“Così fan tutte” joue l`ambiguïté - Musiques

Transcription

“Così fan tutte” joue l`ambiguïté - Musiques
osì fan tutte” joue l'ambiguïté - Musiques - Télérama.fr
16/03/12 18:10
A L'AFFICHE
“Così fan tutte” joue
l'ambiguïté
La mise en scène tire les doubles ficelles de l'histoire avec
maestria, la direction musicale est contrastée. Di Fonzo Bo et
Rousset rendent à l'opéra de Mozart son ambivalence. A l'Opéra
de Dijon, les 16, 18 et 20 mars.
Des trois ouvrages composés en étroite collaboration par Mozart et son
librettiste da Ponte, Così fan tutte est le plus délicat et le plus périlleux
à mettre en scène. Dans cet opéra de la double inconstance —
l'infidèlité des deux sœurs (Fiordiligi et Dorabella) comme le jeu trouble
de leurs fiancés (Guglielmo et Ferrando) — tout s'entremêle et
s'embrouille : le cynisme des manipulateurs (Don Alfonso et Despina)
et la naïveté des manipulés, l'endroit des bons sentiments et l'envers
des désirs secrets, la mascarade des déguisements orientaux et la
gravité des révélations amoureuses.
Mais cet univers de faux-semblants et de mentir vrai fait le miel
scénographique de l'Argentin Marcial Di Fonzo Bo, passé maître en
illusion théâtrale, en double jeu et double-fond. Sur le vaste plateau de
l'auditorium de Dijon, l'ancien membre du Théâtre des Lucioles fait
coexister le décor et ses coulisses, l'opéra avec le cirque (Alfonso en
Monsieur Loyal devant le rideau rouge) et le music-hall (Despina en
meneuse de revue avec ses boys). De la même façon, ses
personnages échangent jeans et juste-au-corps, baskets et escarpins à
boucle. Le XVIIIe siècle pour les conventions de la farce et du
marivaudage, le XXIe pour les rudes leçons d'une éducation
sentimentale de toutes les époques.
p://www.telerama.fr/critiques/imprimer.php?chemin=http://www.telerama.fr/musique/cos-fan-tutte-joue-l-ambiguite,78999.php
Page 1 sur 4
osì fan tutte” joue l'ambiguïté - Musiques - Télérama.fr
C'est au deuxième acte que le travail de Marcial Di Fonzo Bo touche
au plus juste et au plus profond. Alors que tout le premier acte jouait
l'esprit d'équipe, au suivant, l'action se morcèle, les ensembles se
disloquent : règne le chacun pour soi, chacun mène à l'aventure sa
barque amoureuse. Couleurs comme accessoires sont provisoirement
évacués, le film se déroule en noir et blanc sur un plateau nu.
Et Fiordiligi (merveilleuse Sofia Soloviy) qui se proclamait un roc
quelques scènes plus tôt, se débat à terre, perruque arrachée,
implorant le pardon de celui qu'elle est sur le point de trahir, ou de celui
à qui elle va s'abandonner dans le remords. Invention supplémentaire
bouleversante : l'héroïne est recouverte d'un voile noir. Voile de deuil
pour celle qui perd ses illusions et son innocence ? Voile de nonne,
pour celle qui s'est fait une religion de la fidélité amoureuse ? Ou
simple filet du chasseur qui piège sa proie ? Suprême chic de ce
spectacle si élégant : à chacun de décider de son interprétation.
16/03/12 18:10
“Così fan tutte” joue l'ambiguïté - Musiques - Télérama.fr
16/03/12 18:10
L'héroïne, Fiordiligi (Sofia Soloviy). Photos: Gilles Abegg.
Si Marcial Di Fonzo Bo est maître de l'espace, son complice
Christophe Rousset, lui, est maître du temps. Et d'une distribution
vocale d'une parfaite homogénéité. Que lui-même accompagne les
récitatifs au pianoforte, ou qu'il dirige à mains nues ses Talents
Lyriques, son sablier alterne des tempi idéalement contrastés — arrêts
en apnée sentimentale (quintette des adieux, quatuor du toast du
mariage), et accélérations qui précipitent les coups de théâtre, le
vertige des fins d'acte.
L'écueil qui guette une production de Così fan tutte, sous-titré « l'école
des amants », est de vouloir délivrer une leçon, arbitrer entre les
enseignements à tirer. Ici, chef et metteur en scène sont trop avisés
pour céder à cette tentation du magister. En cela aussi, ils se révèlent
http://www.telerama.fr/critiques/imprimer.php?chemin=http://www.telerama.fr/musique/cos-fan-tutte-joue-l-ambiguite,78999.php
Page 3 sur 4
“Così fan tutte” joue l'ambiguïté - Musiques - Télérama.fr
16/03/12 18:10
magistraux.
Le 16 mars 2012
-
Gilles Macassar
Mis à jour le 16 mars 2012 à 16h16
A voir
Cosi fan tutte à l'Opéra-Auditorium de Dijon, les 16 et 20 mars à 20h,
le 18 mars à 15h. Tél : 03 80 48 82 82.
Avec Sofia Soloviy (Fiordiligi), Sophie Harmsen (Dorabella), Milena
Storti (Despina), Sergey Romanovski (Ferrando), Johannes Weisser
(Guglielmo), Peter Rose (Don Alfonso).