte Così fan tutte à Limoges Première de La Jeune Fille et la Mort Schubert Cantates Bach Brutus Voltaire 1838 Première de Così fan tutte mis en scène par J. Lucassen Così fan tutte Mozart Cantate sur la mort de l’empereur Joseph II Beethoven 1828 Première Constitution Française Traduction du Faust de Goethe Retour à Yvetot A. Ernaux Don Gregorio Donizetti 15 Opéra-Théâtre de Limoges Actions éducatives et culturelles 05 55 45 95 11 [email protected] Suivez-nous sur les réseaux sociaux... ! L’Opéra-Théâtre est un service de la Ville de Limoges. L’Orchestre est financé pour sa mission lyrique et symphonique par la Ville de Limoges et le conseil régional du Limousin. 16 Conception et rédaction Olivier Roda et Anne Thorez | 2014 Photo Opéra national de Lorraine anne thorez