Le Consentement aux soins dans un cadre contraint
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Le Consentement aux soins dans un cadre contraint
sommaire Le Service de santé mentale dans une politique de santé mentale en Région wallonne 2 Christiane Bontemps Les Belges sont-ils en bonne santé ? 5 Les « projets thérapeutiques » : regard sur quelques enjeux 6 Refonder les pratiques sociales... Refonder les pratiques de santé 8 Sylvie Gérard Alain Weyers Thierry Wathelet et Vanni Della Giustina L’aide sous contrainte aux personnes sans-abri 12 Du silence et de l’oubli à la mémoire collective 13 L’accessibilité aux soins en santé mentale : 14 Sylvie Gérard Paul Jacques aux portes du colloque Christiane Bontemps et Virginie Olivier À lire, à découvrir 16 DOSSIER : le consentement aux soins dans un cadre contraint Préface - Christine Gosselin Mon histoire - Marc Lapouge Paroles d’usagers - Christine Gosselin Humaniser les soins sous contrainte. 17 18 20 22 Réflexions éthiques à partir de témoignages Jean-Michel Longneaux Réflexions d’un quidam - Patrick Nedergedaelt Quelle place pour la famille ? Point de vue multipartial d’une médiatrice en santé mentale sur le consentement au traitement - Patricia Wastrat Le consentement en psychiatrie à la lumière de la contrainte : Un tour d’Europe - Claude Louzoum Pour susciter un dialogue entre juristes et cliniciens 24 25 26 28 30 Christophe Adam Conjuguer contrainte et consentement 32 N. Demeter et coll. Pratiques et vécus des soignants autour de la problématique 34 du consentement dans le cadre de la Mise en observation et du Maintien - Christine Gosselin Une approche du traitement sous contrainte en Défense sociale 40 A. Claix, D. Macquet, M. Menghini La question du consentement chez l’enfant 42 L. Servais, E. Joiret, F. Turine À la rencontre de l’autre - André Lambert Le consentement dans le cadre de la thérapie contrainte 44 45 Michel Martin Le consentement en traitement forcé - Léon Cassiers Repères bibliographiques 46 48 1 Le Service de santé mentale dans une politique de santé mentale en Région wallonne Christiane Vienne, Ministre de la Santé de la Région wallonne nous a confié la mission de préparer les Assises des Services de santé mentale en Wallonie. Une large consultation des travailleurs et des pouvoirs organisateurs du secteur, de ses usagers et de ses partenaires s’organise dans cette perspective, via le site www.ecolloques.be, pour susciter le débat et en extraire des pistes concrètes sur les priorités politiques à soutenir en la matière dans la Région. Ce 2 mai, lors d’une conférence de presse, la Ministre lançait officiellement le projet dans les locaux-mêmes de l’Institut, l’occasion pour elle de témoigner, en outre, de la place qu’elle entend donner à notre association pour alimenter sa réflexion. Les e-colloques, un outil de consultation Pour contribuer à cette réflexion, chacun – professionnel, partenaire ou bénéficiaire – est invité à donner librement son avis sur la façon d’améliorer l’offre de soins dans la Région. Les e-colloques sont à leur disposition depuis le 1er mai et les Assises des Services de santé mentale, programmées pour le 12 septembre, permettront de faire le point. Christiane BONTEMPS - IWSM La santé mentale est un sujet particulièrement vaste. Elle ne se limite pas, loin de là, à la maladie mentale et les problèmes rencontrés sont nombreux. L’offre de soins se doit de tenir compte des multiples facettes de ces souffrances qui peuvent peser lourd dans la vie de ceux qui les vivent, de leur entourage et de la société toute entière. C’est pourquoi, la Ministre de tutelle du secteur a décidé de s’intéresser, cette année tout particulièrement, à la santé mentale. Le Service de santé mentale, un outil de santé publique dans la Région Grâce aux Services de santé mentale, la Région wallonne propose une offre diversifiée de soins. Le décret1 qui les régit a tout juste 10 ans ! Au quotidien, les services cherchent des réponses. Mais ils ne sont pas tout seuls. Leurs interventions viennent parfois compléter ou prendre le relais de celles d’autres acteurs, psychiatriques ou sociaux. Les problèmes qu’ils rencontrent évoluent, tout comme les ressources sur lesquelles ils peuvent s’appuyer. Par leur action, avec leurs partenaires, ils sont témoins d’un certain mal-être de la population. Leur travail au cœur Confluences n°13 mai 2006 / 2 de la cité les mettent aux premières loges pour accueillir les personnes en souffrance. Ce rôle qu’ils sont amenés à jouer nécessite un peu de recul et de réflexion sur leurs interventions, ses réalités, ses écueils, les difficultés rencontrées et les réajustements possibles pour améliorer leur mission de service au public. La Ministre les soutient dans cette perspective, pour en faire œuvre utile dans une réflexion politique. « Il faut intégrer les Services de santé mentale dans une réflexion globale pour aboutir à une redéfinition des missions et des rôles du champ de la santé mentale en Région wallonne » a-t-elle confié à la presse. Il ne s’agira pas de révolutionner le secteur ni de chambouler tous les repères mais bien de faire évoluer les pratiques de façon à prendre en compte l’évolution de ces dix dernières années en Wallonie. « Le territoire est une donnée importante » nous dit-elle. « L’articulation avec le fédéral est indispensable. Le principe est d’améliorer la situation sur un territoire donné, compte tenu de ce qui se construit par ailleurs, comme les expériences pilotes de travail en réseau menées au niveau fédéral, ou la redéfinition des métiers de la santé mentale actuellement sur la table du législateur ». Un e-colloque, c’est un colloque sur internet. « Internet est un outil de communication efficace qui favorise une expression spontanée, plus décomplexée, qui permet d’aller plus loin dans la réflexion qu’un colloque classique » nous explique Madame Vienne. Dans une Wallonie résolument moderne, les e-colloques proposent à tous ceux qui se sentent concernés par la réflexion d’y participer. Il suffit de se connecter, de surfer sur le site, de lire ce que d’autres ont déposé et/ou de réagir. Pas besoin de se déplacer… Pas besoin de bousculer son agenda, son horaire ou son organisation, … Pas besoin de prendre des notes… Chacun prend connaissance des interventions des autres, intervient quand il le souhaite, seul ou en équipe, pose une question ou apporte une contribution…. Et l’Institut Wallon pour la Santé Mentale suit les réactions au jour le jour. Il relance les questions et recadre le débat si nécessaire. C’est aussi lui qui répond à « tout ce que vous avez voulu savoir sur les e-colloques sans oser le demander… ». « Reste à faire le pari, » comme le souligne Jean Marie Kreuch2, responsable d’un des Services de santé mentale de l’AIGS3 dans la Région liégeoise, « que les équipes vont pouvoir entendre cette proposition de participation. Gageons qu’elles vont développer une réflexion interne sur : « qu’est-ce que la santé mentale ? Confluences n°13 mai 2006 / 3 Comment l’envisageons-nous ? » L’e-colloque est une occasion unique pour les services de s’exprimer. Les questions posées rencontrent en partie leurs préoccupations ». Reste aussi à parier sur les résultats. Interpellée par les journalistes, la Ministre s’est expliquée sur le choix de l’outil « e-colloque » pour atteindre son objectif. Il est vrai que l’expérience est encore nouvelle et une 1ère utilisation de l’outil par le Cabinet de Madame Vienne en 2005 permet d’être optimiste pour une 1ère approche du sujet. Des réflexions ont été déposées, elles ont été lues et elles sont exploitées. Il faut savoir que l’anonymat est garanti pour ceux qui le souhaitent et que des portes sont ouvertes pour permettre la participation de ceux qui n’ont pas accès à Internet4. Par rapport à la charte sociale travaillée lors des e-colloques 2005, la santé mentale est un sujet pointu et sensible qui ne manquera pas de susciter des réactions. C’est en tout cas ce qui est attendu… et nous y travaillons ensemble. Des pistes parmi d’autres… Une articulation entre l’action sociale et la santé mentale semble incontournable. Il y a aujourd’hui une prise de conscience réciproque de l’imbrication des deux secteurs. « Mais, précise la Ministre, en santé mentale, la porte d’entrée, c’est la souffrance des gens. Et je ne veux pas qu’on psychologise des problématiques sociales. Ce n’est pas - par exemple - parce qu’une personne se sent mal dans sa peau qu’elle ne trouve pas de travail ». Pour faire face à ces recouvrements, la Ministre prône avant tout les collaborations. « Je ne veux pas de moitié de psy un peu partout ; mais des articulations entre services qui interviennent, chacun, selon leurs compétences ». « Le développement de ces articulations et, par là, de nouvelles pratiques au sein des services, amène de « nouveaux types d’usagers » qui ne s’adressaient pas aux SSM5 auparavant… Confluences n°13 mai 2006 / 4 Les équipes sont alors, comme le souligne Jean-Marie Kreuch, confrontées à un problème de volume de travail… ». Pour la Ministre Vienne, il faut effectivement s’arrêter sur cette difficulté. « Je n’ai pas l’impression qu’il y a un manque de professionnels » souligne-t-elle toutefois. « Ce qui manque, c’est un lien entre les différents services pour assurer le suivi du patient. Le problème, c’est que les services ne se parlent pas assez, ne se connaissent pas… et les relais sont difficiles. Au sortir des services d’urgences, par exemple, il n’y a pas toujours de suivi… Vu la complexité des situations pourtant, souvent, un seul service ne suffit pas. » Sa solution ? « J’ai envisagé » nous dit-elle « de financer des organes de coordination entre services pour faciliter ce suivi. Il faut toutefois être attentif au respect de la vie privée des patients. Ma difficulté aujourd’hui, c’est l’objectivation des besoins. Nous ne sommes pas suffisamment loin pour pouvoir avancer concrètement » dira-t-elle. L’e-colloque devrait permettre de faire un 1er pas dans ce sens… évoluer en fonction des besoins. Il s’agit de se poser les questions de fond. L’IWSM est un organe de conseil et un outil efficace de relais avec le terrain ». Un nouveau défi pour l’Institut… qui cherche justement à asseoir ses perspectives dans un cadre officiel, reconnu et soutenu, de manière à pérenniser son action en santé mentale. Toute la gageure sera d’articuler le dynamisme des forces vives trans-sectorielles et la richesse des réflexions plurielles, issus de la volonté de transversalité des acteurs et des secteurs rassemblés au sein de l’Institut, au bénéfice d’une politique concertée de santé mentale en Wallonie qui tient compte des outils mis en place par la Région. Le débat est ouvert ! A suivre… 1 Décret (Moniteur Belge du 23/05/1996). 