Les décisions des communes dans le cadre de la

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Les décisions des communes dans le cadre de la
(Les d cisions des communes dans le cadre de la mise disposition des infrastruc_00114629)
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Les décisions des communes dans le cadre de la mise à disposition des infrastructures
sportives
Il est fréquent que les clubs de sports exercent leurs activités dans des bâtiments ou sur des
terrains communaux.
Les clubs sont par conséquent confrontés à des décisions communales, pour l’attribution de ces
droits d’occupation, et, le cas échéant, en cours de contrat.
La commune ne peut bien entendu agir arbitrairement, mais doit respecter le cadre légal dans
lequel s’insère son activité. Un contrôle judiciaire existe.
Après avoir fait le point sur le régime juridique applicable, nous nous proposons d’examiner
succinctement les recours dont dispose le club qui s’oppose à la commune sur les modalités
d’utilisation des terrains ou bâtiments qui sont mis à sa disposition.
Une série de questions concrètes formera la structure de cet article qui n’a qu’une portée
générale, eu égard à son ampleur limitée et à la complexité de la matière.
1. Qui octroie le droit d’occupation ?
Si le propriétaire des installations est la commune, ou une autre autorité publique, il n’est pas
certain que le droit commun sera d’application. En effet, comme on le verra au point suivant, les
biens du domaine public de la commune peuvent en principe être donnés en location à certaines
conditions, mais aussi faire l’objet de décisions unilatérales ou autorisations domaniales de la
part de la commune, et, en son sein, de l’organe chargé de la gestion.
Le Collège des bourgmestre et échevins est chargé de la gestion des propriétés communales,
dans le cadre des règles générales fixées par le conseil communal. Ces compétences peuvent
encore être déléguées au sein de la commune au secrétaire communal ou à d’autres membres des
services communaux.
Le Conseil d’Etat a rappelé que la décision de conclure une concession doit être prise par le
conseil communal, même s’il peut confier la négociation et la signature de la convention au
collège des bourgmestre et échevins1.
Il arrive également que le conseil communal ait réglementé l’usage des bâtiments communaux
(par exemple un complexe sportif). Le Collège des bourgmestre et échevins peut également
accorder des droits d’usage temporaires des biens communaux, dans le respect de leur affectation
(par exemple, le droit pour un club de sport d’utiliser la salle d’une école).
Il arrive enfin que la commune ait confié à un tiers, par convention (par exemple une concession
de service public), à une ASBL ou à une régie communale autonome la gestion du centre sportif.
2. Le bien mis à disposition par la commune fait-il partie de son domaine public ou privé ?
1
C.E. n° 174.964 du 25 septembre 2007, Rudelopt
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Cette question est plus complexe que la première envisagée, car elle est au centre d’une
controverse. De sa réponse dépend le régime juridique auquel l’occupation de l’infrastructure
sportive est soumise : il s’agira soit d’un contrat régi par le droit commun (bail, occupation
précaire,…), au cas où le bien fait partie du domaine privé de la commune, soit d’une
autorisation domaniale unilatérale ou d’une concession, au cas où le bien relève du domaine
public.
Il existe des controverses sur l’appartenance d’un bien communal à l’un ou l’autre domaine, car
la définition du domaine public n’est pas explicitement reprise dans la loi. C’est donc en
analysant les décisions de jurisprudence et les commentaires de doctrine que l’on peut définir la
notion de domaine public communal. La Cour de Cassation a adopté une définition restrictive
du domaine public : un bien appartient au domaine public en ce qu’il est par une décision
expresse ou implicite de l’autorité, affecté à l’usage de tous, sans distinction de personne2.
Selon la doctrine et les juridictions de fond, l’on peut considérer qu’appartiennent au domaine
public les biens appartenant à la commune, nécessaires à un service public et affectés par la
commune à l’usage de tous par une décision expresse ou tacite.
Ainsi, font indiscutablement partie du domaine public les voies publiques, ainsi que les voies
d’eau navigables, les parkings publics appartenant à l’autorité.
En vertu de la conception défendue par la doctrine et les juridictions de fond, l’on pourrait
considérer qu’un centre sportif appartenant à une commune est ouvert à tous et affecté à un
service public pour lequel il est spécialement aménagé.
Dans un jugement datant de plus de 30 ans, le tribunal de Bruges a décidé que la piscine
communale, et la cafétéria attenante font toutes deux partie du domaine public communal3.
Par conséquent, et si l’on considère que le centre sportif communal fait partie du domaine public,
les modalités d’occupation de celui-ci sont spécifiques : elles sont déterminées de manière
unilatérale par le conseil communal. Elles peuvent également faire l’objet de concessions
domaniales, contrats administratifs qui laissent à la commune une plus grande marge de
manœuvre que dans un contrat régi par le droit commun.
