Enlèvement d`un témoin sur l`attentat déclencheur du génocide

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Enlèvement d`un témoin sur l`attentat déclencheur du génocide
ENLEVEMENT D’UN TEMOIN SUR L’ATTENTAT DECLENCHEUR DU
GENOCIDE RWANDAIS
Sosthène MUNYEMANA
Emile GAFIRITA, un témoin rwandais des juges antiterroristes Marc TREVIDIC et Nathalie
POUX a été enlevé à Nairobi (KENYA) dans la soirée de jeudi 13 novembre 2014 (info RFI).
Il avait reçu, ce même jour, la convocation pour être entendu par les juges français sur
l’attentat contre l’avion où sont morts les anciens présidents rwandais et burundais, leurs
suites, ainsi que l’équipage français de l’avion. Cet acte terroriste, commis en temps de paix
(8 mois après la signature des Accords de Paix d’Arusha), a été le détonateur du génocide
rwandais. Depuis près de 20 ans, les familles françaises des membres de l’équipage français
morts1 dans cet attentat ont saisi la justice.
L’instruction menée par l’ancien juge antiterroriste, Jean Louis BRUGUIERE, a abouti à la
mise en cause de 9 officiers proches de l’actuel président rwandais, Paul KAGAME. Cité
comme le principal organisateur de cet attentat, celui-ci est protégé par son immunité
présidentielle. Son dernier mandat prend fin en 2017. Des manœuvres sont en cours au sein du
FPR pour réviser la constitution, ce qui permettrait à Paul KAGAME de briguer un nouveau
mandat.
Depuis la retraite du juge BRUGUIERE, l’instruction a été reprise par le nouveau juge
antiterroriste Marc TREVIDIC. En juillet dernier, il déclarait l’instruction terminée,
promettant ses conclusions dans 3 mois. A peine 2 mois plus tard, coup de théâtre. Les médias
évoquent de nouveaux éléments suffisamment importants pour provoquer la réouverture des
enquêtes.
Le 17 novembre dernier, RFI livre la terrible et tragique information : Emile GAFIRITA a été
kidnappé. On apprend que c’était lui le nouvel élément des juges français. Ancien militaire du
FPR, Emile GAFIRITA était prêt à témoigner contre Paul KAGAME et le FPR dans l’attentat
déclencheur du génocide. Le témoin affirme que avoir convoyé les missiles ayant abattu
l’avion du président HABYARIMANA, depuis le quartier général du FPR au Nord du
Rwanda, jusqu’à KIGALI, la capitale rwandaise.
On en sait maintenant un peu plus sur la façon dont ceux qui voulaient faire taire ce témoin
ont été informés de son existence. Léon Lev FORSTER, l’avocat des officiels de Kigali
suspects, reconnaît avoir informé Kigali de son prochain témoignage. Il le déclare en ces
termes devant Judi REVER de Digital Journal : “You’re asking me whether I informed my
clients but every normal lawyer informs his clients of the evolution of a case”.
1
Pour mémoire, dans cet attentat sont morts : trois français membres de l’équipage, les présidents rwandais
(Juvénal HABYARIMANA) et burundais (Cyprien NTARYAMIRA) et leurs suites respectives. Aucun des
occupants de l’avion n’a survécu.
On peut se demander si Maître Léon Lev FORSTER n’est pas au courant de l’assassinat de
Seth SENDASHONGA, ancien Ministre l’Intérieur, le 16 mai 1998, à Nairobi, la ville où fut
enlevé Emile GAFIRITA. Ou s’il ignore les menaces de Paul KAGAME: « Celui qui trahit
son pays, celui qui trahit le Rwanda, quel qu'il soit, ne peut pas s'en sortir sans payer le
prix », menaces proférées après le meurtre en Afrique du Sud du colonel Patrick
KAREGEYA, l’ancien Chef des services de Renseignement du FPR qui se déclarait lui aussi
prêt à témoigner auprès du juge TREVIDIC. Ou encore les 3 tentatives d’assassinat contre le
général Faustin KAYUMBA NYAMWASA, également en Afrique du Sud. Les agresseurs,
dont deux rwandais, ont été jugés et condamnés. Le juge sud-africain a évoqué
« des motivations politiques émanant d'un certain groupe de personnes du Rwanda ».
L’Avocat des personnalités militaires et politiques du FPR ne peut ne pas être au courant de
ces crimes. Une autre lecture est plus plausible. D’ailleurs, à l’annonce de la réouverture du
dossier, il avait été dit que « Du côté des avocats des accusés, on déclare n'avoir aucune
inquiétude et on annonce déjà l'intention de redemander un non-lieu dès que l'instruction sera à
nouveau clôturée » (RFI du 29/10/2014).
L’option que ce témoin ne parviendrait jamais devant le juge, que sitôt ouverte l’instruction serait
à nouveau rapidement clôturée, était peut-être déjà sur table.
Aux juges d’instruction d’enquêter sur la disparition de leur témoin-clé. De savoir, pour
commencer, s’il est au moins encore en vie.
Sosthène MUNYEMANA
Le 02/12/2014

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