Compte-rendu du débat autour de Florent Letourneur

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Compte-rendu du débat autour de Florent Letourneur
« Transformation digitale : le recrutement 2.0 change les codes »
Débat des Jeudis de Rennes
Jeudi 9 juin 2016 - Le compte-rendu C’est un fait : le digital s’est invité dans nos foyers, dans nos métiers, dans
nos poches, donc dans nos vies personnelles comme professionnelles. Nous
le constatons tous les jours dans nos gestes quotidiens, dans notre manière
d’échanger, de communiquer, de consommer… Cette transformation digitale signe également une véritable révolution dans
le monde professionnel : l’émergence des start-up est l’exemple le plus
souvent cité car il permet d’illustrer cette évolution… Mais bien au-delà de
ces entreprises 2.0 aux nouveaux « business model », objectifs et
philosophie, cette évolution bouleverse le monde du travail et impacte
directement les métiers des RH. C’est pourquoi les « Jeudis de Rennes » ont invité Florent Letourneur à nous
éclairer sur le métier de « RH » - trop souvent méconnu ou réduit à ce qu’il
n’est plus - sur les défis qu’il doit relever et sur la nécessaire adaptation des
candidats. Nous profitons de ce compte rendu pour le remercier, une
nouvelle fois, pour sa disponibilité et ces échanges riches qui nous ont
permis de mieux cerner le « pourquoi » et le « comment » du « Recrutement
2.0 ». SON PARCOURS : Après des études d’ingénieur, Florent Letourneur goûte assez vite aux
« joies » du management et finit par intégrer l’équipe « Ressources
humaines » de ST Microélectronics. Sa devise : casser les codes, changer « les paradigmes » avec des techniques
de recrutement atypique à l’époque : recrutement en discothèques, weekend d’intégration… Dans l’esprit de Florent Letourneur, déjà, le candidat
devait être considéré comme un « client » à séduire, l’entreprise devant « se
mettre en quatre » pour le faire venir. Dans les années 2000, il poursuit dans cette voie et intègre le site rennais de
ST Microélectronics en tant que DRH. Il doit gérer un conflit social difficile et
le licenciement de 400 personnes. « Plus jamais ça ! Ce ne sont pas mes
valeurs, cela ne m’amuse pas ! » En 2010, il intègre Groupama et déploie des actions de recrutement en
s’appuyant sur le digital et les réseaux sociaux. Et met en place le
« recrutement 2.0 ».
« CASSER LES CODES ! » Cette nouvelle mission chez Groupama l’oblige cette fois à casser les codes. Avec un budget « communication RH » divisé par deux en trois ans, il lui
fallait tenir un « objectif recrutement » de 100 commerciaux en CDI par an
(au lieu de 30) et constituer, parallèlement, une équipe de 50 ingénieurs
informatiques à Rennes. Avec des moyens limités, il a « carte blanche » pour
remplir ces objectifs. Ses constats : - Une entreprise forte de son implantation (2500 collaborateurs et 300
agences) - Les 15 000 CV reçus annuellement par Groupama, (suite aux annonces
publiées dans la presse écrite) ne permettent pas de pourvoir les 100
postes. Pire, leur nombre représente du temps de traitement important
pour l’entreprise. Le digital facilitant l’acte de candidature, cette tendance
n’en est qu’à ces débuts. L’annonce ne permet donc plus de cibler au
mieux les candidats. - Un bon commercial, aujourd’hui, a le choix entre deux à trois
propositions. L’image de l’entreprise permet-elle de cibler les meilleurs ?
Sa « manière de recruter » lui permet-elle de les attirer, voire de les
convaincre d’intégrer l’entreprise ? - Les moyens de communication de l’entreprise ne lui permettent pas,
aujourd’hui, d’attirer la génération Z, c’est-à-dire la génération qui a
grandi avec les réseaux sociaux. Comment pourrait-elle, dès lors,
répondre aux attentes de cette génération ? Changer de support de
communication devient alors évident. Ses décisions immédiates pour répondre à ces constats : - Casser les codes : suppression des annonces « papier » dans le journal
Ouest-France ; - Changer les paradigmes de son équipe : les 20 « RH » de son équipe
deviennent les ambassadeurs de l’entreprise et ont pour mission
d’entraîner des collaborateurs volontaires dans l’aventure ; - Considérer un candidat comme un client. Ses actions : - Remplacer le support annonces payantes par les outils numériques
gratuits que sont les principaux réseaux sociaux dédiés (Twitter, Viadeo,
Linkedin) ; - Formation de son équipe et des collaborateurs volontaires à ces nouveaux
outils afin de s’assurer de la portée de cette nouvelle stratégie de
recrutement ; - Organisation de journées « agences ouvertes » en présence des directeurs
d’agences, du RH secteur, et avec la promesse faite au candidat
correspondant au profil d’une signature d’un CDI à la fin de la journée. Résultats de ces actions : - Économies substantielles grâce à la suppression des annonces « presse
écrite » ; - Efficacité : meilleur ciblage des candidats grâce à l’utilisation des réseaux
sociaux dédiés (« moins quantitatif, plus qualitatif » donc moins de temps
dédié aux « réponses à candidatures ») - Vision sur le long terme : former son équipe aux nouveaux outils est un
investissement pour gagner en d’efficacité plus tard. L’adhésion d’une
centaine de collaborateurs volontaires à la démarche a modernisé l’image
de l’entreprise ; - Les opérations « agences ouvertes » lui ont permis de cibler la
« génération Z » impatiente avec la promesse d’une signature d’un CDI à
la fin de la journée. L’objectif de cette opération : séduire le candidat.