Enfin, encouragée par un arrêt très récent de la Cour de cassation4, une partie de la doctrine
affirme que des droits réels ou personnels, comme ceux qui découlent d’un contrat de bail,
pourraient être octroyés sur le domaine public, pour autant qu’ils ne mettent pas en péril leur
affectation à l’usage de tous. Un contrat qui aménage par des clauses contractuelles l’occupation
d’un bien du domaine public de telle manière qu’elle reste précaire et que l’autorité peut
modifier dans l’intérêt général pourrait être admis5.
Si le bâtiment communal fait partie du domaine privé de la commune, les mêmes organes sont
chargés de leur gestion au sein de la commune. La nature des droits est cependant différente : les
2
Cass., 1è ch, 18 mai 2007, www.cass.be,
Civ., Bruges, 30 juin 1976, Res et jura imm., 1977, p 101
4
Cass., 1è ch, 18 mai 2007, www.cass.be, qui accepte explicitement la validité, à certaines conditions, de l’octroi
de droits réels sur des biens du domaine public.
5
D. Lagasse, « Remise en cause par la Cour de Cassation de l’indisponibilité du domaine public ? », note sous
Cass., 1è ch, 18 mai 2005, Rev. Not., 2007, p. 642 et 643
3
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biens du domaine privé obéissent, à quelques exceptions près, aux mêmes règles que les biens de
personnes physiques ou morales.
3. Quels sont les pouvoirs de la commune en matière d’occupation ?
Indépendamment des questions de domanialité, la commune doit rédiger un
« sportsbeleidsplan6 ». Les questions d’occupation et d’accessibilité aux différents clubs et
individus y sont notamment abordées, dans le cadre d’un « interactieve bestuursstijl », dat een
dialoog met de verenigingen met zich meebrengt.
3.a. Lors de l’octroi de l’autorisation unilatérale ou de la conclusion du contrat
La commune doit respecter, lors de l’octroi d’une autorisation privative du domaine public, les
principes généraux de droit administratif, dont les principes d’égalité et de non discrimination. Il
ne peut s’écarter de ce principe que pour des raisons objectives, licites et proportionnées. Ainsi,
par exemple, la commune ne peut interdire l’accès de son centre sportif aux membres d’un
groupe de gymnastes en raison des convictions politiques affichées par ce dernier7. Les mêmes
principes valent si une convention de concession est conclue.
Si le bien fait partie du domaine privé, une convention réglera les droits du club. Si la
convention n’est pas écrite, on peut déduire son contenu des correspondances échangées, ou de
ses modalités d’exécution (par exemple, le paiement régulier d’un loyer ou d’une indemnité, et
les horaires convenus). Lorsque de tels droits sont octroyés sur des biens du domaine privé, les
principes généraux de droit administratif cités plus haut sont également applicables.
3.b. En cours d’occupation
Si le bien fait partie du domaine privé, en principe, et sauf si le contrat le permet expressément,
les parties ne peuvent pas modifier unilatéralement la portée de leurs engagements contractuels.
Dans le cadre d’un bail, par conséquent, il ne revient pas au bailleur de modifier la chose louée,
ou la manière dont le preneur peut en jouir. Si le contrat porte sur un bien du domaine privé de
la commune, les modalités du contrat (par exemple les horaires) ne peuvent donc pas être
modifiées unilatéralement. Il est cependant possible que des clauses exorbitantes du droit
commun soient prévues en faveur de la commune pour des raisons liées à l’intérêt général.
Il n’en va pas de même des occupations privatives du domaine public. La loi du changement,
importante en matière de service public, doit permettre à l’administration de modifier les
conditions de ses activités afin de pouvoir les adapter aux exigences de l’intérêt général. On
considère généralement que les autorisations d’utilisation privative du domaine public (par
exemple l’installation de terrasses sur une voie publique, ou la possibilité pour un club d’utiliser
6
Decreet van 7 maart 2007 houdende de subsidiëring van gemeente- en provinciebesturen en de Vlaamse
Gemeenschapscommissie voor het voeren van een Sport voor Allen-beleid (B.S. 4 mei 2007 ) en Besluit van de
Vlaamse Regering van 19 juli 2007 ter uitvoering van het decreet van 9 maart 2007 houdende de subsidiëring van
gemeente- en provinciebesturen en de Vlaamse Gemeenschapscommissie voor het voeren van een Sport voor allenbeleid (B.S. 13 september 3007)
7
R.v.State, Arrest nr 16.943 dd. 25 maart 1975, geciteerd door D. DEOM, Rép. Not., tome XIV, livre VII, p. 167
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une salle du complexe sportif tous les lundis de 17 à 22 heures) peuvent être modifiées ou
retirées dans certaines circonstances notamment si la personne bénéficiaire ne respecte pas les
conditions qui lui ont été imposées ou si les circonstances ont changé.
