Droit administratif

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Droit administratif
Préparation au concours d’attaché territorial
Fiche de Synthèse
La justice
administrative
et les recours
contentieux
Droit administratif - Avril 2011
Droit administratif - La justice administrative
Fiche de Synthèse
Préparation au concours d’attaché territorial
L’action de l’administration est encadrée par le droit. Elle est même conditionnée par sa soumission au
principe de légalité.
Cette soumission est assurée par un contrôle interne (corps d’inspection) et par un contrôle externe.
Le contrôle externe ne peut être effectif et efficace que s’il est assuré par un organe suffisamment indépendant de l’administration.
Cet organe, à savoir l’ensemble des juridictions administratives, s’est peu à peu développé au cours des
XIXème et XXème siècles.
Remarque
Auparavant, l’action de l’administration n’était soumise qu’à peu de contraintes légales et ne nécessitait pas l’existence d’un juge particulier pour régler les éventuels
litiges.
C’est progressivement que le droit public, et spécialement le droit administratif, a été érigé en branche
autonome du droit et qu’un juge particulier, le juge administratif, a été chargé de résoudre les litiges qui
s’élevaient en la matière.
ð
Toute personne lésée par un acte ou une action de l’administration peut introduire un recours
contentieux.
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LA JUSTICE ADMINISTRATIVE
L’ORGANISATION DE LA JUSTICE ADMINISTRATIVE
• le dualisme juridictionnel
l’origine du dualisme juridictionnel
- Sous l’Ancien Régime, les affaires de l’État étaient réglées par le «Conseil du
Roi», l’Édit de Saint-Germain (1641) et l’Édit de Fontainebleau (1661) ayant
interdit aux Parlements d’en connaître.
- C’est à la Révolution française que le principe de la «séparation des autorités administratives et judiciaires» a été posé (loi du 16-24/08/1790). Si le
principe a été rappelé par le décret du 16 fructidor an III, il n’y avait pas de
juridictions pour connaître des éventuels litiges.
ð
Application de la théorie du «ministre-juge», ou «administrateurjuge», et système de la «justice retenue».
- C’est sous le Consulat que le Conseil d’État et les conseils de préfecture ont
été créés (Constitution du 22 frimaire an VIII et loi du 28 pluviôse an VIII).
Mais le Conseil d’État n’est considéré en pratique que comme un organe de
conseil (fonctions administrative et consultative) et le conseil de préfecture
n’a de compétences juridictionnelles que dans de rares domaines.
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la consécration du dualisme juridictionnel et de l’indépendance des juridictions administratives
- La loi du 24/05/1872 portant réorganisation du Conseil d’État pose la règle
selon la­quelle le Conseil d’État statue souverainement sur les demandes
d’annulation pour ex­cès de pouvoir formées contre les actes de l’administration. Cette règle conduit à l’abandon du système de la «justice retenue»
au profit du système de la «justice délé­guée».
- L’arrêt Cadot (C.E., 13/12/1889) aboutit à l’abandon de la théorie du «ministre-juge». Le Conseil d’État devient donc le juge de droit commun du
contentieux administratif.
- Le décret-loi du 30/09/1953 crée les tribunaux administratifs et leur donne
une compé­tence de droit commun en matière de contentieux administratif
afin de désengorger le Conseil d’État.
- Dans la même optique, la loi du 31/12/1987 crée les cours administratives
d’appel et permet de calquer l’organisation des juridictions administratives
sur celle des juridic­tions judiciaires.
- Le Conseil constitutionnel va contribuer à consacrer et protéger l’existence
de cet ordre de juridictions (non prévu par la Constitution qui évoque cependant «les autorités admi­nistratives et juridictionnelles» à l’article 62) par
2 importantes décisions :
ž Décision du 22/07/1980, loi portant validation d’actes administratifs :
proclama­tion du principe de l’indépendance de la justice administrative.
ž Décision du 23/01/1987, Conseil de la concurrence : préservation d’une
sphère de compétence attribuée aux juridictions administratives, à savoir «l’annulation ou la réformation des décisions prises, dans l’exercice des
prérogatives de puissance publique, par les autorités exerçant le pouvoir
exécutif».
• le règlement des conflits de compétence entre les 2 ordres de juridictions
le Tribunal des conflits
Créé par une loi de 1850, il n’acquiert un rôle fondamental qu’à partir de la loi du 24/05/1872.
Il se prononce en cas de conflit négatif ou de conflit positif entre les 2 ordres de juridictions.
Sa fonction arbitrale en fait un acteur essentiel dans la régulation du système juridictionnel.
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le législateur
Le Conseil constitutionnel ayant admis, dans la décision précitée du 23/01/1987, que «dans
l’intérêt d’une bonne administration de la justice» et dans l’intérêt général, le législateur pouvait unifier la compétence au profit d’un ordre de juridictions, il existe des lois attribuant
expressément à l’un ou à l’autre des ordres de juridictions des «blocs» de compétences.
la théorie ébréchée du service public
À l’origine, la notion de service public, entièrement créée par le juge administratif, servait de fondement à la compétence de ce dernier. Cependant, depuis l’arrêt Bac d’Éloka de
1921, cette unité fonctionnelle a été mise à mal (cf. S.P.I.C.).
