L`autonomie L`autonomie

Transcription

L`autonomie L`autonomie
L ’autonomie
l’autonomie humaine dans le contexte
scolaire, celle de l’élève et celle de
l’enseignant, en laissant de côté
4
Apprentissage
par l’autonomie (APA)
M.-L. Zimmermann-Asta
6
Influence
de la pédagogie Freinet
sur la notion
d’autonomie
M. Monot
8
16
l’autonomie organisationnelle de l’école,
10
Edith Wegmuller:
l’autoévaluation
pour développer
l’autonomie
N. Revaz
12
Regards croisés sur la
définition de l’autonomie
N. Revaz
Fondement paradoxal
d’une pédagogie
dite «de l’autonomie»
D. Violet
13
D’une autonomie
clandestine à une
autonomie reconnue
A. Capitanescu
L’autonomie,
une question
de compétence?
P. Perrenoud
19
Floue, ambiguë,
contradictoire et
pourtant nécessaire!
R. Etienne
même s’il en est question en filigrane.
Qu’est-ce que l’autonomie? Qu’est-ce
qu’apprendre par l’autonomie? Quelle
autonomie souhaitent les enseignants?
Autant de questions auxquelles ce dossier
tente d’apporter des éléments de réponse.
(
Ce dossier sur l’autonomie se focalise sur
A pprentissage
M.-L. Zimmermann-Asta
par l’autonomie (APA)
Pour lutter justement contre l’échec de l’enseignement des sciences, Marie-Louise Zimmermann-Asta a
créé dès 1981 une nouvelle approche qui fait référence aux travaux de nombreux pédagogues (Freinet,
Giordan, Gattegno, de la Garanderie, etc.) et qui s’inscrit directement dans la ligne des travaux de psychologie génétique (Piaget) et de didactique des sciences.
Les points forts
L’apprentissage des sciences expérimentales par l’autonomie (APA) existe à Genève depuis plus de 20 ans.
Cet enseignement s’adresse aussi bien à des jeunes de
16 à 20 ans (Ecole Jean-Piaget), qu’à ceux de 12 à 15
ans (Cycle de Bois-Caran). APA a également été utilisé
pour des enfants entre 4 et 11 ans. En 1983, lors de la
Semaine européenne de la culture scientifique organisée par le LDES (Laboratoire de didactique et d’épistémologie des sciences de l’Université de Genève) 150
enfants de l’enseignement primaire public et privé
sont venus expérimenter, s’étonner pendant une heure. Plus récemment, lors des «Mini-Université» organisées par le LDES, de nombreux enfants viennent chercher, questionner, découvrir…
APA repose sur des concepts-clefs
A. Giordan et G. de Vecchi (1987) ont mis en évidence la
notion de «conception». Quand l’apprenant s’approprie
un savoir, il part de conceptions initiales, qui sont «un
ensemble d’idées coordonnées et d’images cohérentes
pour raisonner face à un problème». Si ces conceptions
n’évoluent pas, elles deviennent des «conceptions-obstacles» (Zimmermann-Asta, 1990). Pour déstabiliser les
modèles explicatifs de l’élève, l’enseignant devra introduire dans son cours des éléments perturbateurs. Cet
outil pédagogique est appelé «perturbation conceptuelle» (Zimmermann-Asta, 1990). Des concepts de gestion
mentale selon Antoine de la Garanderie (1990) (évocation, projet, habitudes évocatives) sont aussi intégrés.
APA se caractérise par différentes phases d’enseignement
Une séquence d’enseignement se compose de trois
phases. Dans la «phase d’investigation», les élèves réalisent une recherche sur un thème fixé par l’enseignant. La seconde phase, dite «phase de mise en commun», permet l’élaboration d’une réponse commune
caractéristique des niveaux de formulation et de résolution atteints par les élèves de cette classe. Une troi-
4
sième phase, qui sert à réinvestir les connaissances et
les savoir-faire, est concrétisée par des tests de différentes natures; c’est la «phase de réinvestissement».
Ces phases ne se présentent pas dans un ordre toujours immuable; elles peuvent, si c’est nécessaire pédagogiquement, s’imbriquer les unes dans les autres.
APA nécessite une architecture didactique
L’élève se meut dans un environnement qui provoque
sa réflexion et éveille sa curiosité. Il dispose d’un matériel solide et peu sophistiqué qui lui permet d’expérimenter librement, de panneaux d’affichage pour les
informations scientifiques, d’une documentation à son
niveau (livres, dictionnaires et classeurs de référence).
Pour faciliter la communication, l’occupation de l’espace est ritualisée: espace de discussion, d’expérimentation et de recherche. Flanellographe, rétroprojecteur,
tableau blanc et vidéo sont également employés.
La liberté de recherche et d’expression
n’a rien à voir avec l’anarchie!
Un nouveau rôle pour l’enseignant
L’enseignant devient un médiateur entre le savoir et
ses élèves et crée les événements qui leur permettront
d’apprendre. Il favorise l’évolution de leurs conceptions en les confrontant à la réalité, notamment lors
des phases d’investigation et de mise en commun. Devenu meneur de jeu, c’est à lui de faire respecter les
règles de communication pour que les recherches et
les discussions soient fructueuses. Son rôle est de provoquer et d’écouter, mais aussi de faire en sorte que la
leçon se déroule de façon optimale. La liberté de recherche et d’expression n’a rien à voir avec l’anarchie!
Un nouveau rôle pour l’élève
APA offre à chaque élève la possibilité d’être le maître
d’œuvre de son apprentissage, lui confère à la fois liberté et responsabilité, tant il est vrai qu’il n’y a pas de
liberté sans contraintes. Cette pédagogie considère
que chacun a des capacités à développer et lui en procure les moyens. Nombreux sont donc les jeunes qui se
sentent valorisés parce qu’on leur propose des activités qui les intéressent, qui sont à leur portée, et dans
lesquelles ils réussissent.
Résonances - Septembre 2002
)
Qu’est-ce que cela change?
L’élève change sa façon de se comporter en classe. Il
ne vient plus en tant que consommateur d’un savoir
qui lui est dispensé mais comme acteur de sa formation. Cela signifie qu’il ne peut plus rester assis alors
que son esprit vagabonde ailleurs. Il cherche, trie,
investit de l’énergie pour découvrir des solutions aux
problèmes posés. Il doit accepter de se tromper et de
considérer l’erreur comme formatrice. Il en découle
alors pour lui le plaisir d’avoir trouvé, d’avoir dépassé
les difficultés, d’avoir pris confiance en ses capacités.
Au niveau des enseignants
C’est le rôle traditionnel de l’enseignant qui est modifié. Celui-ci descend de son piédestal et va vivre dans
l’insécurité. Déjà déstabilisés par des élèves de moins
en moins motivés, certains enseignants préfèrent
conserver un rôle traditionnel.
APA n’est pas limité aux sciences
Cette pédagogie s’est précisée au cours du temps, a
évolué progressivement. Le recul dont nous disposons
actuellement montre que APA aide à dépasser les
difficultés, mais qu’il est également très profitable à ceux qui apprennent aisément. Mené dans
le domaine scientifique, APA a mis en évidence
que la physique est à la portée des jeunes, des
enfants et des adultes (notamment lors des «compléments de diplômes scientifiques» pour une reconversion professionnelle expérimentée dans le
cadre de L’ECGA). Cette pédagogie n’est cependant pas limitée à l’enseignement des sciences.
Elle remet en question les rôles traditionnellement
attribués au professeur et à l’élève. Elle exige par
ailleurs de la personne une transformation profonde que l’on pourrait dire de nature épistémologique, car elle demande un changement de la représentation du savoir. Chacun peut s’approprier cette
pédagogie et l’adapter à son style en conservant
les idées-force: développer l’autonomie et donner à
chaque apprenant les moyens de construire son savoir.
(
L’enseignant est «promu» chercheur en pédagogie.
En effet, chaque élève est différent, chaque classe est
différente, tout est en évolution. L’esprit constamment en alerte, le professeur questionne les apprenants afin de les aider à expliciter leur démarche; il les
provoque afin de les obliger à avancer. Il leur propose
de nouvelles expériences, de nouvelles recherches. Il
accepte de les laisser sur des erreurs qui sont significatives des obstacles qu’ils ont rencontrés. C’est l’apprentissage de concept qui est visé et non une accumulation de termes scientifiques. Apprendre des
concepts prend du temps et n’a rien à voir avec un empilement de connaissances. L’enseignant a confiance
dans les capacités de l’apprenant. Son travail est différent chaque jour. Il ne s’ennuie jamais, car chaque leçon lui fournit un nouveau champ d’observation et
d’expérimentation.
Les difficultés
Au niveau des élèves
Quelques élèves, peu sécurisés, s’inquiètent de la liberté et de la responsabilité pédagogique données en
APA, car ils se prennent en charge difficilement. Cette
façon de faire entre parfois en conflit avec leur
conception pédagogique du maître, de l’élève et de
l’école. Certains désirent consommer un bon cours
donné par un bon professeur et ainsi réussir sans trop
d’efforts.
Et pourtant, par la suite c’est bien des compétences acquises à l’école, une façon de réfléchir, d’analyser qui
seront décisives pour leurs études futures.
( Résonances - Septembre 2002
Bibliographie
De La Garanderie A. , Pour une pédagogie de l’intelligence,
Paris: Le Centurion, 1990.
De La Garanderie A. , Le dialogue pédagogique avec l’élève,
Paris: Le Centurion, 1984.
De Vecchi G.et Giordan A., Les origines du savoir, Neuchâtel:
Delachaux et Niestlé, 1987.
Giordan A., Apprendre! Paris: Belin, 1998.
Zimmermann-Asta M.-L., Sur les chemins de l’apprendre, Genève: Ed. du CEFRA, 1999.
Zimmermann-Asta M.-L., Along the paths of learning, Genève: Ed. du CEFRA, 1996.
Zimmermann-Asta M.-L., Apprendre par l’Autonomie… Comment?, Genève: Ed. du CEFRA, 2000.
Ed. du CEFRA: 9 Ch Pont-de-Ville, 1224 Chêne-Bougeries,
[email protected]
(
l’ aut eure
De consommateur d’un savoir dispensé, l’élève devient
acteur de sa formation.