Le droit de modifier ou de mettre fin à un droit d’occupation domanial n’est cependant pas
absolu : il doit reposer sur des motifs admissibles et être dûment motivé.
La loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle oblige donc l’organe communal chargé
de la gestion à motiver les décisions qu’il prend.
Si le droit est révoqué ou modifié de manière régulière, c’est-à-dire dans le respect des lois et
règlements et des principes généraux évoqués ci-dessus, il peut l’être sans préavis ni indemnité.
Sauf si l’acte de la commune est illégal, il n’y aura donc pas d’indemnisation.
4. Quels sont les recours contre les décisions communales ?
4.a. Dans le cas de l’utilisation du domaine public
Il y a principalement deux types de recours contre une décision de la commune en matière
d’occupation du domaine public : le recours au Conseil d’Etat et la saisine des cours et tribunaux
judiciaires.
En ce qui concerne la première possibilité, qui ne concerne que les actes unilatéraux, le Conseil
d’Etat est juge de la légalité des actes administratifs. Ses pouvoirs sont limités : il peut
suspendre ou annuler les actes illégaux, s’il est saisi dans un délai de 60 jours de la notification
de la décision. En pratique, une procédure en annulation prend le plus souvent quelques années,
et une procédure en suspension simple quelques mois. Seule une suspension en extrême urgence
pourrait présenter une solution rapide, mais elle ne peut être ordonnée que si le requérant, en plus
de démontrer l’extrême urgence et l’illégalité de l’acte de la commune, peut faire valoir un
préjudice grave et difficilement réparable, à savoir un dommage qui ne serait pas susceptible
d’être adéquatement indemnisé par l’octroi de dommages-intérêts.
Le Conseil d’Etat s’est déjà reconnu compétent pour annuler, dans une relation contractuelle, un
acte unilatéral de la commune mettant unilatéralement fin à une concession. En d’autres termes,
et selon une théorie complexe, celle de l’enjeu véritable, le Conseil d’Etat est compétent lorsque
l’on attaque la légalité objective d’un acte administratif unilatéral, même pris dans le cadre d’une
relation contractuelle, mais le juge civil doit être saisi lorsque le requérant fait valoir des droits
subjectifs (comme ceux qu’il tire de la convention).
Lorsque le litige porte sur une occupation précaire, la saisine des cours et tribunaux ne sera en
principe possible que si un dommage résulte de l’acte illégal. En règle générale, les clubs
sportifs ne pourront donc pas saisir les cours et tribunaux ordinaires s’ils ne tirent pas leurs droits
d’une convention.
En ce qui concerne les conventions portant sur l’occupation du domaine public, il existe de
nombreuses décisions de jurisprudence ayant requalifié des baux en concessions. Si la
convention portant sur un bien appartenant au domaine public n’a pas prévu de clauses
particulières qui garantissent le respect de l’affectation et la précarité de l’occupation, elles
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seront déclarées nulles par les cours et tribunaux. Il reste que la commune devra indemniser le
club si, pour des raisons liées à l’intérêt général, elle rompt le contrat ou en modifie l’exécution.
4.b. Dans le cas de la mise à disposition d’un bien relevant du domaine privé
La jurisprudence admet également que les communes insèrent dans leurs conventions des clauses
exorbitantes du droit commun même pour les biens qui relèvent de leur domaine privé, ce qui est
au demeurant également prévu à l’article 1712 du Code civil.
En principe, seuls les tribunaux judiciaires ordinaires peuvent être saisis des contestations portant
sur de telles conventions.
5. Si le bien est géré par une ASBL ou par une personne autre qu’une autorité publique
(commune, province, Région,…)
Dans ce dernier cas, en principe, seul le droit commun est applicable et les cours et tribunaux
seront seuls compétents, à l’exclusion du Conseil d’Etat.
Conclusion
En partant d’une situation courante en pratique, l’on se rend rapidement compte qu’en réalité, la
matière recèle de nombreuses incertitudes et difficultés. Il existe des controverses, en ce compris
celle, centrale, relative à l’appartenance au domaine public des infrastructures sportives
communales.
Les gestionnaires communaux ainsi que les clubs feront bien, afin de prévenir des problèmes
ultérieurs, de s’interroger au préalable sur la nature de leurs relations et de définir précisément et
explicitement les droits et obligations de chacun.
Chaque situation concrète (parties en présence, type de bâtiment, conventions ou autorisations
éventuelles,…) devra donc être examinée soigneusement avant de déterminer le type de
convention ou d’autorisation devant être préféré. La même démarche sera accomplie si un club
envisage un recours contre une décision en matière de mise à disposition d’une infrastructure
sportive.
Laurent DELMOTTE
Avocat
www.vdelegal.be
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