2 Chef « Cela suppose un élargissement du rôle de l’Institut, qui se voit ici confier une mission très concrète de collecte des interventions du terrain pour me permettre d’arriver à une évaluation de la situation que je compte faire Association Inter-régionale de Guidance et de Santé. des formulaires papiers, disponibles dans les Services de santé mentale. 5 SSM Madame Vienne a précisé qu’elle attendait des pistes très concrètes de cette vaste consultation. Et pour y arriver, elle compte bien sur l’Institut Wallon pour la Santé Mentale. « Je me pose des questions pour lesquelles j’attends des réponses » affirme-t-elle « et je compte sur l’IWSM pour disposer des éléments pour orienter ma politique ». Parmi les questions soulevées, il y a notamment celle de l’articulation entre missions généralistes et missions spécifiques, celle de la place des SSM dans l’offre de soins, celle des groupes cibles, celle des modes d’interventions à soutenir, etc. de service du Service de santé mentale de Visé. 3 AIGS : 4 Via Et l’Institut dans tout cela… ? du 4 avril 1996 organisant l’agrément et le subventionnement des Services de santé mentale : Service de santé mentale. Pour faire le point et donner votre avis : - Participez activement à la réflexion sur www.ecolloques.be du 1er mai au 30 juin 2006, ou via les formulaires « papier », disponibles dans les SSM. - Inscrivez-vous aux Assises des Services de santé mentale, programmées le 12 septembre 2006 de 13 à 18h à l’Arsenal à Namur. Au programme : 1ère synthèse des e-colloques / échanges sur les résultats en ateliers thématiques / perspectives. Infos : IWSM : Vincent Gérard (modérateur) [email protected] - 081/23.50.15 Les belges sont-ils en bonne santé ? Un belge sur quatre se dit insatisfait de sa santé. C’est ce qui ressort de l’enquête santé réalisée en 2004 par l’Institut scientifique de santé publique6. Globalement, l’état sanitaire du pays ne s’est ni amélioré ni détérioré par rapport aux bilans dressés en 1997 et 2001. C’est vrai aussi en matière de santé mentale. En revanche, la consommation de médicaments psychotropes n’a cessé d’augmenter et pourrait faire l’objet d’actions plus ciblées de la part du gouvernement. Sylvie GERARD IWSM Différents types de mal-être Le recours aux soins En Belgique, une personne sur quatre, âgée de 15 ans et plus, présente un « mal-être » psychologique au moment de l’enquête et un peu plus de la moitié d’entre elles (13%) pourrait manifester une affection mentale assez sérieuse. La répartition par types de troubles montre que 8% de la population connaissent des troubles dépressifs, 8% se plaignent de symptômes somatiques, 6% manifestent des symptômes anxieux et 1 personne sur 5 signale des troubles du sommeil. En outre, 6% des individus rapportent avoir souffert d’une dépression sérieuse dans l’année qui a précédé l’enquête. Le médecin généraliste reste pour beaucoup le premier référent. En moyenne, 60% des belges le consultent pour un problème de santé mentale (avec des différences sensibles selon les régions puisque les wallons sont, dans ce cas, 70% à consulter un médecin généraliste ; les flamands, 55% et les bruxellois, 43%). 36% des individus consultent un spécialiste, 19% ont suivi une psychothérapie et 84% ont pris des médicaments pour se soigner. L’enquête stipule par ailleurs qu’une personne sur dix ne serait pas prise en charge pour sa dépression. Y a-t-il un public plus fragilisé ? Ces chiffres sont dans la même lignée que ceux rapportés au niveau européen : 27% des adultes de l’Union connaissent au moins une forme de mauvaise santé mentale au cours d’une année donnée et les troubles les plus fréquents sont les troubles anxieux et la dépression. A noter aussi que la Belgique se place dans le peloton des 10 pays de l’Union les plus touchés par le suicide (12% de la population ont déjà sérieusement pensé à se suicider. 4% ont posé un geste en ce sens). Si l’indicateur de « mal-être » psychologique global touche toutes les couches de la population, les problèmes spécifiques de santé mentale tendent à se concentrer chez les personnes les plus défavorisées. Les femmes et les personnes peu scolarisées sont également plus sensibles. Les hommes, en revanche, sont plus souvent victimes de suicides. Excepté les troubles anxieux et du sommeil, tous les indicateurs de santé mentale se présentent sous un profil plus favorable en Flandre. Succès des psychotropes Si le bilan de santé mentale des belges est stationnaire depuis une dizaine d’années8, on constate en revanche que le recours à un professionnel de la santé et la consommation de médicaments sont plus importants qu’en 2001. 15% de la population âgée de plus de 15 ans (18% en Wallonie) ont consommé des médicaments psychotropes dans les deux semaines qui ont précédé l’enquête. Ce sont les aînés qui en consomment le plus. A partir de 75 ans, quasiment 1 femme sur 2 ! Vers une politique plus ciblée Si l’enquête est limitée par l’absence de mesures diagnostiques, les résultats semblent proches de ceux rapportés dans des enquêtes épidémiologiques en santé mentale. La plus-value de cette recherche est de pouvoir croiser ces données à d’autres indicateurs (style de vie, consommation de soins, incapacité physique de longue durée, …) et de pouvoir identifier des sous-groupes de populations plus à risque vers lesquelles les actions préventives et de soutien devraient, à l’avenir, s’orienter. 6 12.945 personnes ont été interrogées à domicile en 2004. L’enquête peut être consultée sur le site : www.iph.fgov.be/epidemio 7 L’enquête pointe des dispositions psychologiques généralement moins favorables pour le groupe d’âge des L’âge ne serait pas non plus sans influence. Le mal-être psychologique, par exemple, est plus fréquent chez les jeunes alors que les troubles dépressifs, somatiques et du sommeil sont plus nombreux en vieillissant7. 35-44 ans surtout au regard des affections plus sévères. C’est à partir de 45 ans environ que les troubles du sommeil sont les plus marqués. 8 Si l’on se rapporte aux deux précédentes enquêtes menées en 1997 et 2001. Confluences n°13 mai 2006 / 5 Les « projets thérapeutiques » : regard sur quelques enjeux Les « Projets thérapeutiques » lancés par le Ministre Demotte et les suites qu’ils engagent sous la forme d’une concertation transversale destinée à dégager des directives en matière de bonnes pratiques méritent l’attention à plus d’un titre. S’ils sonnent officiellement le glas de l’hospitalocentrisme, c’est qu’ils promeuvent aussi un nouveau paradigme d’intervention en santé mentale dont les implications mériteraient une analyse critique. Il ne sera question dans les lignes qui suivent que de mettre en évidence le paradoxe dont s’entoure le repositionnement du champ hospitalier psychiatrique et le problème de fond dont il est porteur. l’asile et son successeur hospitalier psychiatrique ne doivent plus être au centre du dispositif de soins. Sur le plan « modélique » ou « idéologique », il y a belle lurette qu’ils ne l’étaient plus. Ils ne le seront plus, pratiquement. Et, faut-il relever, ce renversement vaut, au premier chef, pour les pathologies que leur « lourdeur » prédestinait en somme à une prise en charge « complète ». Alain WEYERS Directeur Général C.H.P. « Chêne aux Haies » Les positions vaille que vaille maintenues pendant les deux dernières décennies par le monde hospitalier, malgré les réformes successives qui ont amputé ses capacités d’accueil d’une patientèle plus ou moins stabilisée (réformes de 1990, avec la création des « Maisons de soins psychiatriques » et l’impulsion nouvelle donnée aux « Habitations protégées »), sont maintenant attaquées de front. Puisque c’est le cœur même de son métier qui est mis en question. Le secteur, apparemment, ne s’y trompe pas, qui réserve aux « Projets Demotte » un intérêt éminent, à en juger par la multitude des groupes de travail, des comités divers, … qui en font l’objet de leurs réunions. Le plus souvent cantonnées à des considérations pratico-pratiques, ces rencontres, toutefois, ne paraissent guère soucieuses de prendre la juste mesure de l’événement ou d’en dégager les enjeux, même si elles enregistrent qu’il y va, dans cette « expérimentation des conditions de travail en réseaux et circuits de soins » (puisque telle en est dorénavant l’appellation officielle), d’un certain avenir du secteur. A la clé, en effet, ce sont des normes d’agrément qui sont en gestation. Ce paradoxe d’un intérêt soutenu mais pour ainsi dire périphérique renvoie sans doute à l’impuissance structurelle de la santé mentale francophone à se faire l’inspiratrice des politiques publiques. Car les « Projets Demotte », à l’évidence, incarnent une politique dont les effets sont mal mesurés du côté francophone, alors qu’ils le sont, côté néerlandophone. Confluences n°13 mai 2006 / 6 Ce n’est pas un hasard, en effet, si le banc psychiatrique de nos concitoyens du Nord, au sein du Conseil National des Etablissements Hospitaliers (CNEH), par le biais de sa Fédération hospitalière la plus puissante, promeut, dans la foulée même de l’initiative du Ministre, une application de l’article 97ter de