Marie-Louise Zimmermann-Asta: Docteure es
sciences de l’éducation (Université de Genève)
– Collaboratrice de recherche au LDES,
Université de Genève – Professeure de physique
à l’Ecole de Culture Générale Jean-Piaget.
5
I nfluence de la pédagogie Freinet
M. Monot
sur la notion d’autonomie
Que Célestin Freinet ait dû un jour reprendre sa liberté
pour persévérer dans sa tâche d’instituteur aura sans
doute marqué son influence, fût-elle notoire, d’un je ne
sais quoi de sulfureux qui est loin d’être dissipé. La pédagogie Freinet entretient avec la notion d’autonomie
un rapport complexe que d’aucuns disent même ambigu, reprochant à ses praticiens de n’en faire qu’à leur
tête ou même de n’invoquer l’autonomie de l’enfant
que pour mieux le manipuler…
La conception de l’autonomie de
Freinet, plus complexe qu’on ne l’a dit,
était déjà systémique.
La condamnation est pour le moins hâtive et le procès,
à l’évidence, mal instruit. C’est ignorer que les difficultés ne se lèvent pas par décret, que les meilleures Instructions officielles ne suffisent pas et que les maîtres,
loin de n’en faire qu’à leur tête, assument la tâche délicate de les mettre en œuvre dans des contextes
lourds de particularismes divers. C’est masquer que les
outils popularisés par Freinet, plan de travail ou fichiers auto-correctifs, pour ne citer qu’eux, n’ont
d’autre fonction que d’accompagner l’enfant dans sa
conquête de l’autonomie. C’est vouloir ignorer que le
concept central de «tâtonnement expérimental», dont
la connotation péjorative a été indûment exploitée,
avait préfiguré les orientations des sciences cognitives
et le glissement que nous connaissons du pôle enseignement au pôle apprentissage. C’est donc peu de le
dire: la pédagogie Freinet a fortement influencé la notion d’autonomie de l’élève. En fait, elle l’a portée, l’a
illustrée, l’a affinée, refusant d’enfermer l’enfant dans
le monde artificiel de l’école pour l’ancrer dans le
monde réel, dans la vie, disait Freinet.
Mais la vie n’est pas inerte et le monde, depuis les premiers travaux de Freinet, a quelque peu changé. La prolongation de la scolarité obligatoire aura posé à elle
seule plus de problèmes qu’elle n’en a résolus et ouvert
un nouveau champ de réflexion. On crut d’abord à une
nouvelle chance de pouvoir améliorer, grâce à la pédagogie Freinet, l’accueil des élèves mal armés pour une
scolarité de collège dite normale, et les autorités de
l’Education nationale l’avaient d’abord bien compris:
6
les Instructions officielles relatives aux «Classes de Transition» étaient notoirement inspirées de la pédagogie
Freinet. Mais ces classes particulières, qu’il eût fallu
mieux accompagner dans leurs premiers succès, furent
rapidement délaissées, et il est tentant d’évoquer ici les
propos entendus le 4 juillet dernier au Tribunal administratif, dénonçant des procédés «à l’image de médecins qui débrancheraient les malades et viendraient ensuite constater avec tristesse que ceux-ci sont morts».
Pour rester à l’échelle de l’histoire et quoi qu’il en soit
de ces polémiques sur l’autonomie dont la pédagogie
Freinet a une longue expérience, la prolongation de la
scolarité obligatoire aura été le révélateur d’une insuffisance jusqu’ici cachée de l’école élémentaire: préparer l’enfant à la vie active, ce en quoi Freinet s’était
en son temps illustré, n’est pas tout à fait la même
chose que le préparer aux études longues ou même au
simple allongement de la scolarité obligatoire. L’autonomie à l’école, désormais, devait viser de façon plus
ciblée la fonction d’écolier, ce qui invitait à une investigation plus précise des apports de Freinet.
Au terme d’une quête qu’il serait fastidieux de détailler, deux éléments majeurs des acquis de Freinet
paraissent aujourd’hui devoir être réinvestis: la prévalence du pôle apprentissage d’une part, le besoin
d’autonomie de l’enfant d’autre part.
Il est incontestable que l’élément clé de la pédagogie
Freinet, le tâtonnement expérimental, tire celle-ci vers
l’apprentissage en la détachant du sens classique du
verbe «enseigner». Bien que Freinet ait insisté sur ce
point en dénonçant la dénaturation «scolastique» de
l’école et toujours souligné en outre l’importance du
travail, affirmant même que l’enfant le préfère au jeu,
l’école n’a pas assez pris en compte le fait que derrière
l’idée de travail se profile celle de métier. Or, le métier
d’écolier, comme tout métier, s’apprend. Il consiste en
l’appropriation d’un savoir-faire hérité des générations précédentes, appropriation largement basée sur
l’observation et l’imitation, mettant ainsi à l’épreuve
les conceptions courantes de l’autonomie mais aussi de
la morale. Pour la tradition scolaire, il n’était pas question de travailler autrement que seul. Pour la pédagogie Freinet, portée à valoriser le tâtonnement expérimental comme processus de découverte, la culture
de la liberté et de l’originalité, bien illustrée dans les
Résonances - Septembre 2002
)
Mais il est non moins incontestable que Freinet pressentait la difficulté et que sa conception de l’autonomie, plus complexe qu’on ne l’a dit, était déjà systémique. L’ordre et la discipline sont nécessaires en
classe, écrivait Freinet qui suggérait pourtant, par exigence de réalisme, de prendre en compte toute la
complexité de la nature enfantine: l’enfant n’aime pas
être commandé et n’aime pas s’aligner mais il aime en
revanche choisir son travail même si ce choix n’est pas
avantageux pour lui.
Ce dernier propos, connu sous le nom d’invariant n°7,
est le plus litigieux sans doute des propositions de Freinet. Banal et pourtant équivoque. Il est communément
cité comme une preuve de laxisme: laisser l’enfant choisir son travail, choisir son programme et au besoin n’en
pas choisir, ferait de Freinet le tenant de Summerhill
qu’il n’a jamais été. Car l’optique de Freinet est bien
différente: si l’enfant aime choisir son travail, c’est qu’il
exprime par là un légitime besoin de compréhension,
un désir de s’atteler à la tâche en fonction des éléments
dont il dispose pour la mener à bien, même s’il celle-ci
s’avère plus ardue qu’avantageuse pour lui.
Laisser l’enfant choisir son travail, c’est en réalité
l’obliger à analyser ce qu’on lui propose comme choix,
à se faire une première représentation de l’objet à
étudier. Manipulation peut-être, mais en quelque sor-
( Résonances - Septembre 2002
te voulue par l’enfant, proche du «Don’t accept me as
I am!» de Feuerstein.
Laisser l’enfant choisir son travail, c’est l’aider à affronter la perspective du collège, lui permettre d’apprendre
en fonction de ses propres représentations et de leur
évolution progressive en respectant son légitime besoin
de clarté cognitive, en l’initiant à l’attitude métacognitive. C’est lui offrir la possibilité de s’entraîner à l’analyse de la tâche, lui permettre d’acquérir ainsi progressivement ce «savoir faire» particulier caractéristique du
«bon élève» qui sait où il en est de ses apprentissages et
ne répond pas au hasard. Caractéristique si banale
qu’elle ne semble pas figurer dans les grilles d’objectifs
dont elle est plutôt une sorte de résultante, mais mériterait d’être travaillée pour elle-même.
Comment nier, aujourd’hui plus que jamais, l’importance de l’autonomie? Dans une école où le sécuritaire
et le «risque zéro» tournent parfois à l’obsession, la
pédagogie Freinet en vient à militer ici ou là – qui l’eût
dit! – pour préserver le droit de l’enfant à une certaine
liberté de déplacement! Mais ses ambitions vont bien
au-delà. Centrée depuis toujours sur le travail de l’élève et la maîtrise de son «métier», la pédagogie Freinet
reste fidèle à ses idéaux originaux.
(
l’ auteur
pratiques du texte libre et du dessin libre, a pu occulter
dans une certaine mesure les exigences de l’appropriation du métier d’écolier par un processus d’imitation.
Michel Monot: IEN honoraire, Nouméa
Pédagogie de Maîtrise à Effet Vicariant:
www.offratel.nc/magui/
7
F ondement paradoxal d’une
D. Violet
pédagogie dite «de l’autonomie»
Un des grands projets de l’école, en France et sans doute
ailleurs, consiste à offrir au plus grand nombre d’élèves
la possibilité d’apprendre, de s’éduquer, de se former, en
un mot d’accroître leur autonomie. Dans cet esprit, de
nombreux dispositifs pédagogiques visent à favoriser
l’égalité des chances scolaires en luttant contre des inégalités cognitives, sociales,… plus ou moins manifestes.
L’efficacité relative de ces dispositifs incline à penser que
l’échec et la réussite en classe résistent à une simple explication causale. Comme lucides de cela, les enseignants
assimilent fréquemment l’échec scolaire à un «manque
d’autonomie». En même temps qu’elle semble connoter
Il faut aussi considérer que le travail
dit «en autonomie» puisse déstabiliser
les élèves «en difficulté».
une certaine ouverture sur l’inexplicable complexité de
la personne qui apprend, la notion d’autonomie se réduit souvent à plusieurs critères complémentaires (dimension psycho-cognitive de l’apprentissage, méthodes
de travail scolaire, etc.). Entre ouverture à la complexité
et réduction à des critères précis, la pédagogie dite «de
l’autonomie» s’annonce paradoxale. Avec le paradoxe
comme prisme d’interprétation, notre intention consiste
ici à élucider comment une telle pédagogie peut satisfaire au principe d’égalité des chances. Après avoir succinctement esquissé comment les travaux de Piaget permettent d’appréhender la notion d’autonomie par le biais
du développement de l’intelligence, deux exemples de
pratiques scolaires illustreront les contradictions qui
émergent d’une simple explication causale de l’apprentissage. Ensuite, deux autres exemples nous montreront
que les élèves les «plus autonomes» en classe bénéficient largement des moyens mis en œuvre pour aider les
«moins autonomes», tandis que ces derniers n’en profitent guère. En guise de conclusion, nous affinerons les
contours de la notion d’autonomie afin d’envisager le
paradoxe selon lequel l’autonomie des élèves advient
parfois à contresens des méthodes pédagogiques mises
en œuvre par les enseignants.
