La Ville de Lausanne condamnée à payer 55 millions

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La Ville de Lausanne condamnée à payer 55 millions
(copie d'article)
_LE COURRIER_
LUNDI 26 SEPTEMBRE 2016
Les militants de Stop Tisa Vaud ont mis en scène un tribunal arbitral fictif pour dénoncer les effets possibles de l’accord TiSA et la possibilité donnée aux entreprises d’attaquer les collectivités publiques
La Ville de Lausanne condamnée à
payer 55 millions
JULIETTE MULLER
Altermondialisme f
«Je vous
passe la parole, Maître...». Avocat de la
défense, avocat de l’accusation et juge
en robes. Comme dans un vrai tribunal,
tout y est ou presque, sauf le décor, sur
la bruissante place de la Palud, en plein
jour de marché ce samedi à Lausanne.
Entre stands alimentaires et politiques,
un attroupement s’est formé. «Les principes de TiSA sont gravement violés par
la Ville de Lausanne. Mon client, Kids
Food Inc, est totalement lésé. Nous demandons 84 millions de dommages et
intérêts!» clame l’accusation.
Interdit de ne pas privatiser
Basée à Minneapolis, aux États-Unis,
Kids Food Inc. fait dans l’alimentation
pour les cantines scolaires, avec des
produits OGM et «seulement pour les
enfants qui ont de quoi payer leur repas»,
apprend-on.
Aujourd’hui,
l’entreprise attaque la Ville de Lausanne
devant un tribunal arbitral, car cette
dernière fausserait la concurrence en
assurant, dans les cantines, un accès à
tous les enfants à une alimentation saine
et respectueuse des minimas environnementaux.
«La Ville n’a pas le droit de ne pas privatiser les cantines», argumente encore
l’accusation. En définitive, c’est à 55
millions de dollars de dommages et intérêts que Lausanne sera condamnée,
décision du tribunal «sans possibilité de
recours ou presque», précise le juge.
Une petite mise en scène élaborée par
les militants de Stop Tisa Vaud, coalition qui regroupe les partis de gauche
ainsi que plusieurs syndicats et associations, pour dénoncer les effets possibles
de l’accord TiSA. Discuté à Genève entre une cinquantaine de pays dans le
___________
De gauche à droite: Lionel Simonin, de Solidarités (avocat de Kids Food Inc.), David Raedler, des
Verts (juge/arbitre), et Andrea Eggli, d’Acidus (avocate de la Ville de Lausanne). JMR
plus grand secret, il devrait aboutir à la
fin de l’année.
274 plaintes en 2013
«Un procès arbitral contre la commune
de Lausanne tel qu’il vient de se dérouler n’est malheureusement pas irréaliste», explique un flyer distribué aux
curieux et aux passants qui font leur
marché. TiSA prévoit en effet une libéralisation totale du marché des services
(avec des exceptions, selon la Confédération, ce que les opposants à l’accord
contestent) et pourrait instaurer une procédure de règlement des différends qui
permettrait aux entreprises s’estimant
lésées par des réglementations étatiques
d’attaquer les États.
«De tels tribunaux arbitraux privés existent déjà dans le cadre d’autres accords»,
explique Andrea Eggli, d’Acidus (Association citoyenne pour la défense des
usagers du service public), organisation
membre de Stop Tisa Vaud.
Et de donner l’exemple du cigarettier
Philip Morris, qui avait déposé plainte
contre l’Uruguay après que ce pays a
décidé d’introduire une interdiction de
fumer dans les bâtiments publics et
prescrit des avertissements de plus
grande taille sur les paquets de cigarettes.
«Heureusement, Philip Morris a perdu,
mais il y a d’autres cas», commente la
militante. Selon le Syndicat des services
publics, également membre de la coalition, «en 2013, 274 procédures ont été
rendues possibles par le truchement de
tels mécanismes. (...) Pour plus de deux
tiers des procédures, les multinationales
plaignantes ont obtenu des versements.»
Pour la coalition, les choses sont claires:
la Suisse doit rejeter l’accord commercial et se retirer totalement des négociations. Afin de sensibiliser la population
et faire pression en ce sens, elle organise une table-ronde le 27 septembre à
18h30 à l’Espace Dickens, à Lausanne.
Une manifestation nationale est également prévue le 8 octobre à Berne. |