la Loi sur les hôpitaux. Soit, pour faire bref, la possibilité pour les hôpitaux psychiatriques de consacrer 10% de leur budget à une amplification de l’expérimentation précitée. La conjonction ainsi nouée appelle un constat évident. Les « Projets Demotte » modélisent ce qu’il faut bien nommer une prise en charge hospitalo-décentrée des pathologies complexes et de longue durée. Il n’est que de suivre la lettre de la circulaire qui va en officialiser le lancement pour constater que l’hospitalisation n’y a plus statut que de pis-aller, voire de marque même d’échec : quand tout le reste a échoué … L’événement mérite mention. La révolution copernicienne, dès longtemps opérée dans les esprits, devient le point d’appui de la nouvelle politique. Du fait de puissantes forces socio-historiques dont l’inventaire peut être dressé, outre des raisons économiques, Mais l’affaire, évidemment, n’en reste pas au seul plan de la substitution des modèles, même si la rupture qui s’y marque, par sa netteté, traduit l’aboutissement d’une phase séculaire, un point de non-retour : les signes précurseurs, ces dernières années, du « référent hospitalier » et de « la prise en charge psychiatrique au domicile » traduisent la constance de l’inspiration. Car les réalités institutionnelles (et donc aussi financières) ne s’évanouissent pas sous prétexte que le ciel des idées a vu apparaître la nouvelle constellation du « réseau ». Si, dans sa forme classique, l’hôpital psychiatrique est voué à un rôle de plus en plus marginal - alors même que des expériences similaires menées à l’étranger ont démontré qu’une réduction trop drastique de la capacité est contre-productive -, il lui reste donc l’échappatoire de la mue. Tel est le sens de l’article 97ter. Au départ des moyens et des Fabian Pinsart, CFR Club A. Baiilon qu’emporte comme son ombre le changement de paradigme instauré par les « Projets Demotte » et leurs suites. équipes dont il dispose, il est encouragé, pour ne pas dire contraint, à faire autre chose que de l’hospitalisation ! La métamorphose est la clé de sa survie. Si l’hôpital connaît, ainsi, une crise identitaire fondamentale, la porte de sortie que lui dessine l’article 97ter lui offre une possibilité de rebond inattendu. Condamné à restreindre son périmètre d’activités, il est « invité » à aller voir ailleurs, « dehors ». C’est une autre option politique qui se trouve, là, mise en œuvre et dont les effets sont, en Les raisons qui commandent un tel montage paradoxal sont multiples. Il en est deux au moins dont la portée ne peut être sous-estimée. La première a trait à la complexité de l’échafaudage institutionnel du pays. Comment, dans le contexte présent, imaginer des transferts de moyens entre les niveaux de pouvoir … sans s’inscrire dans le scénario, redouté, d’une scission de la sécurité sociale ? Quant à la seconde, elle concerne la prise en compte de la « casse sociale » (suppression d’emplois, …) qui accompagnerait tout transfert important de ressources, quand bien même, à d’autres niveaux, des embauches compensatrices verraient le jour. quelque sorte, antagonistes à celle de la marginalisation du modèle hospitalier comme paradigme de la pratique. Car la conclusion n’est pas - encore - tirée que ce déclin « idéologique » doit s’accompagner d’un transfert des moyens vers les secteurs dont les pratiques se coulent dans les nouvelles normes d’une prise en charge dans le milieu de vie du patient, axée sur la réintégration sociale, … Sur le plan des ressources se met en place, non un transfert intersectoriel, mais un recyclage intra-sectoriel. A partir de cette esquisse, chacun, selon son inclination et son appartenance, ne manquera pas de se représenter le futur. Certains traits en sont déjà tracés par la logique paradoxale que j’ai cherché à mettre en évidence. Mais le dessin est loin d’être achevé. Elle est déjà présente, sous une forme encore masquée, dans l’article 97ter. Elle ne manquera pas de se formuler de manière de plus en plus ouverte, à mesure que prendront consistance les nouvelles pratiques intersectorielles, quand, immanquablement, réponse devra être apportée au problème des ressources à allouer aux différents partenaires du réseau. Car la situation d’aujourd’hui, expérimentale, ne pourra durablement prévaloir, où la rhétorique des partenaires égaux fait injure à leur réalité profondément inégalitaire. Ici aussi, encore et toujours, se marque l’insigne absence d’une réflexion projective francophone, à rebours des scénarios élaborés qui sont en discussion sur la place publique en Flandre. Sans doute les néerlandophones ont-ils été sensibilisés à se saisir de l’affaire par sa dimension en quelque sorte communautaire, via le transfert de compétences et de ressources fédérales vers les autres niveaux de pouvoir. Thème familier de leurs revendications. Et ce croisement de la problématique avec cette dimension plus proprement politicienne n’en simplifiera pas le traitement. Qu’importe au fond, si, dans tous les cas de figure - maintien du périmètre des compétences fédérales ou extension des pouvoirs communautaire et régional -, la question mérite, toutes affaires cessantes, de mobiliser nos esprits. A bon entendeur, salut ! La tâche, en effet, est immense puisqu’elle concerne au dernier chef la réallocation intersectorielle des ressources du champ de la santé mentale. Voilà la question fondamentale Confluences n°13 mai 2006 / 7 Refonder les pratiques sociales... ... Refonder les pratiques de santé Parce que nous, travailleurs des maisons médicales et d’autres horizons, pensons qu’un autre monde est possible ; Parce que nous rêvons d’une société solidaire et équitable, d’une économie redistributrice, d’un vivre ensemble de qualité ; Parce que nous faisons le constat que les forces qui traversent la société (néolibéralisme, privatisation, marchandisation) ne lui permettent pas de relever les défis de justice sociale, de démocratie politique, de pluralisme culturel ; Parce que nous, travailleurs des maisons médicales et travailleurs d’autres secteurs du psychosocial, sommes « là où ça se passe » au carrefour entre le système social et de santé et le vécu des individus et leurs communautés ; Parce que nous pointons les limites et les risques d’une pratique qui enfermerait les souffrances sociales dans la médicalisation, dans la psychologisation ou l’assistance sociale ; Nous avons voulu ré-interroger nos pratiques, en questionner le sens et les ré-ancrer dans un terreau revivifié, dans des références et des valeurs revisitées. Préparé de longue date, le congrès9 organisé par la Fédération des Maisons médicales10 pour marquer son 25ème anniversaire avait pour thème : « Refonder les pratiques sociales, refonder les pratiques de santé ». Une démarche amorcée en partenariat avec des représentants de l’ensemble du monde associatif. Une étape dans un projet plus large de réflexion pour un changement social. Décliner la santé selon quatre orientations majeures : Promotion / solidarité / citoyenneté / formation Vue d’ensemble des quatre perspectives d’analyse, proposées lors du congrès, pour servir de référence à la construction de projets concrets. Perspectives à partager… Thierry WATHELET11 et la Fédération des Maisons médicales, De la promotion de la santé à la loi santé12 Quel défi pour la promotion de la santé ? Poser cette question, c’est inévitablement s’interroger Confluences n°13 mai 2006 / 8 sur les déterminants de la santé et plus encore évaluer l’ampleur de leurs impacts et le poids de leurs interactions. C’est ainsi que parallèlement aux facteurs intra-individuels, intra-personnels que sont les dispositions biologiques ou psychologiques, on voit aussi et surtout apparaître des facteurs environnementaux qu’ils soient sociaux, physiques ou économiques. A ces deux groupes de déterminants viennent se surajouter tous les facteurs qui font lien entre ces deux catégories c’est-à-dire ceux qui se situent à l’interface entre facteurs individuels et environnementaux. Selon certaines études, l’impact spécifique de la mise en place de systèmes de soins sur l’espérance de vie resterait limité, compte tenu du poids des facteurs sociaux et économiques, particulièrement pesant dans la sphère sanitaire. Quel travail pouvons-nous faire vis-à-vis de ces co-déterminants de la santé ? Une piste essentielle sera le « réseau ». Nous ne pouvons plus travailler seuls. Nous sommes nécessairement en lien avec les autres secteurs et constamment dans l’obligation de nous poser la question du comment mieux travailler avec eux. Et la mondialisation complexifie encore davantage la situation. Pour l’OMS, elle représente un défi majeur de santé publique dont on perçoit déjà les impacts sur la santé. Nous devons nous interroger sur les conséquences de cette mondialisation dans la gestion des systèmes de santé et dans nos définitions de politiques de santé. Comment pouvons-nous en contrôler, en prévenir ou en diminuer les conséquences négatives sur la santé des populations ? Une des pistes possibles serait ici le développement d’une « loi santé ». Celle-ci aurait le souci de rendre plus transparent l’impact de politiques et d’actions, quelles qu’elles soient, sanitaires ou non, sur la santé. De la sécurité sociale à la socialisation13 La solidarité, la dignité et la justice sociale sont les valeurs qui fondent notre système de sécurité sociale. La solidarité, c’est la responsabilité collective que nous avons les uns vis à vis des autres. La sécurité sociale postule en effet que nous soyons à la fois contributeurs et bénéficiaires ou, en tout cas, en capacité de l’être. La dignité postule que nous sommes tous des semblables malgré les inégalités, dans le sens où nous sommes tous des êtres humains qui doivent être traités comme sujets et non pas comme objets. Permettre à chacun de vivre dans la dignité ne peut se faire que dans un contexte de justice sociale. La définition de ce concept et la définition de ce