La Chine à la conquête du monde…par des

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La Chine à la conquête du monde…par des
La Chine à la conquête du monde…par des fusions et acquisitions!
par Henri Arslanian, LL.B., LL.M, LL.M (Beijing)
Napoléon a déjà dit : «Laissez-la Chine dormir, car quand elle se réveillera, le monde
tremblera.» Le dragon chinois est maintenant bel et bien réveillé et est à la conquête du
monde. Le plus intéressant dans cette nouvelle réalité est que les entreprises chinoises ont
récemment modifiés leurs stratégies de fusions et d’acquisitions pour éviter le plus
possible d’avoir des difficultés qui pourraient ralentir la percée du dragon chinois.
Il y a quelques années, les entreprises chinoises allaient à la conquête du monde de deux
façons. Premièrement, elles sécurisaient des participations majoritaires dans le domaine
de l’énergie et des ressources naturelles. Une bonne illustration est l’acquisition par la
China National Petroleum Corporation en 2005 de PetroKazakhstan pour 4 milliards de
dollars. Deuxièmement, elles s’empressaient de mettre la main sur des entités ayant une
bonne réputation mais qui battaient de l’aile comme par exemple l’acquisition en 2005
par Lenovo de la division d’ordinateurs portatifs de IBM ou la tentative d’achat, quoique
non réussie, la même année, de Maytag par la chinoise Haier. L’élan des investisseurs
chinois a souvent été freiné non pas par des problèmes d’ordre financiers, mais bien par
des considérations politiques. Par exemple, la tentative d’acquisition par la China
National Offshore Oil Corporation du géant américain Unocal pour 18.5 milliards a été
bloquée aux États-Unis suite à des pressions politiques et des considérations de sécurité
nationale.
Il faut comprendre que la Chine a beaucoup d’argent et un grand désir de mettre la main
sur des ressources naturelles et de la technologie étrangère. Récemment, le gouvernement
chinois a créé un fond de 300 milliards, la China Investment Corporation, pour procéder
à des investissements à l’étranger, un peu comme l’ont déjà fait la Norvège, l’Arabie
Saoudite, Singapour et les Émirats Arabes Unis. En plus, les chinois ont appris de leurs
erreurs et ont changé leur stratégie d’acquisition, en partie pour éviter les problèmes
politiques qui pourraient venir et bloquer leurs projets.
Les entreprises chinoises ont rapidement réalisé que procéder à des acquisitions moins
médiatisées ou sans participation majoritaire est une approche plus raisonnable présentant
de meilleures chances de succès. Par exemple, à l’été 2007, la China Investment
Corporation a mis la main sur 10% du groupe Blackstone pour 3 milliards de dollars et la
China Development Bank a acheté une part de 3.1 milliards de dollars dans la banque
anglaise Barclays. À l’automne 2007, la banque chinoise CITIC a acquis une
participation minoritaire de 1 milliard de dollars dans Bear Sterns et la China Investment
Corporation a continué sa vague d’acquisitions en mettant la main sur presque 10% de
Morgan Stanley pour 5 milliards de dollars. Les entreprises chinoises ont également
continué à investir dans des régions du globe où il y a moins de réticences face aux
investissements de l’empire du milieu. Par exemple, en 2007, la Industrial and
Commercial Bank of China a acquis pour 5.5 milliards de dollars une participation
minoritaire de 20% dans la plus grande banque d’Afrique, la Standard Bank Group Ltd.
Cette nouvelle stratégie permet aux entreprises chinoises de faire des investissements
considérables sans être la cible de mesures protectionnistes. Un bon exemple de cela
affecte indirectement le Québec. Il y a quelques mois, plusieurs analystes pensaient que
les chinois allaient mettre la main sur RioTinto, la société qui a acquis Alcan l’année
dernière. Les chinois avaient une autre stratégie et une alliance a eu lieu entre Chinalco et
Alcoa pour faire l’acquisition de 9% de l’ensemble de Rio Tinto pour 14 milliards de
dollars. Dans cette transaction, Chinalco n’avait pas besoin du support financier d’Alcoa
(Alcoa n’a contribué qu’à 1.2 des 14 milliards), mais bien d’un partenaire non-chinois
pour donner à la transaction un air moins agressif.
Durant les mois et années à venir, il est fort probable que les entreprises chinoises
continueront à faire des acquisitions à travers le monde. Le Canada, en partie grâce à ses
secteurs minier, de l’énergie, des ressources naturelles et de la biotechnologie, sera un
lieu prisé pour les investissements et les fusions et acquisitions par des entreprises
chinoises. Tout cela va bien évidemment avoir un impact sur le monde des affaires au
Canada. Avis aux avocats, ne soyez pas étonnés si un de vos clients se fait prochainement
approcher par une entreprise chinoise!
Note : L’auteur, stagiaire chez Fasken Martineau, vient de compléter une maîtrise en
droit chinois à l’Université Tsinghua de Beijing. Il est également détenteur d’un
baccalauréat en droit de l’Université de Montréal, d’une maîtrise en Common Law et
droit transnational de l’Université de Sherbrooke et d’un certificat d’études économiques
conjoint de la London School of Economics et de la Peking University.
L’auteur s’exprime ici à titre personnel.