LES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES
• l’étude des juridictions administratives
le Conseil d’État
Il a une double fonctionnalité : il dispose à la fois de fonctions administratives et juridictionnelles.
Il est le juge suprême de l’ordre administratif, mais il peut également être juge d’appel ou
juge de premier ressort.
les cours administratives d’appel
Actuellement au nombre de 8, elles sont juges d’appel de droit commun des jugements
rendus par les tribunaux administratifs, sauf exceptions légales.
les tribunaux administratifs
Au nombre de 40 à la fin de l’année 2009, ils sont juges de droit commun du contentieux
administratif.
• le juge administratif à l’épreuve de la Convention E.D.H.
Selon l’article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales du 04/11/1950,
«toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial».
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La ratification de cette convention en 1974 a conduit à une mise en cause des juridictions administratives
françaises sur 3 points principaux.
Ces mises en cause ont provoqué des réformes touchant à leur organisation.
le droit à un procès équitable
C’est à travers le personnage emblématique du commissaire du gouvernement, désormais appelé «rapporteur public» depuis le 01/02/2009, que le droit à un procès équitable
a pu être invoqué devant la Cour E.D.H. et conduire à une condamnation de la France dans
l’arrêt Kress du 07/06/2001, puis dans l’arrêt Martinie du 12/04/2006. C’est notamment sa
présence au délibéré de la formation de jugement, et l’influence qu’il peut avoir sur les
autres juges, bien qu’il ne prenne pas part au vote, qui a conduit la Cour E.D.H. à estimer
qu’il y avait violation de l’article 6 § 1 de la convention, en application de la théorie des
apparences.
ð Des mesures ont été prises afin d’éviter une nouvelle condamnation de la France :
- décret du 19/01/2005 (il assiste au délibéré sans y prendre part),
- décret du 01/08/2006 (délibération sans sa présence devant le T.A. et la C.A.A. + sur
demande expresse des parties devant le C.E.),
- décret du 07/01/2009 (changement d’appellation pour éviter toute confusion dans
les esprits + les parties peuvent prendre connaissance avant l’audience du sens de ses
conclusions, ce qui était déjà possible en pratique et, surtout, elles peuvent présenter de
«brèves observations orales» après les conclusions).
le droit à un procès impartial
Le problème d’impartialité du Conseil d’État au regard de son organisation a été invoqué
devant la Cour E.D.H., tant en raison de la nomination et du statut de ses membres que du
cumul des fonctions consultatives et juridictionnelles.
Dans l’arrêt Sacilor-Lormines c./France du 09/11/2006, le juge européen estime que le
cumul de fonctions n’est pas, en soi, contraire à l’article 6 § 1 de la convention, ni par ailleurs l’exercice successif de ces fonctions, mais, en revanche, il juge que ce cumul viole la
disposition invoquée si les membres du Conseil d’État exercent, sur la même affaire, les 2
types de fonctions.
ð Le décret du 06/03/2008 opère une nette séparation entre les 2 fonctions.
«Les membres du Conseil d’État ne peuvent participer au jugement des recours dirigés contre les actes pris après avis du Conseil
d’État, s’ils ont pris part à la délibération de cet avis» (Art. R. 122-21-1
C.J.A).
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l’obligation de statuer dans un «délai raisonnable»
L’engorgement des juridictions administratives est un phénomène ancien qui avait par ailleurs conduit aux réformes de 1953 et 1987 (création des T.A. et des C.A.A.).
Cependant, ces mesures n’ont pas été suffisantes à elles seules pour réduire de manière
substantielle le délai de jugement.
La Cour E.D.H. a donc condamné la France à de multiples reprises sur ce fondement.
Exemple: Cour E.D.H., 30/11/2004, Vaney c./France : procédure ayant duré plus de 10 ans.
Les États ne peuvent par ailleurs pas invoquer la complexité de l’organisation juridictionnelle pour justifier le caractère déraisonnable du délai de jugement (C.E.D.H., 19/06/2001, A.A.U.
c./France).
Le Conseil d’État estime, depuis l’arrêt d’assemblée Magiera du 28/06/2002, que la responsabilité de l’État est engagée pour faute simple en raison de la durée excessive de la procédure (la durée de l’examen devant le T.A. avait duré 7 ans et 6 mois pour une requête «qui
ne présentait pas de difficulté particulière»).
ð
Création de nouvelles juridictions, notamment des T.A. et recrutement supplémentaire (en 1987, 400 membres dans les T.A. et les C.A.A. ; en 2007, environ 1 200)
+ hypothèses de recours au juge unique multipliées depuis la loi du 08/02/1995,
+ suppression de l’appel pour les demandes indemnitaires inférieures à 10 000 €
(décret du 23/12/2006).