qu’est une société juste varie évidemment selon les conceptions, les pays et l’histoire. Cette exigence de justice sociale va toutefois de pair avec celle de réduire les inégalités : inégalités de chances d’une part, mais aussi inégalités des résultats ou inégalités dans les parcours. Dans notre système de sécurité sociale, la justice sociale va au-delà de la simple ambition de réduire l’inégalité des chances ; elle vise à limiter des écarts entre les niveaux de vie et ne se limite pas à octroyer des revenus minimaux de base. La crise de la sécurité sociale ou – tout au moins – le débat en cours est lié à la crise de ces valeurs. Elle peut prendre trois dimensions : la crise financière, la crise d’efficacité et la crise de légitimité. Du point de vue financier, si la dynamique propre aux dépenses est bien connue (vieillissement, développement technologique, médicalisation du social…), la dynamique des recettes est quant à elle mise sous contrainte. Ce décalage a progressivement amené, depuis les années 80, une inversion dans notre politique. Avant, on considérait que les dépenses étaient légitimes et qu’il fallait y adapter les recettes. Maintenant, on fait l’inverse. Mais quand on adapte les dépenses aux recettes, on introduit nécessairement des mécanismes de sélectivité et on développe la privatisation. Par ce fait même, on réintroduit les notions de nécessiteux et de capacitaires. Or, les exigences de dignité et de justice sociale visent à considérer les individus soit comme n’étant ni l’un ni l’autre, soit comme étant les deux à la fois. D’où crise des valeurs ! Du point de vue de l’efficacité, la crise se révèle lorsqu’on pose la question des indicateurs de pauvreté, de sécurité d’existence et de taux d’emploi. Pour ce qui est des deux premiers, même si plus de 35 % de la population vit dans un système de sécurité d’existence grâce à la sécurité sociale, on sait bien que depuis des années le taux de pauvreté a plutôt tendance à augmenter. Donc, on a de bons résultats si on se compare à d’autres systèmes mais la situation n’évolue pas favorablement. Pour ce qui est de l’emploi, on se trouve dans la même situation. En effet, si on considère que l’emploi est une forme, et même la forme centrale, de participation citoyenne, alors on peut considérer que notre système de sécurité sociale, voire notre système social au sens large, subit une crise d’efficacité puisque les taux sont insuffisants. Parmi les différentes pistes de réflexions possibles, deux propositions se dégagent : la première, c’est la réhabilitation des prélèvements obligatoires. Il faut arrêter de ne voir les cotisations sociales que comme des charges sociales et les impôts comme de l’argent perdu. La sécurité sociale correspond à des prélèvements et à une redistribution. Et les frais d’administration de l’ensemble du système de sécurité sociale sont relativement peu importants par rapport à d’autres systèmes de protection sociale, particulièrement les systèmes de protection privée. La seconde porte sur le travail de socialisation à poursuivre pour ancrer, dans les consciences individuelles et collectives, l’importance de la sécurité sociale et ses valeurs fondamentales. Il y a là un important travail à mener, dans l’éducation permanente, dans la socialisation auprès des enfants,… De la place de l’usager à la citoyenneté active 14 L’enjeu consiste ici à permettre à l’usager de passer d’une citoyenneté relativement passive à une citoyenneté active. Pour cela, il lui faudra passer par cinq étapes. de la dépendance à l’autonomie Le patient est dépendant du prestataire de soins, de ses savoirs médicaux et des équipements dont il dispose. Le professionnel est invité à réduire cette dépendance, à amener le patient à se soigner lui-même. Mais l’autonomie que l’usager peut acquérir est relative car il restera toujours des maladies que seul le médecin peut diagnostiquer et que le patient ne peut soigner seul. de l’autonomie à la critique Devenu relativement autonome, le patient peut plus facilement critiquer le soignant quant à la qualité de son travail. L’usager autonome devient critique. Pour que sa critique soit pertinente, il doit acquérir des savoirs non seulement sur son corps et sur l’environnement mais aussi sur l’exercice de la médecine. Une partie de ses savoirs sur le métier de l’autre lui vient de son expérience de soigné. la militance Celle-ci consiste pour les usagers à se liguer pour faire pression sur l’institution de soins. Des dispositifs sont prévus par la loi pour accueillir cette volonté d’ouverture : les médiateurs et les conseils d’usagers dans les institutions de soins. Mais, dans la pratique, ces dispositifs statutaires sont peu habités : manque de disponibilité et de militants chez les usagers et une difficulté à partager le pouvoir dans le chef des directions d’établissements. de la militance locale à la politique sectorielle Les usagers peuvent étendre leurs questionnements sur l’établissement sanitaire à la politique de santé en fédérant leurs organisations locales. Il existe une ligue des usagers des services de santé et les mutuelles dépassent progressivement leur rôle de répartition financière pour prendre en charge, dans la négociation de la politique de santé, les besoins qualitatifs des usagers. Le problème pour cette quatrième étape est d’accroître la participation des usagers dans les institutions et d’étendre leurs intérêts vers le sommet de la pyramide institutionnelle, c’est-à-dire dans un sens vertical. de la militance sectorielle à la citoyenneté active L’intérêt des usagers peut aussi s’étendre à l’horizontal, là où les conduit le souci de prévention, par exemple de la santé vers l’environnement. C’est de cette façon qu’ils Confluences n°13 mai 2006 / 9 pourront approcher d’une citoyenneté active qui demande que l’on s’intéresse à tous les problèmes de la société. Cependant, cet idéal est, dans une société complexe, pratiquement inaccessible à la majorité des individus. En effet, le temps qu’ils peuvent y consacrer est limité par les contraintes du travail et de la vie domestique autant que par une culture individualiste. Vouloir améliorer la santé par une autonomie et une participation accrue des patients, et cela de façon durable, implique de s’intéresser aussi à la qualité de l’enseignement. Au niveau local, il s’agit par exemple, d’inciter ceux qui participent au conseil d’usagers de Maisons médicales, à s’investir aussi dans les conseils de participation des écoles de leurs enfants. De la formation à l’éducation permanente15 La pratique des Maisons médicales confronte au quotidien les intervenants à l’intérêt de dépasser la division du travail hiérarchisée. Ce changement se construit au profit du développement de pratiques de coopération, à l’interne comme à l’extérieur, entre travailleurs, avec les usagers et la population. Ces orientations qui se dessinent dans un monde de plus en plus complexe amènent inévitablement à interroger la connaissance. Seul l’agencement de regards multidisciplinaires, interdisciplinaires, transdisciplinaires permettra de trouver des pistes utiles dans ce sens. Pour y contribuer, rien de tel que d’extraire les savoirs sociaux de l’expérience, d’émerger vers un programme de formation continuée, de croiser les savoirs et de construire une université ouverte, ouverte à elle-même, ouverte à la Société. C’est là que se situe l’objectif d’éducation permanente, traduit notamment dans l’université d’été comme plate-forme de formation et d’échange intersectoriel. C’est un volet primordial. La santé ne pourra se penser et se travailler sans un décloisonnement des pratiques, des lieux d’interventions (hors champ de la santé) et des intervenants. Confluences n°13 mai 2006 / 10 Les maisons médicales16 Le concept de « Centre de santé intégrée » (plus connu chez nous sous l’appellation de Maison médicale) a émergé à la fin des années 60 dans un contexte socio-économique favorable et propice, en matière de santé, au développement de la science, de la technique et aux pratiques médicales hospitalières centrées sur le diagnostic et le traitement des maladies. Face à cette évolution, la nécessité s’imposait aux yeux de quelques-uns de proposer une pratique plus proche de la population, assurant une continuité des soins, abordant chaque individu dans sa globalité et intégrant l’information, la prévention et les soins dans une perspective de promotion de la santé. C’est dans cette dynamique que les maisons médicales se sont implantées dans le tissu local de façon à être à l’écoute de leur public pour travailler ensemble, usagers et professionnels, dans et avec la collectivité, au développement de la santé. Telle qu’ils la soutiennent, la santé est perçue comme un processus dynamique global. Elle concerne à la fois le bien-être physique, affectif, relationnel et social et suppose donc la nécessité de travailler en équipe pluridisciplinaire. Les maisons médicales emploient aujourd’hui 900 personnes dont 300 médecins et 600 infirmiers, kinés et psychologues. A ce jour, la Fédération des Maisons médicales regroupe 71 maisons médicales et soigne un peu plus de 220 000 patients (3,4% de la population en Communauté française). Les maisons médicales prennent en charge une population plutôt jeune, et plus pauvre que la moyenne nationale en raison sans doute de la participation aux frais ( à l’acte ou au forfait) particulièrement démocratique mais aussi de sa localisation (en milieu urbain notamment dans les quartiers plus défavorisés). La qualité des soins, pour chacun, selon ses besoins et quels que soit ses moyens ; l’autonomie de la personne, la solidarité et la convivialité sont toujours, les points d’ancrage de leur action. FMM - Fédération des Maisons médicales Boulevard du Midi, 25 boîte 5 -1000 Bruxelles www.maisonmedicale.org 16 Pour en savoir plus, il est possible de consulter la brochure : « Les Associations de santé intégrée en Région wallonne : un axe de la politique de soins de santé de proximité », Au terme du colloque, la Fédération des Maisons médicales propose : 9 « Refonder les pratiques sociales, refonder les pratiques de 1. De défendre la solidarité et de participer à une Plate-forme sur la sécurité sociale ; 2. De faire converger des initiatives qui mobilisent les compétences des citoyens ; 3. D’agir sur tous les déterminants pour promouvoir la santé ; 4. De mettre en place une université ouverte des savoirs sociaux en santé ; 10 Voir santé », Congrès de la Fédération des Maisons médicales, Louvain-la-Neuve, les 3 et 4 février 2006. 