L`image élitiste de Bordeaux dessert nos vins

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L`image élitiste de Bordeaux dessert nos vins
Date de publication : 27/02/2014
Support : 20 Minutes Bordeaux
Typologie : Presse Quotidienne Régionale Gratuite
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«L'image élitiste de Bordeaux dessert nos vins»
Stéphane Heraud, président de l'Union des Côtes de Bordeaux UNION DES CÔTES DE BORDEAUX
VITICULTURE - Stéphane Héraud, viticulteur à Blaye, est le nouveau président de l'Union
des Côtes de Bordeaux. Il défend les vins «accessibles» de son appellation...
La commission des affaires économiques du Sénat vient d’adopter un amendement reconnaissant que le vin fait
partie du patrimoine culturel français. Est-ce une bonne nouvelle pour vous?
Je suis très satisfait de la position de la commission, bien sûr. Maintenant, est-ce que cela va réellement permettre la
réhabilitation du vin au regard de la loi Evin? Je ne le pense pas. Nous ne pourrons pas revenir en arrière par rapport à
cette loi, mais j’espère que tout le travail mené actuellement, que ce soit par la société Vin et société, ou par les
députés de la Gironde, permettra de l’adapter. Nous, les viticulteurs, ne sommes pas contre la loi Evin, mais nous
souhaiterions une délimitation entre le vin et les autres alcools, car nous considérons que les problèmes d’alcoolisation
ne concernent pas le vin. Regardez ce qu’a fait le Québec: au lieu d’interdire, ils ont créé un programme,
«Educ’Alcool», qui apprend aux jeunes à mieux consommer. La France, premier producteur au monde, est le pays le
plus strict en matière de loi anti-alcool, ce qui nous amène à des aberrations. Nous n’avons même pas le droit de
montrer des viticulteurs dégustant du vin avec le sourire, alors que nous exportons ce type d’affiche!
Autre sujet d’actualité, un viticulteur «bio» de Bourgogne vient de comparaître devant la justice pour avoir
refusé de traiter ses ceps contre la flavescence dorée, une maladie qui touche aussi les vignobles bordelais.
Qu’en pensez-vous?
Je pense qu’il s’est fait un très joli buzz avec cette histoire! L’ensemble du vignoble français est confronté à cette
maladie depuis une quinzaine d’années, et la seule façon de la traiter, ce sont les insecticides. Et il existe des
insecticides bio, je ne vois donc pas où est le problème. Dans le Bordelais, ce traitement n’est obligatoire que dans les
communes où l’insecte a été repéré au préalable, cette solution est à ce jour la plus satisfaisante.
Mais vous ne croyez pas qu’il y a un problème avec l’utilisation de produits chimiques dans les vignobles?
C’est un sujet, qui ne concerne pas que la viticulture mais l’agriculture d’une manière générale. Il faut tout de même
prendre conscience que si on ne traite plus, on ne peut plus faire de vin. Pour plusieurs maladies, c’est la seule
solution qui existe. Et je ne connais pas de viticulteur qui traite pour le plaisir. Si on le fait, c’est que c’est nécessaire.
Depuis une quinzaine d’années, les choses se sont tout de même nettement améliorées: nous apprenons à mieux traiter
nos vignobles, et à utiliser les produits de manière plus ciblée. Ce que je ne supporte pas, c’est qu’on oppose les
«bios» aux autres, tout simplement parce que même les «bios» utilisent des produits, comme le cuivre,
potentiellement néfastes au terroir également… Cela dit, je n’ai absolument rien contre les « bios », moi-même
j’expérimente une parcelle sur ma coopérative, et au niveau de l’union des Côtes de Bordeaux, l’appellation Castillon
est exemplaire en la matière, avec 25% de viticulteurs bio.
Vous venez de prendre la présidence de l’Union des Côtes. Quels sont vos objectifs pour le mandat à venir?
C’est une appellation jeune puisqu’elle a été créée en 1999. Elle regroupe les vins de Castillon, de Blaye, de Francs et
de Cadillac, et je crois qu’il faut renforcer la cohésion entre ces quatre appellations. Il va falloir également développer
notre présence à l’export, qui a déjà doublé entre 2005 et 2013, pour atteindre désormais 20% de la commercialisation
de nos vins. Un de nos marchés les plus porteurs est la Chine, un pays qui commence à se tourner vers des vins
accessibles.
Vous serez présent au nouveau salon Vinipro, qui ouvre ses portes ce lundi à Bordeaux, qu’en attendez-vous?
C’est un salon qui manquait à Bordeaux, car il sera justement dédié aux appellations comme les nôtres, qui proposent
des vins entre 5 et 15€, dans le but de démocratiser les vins de Bordeaux. Bordeaux est certainement la marque la plus
connue au monde, mais elle continue de véhiculer cette image d’élitisme, voire aristocratique, ce qui ne correspond
pas du tout à la réalité. Les grands crus, c’est 3% du vignoble bordelais. Cette image nous dessert, et explique que l’on
ait du mal à percer le marché de l’hôtellerie-restauration, par exemple. Vinipro va s’adresser directement à cette
clientèle.