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LES RECOURS CONTENTIEUX ET LES POUVOIRS DU JUGE ADMINISTRATIF
Remarque
Les recours contentieux se distinguent des recours administratifs préalables (R.A.P.) en ce qu’ils
font appel au juge pour régler le litige. Si ces R.A.P. sont obligatoires (par exemple, en matière
de communication de documents administratifs ou en matière fiscale), le juge déclare irrecevable toute requête présentée devant lui avant l’introduction du recours administratif. Un rapport du Conseil d’État de mai 2008 se prononce contre la généralisation des R.A.P. obligatoires
mais propose d’en étendre le domaine (notamment en matière de permis de conduire et de
fonction publique). Les R.A.P. sont, en général, facultatifs et prennent la forme d’un recours
gracieux ou hiérarchique (voire de tutelle s’il est prévu par un texte).
LES DIFFÉRENTS TYPES DE RECOURS CONTENTIEUX
• le recours en annulation : le recours pour excès de pouvoir (R.E.P.)
Il s’agit d’un «procès fait à un acte» : contentieux objectif.
Le droit à un recours effectif fait du R.E.P. un recours ouvert même sans texte (valeur de P.G.D. reconnu
depuis l’arrêt Dame Lamotte du 17/02/1950).
Il obéit à des règles procédurales simples car il s’agit d’un recours populaire.
les conditions de recevabilité du R.E.P.
® Les conditions tenant au requérant :
- capacité juridique,
- intérêt à agir,
- intérêt personnel et direct, matériel ou moral.
® Les conditions tenant à l’acte :
- acte administratif unilatéral faisant grief,
- acte administratif unilatéral étant décisoire.
ð Le délai de recours : 2 mois
les cas d’ouverture du R.E.P.
® Les moyens de légalité externe :
- incompétence,
- vice de forme.
® Les moyens de légalité interne :
- violation de la loi,
- détournement de pouvoir.
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les effets de l’annulation d’un acte :
- l’annulation a un effet rétroactif,
- possibilité de moduler dans le temps les effets de l’annulation dans des cas
exceptionnels et pour un motif d’intérêt général (cf. C.E., Ass., 11/05/2004, Assoc.
AC ! et autres).
• le recours de plein contentieux (recours de pleine juridiction)
Il s’agit de pallier la carence, l’erreur ou la mauvaise volonté de l’administration : contentieux subjectif.
Remarque
Si le juge administratif peut être amené à annuler un acte, ce n’est pas la finalité de
son action (la légalité d’un acte n’est pas l’objet principal de la demande).
Ce contentieux recouvre des hypothèses multiples (contentieux contractuel ; contentieux électoral ;
contentieux fiscal).
Il peut viser à mettre en jeu la responsabilité de l’administration.
la règle de la «décision préalable»
Sauf en matière de travaux publics, le juge ne peut être saisi que contre une décision, implicite ou explicite. Il s’agit ici de lier le contentieux.
les pouvoirs étendus du juge de plein contentieux
Si le juge de l’excès de pouvoir ne peut qu’annuler un acte, ou rejeter la demande, le juge
de plein contentieux dispose quant à lui de pouvoirs beaucoup plus étendus (injonction
de faire ou de ne pas faire, réformation des résultats des scrutins).
Cependant, il ne peut statuer, comme le juge de l’excès de pouvoir, ultra petita.
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LE DÉVELOPPEMENT DES POUVOIRS DU JUGE ADMINISTRATIF
• les pouvoirs d’injonction et d’astreinte
la loi du 08/02/1995…
…permet au T.A. et au C.A.A. d’adresser des injonctions à l’administration afin d’assurer
l’exécution de la décision dans 2 hypothèses :
- s’il est saisi de conclusions en ce sens et que l’exécution du jugement «implique nécessairement» q’une mesure d’exécution soit prises, il peut prescrire une mesure d’exécution à l’administration ; il peut également prononcer une astreinte,
- si la décision juridictionnelle n’est pas appliquée dans les 3 mois de sa notification, le juge administratif peut, s’il est saisi d’une requête, prescrire les
mesures appropriées pour que l’administration exécute la décision, éventuellement sous astreinte.
la loi du 16/07/1980…
…permettait au seul Conseil d’État de prononcer des astreintes à l’encontre de l’administration dès lors que cette dernière est responsable de l’inexécution d’une décision juridictionnelle.
• les référés
La loi du 30/06/2000 a réformé en profondeur l’ensemble des référés administratifs.
S’il en existe un certain nombre (dont le référé précontractuel), 3 sont à connaître car ils ont pour point
commun d’intervenir en cas d’urgence.
le référé-suspension
- Il permet de faire obstacle à la règle de l’effet non suspensif des recours
contentieux en matière administrative.
- 3 conditions cumulatives : urgence + existence d’une décision contestée
sur le fond + doute sérieux quant à la légalité de la décision.
le référé-liberté 3 conditions cumulatives : urgence + mise en cause d’une liberté fondamentale + atteinte
grave et manifestement illégale à cette liberté fondamentale.
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le référé conservatoire
3 conditions cumulatives : urgence + mesure utile + mesure ne devant pas faire obstacle à
l’exécution d’une décision administrative
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