11 encadré. Thierry Wathelet est médecin généraliste à la Maison médicale “Espace Santé” à Ottignies et psychothérapeute familial. Il est Secrétaire-adjoint de la FMM et Administrateur à l’IWSM. 12 A partir de l’intervention de Jeanine Pommier, Ecole nationale de santé publique de Rennes. 13 A partir de l’intervention de Pierre Reman, économiste, directeur de la FOPES. C’est sur ces pistes qu’elle a décidé de se mobiliser. Elle souhaite s’inscrire dans le grand mouvement de tous ceux et celles qui sont déjà ou seront en marche. Elle invite ses partenaires à se joindre à elle…. car on n’est jamais trop nombreux pour dire qu’un autre monde est possible mais aussi et surtout pour faire qu’il le soit. 14 A partir de l’intervention de Eugène Mommen, auteur de « Qualité publique et Critique civile : Debout les usagers ! ». 15 A partir de l’intervention de Luc Carton, philosophe. Le manteau de Saint Martin Vanni DELLA GIUSTINA Psychologue en Maison Médicale « Si le social m’est supportable, c’est parce que j’ai gardé la capacité de m’indigner ! » P. Bourdieu J’ai eu le plaisir d’animer cet atelier. Il fut introduit par Manu Gonçalves et Léandre Nshimirimana qui travaillent tous deux dans un Centre de Santé Mentale. Il s’agissait d’ouvrir une parole sur la souffrance soignante suscitée par la confrontation permanente à la détresse sociale : Quelle est la place des sentiments personnels ? De la compassion ? De l’exaspération ? Du fantasme de toute-puissance ? De rédemption ? Qu’en estil des ambitions personnelles ? Qu’est-ce que le professionnalisme face à des situations de détresse ? Faut-il travailler avec son âme ? Quels sont les dangers qui menacent la santé mentale de l’intervenant ? Comment préserver son identité ? Quelles ressources pour assumer les limites de l’aidem? Le militantisme en est-il une ? A propos de militantisme, on nous raconta la vie de Saint Martin de Tours (316-397). A l’époque des faits, Martin était un militaire romain qui partagea son manteau en deux avec un pauvre, devint ainsi la risée d’une partie de l’assistance présente et en mobilisa une autre « par contagion ». Ce n’est que longtemps après qu’il fut « institutionnalisé » évêque de Tours avant de choisir le retrait comme ermite en fin de vie. Cette figure emblématique d’un « professionnel » confronté à la souffrance d’autrui nous permit de questionner tout au long le sens de nos pratiques. El Greco (c. 1597-9) National Gallery of Art, Washington DC. « Le manteau de Saint Martin » : la confrontation à la souffrance sociale : menace identitaire, tension entre professionnalisme et militantisme. Coup de projecteur sur un des ateliers du colloque consacré à la question de la détresse sociale. Maison Médicale, Centre de Planning,…) ne peut manquer de produire des comportements ajustés à nos attentes institutionnelles et qui sont parfois en inadéquation totale avec ce qui leur est problématique. Selon Charles Burquel, on serait passé d’un modèle de représentation de l’aide à un autre. Un premier modèle serait celui de Ptolémée, c’est à dire un modèle géocentrique où on a la discipline au centre et les individus qui gravitent autour. La révolution dans la manière d’aborder l’aide est de passer à un modèle plus copernicien où, au centre, il n’y a plus la discipline mais l’individu. Et la discipline gravite autour de lui. Selon Gilles Bibeau, une conjoncture complexe, des éléments contextuels et extra-individuels, par exemple la pauvreté, l’absence de pouvoir politique, la violence, vont interagir pour former des dispositifs pathogéniques. Ainsi, ils vont favoriser l’émergence de certains problèmes dans certaines catégories de la population. C’est toute la discussion : comment se fait-il que certaines maladies ou comportements sociaux ne se retrouvent qu’à certains endroits ? Bibeau prend l’exemple du diabète de type 2 : au Canada, il touche deux populations de jeunes adolescents, les amérindiens et les jeunes adolescents d’origine asiatique. Pas tous les autres… Nos modes d’intervention participent peut-être d’une forme d’aliénation sociale qui est liée à nos structures d’aide. S’adresser à des publics fragilisés par des conditions de vie avec des modes de prises de contacts spécifiques à nos structures (Centre de Santé Mentale, Comment instaurer une analyse critique de nos professions ? Comment soigner l’institution, soigner l’aliénation sociale des structures d’aide ? Comment mettre en évidence l’attente des personnes qui se porterait au-delà du professionnalisme, l’attente d’un engagement de l’intervenant ? Il ne suffit pas de mettre la personne au centre du processus. L’humain, ce n’est pas que boucher un manque, c’est aussi permettre à quelqu’un de se remettre debout et en marche. Il s’agit aussi de sans cesse se questionner sur le « comment rester humain » dans un univers de spécialisation croissante des services d’aide qui risque à tout moment de renforcer la honte de l’exclu. Mais il s’agit aussi de ne pas nier la honte et l’agressivité du soignant à la fréquentation de la pauvreté. Et le militantisme peut aussi quelquefois être vécu comme agression par l’usager. Pense-t-on à suffisance la place des usagers dans nos élaborations institutionnelles ? Quel cadre éthique et méthodologique peut réellement permettre cette participation ? Le réseau aussi nécessite son lot d’approches critiques. Le réseau duquel s’inspirent les pratiques soignantes est, au départ, un réseau spontané, souterrain, dans une logique du maquis. Comment garder cette capacité subversive du réseau ? Comment organiser un réseau qui ne soit pas organisé ? Comment rester à l’écoute de l’anormal, c’est à dire de ce qui n’est pas identique aux autres, qui s’écarte du type, de la norme…. une parole d’usagers non formatée car il y a aussi à lutter contre la logique d’homogénéisation, celle qui rabat le réseau sur l’organisation. De ceci découle la métaphore du chauffage central : comment ménager des ouvertures et points de fuite dans les tuyauteries pour que le sujet puisse trouver sa place et sa parole propre. Confluences n°13 mai 2006 / 11 L’aide sous contrainte aux personnes sans-abri Peut-on secourir un SDF contre son gré ? Un projet de loi l’envisage mais la proposition émise par Yvan Mayeur17 vient de recevoir un avis négatif de la Commission consultative de l’aide sociale18. Le texte propose d’introduire, dans la loi organique des CPAS, un dispositif d’urgence sociale permettant d’emmener des personnes sans-abri dans un lieu d’hébergement et de soins, sous contrainte si nécessaire, dans des situations d’exception. Bref aperçu19 des réactions dans le secteur. Sylvie GERARD IWSM La mort de deux SDF l’hiver dernier à Bruxelles a re-questionné le dispositif mis en place pour secourir les personnes sans-abri. Des procédures existent mais seraient, dans certains cas, insuffisantes (notamment si la personne ne désire pas être secourue malgré un risque vital et qu’elle n’est pas reconnue blessée ou malade). Les Présidents des CPAS sont compétents20 pour leur accorder une aide urgente, mais cette aide ne peut se faire sans leur consentement même en situation d’urgence avérée. La loi sur la protection des malades mentaux permet également une intervention à condition que l’urgence soit d’ordre psychiatrique. Le seul fait de vivre à la rue ne justifie bien sûr pas une intervention de ce type même si le recours à ces hospitalisations forcées semble de plus en plus fréquent. Quant à la loi réprimant le vagabondage, elle est abolie depuis plus de 20 ans. C’est donc en réponse à un vide juridique que la proposition de loi est présentée. Caractéristiques du projet de loi Le texte s’inspire du décret sur l’aide à la jeunesse21en laissant la possibilité aux CPAS d’intervenir d’initiative si le travailleur social constate une situation d’urgence ; s’il s’essuie à un refus Confluences n°13 mai 2006 / 12 explicite ou implicite (absence de consentement lié à l’incapacité de s’exprimer ou à un manque de conscience) de la personne d’être secourue et si ce refus induit un risque vital pour la personne. Ces 3 conditions sont indissociables de manière à garantir un caractère exceptionnel à l’aide contrainte. Oui à l’action, non à l’urgence C’est le maître mot des réactions qui se donnent à lire sur le forum du site d’Alter Echos. Usagers, travailleurs et acteurs sociaux y échangent leurs points de vue au départ de leurs expériences de terrain. La réaction est unanime : le projet de loi a le mérite d’ouvrir le débat mais l’urgence ne s’impose pas. Au contraire… la forme et la rapidité de la réponse inquiète. Plusieurs lacunes ou imprécisions sont relevées, notamment une formulation trop vague qui laisse place à de dangereuses interprétations. « … ne s’agit-il pas dans ce projet d’évaluer l’état de santé mentale d’une personne en se référant à la notion de manque de discernement ? Cette dernière nous apparaît trop floue ! Elle est susceptible de faire l’objet d’interprétations arbitraires laissées à des travailleurs sociaux épaulés de médecins qui n’ont ni l’un ni l’autre de compétences particulières en matière de santé mentale. Et déjà se pointe comme une évidence que de décider de rester à la rue dans un espace de vie investi pour ce qu’il est, ne peut être que l’indice d’un manque de discernement ? »22. Autres faiblesses du projet : l’absence de modalités de