Inversion du rapport employeur-candidat : le candidat est considéré
comme un client à satisfaire. Cette expérience a révélé à Florent Letourneur toutes les potentialités du
« Recrutement 2.0 ». Car le digital a bouleversé les attentes et exigences des
générations dites « Y » et « Z » connectées au quotidien. Considérés
longtemps comme les actifs de demain, ils sont devenus les actifs
aujourd’hui. Le recrutement doit nécessairement s’adapter à cette
génération. SA DÉMARCHE Début 2016, il décide, avec son associé, de lancer happytomeetyou.fr
Leur idée : faire tout ce que les cabinets de recrutement ne font pas :
Pour Florent Letourneur et François Gougeon son associé, il n’est pas
question de concurrencer les cabinets de recrutement. happytommetyou.fr
préfère se différencier et proposer des services complémentaires. Les
« paradigmes » sont bousculés. Le candidat doit être séduit :
La partie GESTION :
- Définition du(es) besoin(s) de l’entreprise ;
- « Relookage » de la page « Recrutement » du site de l’entreprise : les
candidats demandent de la simplicité et pas de marketing RH (stop aux
valeurs de l’entreprise…) ;
- Vidéos spontanées de collaborateurs volontaires (pour le candidat,
concrètement, c’est quoi « le job » ?) ;
- Création et/ou animation réseau sociaux RH ;
- Formation « ambassadeur de l’entreprise » pour les salariés volontaires ;
- Gestion des candidatures spontanées afin d’éviter une mauvaise
réputation pour l’entreprise qui tarde à répondre.
La partie RECRUTEMENT :
- « Sourcing » sur les réseaux sociaux (aller chercher les candidats
correspondant au profil recherché) ;
- Accompagnement du candidat ;
- Gestion des problématiques du candidat ;
- Séduction du candidat.
Aujourd’hui, les grandes entreprises comprennent les limites du
« recrutement à la papa » et son inefficacité. Mais pour de nombreuses
entreprises, le « Recrutement 2.0 » reste encore réservé à certains métiers.
Florent Letourneur l’affirme : « un ingénieur « Big data » a aujourd’hui
cinquante propositions sur la table et le fait qu’il ait le choix l’amène
naturellement à penser que ces nouvelles méthodes de recrutement sont
adaptées. Mais à l’inverse, il y a des centaines de secrétaires/assistant(e)s qui
sortent de formation, diplôme en poche, chaque année en France et
rencontrent des difficultés à trouver un travail. Dans le même temps, à
Rennes, par exemple, une cinquantaine de postes restent à pourvoir dans ces
métiers depuis plusieurs mois. Pourquoi ? Parce que les demandes des
entreprises ont évolué et que la formation dispensée aux futur(e)s
secrétaires/assistant(s) est incomplète ou inadaptée. Aujourd’hui, on leur
demande, par exemple, de savoir créer ou animer un site internet, une page
Facebook, un compte Twitter…
Le « sourcing » permet d’aller chercher des informations, via les outils
numériques, qui ne sont pas renseignées sur un CV. Nombre de « génération
Y » ou « Z » sont par exemple « community managers » ou administrateurs
de blogs, mais ne le mentionnent pas sur leur CV. Le recrutement 2.0 permet
aujourd'hui d’identifier des compétences d’un candidat sans que ce candidat
n’ait pensé mettre en avant cette compétence.
Tous les métiers peuvent être aujourd’hui concernés par le « recrutement
2.0 » et le seront de toute façon demain. »
Aujourd’hui, on estime que seulement 20 à 30 % des postes sont pourvus
grâce aux petites annonces. Plus le métier est considéré comme « très
spécialisé » ou « à responsabilités », plus cette proportion diminue.
En 2016, pour mettre toutes les chances de son côté, il est donc primordial
d’entretenir son réseau virtuel (ou numérique) en complément de son réseau
de connaissances « physique ».
EN CONCLUSION :
Comment être en face d’un professionnel du recrutement et ne pas lui
demander son avis sur le chômage de masse qui perdure aujourd’hui la
France ? Florent Letourneur rappelle, qu’aujourd’hui, il y a davantage
d’annonces sur leboncoin.fr qu’à « Pôle Emploi » et surtout, bien plus de
chances d’accéder à l’emploi via le boncoin.fr.
Dès lors, toute une partie de la population non familière des outils digitaux
et des réseaux sociaux se retrouve marginalisée car absente de ces réseaux.
Le site Linkedin permet depuis quelques semaines, et pour une vingtaine
d’euros par mois, d’accéder à plus de 1 000 formations vidéo très
qualitatives sur une multitude de métiers.
Les ateliers CV proposés par l’organisme public ne répondent plus que très
partiellement aux besoins des candidats/ demandeurs d’emploi. Il est urgent
de les former aux usages des outils numériques sous peine de les exclure
encore plus du marché du travail. Le « Recrutement 2.0 » touchera très
bientôt tous les secteurs d’activité. Les entreprises devront remettre en
question l’ordre établi, les demandeurs d’emploi être accompagnés et formés
pour s’adapter. Le service public de l’emploi et de la formation a la mission –
et le devoir - d’accompagner des changements.
Les « Jeudis de Rennes » remercient une nouvelle fois
Florent Letourneur d’avoir répondu à notre invitation,
et vous donnent Rendez-vous très prochainement pour de
prochains débats.