Défense absolue de toucher aux fils électriques même tombés à

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Défense absolue de toucher aux fils électriques même tombés à
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Défense absolue de toucher aux fils électriques
même tombés à terre…
par El Hassane BOUBCHEUR
Collège Léonard de Vinci - 95570 Bouffémont
[email protected]
RÉSUMÉ
Quand on pose aux élèves la question « Pourquoi on ne doit jamais toucher aux fils
électriques même tombés à terre ? », ils disent que c’est dangereux mais ils ne savent
pas comment justifier la réponse. On cherche ici à amener les élèves à s’interroger sur
l’éventuelle existence d’une tension dangereuse même en absence du courant électrique.
Seront-ils ensuite capables de trouver la solution au problème posé ?
MOTIVATIONS ET OBJECTIFS
L’indication « Défense absolue de toucher aux fils même tombés à terre, danger de
mort » est souvent inscrite sur les poteaux électriques de EDF. Ce sont les derniers mots
de cette inscription qui montrent, non seulement aux élèves mais à toute personne quel
que soit son niveau intellectuel, la dangerosité de la tension électrique. On souhaite sensibiliser les élèves au phénomène d’électrocution en leur rappelant les effets du courant
sur l’organisme. Un fil tombé à terre est nécessairement sectionné, ce qui rompt la circulation du courant et ouvre le circuit. Malheureusement, pour les élèves, l’absence du
courant signifie aussi l’absence de la tension ce qui n’est pas toujours vrai puisqu’on peut
avoir une tension non nulle, par exemple, aux bornes d’un interrupteur ouvert. C’est le
comportement contradictoire de ces deux grandeurs électriques qui constitue l’obstacle à
la solution du problème posé. Franchir cet obstacle est l’objectif principal de l’activité
proposée.
Elle intervient après les premiers cours d’électricité de quatrième, pendant lesquels
les élèves ont dû s’initier aux techniques de mesures électriques. Au cours de cette activité (qui dure une heure) les élèves ne disposent, à l’exception d’une feuille mobile et
d’un crayon, d’aucun document pas même de leurs notes de cours ; ils doivent s’appuyer,
sur leurs connaissances antérieures pour répondre oralement à une série de questions et
bien évidemment en soulever d’autres. C’est une séquence centrée sur l’effort de
réflexion des élèves en les incitant à participer au dialogue scientifique animé par le professeur et dans lequel on privilégie le débat entre les groupes d’élèves.
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L’activité est présentée de la façon suivante :
♦ la première phase consiste à rappeler les notions de cours en incitant les élèves à participer oralement ;
♦ la deuxième phase met l’accent sur les dangers du courant en donnant la valeur de
l’intensité limite du courant au-dessus de laquelle il y a risque d’électrocution ;
♦ enfin, la troisième phase correspond à la mise en évidence de l’obstacle évoqué plus
haut et à la réalisation de l’expérience modèle qui constitue une autre façon de
répondre au problème précédemment défini. Dans cette phase, qui est la plus longue,
on a incité les élèves à approfondir leurs réflexions sur la schématisation des circuits
en vue d’une vérification expérimentale des hypothèses : il s’agit, rappelons-le, de
montrer qu’il peut exister une tension non nulle entre deux points entre lesquels ne
passe aucun courant.
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Dans cette activité, on attend des élèves qu’ils soient capables de :
distinguer clairement intensité et tension électrique ;
connaître les dangers du courant électrique ;
proposer des hypothèses et les moyens de les vérifier ;
exprimer leur opinion et en débattre avec leurs camarades.
DÉROULEMENT
Phase n° 1 : rappels
Questions
♦ Qu’est-ce qu’un courant électrique, une tension électrique ? Précisez leurs unités.
♦ Existe-t-il une tension entre les bornes d’une lampe isolée (hors circuit) de 3,5 V ?
Et entre les bornes d’une pile isolée de 4,5 V ?
♦ Qu’est-ce qu’un isolant, un conducteur électrique ? Donnez quelques exemples.
♦ Le corps humain est-il conducteur du courant électrique ?
Commentaire n° 1
Les réponses des élèves sont plus ou moins convaincantes. Elles sont très incomplètes pour les deux premières questions. La plupart des élèves ont éprouvé de grandes
difficultés pour distinguer les grandeurs électriques, et certains d’entre eux pensent
encore que la tension aux bornes d’un générateur isolé doit être nulle. Pour leur montrer
qu’il en est autrement, on a envoyé deux d’entre eux réaliser l’expérience correspondante
sur la paillasse du professeur.
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Phase n° 2 : les risques
Questions
♦ Y a-t-il une différence entre électrisation et électrocution ? Si oui laquelle ?
♦ Citez quelques effets du courant sur l’organisme.
♦ Les fils conducteurs de différentes couleurs que vous utilisez sont entourées par des
gaines isolantes. Justifiez l’utilisation de ces gaines.