Avec les repères piagétiens du développement cognitif,
la notion d’autonomie peut être assimilée à la capacité à
raisonner au plus haut niveau, c’est-à-dire à réaliser des
8
raisonnements hypothético-déductifs. En marge de tels
repères, plusieurs tests ont été conçus pour évaluer le niveau de raisonnement logique des jeunes. Au terme
d’un travail de recherche, nous avons pu établir une forte corrélation entre les performances obtenues à ces
tests et celles obtenues en classe1. De façon hâtive, cela
incline à conclure que l’égalité des chances de réussir en
classe est due à l’égalité du développement logique.
Mais avec le recul suffisant, on sait qu’une corrélation
équivaut à une symétrie et pas à une causalité; on sait
aussi qu’une corrélation, même forte, ne doit pas masquer les cas dissonants (certains élèves obtiennent de
mauvaises notes malgré une bonne performance au
test, et inversement pour d’autres2). Face à ces deux arguments, la problématique de la réussite scolaire n’est
plus réductible au critère d’autonomie cognitive que représente le raisonnement logique. Cela oblige immédiatement à relativiser la pertinence des dispositifs pédagogiques (Ateliers de Raisonnement Logique, par exemple)
qui visent à remédier à l’échec scolaire et à l’inégalité
des chances en prétendant développer le raisonnement
logique de certains élèves (supposés déficients au regard
de leurs performances à un test de logique).
Outre leur contribution explicite à certaines pratiques
de remédiation, les travaux de psychologie génétique
soulèvent implicitement une contradiction en matière
d’orientation scolaire des élèves dits «en difficulté». Ces
derniers sont généralement invités à formuler un projet
scolaire et/ou professionnel qui doit leur permettre de
réussir autrement et/ou ailleurs. En regardant d’assez
près la notion de projet, on peut l’envisager comme un
travail d’abstraction et d’anticipation des actions à venir. Or, si l’on se réfère à ce qui précède, les élèves dits
«en difficulté» sont justement ceux que la psychologie
scolaire repère par leur faible capacité à abstraire. De
façon un peu abrupte, on peut considérer que la pédagogie du projet tend à confronter ces élèves à deux injonctions contradictoires: «Vous ne pouvez pas abstraire pour réussir, alors abstrayez pour réussir».
A côté des dispositifs scolaires rattachés à la question
du développement logique, les deux exemples suivants
concernent plus particulièrement la problématique de
l’aide apportée aux élèves dits «en difficulté». Le premier exemple pointe une contradiction qui émerge du
renforcement pédagogique proposé dans le dispositif
ZEP (Zone d’Education Prioritaire). Sans trop entrer
Résonances - Septembre 2002
)
dans le détail, une des caractéristiques de la ZEP consiste à ce que les élèves soient mieux épaulés ou suivis par
les enseignants (heures de soutien, études dirigées,
etc.). Après avoir consulté les statistiques3, il semble
que les «meilleurs élèves» profitent de l’aide qui ne
leur est pas directement destinée, alors que les élèves
dits «en difficulté» ne sont guère avantagés par l’aide
prévue pour eux. Dans ces conditions, on peut conclure
qu’en voulant accroître l’égalité des chances de réussir
en classe, les ZEP peuvent paradoxalement entretenir,
voire renforcer, une large part d’inégalité.
Aide aux élèves «en difficulté»
Le dernier exemple concerne une pédagogie dite
«de l’autonomie». De façon grossière, il s’agit, entre
autres, de faire en sorte que l’élève étudie et résolve,
seul ou en petit groupe, des problèmes posés par le
professeur. Pris dans son acception la plus élargie, le
travail dit «en autonomie», c’est-à-dire avec une aide
réduite, incline à ne pas négliger
l’hypothèse selon laquelle la méthode et les repères posés par le
L’autonomie
professeur pourraient contrevedes élèves,
entre
nir à l’élève dit «en difficulté».
égalité et
On peut donc penser que, parinégalité
tiellement libéré de la contrainte
des
manifeste du maître, l’élève va
chances.
s’autoriser à construire sa propre
stratégie pour apprendre et résoudre des problèmes, voire en poser. Dans ces conditions, la pédagogie dite «de l’autonomie» semble pouvoir satisfaire à deux reprises au
principe d’égalité: 1) chaque élève peut travailler à sa
manière, à son rythme, avec sa propre logique… avec
ses propres références; 2) l’aide, la présence et les références du professeur n’avantagent pas les «meilleurs
élèves» (a priori les plus «autonomes») et ne perturbent pas ceux dits «en difficulté» (a priori les moins
«autonomes»).
l’élève peu «autonome» risque d’être plus perturbé
par une pédagogie de l’autonomie que par une pédagogie classique, pour ainsi dire.
En revanche, comme les autres pratiques pédagogiques esquissées plus haut, la pédagogie dite «de
l’autonomie» s’annonce surtout fructueuse pour les
«meilleurs élèves» a priori les plus «autonomes». Capables de s’adapter à n’importe quelle méthode d’enseignement, ces derniers assument aisément le paradoxe selon lequel le travail dit «en autonomie» consiste à mobiliser ses propres références afin de retrouver
des critères d’hétéroréférence.
Il serait pessimiste et décourageant de conclure que
les élèves les «moins autonomes» pour réussir en classe sont systématiquement mis à mal par les dispositifs
pédagogiques prévus pour développer l’autonomie.
Au demeurant, si tout semble parfois se passer comme
(
( Résonances - Septembre 2002
Notes
1
Cf. D. Violet, 1996, Paradoxes, autonomie et réussites scolaires, Paris, L’Harmattan.
2
Cf. ibidem
3
Cf. op. cit.
(
l’ auteur
Sans négliger ces deux possibilités, il faut aussi considérer que le travail dit «en autonomie» puisse déstabiliser les élèves «en difficulté», a priori les moins «autonomes». Pour comprendre cela, il faut concevoir la
réussite scolaire comme la conjonction de l’autoréférence de l’élève (c’est-à-dire sa capacité à faire lui-même), et de l’hétéroréférence représentée par le caractère conventionnel des savoirs scolaires et des méthodes de travail dispensés par le maître. On peut
certes admettre que la présence renforcée des repères
du professeur (hétéroréférence) risque d’anéantir les
initiatives personnelles de l’élève (autoréférence);
mais en l’absence relative de tels repères hétéroréférencés, fixes et bien définis, il n’est pas exclu que l’élève a priori peu «autonome» en classe ne parvienne ni
à exercer son autoréférence, ni à retrouver l’hétéroréférence indispensable à la réussite. Autant dire que
si l’école entretenait à son insu l’inégalité des chances,
c’est probablement parce que les changements de pratique de la classe sont souvent décrétés de façon très
empirique. Pour tenter de faire en sorte qu’une pédagogie dite «de l’autonomie» atteigne son objectif, il
convient de considérer le fondement paradoxal qu’elle
sous-tend. Adossée aux paradoxes du même et autre,
de l’égalité et de l’inégalité, de l’identique et du différent, de l’autoréférence et héteroréférence, etc., la
pratique de la classe suppose que l’enseignant assume
de ne pas pouvoir ni transmettre ni conditionner l’autonomie qu’il souhaite voir advenir chez ses élèves.
Dominique Violet, enseignant-chercheur,
GREPCEA, IUFM d’Aquitaine, Laboratoire PAF,
Université de Pau et des Pays de l’Adours.
9
E dith Wegmuller: l’autoévaluation
pour développer l’autonomie
Edith Wegmuller est chargée d’enseignement à la
Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation
à Genève. Elle est spécialisée dans le domaine de
l’évaluation et des régulations des apprentissages et
connaît donc bien les questions d’autoévaluation,
d’évaluation formative et de développement de l’autonomie. Elle s’intéresse tout particulièrement à
l’étayage par des outils favorisant la régulation des
apprentissages, dont le portfolio et les guides d’apprentissage. Dans le dernier ouvrage qu’elle a co-signé
avec Linda Allal, Dominique Bétrix Koehler, Laurence
Rieben, Yviane Rouiller et Madelon Saada-Robert intitulé Apprendre l’orthographe en produisant des
textes (Fribourg, Editions universitaires, 2001), figurent des exemples de guides élaborés dans le cadre
des séquences proposées.
(
Edith Wegmuller, quelle est
votre définition de l’autoévaluation?
Au sens strict, c’est une démarche
qui consiste à dire quelque chose
de son travail en vue d’une remédiation. Cette visée est malheureusement souvent oubliée dans
les classes. On demande aux enfants de remplir des fiches et des
grilles sur ce qu’ils maîtrisent et
ne maîtrisent pas, mais on a tendance à oublier l’essentiel de l’autoévaluation, à savoir quelle utilisation
faire de ces observations. Selon moi, le mécanisme
d’autoévaluation comporte les trois phases de tout
processus d’évaluation: il y a d’abord l’étape de la prise d’information, il y a ensuite le moment de l’interprétation puis celui de la prise de décision. Les instruments développés à l’école sont surtout efficaces pour
la première phase, ce qui présente déjà l’avantage de
la clarification des objectifs. Il faudrait donc un peu
moins instrumenter cette première phase, pour ne pas
oublier la régulation. Je partage la définition élargie
de Linda Allal qui fait intervenir l’évaluation par les
pairs et la comparaison avec l’enseignant. De fait, on
ne peut dire quelque chose de soi-même que dans la
confrontation aux avis des autres. Dès lors, l’autoévaluation au sens élargi englobe l’évaluation mutuelle
et la co-évaluation. Sans cette interaction, ce mode
d’évaluation est peu utile, car l’enfant se satisfait de
ses réussites ou de ses non-réussites.
10
D’une certaine façon, cette définition élargie de
l’autoévaluation permet de faire se rejoindre
travail individuel et travail en groupe…
Tout à fait, car on sait que l’on n’apprend pas tout
seul. Dès lors, l’autonomie dans les apprentissages à
l’école, c’est faire siennes les règles attendues, comme
le dit Daniel Hameline, c’est mener ses propres affaires
en trouvant de l’aide quand on estime en avoir besoin.
L’autoévaluation au sens élargi
englobe l’évaluation mutuelle et la
co-évaluation.
Pour l’élève, les camarades de classe et surtout l’enseignant font partie de ce recours possible. Le mécanisme de régulation peut aussi se faire via du matériel.