recours et le manque de suivi de la personne une fois la mesure prise. D’où l’impérieuse nécessité d’associer aux débat et prise de décision des représentants du secteur (usagers et professionnels) et des experts pour prendre en considération tous les aspects (éthiques, sociaux, médicaux, juridiques, psychologiques) que soulève une telle mesure ou encore, comme le rappelle Georges De Kerkove23 , de rendre opérationnel un dispositif juridique existant (notamment pour réquisitionner des immeubles inhabités) mais totalement inopérant faute de volonté politique sans doute. « … Les droits fondamentaux sont indivisibles. Admettre qu’un seul d’entre eux soit bafoué et tous les autres sont menacés (…) Un membre d’A.T.D. Quart Monde connaissait bien une des ces deux personnes. Elle a refusé d’être secourue la nuit de son décès ? Sans doute. Mais ce que nous savons (…), c’est que cette personne s’est battue pendant quatre ans pour faire valoir ses droits et qu’elle n’a pas obtenu gain de cause ; (...). Et ce vain combat risque de passer sous silence ». La proposition de loi n’est pas abandonnée mais elle devra tenir compte de l’avis de la Commission consultative fédérale de l’action sociale. Le texte doit être amendé sur base des remarques qui ont été faites par les Présidents et les représentants des travailleurs de CPAS, des juristes et des associations lors des auditions à la chambre. Des groupes de travail24 seront appelés dans les prochaines semaines à s’y atteler. A suivre… 17 La proposition de loi a été cosignée par les partis démocratiques à l’exception du CDH. 18Qui dépend du Ministre de l’Intégration sociale, Christian Dupont. 19 Cet article s’appuie notamment sur Alter Echos n°203 du 24/02/2006 : www.AlterEchos.be 20 Loi du 12/01/1993. 21 Décret qui prévoit que les directeurs de l’aide à la jeunesse peuvent intervenir d’initiative pour venir en aide aux mineurs en danger. 22 Intervention de Paul Preud’homme, Co-Président du SMES (Santé Mentale Exclusion Sociale). 23 Avocat et Président de A.T.D. Quart-Monde Belgique 24 Groupes de travail formés par les différents co-signataires de la proposition de loi. Du silence et de l’oubli à la mémoire collective A l’occasion de ses cinq ans, « Clinique de l’Exil » a organisé une journée de réflexion25 sur le thème de la mémoire et la transmission dans l’après génocide. La question du trauma collectif et de ses effets sur plusieurs générations, alliant le point de vue psychologique et historique, a été peu abordée en Belgique. La formule, combinant conférences « pointues »26, films documentaires27 et témoignages28 a plu au public. Manifestement, le thème répondait à un besoin puisqu’il y a eu plus de 180 participants. Paul JACQUES, Psychologue en SSM et au sein de Clinique de l’Exil29 Le propos de la rencontre n’était pas le génocide arménien ou juif ou rwandais, mais portait sur ce qui est transmis aux enfants de survivants de n’importe quel génocide ou crimes de masse. Plusieurs questions ont ainsi été abordées. Le temps aide-t-il à guérir les blessures individuelles, familiales et celles d’une société ? Le pardon, oui, mais à condition qu’il y ait eu justice et que la société dans son ensemble se soit penchée sur les zones sombres de son passé ; à condition également que les auteurs de crimes de masse ne restent pas impunis et demandent pardon publiquement. Ce qui est rarement le cas. La victime, elle, est hantée par une mémoire qui n’oublie pas. L’oubli est impossible, d’autant lorsque les conditions de vie difficiles maintiennent un état de survie, comme c’est encore le cas au Rwanda aujourd’hui, mais aussi dans les pays qui sortent de la guerre ou de la guerre civile, en République Démocratique du Congo, au Kosovo, en Bosnie, … Comme c’est le cas pour les demandeurs d’asile, survivants dans une interminable attente d’un droit de séjour, attente à l’issue incertaine qui fige le travail de deuil dans un éternel présent. Cette journée a rappelé aux psys que la thérapie n’est pas pensable sans la Justice, et sans la Justice sociale. Aux juristes et historiens, cette journée a montré que le Droit et l’histoire sont les ingrédients d’une thérapie « collective » qui permet aux victimes de s’en sortir. Il s’agit donc d’une matière complexe qui, du point de vue pratique, fait appel à plusieurs domaines (psychologie, psychiatrie, mais aussi travail social, justice, ...) et du point de vue théorique fait appel à plusieurs disciplines, (psychanalyse, droit, histoire, politique, géopolitique, anthropologie). Les orateurs ont très bien répondu aux attentes des organisateurs. Les trois exposés, chacun dans leur style propre, étaient tout à fait complémentaires : Esther Mujawajo par la dimension poignante de son témoignage personnel et la leçon de vie qu’elle a partagée avec un auditoire captivé et ému. Janine Altounian, par la rigueur de sa pensée, parfois difficile d’accès pour les profanes, mais basée sur une profonde analyse de son expérience d’enfant de survivant ; Marie-Odile Godard, qui a parfaitement réussi une synthèse en faisant le lien entre le nécessaire travail de re subjectivation et celui de re symbolisation à travers le travail de la culture (mémorial, monuments, commémoration, rituels funéraires). sociale et de sa portée politique et éthique. Les débats en présence de représentants de la communauté juive de Belgique et d’un historien ont montré que la question des génocides ne concerne pas seulement telle ou telle communauté qui a été victime, mais porte atteinte aux droits fondamentaux et à l’humanité. Le devoir de mémoire ne cherche pas seulement à rappeler la mémoire des disparus, mais à rester vigilant contre tout discours extrémiste basé sur le rejet et la négation de l’Autre. Rappelons qu’encore aujourd’hui le projet Mpore, projet d’aide aux rescapés Tutsis en Belgique, a du mal à trouver des subsides ! Pour l’équipe de la « Clinique de l’Exil », au travers de l’organisation de cette journée, il était évident, non seulement de tenter sortir de l’oubli généralisé mais évident aussi de traiter ensemble la question des génocides en général et pas de tel génocide en particulier, pour éviter la « concurrence des victimes ». La présence de nombreuses personnes issues des communautés arménienne, rwandaise et juive, mais aussi congolaise, a contribué à créer un climat de tolérance et de dialogue. Lors du débat, les dérives polémiques communautaires, négationnistes ou revendicatrices ont ainsi pu être évitées en soulignant l’importance de la solidarité humaine. A refaire dans cinq ans ! 25 « Du silence et de l’oubli à la mémoire collective », Journée d’études, le 22 février à Namur. 26 Janine Altounian : « Quelle transmission quand les derniers survivants nous quittent ? » et Marie-Odile Godard : « Du traumatisme au Symbolisme ; commémoration, mémorial et juridiction ? ». Les films ont montré des images dures, à la limite parfois de l’insoutenable, mais il était important de les montrer. Bien que s’adressant en priorité aux professionnels du secteur de la santé mentale, de l’aide et l’accueil des réfugiés et demandeurs d’asile, les participants étaient issus de différents horizons, témoignant, non seulement de l’intérêt de la question, mais avant tout de sa dimension 27 Film d’Anne Lainé « Rwanda, un cri d’un silence inouï » et film de Jacques Kebadian « Mémoire arménienne ». 28 Esther Mujawajo : « Survivantes, mais bien vivantes ; un combat nécessaire », ainsi que des témoignages de participants. 29 Service de l’IPOG, Province de Namur, reconnu par la Région wallone comme mission spécifique. Elle reçoit le soutien du FER (Fond européen pour réfugiés) Confluences n°13 mai 2006 / 13 L’accessibilité aux soins en santé mentale : aux portes du colloque « Aux portes du soin, l’accessibilité en santé mentale », le 3ème colloque de l’Institut Wallon pour le Santé Mentale a vécu… mais les portes ne se sont pas fermées ! Le public a répondu présent et ce sont 250 participants qui se sont mobilisés ce 3 février dernier pour chercher ensemble des pistes dans le but d’accroître l’accès aux soins en santé mentale… Les idées ne manquent pas. C’est le moment de relever ses manches ! Christiane BONTEMPS et Virginie OLIVIER - IWSM Avec l’organisation des cinq tables rondes qui se sont penchées successivement en 2005 sur l’accessibilité aux soins en santé mentale pour chaque catégorie d’âge et les contributions des quatre dossiers de Confluences, il y avait matière à réfléchir… Les travaux du colloque pouvaient directement aborder le volet prospectif. Il s’agissait pour les participants de se mettre au travail sur la recherche de solutions. Et les pistes se sont multipliées… La tâche à mener à bien aujourd’hui sera de hiérarchiser, prioriser, voire sélectionner parmi les différentes propositions celles que l’on va mettre en avant… pour pouvoir, dès demain, se mettre au travail et « faire bouger la santé mentale » ! Les recommandations se dessinent sur 5 axes. Elles sont actuellement travaillées par les forces vives de l’Institut pour être largement diffusées à tous ceux qui pourront, qui les mettre en œuvre concrètement, qui, les soutenir et, qui encore, en bénéficier. Un 1er axe porte sur le travail à mener en amont Soutenir un travail de prévention, de sensibilisation, d’information. « Parlez-moi… de santé mentale ! » pourrait être le maître mot de ce premier axe. Un important travail d’information pour tout public reste en effet à poursuivre, via les médias notamment ou dans les écoles, dans la rue aussi… mais également dans des lieux de Confluences n°13 mai 2006 / 14 solidarité, de liaisons sociales, comme on les qualifie aujourd’hui, des lieux qui, il faut le dire, restent bien souvent à (re)créer…. De l’information à diffuser largement donc, à Monsieur et Madame Toutlemonde, question de savoir que chacun peut être confronté à des problèmes de santé mentale, que c’est normal et qu’on peut être aidé. Et lorsqu’on a besoin d’une aide, il