La stratégie d`influence de la Chine en Afrique (avec Jean

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La stratégie d`influence de la Chine en Afrique (avec Jean
 La stratégie d’influence de la Chine en Afrique Compte-­‐rendu du Petit déjeuner du vendredi 8 avril 2016 avec M. Jean-­‐Jacques GABAS, économiste, chercheur au CIRAD, maître de conférences à l’université Paris I et à Sciences Po Cadre général : le soft power chinois en Afrique La Chine a en Afrique un ancrage historique très ancien qui s’est renforcé dans le contexte de guerre froide. L’Afrique et la Chine partagent les mêmes enjeux de développement et les Etats africains n’ont de fait jamais contesté les intentions de la Chine sur leur territoire. Depuis 2000 se tient tous les 3 ans un forum sur la coopération sino-­‐africaine (FOCAC), durant lequel est discuté le renforcement de la coopération économique entre la Chine et l’Afrique. L’engagement de la République Populaire n’est pas négligeable puisque lors du dernier forum, en décembre 2015 à Johannesburg, la Chine a publié un Livre Blanc et annoncé l’apport d’une aide de 60 Milliards de dollars pour l’Afrique sur une période de 3 ans. Bien entendu, cette aide a des retombées directes pour les entreprises chinoises. Le soft power chinois en Afrique se définit en deux grandes dimensions. La première est de nature culturelle, avec, outre la présence accrue des agences de presse chinoises en Afrique, l’installation depuis 2004 des Instituts Confucius qui délivrent un nombre conséquent de bourses d’études aux étudiants Africains, cette démarche s’inscrivant dans un processus d’influence qui se construit parallèlement au déclin de l’influence des bourses européennes en Afrique. La deuxième dimension est économique et concerne le transfert du modèle de développement chinois en Afrique. La Chine cherche en effet à se différencier de la politique de développement occidentale en instaurant une coopération Sud/Sud spécifique dans son mode d’intervention et ne résultant pas d’un héritage colonial. La Chine a pu sortir de la pauvreté et se situe donc dans une optique de transfert de connaissances et de partage d’expérience. Contrairement à la coopération Nord/Sud, la coopération Sud/Sud se présente comme conforme au principe de non-­‐ingérence et n’est assortie d’aucune conditionnalité, si ce n’est celle de la non-­‐reconnaissance de Taïwan. La relation sino-­‐africaine repose sur l’articulation des trois domaines que sont ceux de l’aide, du commerce et du business (entreprises) via la création de partenariats public-­‐privé. En termes d’aide publique au développement, la Chine constitue le premier bailleur de fonds dans bon nombre de pays d’Afrique dans lesquels elle est présente, avec un fort accent mis sur le développement des infrastructures urbaines et rurales. Contrairement aux idées reçues, les investissements directs chinois en Afrique sont très faibles et représentent moins de 3% des IDE chinois dans le monde. Le commerce s’est fortement développé, le niveau des échanges entre l’Afrique au sud du Sahara et la Chine atteignant en 2014 quasiment celui de l’Afrique avec l’UE. On observe une chute depuis 2015, à rapprocher du brutal ralentissement économique chinois. Travaux de terrain dans le secteur agricole en Afrique subsaharienne Il s’agit de monographies réalisées dans une dizaine de pays, et la constitution d’une base de données recensant plus de 250 projets dans le secteur agricole. A partir de ces études de terrain, deux grandes rumeurs sur la présence chinoise en Afrique peuvent être démenties. Tout d’abord, les acteurs chinois présents en Afrique ne font que très peu d’acquisitions de terres. Les acquisitions sont d’une importance largement inférieure à celles faites par les Etats Européens, les Etats Unis ou ceux du Golfe. Les acteurs chinois privilégient en effet la contractualisation à l’acquisition foncière. La seconde rumeur concerne le fait que les productions chinoises dans le domaine vivrier seraient destinées à alimenter le marché chinois. Or ce point doit être également démenti puisque ces productions ont pour principal débouché les marchés régionaux ou