Avec les élèves, je crée des guides d’apprentissage qui
aident à clarifier le contrat de travail. L’objectif visé est
de construire des instruments permettant à l’élève
d’avoir davantage prise sur le savoir et de l’impliquer
activement et de manière responsable dans l’acte
d’apprendre. Il faut qu’il puisse devenir l’artisan de
son apprentissage et de son évaluation. C’est lui qui va
d’abord donner son avis sur son travail, ensuite il va se
confronter à l’avis d’autres camarades et/ou à ma position d’enseignante et essayer de défendre son point
de vue en argumentant.
Mettre en place un dispositif de formation
Certes, mais comment instrumentaliser cette démarche évaluative dans la classe?
Il ne faut pas seulement une instrumentation, car celle-ci a quelquefois phagocyté le meilleur de l’innovation; il s’agit surtout de mettre en place un dispositif
de formation et une appropriation des règles de la
classe et du travail à effectuer par le biais d’une discussion et d’une négociation avec les élèves. Ce que je
déplore, c’est que trop souvent l’implicite règne dans
la classe. Parfois, un guide d’apprentissage élaboré ensemble permet d’entamer le dialogue. Ce qui est essentiel, c’est que les enfants comprennent le sens de la
démarche. L’autoévaluation implique une prise de distance favorisant une meilleure appropriation du savoir, mais cela doit s’apprendre progressivement. C’est
Résonances - Septembre 2002
)
à partir d’activités concrètes qu’il faut faire s’approprier par les élèves le comment chercher et où trouver
les références utiles. A mon sens, c’est cela l’autonomie à l’école et la démarche d’autoévaluation contribue au développement de cette capacité.
L’autonomie est en fait moins solitaire qu’il n’y
paraît…
Oui, mais on peine à se débarrasser de cette image de
solitude de l’autonomie. Les adultes autonomes sont
pourtant ceux qui savent faire appel à des personnes
extérieures lorsqu’un problème dépasse leurs compétences. L’élève qui pose une question sur l’accord des
verbes à l’un de ses camarades ou au maître exerce son
autonomie, parce qu’il demande de l’aide pour réguler son apprentissage. Et souvent l’enseignant accompagne avantageusement le dictionnaire, car il peut réguler à chaud.
Les démarches d’autoévaluation sont-elles gérables avec de très jeunes élèves?
Pourquoi attendre qu’ils soient grands pour commencer? Bien au contraire, puisque cela s’apprend, commençons jeunes! Il suffit d’aller observer les enfants des
petits degrés qui ont été familiarisés avec la démarche
autoévaluative pour constater que cela est possible. A
cinq-six ans, ils établissent un mini contrat imagé négocié avec la maîtresse et choisissent par exemple les ateliers de la journée et, s’ils ne respectent pas leurs engagements, il y a discussion et renégociation.
Même si les stratégies visant à renforcer l’autonomie s’adressent en priorité aux élèves ayant
des difficultés d’apprentissage, ne peut-on pas
leur reprocher de favoriser les meilleurs élèves,
souvent déjà autonomes?
Ce qui reviendrait à dire qu’on ne prête qu’aux riches!
Pour ma part, je cite toujours l’exemple de certains
élèves qui, à l’entrée à l’école primaire, sont déjà lecteurs alors que d’autres ne le sont pas encore. Face à
cette inégalité de départ, les enseignants pratiquent
spontanément la différenciation. Pour l’autonomie,
c’est pareil. En dehors de l’école, tous les élèves ont développé des formes d’autonomie, mais certains plus
que d’autres. Le rôle de l’enseignant, c’est d’exploiter
ce potentiel de façon différenciée. Aux élèves qui sont
en avance du point de vue de l’autonomie, on peut demander d’expliquer à la classe comment eux s’y prennent face à une tâche à réaliser, on peut leur demander
de venir en aide à leurs camarades qui ont des difficultés dans cette conquête, en les associant en
duos. Le tout, c’est de faire comprendre à
l’élève qui manque encore d’autonomie qu’il
y aura lui aussi un jour accès, mais que son
rythme d’acquisition est différent, tout comme pour les apprentissages disciplinaires.
Penser travail en équipes
Introduire l’autonomie dans la classe
n’est dès lors pas de tout repos pour
l’enseignant…
C’est vrai, cela change sa posture et certains
aimeraient bien de temps à autre avoir un
«truc pour que les enfants travaillent tout
seuls», selon la définition qu’ils donnent de
l’autonomie. Cependant, développer l’autonomie des élèves dans la classe exige de penser autrement les dispositifs d’enseignement
et pour l’enseignant aussi cela ne se fait pas
tout seul. Il faut penser travail en équipes.
( Résonances - Septembre 2002
L’autoévaluation et l’autonomie dans la classe
modifient considérablement le métier d’enseignant et celui d’élève…
Je pense que oui. Tous les enseignants s’accordent sur
la nécessité de consolider les apprentissages, via l’évaluation formative, l’autonomie et la motivation, ce
n’est pas nouveau, mais ces processus sont complexes
même si l’on sait aujourd’hui que certains dispositifs
d’apprentissage sont plus efficaces que d’autres. Chez
l’élève en difficulté, ce sont souvent les manques de
prises de conscience et les ponts entre les parcelles de
savoir qui font défaut.
Pour l’enseignant qui souhaite introduire l’autoévaluation dans sa classe, qu’est-ce qui est le
plus difficile?
Pour commencer, il suffit de commencer, dit Philippe
Meirieu. Cependant reconnaissons que nous n’avons
pas tous le même rapport à l’innovation et au changement de représentations. Pour modifier notre approche de l’enseignement, commençons par analyser
le contexte que nous proposons aux élèves ainsi que
les dispositifs et moyens d’enseignement qui devraient
leur permettre d’apprendre au mieux. Apprenons à
(
Les élèves confrontent à deux leurs résultats.
11
devenir un praticien-réflexif. Ce serait une catastrophe
de vouloir tout bouleverser. Il vaut mieux débuter par
une démarche dans une discipline, en parler avec les
collègues, les formateurs, évaluer ses avantages et ses
limites. Il faut pouvoir prouver que les innovations apportent de vraies améliorations. Une chose est cependant certaine: il n’y a pas de recette miracle, mais plutôt adaptation à la diversité des pratiques.
Avez-vous un exemple concret d’un petit pas
vers l’autoévaluation?
Je peux prendre l’exemple, trop connu peut-être, de la
dictée ciblée sur l’accord des verbes. Les élèves donnent leur avis sur leur manière d’accorder les verbes,
sur les références utilisées après avoir entouré ce qu’ils
supposent être les 10 verbes de la dictée. Ils confrontent à deux leurs résultats. Lorsque l’enseignant regar-
de les copies, il a une trace de leur raisonnement et il
peut ainsi mieux les guider individuellement dans la
révision orthographique.
L’autoévaluation ne rejoint-elle pas la problématique de l’estime de soi puisqu’il s’agit de savoir
ce que l’on sait et ce que l’on ne sait pas?
Le sentiment d’efficacité personnelle, comme l’a nommé Dany Laveault, est en effet l’un des moteurs de
l’apprentissage. Si l’enfant n’a pas le sentiment de
pouvoir devenir efficace, il n’a pas envie d’apprendre.
C’est seulement en ciblant l’apprentissage que l’amélioration est possible, d’où l’utilité du portfolio, recueil de documents authentiques de l’apprenant sur
lesquels il peut poser un regard pour mesurer le progrès accompli.
Propos recueillis par Nadia Revaz
Regards croisés sur la définition de l’autonomie
BERNARDETTE AYMON,
enseignante en classe enfantine, Ayent
Bernardette Aymon associe d’emblée l’autonomie au
bien-être, à la confiance en soi et en l’autre, à la compétence et à la créativité. Elle définit l’autonomie de l’enfant à l’école enfantine comme la capacité de s’organiser
tout seul au niveau des déplacements principalement, en
précisant immédiatement que dans sa classe, point de
place attribuée, puisqu’elle pratique la pédagogie par
ateliers. Elle insiste sur un aspect essentiel à ses yeux:
«L’autonomie, ce n’est pas l’anarchie, c’est au contraire
quelque chose de très organisé, impliquant le respect
d’exigences». Pour développer tout en canalisant l’indépendance de ses élèves, elle utilise des trucs pratiques,
des repères visuels par exemple. Elle les incite par ailleurs
à formuler des demandes. «Oser demander, c’est se
prendre en charge», commente-t-elle. Elle ajoute aussi
qu’il est important de donner des choix aux enfants, sans
quoi l’autonomie est impossible. Selon elle, l’autonomie
tend à atténuer la notion de compétition, ce qui est positif tout particulièrement dans les petits degrés. Elle pense
qu’il ne faut pas attendre le passage en primaire pour encourager l’indépendance des enfants, même si c’est quelquefois un peu déstabilisant pour les adultes.
MAURICE MOULIN,
enseignant en 5e primaire, Martigny
Pour Maurice Moulin, l’autonomie rime avec l’autogestion. «Un élève autonome a pris conscience de ses capacités et, lorsqu’il se sent incapable de quelque chose, il
n’hésite pas à demander. Le rôle de l’enseignant consiste
à ne pas trop vite l’aider, mais à lui proposer un cheminement pour trouver la solution par lui-même», explique-t-
12
il. A son avis, il vaut mieux parfois refuser l’aide directe et
rappeler aux élèves qu’ils peuvent recourir aux livres et
aux références qui se trouvent dans la classe. Afin de favoriser l’autonomie de ses élèves, des points de repère en lien avec la matière étudiée - sont affichés dans la classe. «On n’arrête jamais d’apprendre à être autonome, car
c’est une notion relative», observe encore Maurice Moulin. Il considère que rendre l’élève autonome constitue
l’un des objectifs prioritaires de l’école. Cependant, il y a
un certain nombre de conditions à respecter, pour éviter
les dérives d’une certaine époque où l’autonomie équivalait bien souvent à laisser faire.