faut encore pouvoir trouver de l’information, juste et claire, adaptée, via des lieux, des brochures ou des services d’aide par téléphone, qui en facilitent l’accès. Question sensibilisation, une attention particulière pourrait être portée aux intervenants de première ligne afin de leur permettre d’être plus à l’aise pour pouvoir décoder les souffrances psychiques, naissantes ou avérées, les accompagner ou les relayer si nécessaire vers des services spécialisés. Et lorsque la maladie est là… pouvoir en parler permet d’éviter les rechutes. La mise en place de groupes de parole et d’entraide pour les usagers et pour leurs familles est une formule qui semble faire ses preuves. Les groupes de parole vont progressivement permettre à chacun de mieux comprendre la maladie et donc de mieux la gérer. Un 2ème axe porte sur l’accueil des personnes en souffrance Adapter l’accueil aux personnes et à leurs besoins « En souplesse ! » pourrait être le mot clef de ce deuxième axe qui s’appuie sur le fait que chaque personne est unique. Tout d’abord, il faut rappeler sans cesse que l’usager reste acteur de son devenir. Même désorienté ou en souffrance, l’usager est avant tout une personne, un citoyen. Il doit pouvoir poser ses propres choix dans les orientations qui le concernent et chercher, lui-même, des solutions aux problèmes qui l’affectent. Le rôle du professionnel sera essentiel pour l’aider à trouver une réponse qui lui convient, à la faire sienne et à préparer son autonomie future. Chaque demande est donc une demande nouvelle et la réponse tiendra compte de la spécificité de chaque situation. Les professionnels ont besoin de repères dans le travail, mais ceux-ci sont aussi faits pour être bousculés au profit de la personne qui demande de l’aide… et non l’inverse ! Penser le soin pour mieux l’adapter à la demande doit rester un questionnement permanent au sein des équipes. Il se décline à différents niveaux : espace, temps, cadre thérapeutique, fonctionnement et langage. Et pour tous ceux qui ne formulent pas de demande…, développer une approche proactive qui leur ouvre à eux aussi les portes du soin, par exemple via une démarche vers un tiers, un soutien ou un accompagnement est incontournable pour tout qui se sent investi d’une mission de service (au) public. Ces différentes « bonnes intentions » se traduisent dans des modalités concrètes comme la mise à profit des périodes d’attente liées aux délais de prises en charge, la promotion de l’accueil généraliste, l’extension des horaires, le développement des prestations hors des murs, à domicile ou dans d’autres services. Un 3ème axe porte sur le suivi de l’urgence Répondre aux situations d’urgence avec toutes les forces vives existantes Il y a urgence et urgence ! Pour pouvoir trouver une réponse appropriée aux situations d’urgence qui constituent – sans conteste – une des portes d’accès aux soins en santé mentale, il est essentiel de bien distinguer les crises liées au contexte social ou familial des réelles décompensations psychiatriques. Et puisque tout n’est pas « psychiatrie », il n’y a pas donc lieu de « psychiatriser » ce qui représente tout de même près de trois quarts des situations d’urgences « psy »… qu’il ne s’agit tout de même pas non plus de banaliser. Place à l’imagination et à la concertation pour trouver les relais adéquats qui bien souvent existent déjà… Encore faut-il s’organiser pour les mettre en lien , et peut-être… un jour !… en augmenter les moyens. En attendant le relais, trouver une place adaptée pour ces situations, là où elles se déposent, reste un défi ! Créer ou réserver, par exemple, quelques lits d’urgences psycho -médico-sociales 24h sur 24 dans les services existants ne seraient pas du luxe ! Et pour éviter l’encombrement des services d’urgence, pourquoi ne pas s’organiser pour que les situations de crise puissent se déposer ailleurs, surtout quand il s’agit de situations qui ne réclament pas de soins médicaux à proprement parler ? La prise en charge de ces entrées par la porte des urgences suppose la mise en place de relais immédiats et efficaces. On ne pourra y arriver sans associer des intervenants de première ligne au suivi, voire à l’accueil de ces situations. On pense notamment aux médecins généralistes pour garantir, tant que faire se peut, une continuité dans le travail ou les services sociaux (CPAS, service de logement, ...) prêts à chercher des solutions pour rencontrer les besoins primaires de ces personnes en crise. Il s’agit là d’un témoin à passer, si possible, au sein même du service d’urgence, et ce au plus vite après l’arrivée du patient. En amont, des modalités de travail pourraient, en outre, s’envisager pour permettre de répondre aux urgences sans devoir faire le crochet par l’hôpital, par exemple via des services de garde ou des équipes mobiles, comme cela se fait dans d’autres secteurs des soins de santé ou via l’accueil de la crise à différents endroits, par exemple dans des services ambulatoires. Et pour limiter « tout ce qui arrive aux urgences sans savoir pourquoi », peut-être la création d’ « espaces tampons » non hospitaliers permettrait-elle à ces personnes désorientées de se déposer quelques jours, de souffler et de chercher, avec de l’aide, des bonnes solutions ; le tout au bénéfice de la prévention. Un 4ème axe porte sur la prise en charge proprement dite Assurer une prise en charge globale et continue de nouveaux modèles) que de communication (respect du secret professionnel, par exemple). La concertation est un processus long et lent qui ne se met en place que petit à petit. Tous ceux qui ont participé à la réflexion ont en outre souligné qu’une bonne articulation sur le terrain ne peut se construire suffisamment bien que sur base d’une bonne articulation au sommet, entre autorités, respectivement, responsables des secteurs concernés. Un 5ème axe porte sur l’aval Réfléchir à la post-cure L’être humain forme un tout… On ne peut le découper en plusieurs morceaux qui relèveraient l’un du corps, l’autre de l’esprit, le troisième des relations, le quatrième de l’environnement, etc. C’est une évidence ! Et pourtant… lorsqu’on confronte ce postulat à l’organisation des services… il y a de la marge ! ? Les acteurs, patients compris, sont unanimes pour soutenir que c’est en considérant la personne dans sa globalité qu’on lui apportera l’aide la plus appropriée à sa situation. Même si le travail proprement dit se répartira selon les compétences de chacun, il est incontournable d’envisager en une fois les différents besoins de la personne, quitte même à collaborer, si cela s’avère nécessaire, audelà du champ de la santé mentale. Vous avez dit RESEAU ? C’est très à la mode aujourd’hui… ! Et bien, c’est toutefois encore bien loin d’être une réalité concrète. Si le principe semble acquis, sa mise en oeuvre ressemble encore à un parcours semé d’embûches … Pour y arriver cependant, les idées ne manquent pas… L’articulation des soins dans la continuité peut reposer, par exemple, sur un référent qui garantit le fil rouge du suivi du patient ; et des expériences dans ce sens témoignent de l’intérêt d’un réel accompagnement de la personne qui se sent alors soutenue dans une démarche qu’elle peut se réapproprier. Cette réflexion sur la prise en compte de l’ensemble de la situation suppose, en amont, une inter-connaissance entre partenaires (via des échanges, en paroles ou en actes !) mais aussi l’établissement d’un processus de réflexion tant sur les modalités de travail (le développement « Demain commence aujourd’hui… ! ». Penser l’autonomie ou, le cas échéant, le relais de l’aide dès le départ semble aller de soi pour l’ensemble de acteurs. Concrètement, pour y arriver, il est à nouveau important de se donner les moyens d’une solution spécifique, compte tenu de ce qui s’est passé avant, de ce qui existe autour et de ce qui est envisageable pour l’avenir, pour ce patient là qui se trouve devant nous. Parfois le temps dont on dispose est très court. Et il faut pouvoir saisir le moment. Ici aussi des solutions existent, pour le long terme, lorsque quelque chose doit être mis en place. On pense notamment aux structures dites intermédiaires, au croisement de l’ambulatoire et de l’hospitalier, notamment pour les patients chroniques, stabilisés. Un des éléments essentiels de cette réflexion est que, avant tout, la réinsertion passe par la cité… Et si la région dans laquelle on travaille est ouverte aux personnes en difficultés qui pourront ainsi facilement trouver leur place de citoyen comme tous les autres, tant mieux ! Mais ailleurs et c’est souvent le cas - les espaces ouverts sont à créer. C’est alors de notre responsabilité aussi de « faire quelque chose »… pour encourager l’intégration sociale et l’épanouissement personnel des usagers. Les aider à atteindre ces idéaux via des projets qui tiennent compte de leur difficultés peut les aider à maintenir leur santé mentale… bien au delà du moment où on fait le premier pas. Pour en savoir plus : « Les Cahiers de l’Institut wallon pour la Santé Mentale » – Cahier n°3 : « Aux portes du soin, l’accessibilité en santé mentale » – à paraître en juin 2006. Confluences n°13 mai 2006 / 15 À lire, à découvrir Bon à savoir - Psytoyens, le site ! À lire30 À lire30 Ca y est ! Psytoyens, la fédération d’associations d’usagers en santé mentale en Wallonie, a son site : http://www.psytoyens.be. La Santé Mentale en actes De la clinique au politique « Aux frontières de la justice, aux marges de la société » On y trouve une présentation de l’association (objectifs, activités, membres, …), ses projets, publications, et les endroits où elle représente les usagers au niveau régional et fédéral. « Nous ne sommes plus dans un contexte socio-politique aussi optimiste que celui au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale et qui avait permis, en 1946, à l’OMS de définir la santé mentale comme un bien-être total bio-psychosocial. Une telle