nationaux. Cependant, même si les acquisitions de terres sont moindres et que les interventions dans le domaine agricole sont limitées, ce secteur demeure prioritaire pour la Chine, de par l’enjeu géopolitique et qu’il représente. La situation d’insécurité alimentaire en Afrique peut de fait avoir des répercussions sur les marchés internationaux en cas notamment de crise alimentaire. L’intervention de la Chine dans le secteur agricole démontre une volonté de sécuriser ses approvisionnements en pesant sur les marchés. Mais par delà ces interventions ayant pour but la sécurité alimentaire il y a un objectif global de participer à la sécurité du continent africain. Ces interventions se traduisent entre autres par l’implantation de centres de démonstration agricole (CDA), recensés actuellement au nombre de 24. Il s’agit de petits centres d’expérimentation d’une taille comprise entre 8 et 10 hectares. L’idée de ces centres est de pouvoir mettre à disposition des semences sélectionnées permettant une augmentation des rendements agricoles (expérimentation agricole) et de vulgariser les technologies. C’est un processus d’intervention, très proche de celui de la Révolution verte . La vocation de ces centres est également celle d’être un tremplin à l’implantation de nouvelles entreprises chinoises sur le territoire africain. Implications sur la politique française de coopération La coopération triangulaire entre la France, la Chine et les Etats d’Afrique dont le principe a été acté en juin 2015 part de très loin car il existe notamment un manque de concertation entre les différents acteurs sur le terrain qui ont tendance à s’ignorer. Un sommet triangulaire est prévu au premier trimestre 2017 à Dakar. Le seul lieu où l’on retrouve une coopération trilatérale au niveau agricole est au sein de la FAO, mais son développement est là encore insuffisant. Il y a en effet une nécessité dans la construction de la confiance et des images souvent erronées entre les différentes parties prenantes. Questions/Réponses Q : La relation entre l’Afrique subsaharienne et la Chine concernant la politique d’influence de cette dernière est-­‐elle réellement harmonieuse ? N’y a-­‐t-­‐il pas un risque de retour de bâton si l’Afrique réalise que la Chine effectue uniquement des investissements de court terme avec des retours attendus rapides ? R : La Chine bénéficie d’un certain désinvestissement de la part des différentes coopérations en Afrique et en particulier de celle de la France. Par ailleurs, il existe une volonté de présence durable de la Chine en Afrique dans le secteur agricole ; preuve en est le fait que lorsque les entreprises chinoises rencontrent des difficultés, elles ne quittent pas pour autant le territoire et reçoivent même des aides de leur gouvernement afin d’y faire face. Il n’y a pas systématiquement une vision à court terme Q : La coopération triangulaire entre la France, la Chine et l’Afrique semble venir d’une démarche chinoise. Quel intérêt représente l’intégration de la France pour la Chine dans ses relations avec l’Afrique ? R : La connaissance chinoise de l’Afrique est limitée et partielle. La Chine en est consciente et s’intéresse ainsi à l’histoire et aux savoirs accumulés par la France concernant l’Afrique résultant de la période coloniale. Il y a un véritable intérêt pour l’analyse française. A la fin des années 80s, la Chine a de fait envoyé des jeunes diplomates en France afin que ceux-­‐ci acquièrent des connaissances suffisantes pour être ensuite envoyés en mission en Afrique. La Chine utilise ainsi de manière positive la relation France/Afrique. Q : La Chine ne fait pas partie du Club de Paris et ne respecte pas les disciplines multilatérales. Par ailleurs, sa situation financière est préoccupante. Y a-­‐t-­‐il un risque de non-­‐respect des promesses financières chinoises ? R : Une des solutions tiendrait à amener la Chine à entretenir de manière croissante des relations empreintes de multilatéralisme et à se rapprocher notamment d’organismes tels que l’OCDE. La coopération triangulaire Chine/France/Afrique va ainsi en partie dans ce sens. 

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