NADINE MICHELET,
maman d’Agnès, 7 ans et demi, Sion
La première définition donnée par Nadine Michelet de
l’autonomie, c’est «être capable de faire seul». Elle ajoute presque immédiatement que «c’est savoir où et comment trouver l’aide nécessaire». Selon elle, l’autonomie
est certes une question d’âge et d’apprentissage, mais elle se demande si ce n’est pas surtout affaire de caractère
et de développement affectif. Elle considère bien naturellement que sa fille est trop petite pour trouver toutes
les informations par elle-même. Toutefois, dans l’idéal,
elle aimerait bien qu’elle puisse gérer seule ses devoirs à
domicile ou au moins demander de l’aide sans attendre
qu’elle lui soit proposée. Elle ne sait pas vraiment que faire concrètement pour l’aider à devenir plus autonome
scolairement car, pour le reste, elle est très débrouille.
«Je crois que je suis peut-être un peu trop exigeante et
que je ne laisse pas assez de place à l’erreur», analyse Nadine Michelet. Elle précise qu’elle est exigeante parce
qu’elle est admirative de sa fille.
Résonances - Septembre 2002
)
D ’une autonomie clandestine à
A. Capitanescu
une autonomie reconnue
Chatzis (1992), sociologue du travail, définit l’autonomie professionnelle comme «la capacité d’un sujet
(individuel ou collectif) de déterminer librement les
règles d’action auxquelles il se soumet, de fixer, à l’intérieur de son espace d’action, les modalités précises
de son activité, sans qu’un extérieur (ici l’organisation
formelle) ne lui impose ses normes».
Aucun travailleur n’est réduit à une simple exécution
mécanique des prescriptions. Même dans une organisation taylorienne du travail, les prescriptions ne peuvent
jamais être exhaustives. Dans le travail le plus routinier,
même en dehors des situations exceptionnelles, le salarié doit prendre de petites décisions et de petites initiatives, bref, faire preuve de jugement (De Terssac, 1992).
Certains enseignants ont besoin
d’autonomie pour réaliser des projets
ambitieux.
Une qualification plus élevée s’accompagne d’une plus
grande autonomie. La tâche d’un professionnel de
haut niveau est fixée par un contrat de travail ou de
prestation, mais il a le choix des méthodes et des cheminements. Cependant, la manière d’atteindre les objectifs doit respecter la législation et l’éthique qui régissent la profession. En outre, au moins implicitement, le praticien doit se conformer à l’état des savoirs
et à l’état de l’art, sous peine d’être accusé de faute
professionnelle si les choses tournent mal.
Comment situer le métier d’enseignant entre ces extrêmes?
L’autonomie des enseignants
Un enseignant peut-il «déterminer librement les
règles d’action auxquelles il se soumet»? Peut-il «fixer,
à l’intérieur de son espace d’action, les modalités précises de son activité»?
La complexité des interactions humaines exclut plus encore que devant une machine des prescriptions couvrant
tous les cas de figures. Peut-on dire pour autant que
l’enseignant organise librement ses activités à condition
( Résonances - Septembre 2002
de respecter les objectifs assignés à son travail? Certainement pas! Il ne réinvente pas la forme scolaire tous les
jours et il hérite d’une bonne dose de prescriptions.
Dans nombre de systèmes éducatifs, l’organisation
scolaire prescrit notamment:
les horaires de présence en classe;
les contenus de l’enseignement;
leur répartition hebdomadaire au gré d’une grille
horaire;
l’aménagement et l’ameublement des lieux de travail;
les formes et les procédures d’évaluation;
la nature et la quantité de devoirs à domicile à donner aux élèves;
certaines méthodes ou certains moyens d’enseignement;
les conduites à ne pas tolérer et les sanctions qu’elles
appellent;
des règles d’hygiène, de sécurité, de civilité;
les formes, les contenus, la périodicité de l’information à donner aux parents d’élèves et des contacts
avec eux;
les figures imposées ou autorisées de la coopération avec d’autres enseignants;
les collaborations avec les professionnels de la santé
ou du social.
Selon chacun de ces axes, l’étendue et la nature des
prescriptions diffèrent d’un système et d’un ordre d’enseignement à un autre. On connaît des programmes de
centaines de pages et d’autres de quelques feuillets.
Dans certains systèmes ou certains ordres d’enseignement, les enseignants sont entièrement libres de leurs
méthodes et de leurs moyens, dans d’autres, l’administration impose des manuels ou recommande fortement
des méthodes.
Dans chaque cas, il faudrait donc dresser un état des
prescriptions, donc aussi mettre en évidence le seuil auquel elles s’arrêtent, laissant aux praticiens le choix des
modalités de leur travail. Dresser cet état des lieux est
difficile, parce qu’il arrive rarement qu’un domaine soit
entièrement prescrit et un autre entièrement libre.
Dans chacun, l’institution fixe des standards qui laissent
une marge de choix. Les textes diront par exemple
qu’une moyenne doit être attribuée sur la base de 3 à 5
13
épreuves. Ou que les parents doivent être régulièrement informés des progrès de leurs enfants, laissant à
l’enseignant le choix des modalités et de la périodicité.
L’appréciation de l’autonomie laissée au professeur se
complique du fait de l’existence, au-delà des textes, de
prescriptions moins officielles, ou simplement d’attentes,
qui émanent des élèves, des parents, des collègues, de la
direction de l’établissement. Nul enseignant n’est en réalité libre de disposer à sa guise de la marge d’autonomie
que lui reconnaissent les textes. Il doit composer avec
d’autres normes. Son autonomie est donc à cet égard
plus faible que celle dont il dispose «sur le papier».
rer à leur lecture subjective des prescriptions et des
risques qu’ils courent s’ils s’en écartent.
Un rapport très ambivalent à l’autonomie
Les enseignants veulent-ils davantage d’autonomie? Il
n’y a pas de réponse unique à cette question. Le rapport des enseignants à l’autonomie varie selon les
époques, les contextes institutionnels, les ordres d’enseignement, les disciplines, les cultures et les identités
professionnelles. Ajoutons que des enseignants qui occupent le même statut et font le même travail n’ont
probablement pas les mêmes désirs d’autonomie.
À un extrême, on trouve des enseignants en
quête d’autonomie, qui estiment que leurs initiatives sont bridées et plus souvent sanctionnées que valorisées par l’institution scolaire. A
l’autre extrême, on rencontre des enseignants
qui pensent que l’autonomie qu’ils possèdent
est largement suffisante. Entre ces pôles, tous
les dégradés sont possibles.
(
Pour la plupart, en s’engageant dans l’institution scolaire, les enseignants acceptent de renoncer à une bonne part de leur liberté. Ils ne
revendiquent pas une totale indépendance, ils
ne veulent pas agir comme des artisans à leur
compte. Mais presque tous veulent garder certains espaces de liberté, préserver des zones de
«micro-souveraineté» dans leur travail au quotidien avec les élèves. Ils s’éloignent des prescripPour comprendre le rapport des enseignants à l’autonomie,
tions lorsque celles-ci leur paraissent inutiles,
l’analyse des textes officiels ne suffit pas.
inadéquates ou trop contraignantes. Ayant à
ajuster sans cesse leur action à la vie de la classe et à la
Elle est en même temps souvent plus forte, parce que
réalité des élèves (Barrère, 2002; Perrenoud, 1987), ils
l’organisation scolaire n’exerce qu’un contrôle diffus et
n’ont que faire de règles inapplicables ou qui ralentissporadique sur les manières de faire en classe. L’enseisent et compliquent sans profit leur travail.
gnant, travaillant en solitaire, porte fermée, peut se
permettre d’ignorer de nombreuses prescriptions sans
Cette autonomie «volée» reste clandestine. Nul ne
prendre de grands risques. Le contrôle externe est diffigagne à crier sur tous les toits qu’il ne respecte pas incile, les collègues qui savent ferment souvent les yeux, à
tégralement le programme de mathématique ou n’a
charge de revanche. Dans une école où presque tous les
pas le temps, les moyens ou les connaissances requises
enseignants arrivent en retard ou surveillent mollement
pour organiser des expériences scientifiques, faire de la
les récréations, nul ne prendra la peine de rappeler ses
musique, animer des activités sportives.
collègues à l’ordre. Quant aux chefs d’établissements et
aux corps d’inspection, s’ils ont en principe la responsabilité du contrôle, ils ont d’autres chats à fouetter et saL’autonomie ne se limite pas à ces rétrécissements.
vent aussi qu’un excès de surveillance ou de répression
Certains enseignants en ont besoin pour réaliser des
peut envenimer sans profit le climat. Dans le métier
projets ambitieux, mener des activités qui ne sont pas
d’enseignant, l’autonomie de facto est donc souvent
inscrites dans les programmes.
plus grande que l’autonomie de jure. Ce qu’il faut
prendre en compte lorsqu’on s’intéresse aux aspirations
Vers une autonomie professionnelle
des enseignants. Pourquoi se battraient-ils contre des
reconnue?
prescriptions que personne ne prend au sérieux ou dont
nul n’a les moyens de contrôler le respect?
Aujourd’hui, dans plusieurs systèmes scolaires, le processus de décentralisation offre une plus large autonomie
Pour comprendre le rapport des enseignants à l’autoaux établissements scolaires. Des cycles d’apprentissage
nomie, l’analyse des textes ne suffit pas, il faut se réfépluriannuels sont créés. On invite les professionnels à
14
Résonances - Septembre 2002
)
Les enseignants sont-ils prêts à échanger une autonomie clandestine mais confortable contre une autonomie ouvertement assumée, qui s’accompagne de davantage de responsabilités? On peut en douter.
Leur ambivalence est compréhensible. Non seulement
parce qu’ils préfèrent le connu à l’inconnu, mais aussi
parce que les réformes scolaires et les idéologies actuelles leur proposent une figure de l’enseignant qui
ne correspond pas véritablement à l’identité, aux représentations du métier et aux aspirations du plus
grand nombre.
Si les systèmes éducatifs étaient prêts à assumer les
contreparties de la prise d’autonomie qu’ils demandent
aux enseignants, le dialogue pourrait s’engager sur des
bases saines. Mais l’ambivalence apparaît bien partagée!
Références bibliographiques
Barrère, A. (2002) Les enseignants au travail, Routines incertaines, Paris, L’Harmattan.
Cahiers Pédagogiques (2000) L’autonomie de l’enseignant,
n°384, mai.
Chatzis, K., Mounier, C., Veltz, P. et Zarifian, P. (1999) L’autonomie dans les organisations. Quoi de neuf ? Paris, L’Harmattan.
De Terssac, G. (1992) L’autonomie dans le travail, Paris, PUF.