♦ Les fils électriques de EDF, comme ceux de la haute tension ou ceux du chemin de
fer, sont-ils recouverts de gaines isolantes ?
♦ Une tension de 25 V peut faire circuler dans le corps humain un courant d’intensité
d’environ 10 mA, cette valeur correspond à l’intensité de sécurité. En supposant que
cette intensité qui parcourt l’organisme est proportionnelle à la tension, évaluez les
intensités correspondant à 4,5 V, 230 V et 750 V.
Que pensez-vous de ces valeurs ? (1)
Commentaire n°2
Les élèves connaissent le rôle protecteur de la matière plastique mais ils sont surpris qu’un courant faible de l’ordre de 10 mA puisse être dangereux pour une personne.
A ce stade, ils commencent à réaliser qu’il y a de véritables dangers pour des intensités
de courant plus élevées, en particulier l’asphyxie et l’arrêt cardiaque.
Phase n° 3 : Comportement contradictoire de l’intensité et de la tension
Questions
♦ On veut montrer que lorsque l’intensité est nulle (I = 0 A) on peut avoir une tension
différente de zéro aux bornes d’un dipôle (U $ 0 V), comment procéderiez-vous ?
♦ Fournir la liste des appareils électriques à utiliser,
♦ Schématiser le circuit de l’expérience et expliquez votre méthode.
Commentaire n°3
Dans un premier temps chaque élève établit sa liste de matériel et la compare
ensuite avec celle proposée par son camarade. Cette première étape a donné lieu à un
débat parfois vif entre certains groupes d’élèves. Les résultats de cette première étape
sont les suivants : puisqu’il s’agit de faire des mesures de I et de U, la majorité des élèves
(1)
NDLR : Il serait également possible de proposer un graphique qui serait plus proche de la réalité...
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n’a pas oublié de mentionner dans leurs listes la présence de deux multimètres. Mais
environ 65 % de l’effectif a pensé utiliser plusieurs dipôles à la fois pour réaliser l’expérience et 20 % n’ont pas vu l’utilité de l’interrupteur. Quand on a demandé aux élèves
pourquoi avez-vous choisi l’interrupteur, la majorité a répondu que c’était pour fermer
et ouvrir le circuit, par contre l’autre partie s’est contenté de dire que c’était par habitude
qu’on le mettait dans le circuit. En insistant sur la simplicité de l’expérience, on a suggéré, aux élèves concernés, de ne garder qu’un nombre limité de dipôles.
On les a ensuite autorisés à travailler ensemble en vue de tracer le schéma électrique. Les schémas ainsi produits montrent que les élèves éprouvent de grandes difficultés pour proposer un montage correct. En particulier, 20 % des élèves qui ont tracé
des schémas où l’on devait mesurer simultanément l’intensité traversant un dipôle et la
tension appliquée à ses bornes, avaient choisi le générateur comme dipôle. Après un
effort supplémentaire de ces élèves et en leur demandant d’exclure la mesure de la tension aux bornes du générateur (question 2 de la première phase), ils ont fini par trouver
le schéma du montage (voir ci-dessous).
Deux volontaires ont réalisé cette expérience et obtenu les valeurs indiquées ciaprès.
Figure 1 : I = 50 mA et Uk = 0, 009 V << 11, 92 V.
= 0 V).
Figure 2 : I = 0 A mais Uk = 11, 92 V (Y
La tension appliquée aux bornes de l’interrupteur fermé, qui se comporte comme un
fil, est négligeable devant les tensions mises en jeu dans le circuit. Mais, lorsque l’interrupteur est ouvert, elle prend la valeur maximale qui est égale, dans cette expérience à la
tension du générateur.
Pour la question de synthèse :
♦ Quel est le risque encouru par une personne qui touche un fil électrique (ligne de distribution) tombé à terre ? Expliquez.
La réponse a été donnée sans peine par les élèves qui considèrent qu’une personne au
sol, touchant un fil coupé, fermerait le circuit et serait traversée par un courant d’intensité
très supérieure à l’intensité de sécurité. Cette personne risque donc de s’électrocuter.
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CONCLUSION
Comme nous l’avons signalé plus haut, le concept de la charge électrique n’est pas
enseigné en classe de quatrième, par conséquent la définition de l’intensité du courant
électrique ne peut être complète. Le courant électrique résulte d’un mouvement collectif
de charges dont l’intensité dépend de la vitesse et du nombre de ces charges qui circulent dans un milieu donné. Malgré l’excellente analogie de cette définition avec la circulation des fluides tels que le courant d’air, courant d’eau, etc., les élèves dans leur majorité n’arrivent pas à dégager une différence claire entre l’intensité et la tension qui, à
l’opposée du courant, ne circule pas mais s’applique entre les bornes d’un dipôle. La présente activité a, néanmoins, contribué à lever partiellement cette confusion.
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