Perrenoud, Ph. (1987) «L’ambiguïté instituée. A propos de la
liberté méthodologique des maîtres primaires» in Educateur,
n°6, pp.10-14.
Perrenoud, Ph. (1996) «Le métier d’enseignant entre prolétarisation et professionnalisation: deux modèles de changement» in Perspectives, volume XXVI, n°3, septembre, pp. 543562.
Perrenoud, Ph. (2000) «Déviance déloyale, initiative vertueuse ou nouvelle norme?» in Cahiers Pédagogiques Dossier:
L’autonomie de l’enseignant, n°384, mai, pp. 14-19.
(
l ’ a ut e u r e
coopérer pour assurer un suivi plus cohérent des élèves.
Dans ce nouveau contexte et dans la perspective de la
professionnalisation du métier d’enseignant et de la
pratique réflexive, s’esquisse un nouveau partage des
décisions et des responsabilités entre l’administration
scolaire et les enseignants. On propose à ces derniers
des programmes-cadres, des objectifs pluriannuels, des
indications didactiques larges, une plus grande marge
dans l’organisation du travail.
Andreea Capitanescu
Faculté de psychologie et des sciences de
l’éducation, Université de Genève.
L’autonomie en citations
Organisation et évaluation du travail
La pédagogie de l’autonomie ne se réduit pas à des
pratiques ponctuelles de travail autonome. Il s’agit d’une
orientation pédagogique d’ensemble mettant l’accent sur
la participation de l’élève à son propre apprentissage et la
nécessité de lui donner plus d’initiatives et de
responsabilités. Les diverses formes d’activités scolaires
sont toutes subordonnées à la réalisation de l’objectif
d’autonomie: le professeur accepte fondamentalement le
principe d’associer progressivement les élèves à
l’organisation du travail comme à la prise de décision et à
l’évaluation.
G. et J. Pastiaux. Précis de pédagogie. Paris: Nathan,
Repères pratiques, 1997.
Définition étymologique
La notion d’autonomie, essentiellement philosophique,
doit être entendue, dans la plupart des classes de
l’enseignement primaire et secondaire, dans un sens plus
pragmatique que philosophique. (…) Un regard sur
l’étymologie peut être éclairant: nomos, ce sont les lois;
l’autonomie est la capacité de régler par soi-même sa
( Résonances - Septembre 2002
conduite selon des lois. L’hétéronomie, à l’inverse, est la
soumission à des lois extérieures, imposées. La conquête
de l’autonomie serait donc la prise de conscience de ces
lois, et l’intégration de ces lois dans un advenir personnel,
dialectique entre contrainte et liberté.
Louis Arénilla, Bernard Gossot, Marie-Claire Rolland,
Marie-Pierre Roussel. Dictionnaire de Pédagogie. Paris:
Larousse Bordas, 1996.
Glissement vers d’autres notions
Au voisinage immédiat du lieu commun, la notion
d’autonomie, telle qu’on la voit en grande faveur dans
l’éducation et la formation, demeure une notion
susceptible de glissements sémantiques constants, mais
tolérables parce qu’il n’est pas moyen de faire autrement,
vers des notions voisines: liberté de mouvement,
émancipation à l’égard des tutelles, non-dépendance,
initiative, accomplissement de soi, responsabilité, droit
d’avoir des droits, et tous les composés commençant par
le préfixe auto, etc.
Jean Houssaye (Coord.), Questions pédagogiques. Paris:
Hachette éducation, 1999. (Article de Jean Houssaye sur
l’autonomie).
15
L ’autonomie, une question
P. Perrenoud
Se donner ses propres règles d’action, de fonctionnement, de vie, c’est facile à dire! Pour être autonome, il
faut d’abord le vouloir, se concevoir comme un être libre
et se rebeller contre tout ou partie des normes et des directives dont on est l’objet. L’autonomie est d’abord une
question d’identité, de projet, d’image de soi.
Il ne suffit pas cependant de vouloir être autonome.
Tout acteur est pris dans des rapports sociaux, une culture, des coutumes, des attentes. Il est assujetti à une
législation et, dès qu’il adhère à une organisation, à ses
règles internes. L’autonomie se conquiert activement,
soit en transgressant habilement les règles, soit en négociant leur assouplissement, soit encore en parvenant
à une position qui garantisse davantage de pouvoir. Un
acteur doit se démener pour obtenir l’autonomie dont
il rêve.
Il doit aussi se battre, parfois, pour refuser une autonomie qu’il n’a pas demandée et qu’on lui assigne, avec
des responsabilités qu’il ne veut pas prendre. Chacun
voudrait bien être entièrement libre s’il n’avait pas à
assumer les conséquences de cette liberté. Comme l’autonomie ne va pas sans responsabilités, les êtres humains choisissent parfois la liberté avec le risque et la
responsabilité, ils préfèrent dans d’autres circonstances
faire ce qu’on leur dit sans avoir à rendre compte des
conséquences. Le paradoxe de la liberté est qu’on peut
choisir d’être esclave. Si elle s’étend à toute l’existence,
cette «peur de la liberté» est sans doute une forme
d’aliénation. Mais Fromm (1963) a montré que nous
sommes tous pris dans des ambivalences.
La probabilité d’obtenir exactement le degré d’autonomie auquel il aspire, ni plus, ni moins, à un moment de
sa vie, dépend des compétences que l’acteur peut
mettre en œuvre. De même que l’argent ne fait pas le
bonheur, les compétences ne font pas l’autonomie, mais
elles y contribuent.
Autonomie et compétence
Les rapports entre compétence et autonomie s’établissent dans les deux sens. Selon Zarifian (2001), «l’autonomie est une condition incontournable d’un déploiement
de la compétence», parce que la compétence n’existe
que si l’acteur a ou se donne une marge d’initiative et de
décision, ne se borne pas à suivre des prescriptions.
16
de compétence?
Aucune organisation n’a intérêt à tout prescrire, elle
compte sur le jugement des salariés pour prendre la
bonne décision (Terssac, 1992; Perrenoud, 2000). L’étendue de l’autonomie ouvertement reconnue, voire imposée par l’organisation du travail, dépend de la
confiance faite au salarié. Cette confiance dépend de
nombreux facteurs, parmi lesquels les compétences
qu’on lui prête et leurs corollaires: sang-froid, lucidité,
sûreté du jugement, conscience de ses propres limites,
appui sur l’expertise collective.
Dans le travail, on peut donc dire qu’une compétence
avérée est une condition nécessaire pour se voir reconnaître une forte autonomie, en même temps que cette
dernière est une condition du déploiement, mais aussi
du développement de la compétence.
Les compétences ne font pas
l’autonomie, mais elles y contribuent.
Qu’en est-il dans d’autres univers sociaux, la famille, le
monde associatif, le monde sportif, le voisinage, la cité
politique? Il n’y a aucune raison que les rapports entre
autonomie et compétences y soient entièrement différents, mais il faut néanmoins tenir compte du fait que
les choses y sont moins clairement et précisément réglées que dans le monde du travail. Ce qui rend plus
perceptible un autre lien entre compétences et autonomie, qui vaut aussi pour les relations professionnelles: pour être autonome, il faut d’abord comprendre les règles dites et non dites en vigueur, les rapports de force, les relations et les jeux de pouvoir, les
alliances possibles, les failles du contrôle social, le prix
à payer pour obtenir davantage d’autonomie, que ce
soit en termes d’efficacité, de loyauté, de réciprocité,
de flatterie.
Deux types et deux niveaux de compétence sont donc
en jeu dans l’exercice de l’autonomie:
1. Les compétences dont il faut faire preuve pour que
les autres vous «laissent» agir à votre guise dans un
domaine défini (la cuisine, l’éducation d’un enfant,
l’informatique, les placements boursiers, l’organisation des vacances, etc.)
Résonances - Septembre 2002
)
2. Les compétences stratégiques qu’il faut mettre en
œuvre pour élargir pratiquement sa marge d’initiative ou faire reconnaître formellement ses compétences aussi bien que l’autonomie et les initiatives
qu’elles autorisent.
J’ai identifié (Perrenoud, 1999, 2002) huit compétences qui permettent à un acteur de construire et de
défendre son autonomie dans divers champs sociaux
ou diverses organisations:
1. Savoir identifier, évaluer et faire valoir ses ressources, ses droits, ses limites et ses besoins.
2. Savoir, individuellement ou en groupe, former et
conduire des projets, développer des stratégies.
3. Savoir analyser des situations, des relations, des
champs de force de façon systémique.
4. Savoir coopérer, agir en synergie, participer à un
collectif, partager un leadership.
5. Savoir construire et animer des organisations et des
systèmes d’action collective de type démocratique.
6. Savoir gérer et dépasser les conflits.
7. Savoir jouer avec les règles, s’en servir, en élaborer.
8. Savoir construire des ordres négociés par-delà les
différences culturelles.
Les compétences du premier type diffèrent selon le
domaine et l’activité considérés. La façon de les attester varie, elle aussi. Dans le travail salarié, on demande
une qualification, des diplômes ou la démonstration
d’une expertise pratique; dans d’autres domaines, par
exemple la politique, les professions libérales ou l’éducation des enfants, on sanctionne l’incompétence en
ne renouvelant pas un mandat, en retirant amour ou
confiance, ou en privant du droit d’exercer une activité ou une responsabilité.
Les compétences du second type sont moins dépendantes du contexte. Elles sont d’ordre psychosociologique, même si leur exercice suppose toujours une forme d’expertise ou de familiarité avec une activité et
son cadre organisationnel. Elles donnent aux acteurs la
«clé des champs». Les champs ne sont pas ici de verts
pâturages, mais les champs sociaux tels que Bourdieu
les a conceptualisés et dont j’emprunte à Lafaye (1996)
quelques traits génériques:
un champ est un espace structuré – et donc hiérarchisé – de positions ou de postes dont les caractéristiques
sont relativement indépendantes de leurs occupants;
chaque champ se définit par des enjeux et des intérêts spécifiques irréductibles à ceux d’un autre champ:
ce qui fait courir un scientifique n’est pas ce qui fait
courir un homme d’affaires ou un ecclésiastique;
un champ implique également la détention ou la
constitution d’un capital propre à celui-ci. Détenir un
fort capital économique est essentiel dans le champ
des affaires mais totalement incongru dans le champ
scientifique où le capital pertinent est
d’une autre nature: une thèse, des publications de haut niveau, une reconnaissance internationale, etc.;
un champ est aussi un espace dynamique
dans lequel se jouent des luttes pour
conserver ou subvertir l’état des rapports
de force: occuper les positions dominantes,
transformer des positions dominées en positions dominantes, stabiliser des positions
instables, faire reconnaître des positions situées aux frontières du champ, en disqualifier d’autres, etc.;
Le champ financier, artistique, médical, immobilier, littéraire, sportif, politique sont
des champs connus de tous, mais chaque organisation est elle-même analysable comme
un champ social ou un ensemble de champs
articulés les uns aux autres.
( Résonances - Septembre 2002
Ces compétences, ensemble ou séparément, font la
différence, à position égale dans un champ social ou
une organisation, entre les acteurs qui défendent et
développent leur autonomie et ceux qui, au contraire,
ne parviennent même pas à percevoir et à utiliser le
peu de marge de manœuvre que le système leur laisse.
Les compétences qui favorisent l’autonomie et donnent la clé des champs sont-elles développées par le
système éducatif? Ou relèvent-t-elles au contraire de
l’éducation familiale? Dans cette seconde éventualité,
l’apprentissage des tactiques et des stratégies de l’autonomie serait réservé aux héritiers, aux enfants de
ceux qui occupent déjà des positions de pouvoir…
La démocratisation de l’accès à l’autonomie devrait
être une question centrale pour ceux qui se préoccupent de prévention de la violence ou d’éducation à la
(
La citoyenneté passe par un équilibre stable entre
autonomie et intégration à un ensemble.
17
citoyenneté. La violence est très souvent une réaction
contre le sentiment d’être étouffé, dépendant, esclave
du système, et ne pas savoir comment infléchir pacifiquement la situation. Qu’elle soit inefficace ne l’empêche pas, car elle est l’expression de la haine ou du
désespoir davantage que d’un calcul rationnel. Quant
à la citoyenneté, au-delà des valeurs qui en forment le
soubassement idéologique – démocratie, respect d’autrui, du droit et des différences, non violence, solidarité –, elle passe par la recherche d’un équilibre stable
entre autonomie et intégration à un ensemble, liberté
individuelle et bien public.
Lafaye, C. (1996) La sociologie des organisations, Paris, Nathan.
Perrenoud, Ph. (1999) La clé des champs: essai sur les compétences d’un acteur autonome. Ou comment ne pas être abusé, aliéné, dominé ou exploité lorsqu’on n’est ni riche, ni
puissant, Université de Genève, Faculté de psychologie et des
sciences de l’éducation.
Perrenoud, Ph. (2000) L’autonomie au travail: déviance déloyale, initiative vertueuse ou nouvelle norme?, Cahiers Pédagogiques, n°384, mai, pp. 14-19.
Perrenoud, Ph. (2001) The Key to Social Fields: Competencies
of an Autonomous Actor, in Rychen, D. S. and Sagalnik, L. H.
(dir.) Defining and Selecting Key Competencies, Gottingen,
Hogrefe & Huber Publishers, p. 121-149.
Terssac, G. de (1992) Autonomie dans le travail, Paris, PUF.
Références
Chatzis, K., Mounier, C., Veltz, P. et Zarifian, Ph. (dir.) (1999)
L’autonomie dans les organisations. Quoi de neuf?, Paris,
L’Harmattan.
Fromm, E. (1963) La peur de la liberté, Paris, Buchet-Chastel.
Zarifian, Ph. (2001) Le modèle de la compétence, Paris, Éditions Liaisons.
(
l’ auteur
Le rôle de l’école n’est pas d’imposer un modèle
unique de rapport au monde, mais d’aider chacun à
savoir de quelle dose d’autonomie il a besoin pour
vivre et par quels moyens il peut la garantir.
Philippe Perrenoud est professeur à la Faculté
de psychologie et des sciences de l’éducation de
l’Université de Genève.
Laboratoire Innovation, Formation, Education
(LIFE): http://www.unige.ch/fapse/SSE/groups/LIFE
Courriel: [email protected].
Internet:
http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/
L’autonomie en citations
Autonomie comportementale
et intellectuelle
On définira l’autonomie comportementale comme la
capacité d’agir avec réflexion et en connaissance des
enjeux personnels et sociaux de ces actions. L’autonomie
intellectuelle sera définie comme la capacité à lire, à écrire,
à utiliser les documents ou les instruments courants du
travail exigé par les différentes disciplines scolaires, sans
dépendre anormalement de l’aide ou du jugement d’autrui.
Louis Arénilla, Bernard Gossot, Marie-Claire Rolland,
Marie-Pierre Roussel. Dictionnaire de Pédagogie. Paris:
Larousse Bordas, 1996.
Culture de l’autonomie
La recherche de pédagogies «autonomisantes», tournées
vers l’activité de l’apprenant, ses projets, ses choix dans
les activités à partir de la mise à disposition de ressources
variées et adaptées, dans le cadre d’activités individuelles
et collectives d’exploration et de recherche, ne date pas
d’hier. Elle est étayée sur la longue tradition de
l’éducation dite «nouvelle» (travail en petits groupes,
liberté d’organisation, démocratie dans la classe,
méthodes actives, ouverture sur l’extérieur).
Coordination Jean-Claude Ruano-Borbalan, Philippe Cabin.
Eduquer et former. Auxerre: Editions Sciences Humaines,
2e édition, 2001.
Un site sur l’autonomie
http://pages.infinit.net/autonome/autonomie est l’adresse
d’un site sur l’autonomie, faisant suite à un colloque
s’adressant tout particulièrement aux enseignants du primaire.
Le site s’articule en
cinq sections. On y
trouve également un
quiz de connaissances
sur l’autonomie et une
bibliographie.
18
Autodirection des apprentissages
Il s’agit de promouvoir l’autodirection des apprentissages,
non l’autoaliénation par la formation; de développer des
formes d’autoformation «éducatives» et non des pratiques
voilées d’abandon pédagogique; de favoriser l’autonomie de
sujets sociaux engagés dans leur propre changement et non
de subtiles formes de darwinisme social porteur d’exclusion.
Coordination Jean-Claude Ruano-Borbalan, Philippe Cabin.
Eduquer et former. Auxerre: Editions Sciences Humaines,
2e édition, 2001.
Résonances - Septembre 2002
)
F loue, ambiguë, contradictoire
R. Etienne
et pourtant nécessaire!
Fort satisfait de son escapade dans la France profonde,
M. J.-P. E., Inspecteur Pédagogique Régional d’Éducation Physique et Sportive, se dirigeait d’un bon pas vers
le gymnase dont le Principal lui avait indiqué le chemin. Il reconnut la silhouette athlétique de J. M. bizarrement penchée sur la porte entrouverte du bâtiment
et il lui tapota l’épaule droite, intrigué par ce cours
conduit de l’extérieur. Sans s’émouvoir, J. M. lui enjoignit le silence en portant son index dressé à la bouche.
Puis, il murmura: «Je les ai mis en autonomie et maintenant je les observe.» Combien d’anecdotes assimilant
l’autonomie à une non-directivité mal comprise ont
fait les délices des salles de professeurs, voire le succès
éphémère de livres dénonçant le laxisme des pédagogues? Cette attitude ne mérite-t-elle pas mieux
qu’une rapide condamnation et un rappel peu argumenté du rôle de maître et d’élève? Pour avoir il y a
peu dénoncé ses pièges (Étienne, 2000a), je me dois
d’expliquer à quelles conditions elle opère, même si
c’est un objet pédagogiquement suspect, et de commencer par un embryon de définition. Je la situerai au
cœur de l’apprentissage et de l’enseignement et je terminerai par l’évocation de sa dimension éducative.
Une question de définition
L’autonomie vient du monde politique et réside dans
une nuance, floue mais aisée à comprendre, avec l’indépendance: concéder l’autonomie à une province, c’est
lui permettre de faire certains choix tout en la soumettant à une autorité centrale et nos amis québécois en
savent quelque chose. Ce concept ambigu fut pourtant
transposé sur le plan éducatif au moment où la domesticité du personnel enseignant qu’aime à rappeler
Jacques Ardoino ne suffit plus à assurer le degré d’instruction exigé par l’explosion des savoirs. Il s’agissait de
reprendre une vieille lune pédagogique mise en forme
par John Dewey et son learning by doing fondateur
d’une pédagogie du projet.
Nous pouvons donc considérer l’autonomie des élèves
comme une habile invention d’enseignants désireux de
faire faire spontanément aux élèves ce que les programmes ont déterminé, mais ne les appliquent-ils pas
Prochain dossier: La culture
( Résonances - Septembre 2002
eux-mêmes plus ou moins librement? Construction en
abîme, prescription manipulatrice, cette conception
chère à Henri Ford, qui concédait au client le choix de
la couleur de son véhicule pour peu que ce fût le noir,
a fait florès et il en va de même de l’autonomie des enseignants aujourd’hui ligotés par les référentiels de
compétences ou des établissements dont le projet balance entre mythe et réalité (Obin, 2001). Il s’agit d’inciter les uns et les autres à se soumettre des règles d’action construites personnellement ou socialement mais
dans un cadre défini extérieurement. L’étymologie, on
le voit, est trompeuse: l’objectif n’est pas de se donner
ses propres lois mais d’obéir à l’injonction paradoxale,
voire contradictoire, de l’école: apprends par toi-même
dans un espace qui a multiplié les contraintes!
La marge, le conflit et la connaissance
Ni Socrate, ni les pédagogues qui lui ont emboîté le
pas ne sont des tyrans. Le pari éducatif fournit la seule
issue de l’aporie: miser sur les degrés d’autonomie
pour entraîner les élèves sur les chemins de la liberté
(Sartre, 1945). Autrement dit, si l’erreur d’un enseignement uniquement transmissif réside dans sa confiance
abusivement placée dans la répétition, dans son système de motivation uniquement axé sur les récompenses
et les sanctions (Étienne, 1992, p. 15-31), celle de la pédagogie par objectifs n’est pas moindre dans la mesure
où elle n’envisage qu’une façon d’exécuter la tâche et
d’en tirer des programmes d’enseignement rigides et
source de décrochage scolaire, quand bien même elle
multiplie les techniques de remédiation.
Il n’est évident ni pour les élèves ni pour
leurs maîtres d’accéder à la liberté et
aux responsabilités qui l’accompagnent.
Pour apprendre, il faut pouvoir se tromper et ce droit à
l’erreur se transforme presque en devoir d’errance d’où
l’invention astucieuse du travail autonome: «En matière
d’éducation, l’autonomie consiste pour l’élève à se donner ses propres fins, ses propres méthodes et à apprendre à s’autoévaluer. Elle est susceptible de degrés et de
progrès, et engage à une redéfinition des tâches et des
rôles de l’enseignant quand elle est pratiquée dans le
19
Les limites du pédagogique, l’unicité du
sens et le choix d’éduquer par l’autorisation
En fait, il convient de poser le problème en termes de
construction réelle de compétences, d’acquisition de
connaissances et de capacité à se mouvoir dans une société complexe et contradictoire: elle prescrit l’autonomie comme mode opératoire mais reprend les rênes dès
que les effets du stratagème dépassent la prévision!
Tout enseignant apprécie que l’élève reste dans les
limites assignées et tout élève résiste à l’aventure qui
le ferait sortir de son
métier si précisément
analysé par Philippe
Perrenoud (1994). Nous
retrouvons ici l’ambiguïté fondamentale de
l’autonomie qui doit
être perçue comme un
moyen, une ruse, et
non comme une finalité. Car la finalité est
dans l’éducation, dans
le choix d’éduquer
(Meirieu, 1991): il n’est
évident ni pour les élèves ni pour leurs maîtres (compris comme
des magistri – qui en
savent plus – et non
Utiliser la co-construction
comme des domini –
comme moteur de l’action.
qui dominent) d’accéder à la liberté et aux responsabilités qui l’accompagnent. Cette dimension éthique risque d’être oubliée si
l’autonomie se résume à un simple dispositif didactique
colporté par des publications professionnelles modélisantes ou des formations stéréotypées.
(
Seules l’interaction, la médiation, la négociation et
l’inéluctable altération qui en résulte pour les uns
et pour les autres rendent possible l’éducation et
Pierre Madiot (2000) souligne que tout repose sur la
20
co-construction du sens de l’école mais aussi de la société: «Ainsi, il faudrait comprendre la notion d’autonomie
comme la possibilité de développer une démarche qui
mette en œuvre le liberté et la responsabilité d’enseignants qui s’adressent à des élèves libres et responsables
en droit et en puissance.» N’est-ce pas cela l’autorité des
maîtres, autoriser les élèves à s’autoriser (Cifali, 1994),
au sens premier de faire grandir? Bien sûr, il est plus
commode de reproduire des comportements issus de la
mémoire scolaire, de nier la mission émancipatrice de
l’école, l’enfermer dans ses murs et engendrer les phénomènes de violence et de répression que l’on connaît.
C’est ainsi que je propose d’affronter les conséquences
de l’autonomie des élèves, des enseignants et des établissements (Étienne, 2000b): fuir la prescription, ce qui
est plus facile à écrire qu’à faire, mais surtout situer
cette pratique dans un réseau qui utilise la co-construction comme moteur de l’action, donc faire le deuil de la
maîtrise et prendre des risques guidés par des valeurs
éducatives. Ce qui suppose des évolutions, voire des révolutions dans la formation des maîtres et celle de leurs
formateurs dès lors conçues et réalisées dans une logique d’alternance intégrative (Tozzi, 2001). Telle est la
suite de l’histoire que nous sommes tous invités à écrire: comment éduquer à la liberté par l’autonomie…
Références citées dans l’article
Cifali, M. (1994). Le lien éducatif: contre-jour psychanalytique. Paris: PUF.
Étienne, R., Baldy, A. et R., Benedetto, P. (1992, 5e édition en
2000). Le projet personnel de l’élève. Paris: Hachette.
Étienne, R. (2000a). Je ne veux plus être autonome, Cahiers
Pédagogiques, 384, 26-27.
Étienne, R. (2000b). Les réseaux d’établissements, enjeux à
venir. Paris:ESF.
Leslbaum, N. (1994). Article «autonomie», p.98. de Champy,
Ph., Étévé, Ch. Dictionnaire encyclopédique de l’éducation et
de la formation. Paris: Nathan Université.
Meirieu, Ph. (1991). Le choix d’éduquer. Paris: ESF.
Obin, J.-P. (2001). Le projet d’établissement en France: mythe
et réalité. Politiques d’éducation et de formation, n°1, p.9-27.
Bruxelles: De Boeck Université.
Perrenoud, Ph. (1994). Métier d’élève et sens du travail scolaire. Paris: ESF.
Sartre, J.-P. (1945). L’âge de raison, les chemins de la liberté.
Paris: NRF-Gallimard.
Tozzi, M., Étienne, R. (2001). Quelle identité professionnelle
pour notre métier? Montpellier: CNDP-CRDP, collection Documents, Actes et Rapports pour l’Éducation.
(
l’ auteur
cadre scolaire.» Cette définition de Nelly Leslbaum
(1994) place la barre très haut et respecte ce que l’on
sait de l’apprentissage qui ne peut procéder que par résolution d’un conflit entre un savoir ancien (ou, si vous
préférez, une représentation) inadéquat à la situation
rencontrée (situation problème ou projet à conduire) et
une nouvelle compétence à acquérir dans l’action. Il
faut donc de la marge pour que les sujets puissent se
déplacer individuellement (conflit cognitif) ou, mieux,
collectivement (socio-cognitif). Les enseignants ne peuvent donc pas ne pas faire reposer les apprentissages sur
une autonomie de plus en plus marquée des élèves et,
pour cela, pratiquer eux-mêmes l’autonomie dans des
actions prenant en compte le contexte même s’ils ne
perdent jamais de vue la mission qui leur est confiée.
Richard Étienne est maître de conférences en
sciences de l’éducation à l’Université Paul Valéry
Montpellier III et directeur de publication des
Cahiers pédagogiques.
Résonances - Septembre 2002
)
P our aller plus loin…
Marie-José Barbot, Giovanni
Camatarri. Autonomie et
apprentissage: innovation
dans la formation. Paris:
Presses universitaires de France,
1999, VII, 244 p. (Education et
formation. Pédagogie
théorique et critique) Cote
ORDP: IV-3-b BAR
Grenoble: CRDP de l’académie de Grenoble, 1999, 211 p. Cote
ORDP: IV-3-b BRU
Marie-Françoise Chesnais. Vers l’autonomie: l’accompagnement dans les apprentissages. Paris: Hachette Education, 1998,
207 p. (Questions d’éducation) Cote ORDP: IV-3-b CHE
Danièle Guilbert. Et si l’autorité, c’était la liberté?. Paris: La
Martinière, 2001, 215 p. Cote ORDP: IV-2-c GUI
Alain Guillotte, Thiébaud Lardier. 3 à 6 ans: l’enfant metteur
en scène de sa vie. Lyon: Chronique sociale, 1986, 62 p. Cote
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apprendre la socialisation. Lyon: Chronique sociale, 1987, 161
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(Humanités) Cote ORDP: II-3 LEL
T. Berry Brazelton. L’âge des
premiers pas: une déclaration d’indépendance. Paris:
Payot, 1985, 164 p. (Psychologie) Cote ORDP: IV-2-a BRA
Roger Brunot, Laurence
Grosjean. Apprendre
ensemble: pour une
pédagogie de l’autonomie.
Philippe Meirieu. Maria
Montessori: peut-on apprendre
à être autonome ?. S.l.: Pemf,
2001, 47 p. (L’éducation en
questions) Cote ORDP: IV-3-b MEI
Scott G. Paris, Linda R. Ayres.
Réfléchir et devenir:
apprendre en autonomie:
des outils pour l’enseignant et l’apprenant. Paris:
De Boeck Université, 2000, 212
p. (Animer sa classe). (primaire,
secondaire I, secondaire II)
Cote ORDP: IV-3-b PAR
Jean Ravestein. Autonomie
de l’élève et régulation du
système didactique. Bruxelles: De Boeck [et] Larcier, 1999,
138 p. (Perspectives en éducation) Cote ORDP: IV-3-b RAV
Pierre Vayer. Le principe
d’autonomie et l’éducation.
Paris: ESF, 1993, 174 p. (Science
de l’éducation) Cote ORDP: IV2-c VAY
Autonomie et conditionnement chez l’enfant et
l’adolescent. Bruxelles: Labor,
1986, 307 p. (Education 2000)
Cote ORDP: IV-2-c AUT
Marie Monthus. Apprendre
l’autonomie au [centre de
documentation et d’information] CDI. Paris: Hachette
éducation, 1997, 207 p. (Pédagogies
pour demain. Centre de ressources)
Cote ORDP: IV-5-0 MON
Pourvu qu’ils m’écoutent:
discipline et autorité dans la
classe. Le Perreux-sur-Marne:
CRDP de l’académie de Créteil,
1997, 214 p. (Champ pédagogique) Cote ORDP: IV-3-b POU
L’autonomie en citations
TIC et collaboration
Entre indépendance et interdépendance
Les technologies de l’information, de la communication
et de l’éducation ont mis en avant l’autonomie de
l’apprenant, parfois comprise comme la solitude de cet
apprenant et donc comme antinomique à sa socialisation
dans l’acte d’apprentissage. (…) Notre lecture met en
avant le fait que les nouvelles technologies sont (comme
l’était l’imprimerie) des technologies du partage du savoir.
Laurence Vincent-Durroux, Rachel Panckhurst et al.
Autoformation et autoévaluation: une pédagogie
renouvelée. Montpellier: METICE, 2001. (Texte d’Henri
Portine intitulé «Autonomie et collaboration: un couple
paradoxal»).
Si la notion d’indépendance est un élément constituant de
l’autonomie, l’interdépendance ne l’est pas moins. (…) Cette
dualité indépendance-interdépendance se retrouve également dans la définition proposée par Portine: «L’autonomie,
c’est construire un projet d’action et gérer la réalisation de
ce projet au sein d’une structure qui définit les contraintes
globales et apporte une aide lorsqu’elle est nécessaire».
Laurence Vincent-Durroux, Rachel Panckhurst et al.
Autoformation et autoévaluation: une pédagogie renouvelée. Montpellier: METICE, 2001.
(Texte de Françoise Blin intitulé «Mesurer l’autonomie des
apprenants: de la théorie à la pratique»).
( Résonances - Septembre 2002
21