utopie n’est plus à l’ordre du jour aujourd’hui car nous sommes pris dans une guerre économique qui fait rage ». Une rubrique « Actualités » se fait aussi le reflet des activités de ses membres et du secteur de la santé mentale en général. C’est un lieu d’échange avec la possibilité, sous chaque « news », de réagir au sujet abordé. D’autres idées sont encore en gestation : un espace témoignages d’usagers, des expositions « virtuelles », des dossiers d’information,… Et, pour être au courant des activités de l’association, une lettre d’information électronique. A noter que vos commentaires, réflexions et attentes sont les bienvenus. Le site se fera le relais de toute information ou initiative qui peut intéresser les usagers. Ce sont vos idées, vos informations, qui le feront évoluer ! A bon entendeur… Erès 2005 – collection ERASME - 357 p. Ces propos sont de Jean FURTOS, dans l’introduction de l’ouvrage reprenant les interventions faites lors du Congrès International qui s’est tenu à Lyon en octobre 2004 sur le thème : « La santé mentale face aux mutations sociale », organisé par l’ONSMP. L’ensemble des textes tend vers une définition de la santé mentale qui « garde ouvert un débat où la clinique, les sciences humaines, l’économie et le politique tissent une toile complexe, loin des perfections utopiques ». Une telle approche de la santé mentale va donc bien au-delà de la psychiatrie. La santé mentale pourrait être définie comme « la capacité de vivre et de souffrir (la souffrance n’est pas une pathologie en soi) dans un environnement donné et transformable, sans destructivité mais non pas sans révolte ». Les politiques de santé mentale visent quant à elles des pratiques soutenues par le souci de maintenir ou de restaurer cette capacité. Psytoyens De nombreux propos repris dans cet ouvrage ont le mérite d’interroger la Société d’aujourd’hui dans ce qu’elle produit, outre les richesses , de détresses multiples, de déliaison sociale, de précarité matérielle, de souffrance psychique … Des regards soucieux et pertinents sur ce qui nous entoure … François De Coninck, Yves Cartuyvels, Abraham Franssen, Dan Kaminski, Philippe Mary, Andréa Rea, Luc Van Campenhoudt, et coll., Académia Press, Story Scientia, 2005. De plus en plus souvent, les acteurs judiciaires sont amenés à collaborer avec divers intervenants issus des mondes de la Santé Mentale, du Travail Social ou de l’Ecole, avec à la clef, un nécessaire questionnement sur les interventions de la Justice aujourd’hui. Fruit d’un travail de terrain mené avec une méthode originale « d’analyse en groupe », impliquant acteurs judiciaires et extra-judiciaires, ce livre analyse en profondeur les modalités contemporaines de l’intervention judiciaire sur différentes « scènes de justice ». Confrontés aux difficultés du « travail en réseau », aux impératifs de la « gestion des risques » et de la « responsabilisation », voire au constat d’un appel croissant au droit et à la justice, les acteurs de l’institution judiciaire et les intervenants sociaux se cherchent de nouveaux modes de collaboration. Illustré par de nombreux extraits tirés des « scènes de justice » travaillées (abus sexuel, usage de drogues, violence à l’école, aide à la jeunesse, travail social en justice, mais aussi surendettement et chômage), le livre met en lumière un certain nombre de tendances lourdes qui marquent la recomposition des rapports entre le monde judiciaire et d’autres champs connexes. Construit à partir des pratiques de terrain, l’ouvrage tente une mise en perspective transversale des enseignements récoltés sur les différentes scènes. Il s’adresse à un large public, mais principalement à tous les intervenants aux prises avec les difficultés du partenariat socio-judiciaire dans le traitement de situations socialement problématiques. [email protected] / [email protected] 30 Ces ouvrages sont disponibles au Centre de documentation In Folio à l’Institut Wallon pour la Santé Mentale. Renseignements : Delphine Doucet – 081/ 23 50 12. Confluences n°13 mai 2006 / 16 Le consentement aux soins dans un cadre contraint « Dans une démocratie la logique du soin ne peut pas être opposée à la logique des droits de l’homme, tant il est évident que, notamment en psychiatrie, on ne saurait soigner quiconque au mépris de la personne et, par conséquent, au mépris des droits de l’homme les plus élémentaires ». P. Bernardet dossier Dans la foulée de la loi relative aux droits des patients du 22 août 2002 et du Colloque « Droits du patient en psychiatrie et privation de liberté »1 , ce dossier abordera le droit des Usagers de soins en Santé mentale sous l’angle spécifique du consentement aux soins. Qu’est-ce que consentir ? Cette notion de consentement aux soins traduit, dans le monde médical, les grands principes juridiques, éthiques et politiques que sont : le droit à l’autonomie comme capacité à disposer de soi-même et à être sujet actif de son existence, le droit à l’égalité qui veut que les personnes impliquées dans une situation y participent de la manière la plus égale possible, et le droit à l’intégrité physique, psychique et existentielle de la personne. Dès lors que signifie ce consentement « libre et éclairé » lorsqu’il est demandé à un malade mental hospitalisé sous contrainte ? Peut-on encore parler de consentement dans ce cadre contraint de la privation de liberté ? Peut-on parler de consentement lorsque les capacités de discernement sont mises en question ? Qu’en est-il de ce principe face à des pratiques comme l’isolement, la contention physique ou chimique ?… Situations paroxystiques et paradoxales de l’application de la loi… situations pourtant préoccupantes pour bon nombre de soignants et de patients. Entre non assistance à personne en danger et exigence de consentement, entre sécurité et respect de l’intégrité et de l’autonomie, entre préoccupation sanitaire et sécuritaire, entre protection sociale et protection de l’individu, quelle marge de manœuvre, quelles pratiques, quelles difficultés, quelles pistes, quelles prospectives… ? Loin d’un examen exhaustif de la question, ce dossier se propose de laisser s’exprimer les points de vues, d’offrir un panel de regards par rapport à la question posée ; regards qui seront différents selon la position de celui qui le porte ou le cadre dont il provient ; des regards qui veulent dessiner l’horizon sur lequel peut se détacher ce concept qui, face aux vécus et pratiques, peut se révéler parfois bien théorique. Loi de protection des malades mentaux, loi de défense sociale, loi de protection de la jeunesse, … autant de cadres « contraints » qui mettent en perspective les pratiques, les vécus des soignants, comme des soignés en matière de consentement aux soins. Droits des usagers, ils prennent la parole pour nous livrer leur expérience ; Principes éthiques et juridiques, des philosophes et juristes nous partagent leurs réflexions ; Pratiques thérapeutiques, les soignants nous traduisent leurs remises en questions, leurs vécus, leurs expériences…. Toujours à recommencer, toujours à améliorer… « Le savoir total n’existe pas hors le monde céleste des idéalités et de son inséparable corrélat qu’est le discours totalitaire. Le savoir est citoyen lorsqu’il est partagé, et il n’est partagé qu’à partir de l’aveu d’un manque. C’est peut-être cela consentir, soit irrémédiablement avouer que quelque chose ou quelqu’un manque »2. Christine Gosselin IWSM 1 2 Colloque organisé par l’IWSM à Hélécine le 02 juin 2004. Jean-Paul Caverni et Roland Gori, Le Consentement, droit nouveau du patient ou imposture, Champs Libres, 2005. Confluences n°13 mai 2006 / 17 17 Témoignage « Mon histoire » Marc LAPOUGE Je ne comprenais pas... On m’a attaché... Voici le témoignage de ma dernière « collocation », vue avec du recul, Après, c’est devenu plus difficile. Malgré la discussion avec la psychiatre, je ne comprenais pas ce que je faisais là. Pour moi, tout était normal. C’était étrange. Pour tout le monde c’était évident, pour moi non. J’avais des œillières. Je demandais des informations et j’essayais de convaincre de la vérité de mon délire. Le personnel ne me parlait plus. Le dialogue était rompu. Ils ne voulaient pas discuter avec quelqu’un de délirant ; ils en avaient déjà assez vu ; ils voulaient faire leur boulot. Je me souviens avoir dit, devant le bureau des infirmières, que si on ne me donnait pas la raison pour laquelle j’étais enfermé (l’enfermement me faisait peur), je ferais la grève de la faim. Je crois que la rencontre avec la psychiatre m’avait laissé voir la possibilité de dialogue et j’aurais voulu en avoir plus. Mais l’urgence n’était pas là. L’urgence était de prendre des médicaments. car je comprends mieux les choses maintenant. J’avais arrêté mon traitement quelques temps auparavant, à cause de ses effets secondaires. Je dormais 14 à 16h par jour ! Je me sentais guéri mais intérieurement très énervé par le sevrage. Décider d’arrêter seul, c’était là mon erreur. Je me suis adonné à l’alcool et au cannabis. Sûrement pour meubler quelque chose qui n’allait pas, peut-être pour adopter l’attitude des jeunes, pour être réinséré dans la société : j’avais choisi de faire comme les jeunes sans activité. Entre gens fragilisés, entre non-coopérants à la société, on se soutient, on se supporte... Ma mère a pris peur. Elle a contacté mon frère. C’est lui qui a fait la demande. A peu près au même moment, je suis allé à l’hôpital pour un examen. De mon plein gré. Après une analyse de sang, j’ai signé une Alors, ils sont sortis du bureau, très vite, ils m’ont dit : « ça suffit ». On m’a attaché sur un lit, on m’a fait une injection sédative. Je ne sais pas combien de temps je suis resté là... pas longtemps sûrement... mais sur le coup, ça paraît long. De mon lit, je ne voyais pas l’extérieur. Les fenêtres étaient feutrées pour qu’on ne puisse pas voir dans la pièce, la lumière tamisée. Un infirmier est venu me donner à boire, à manger. Il m’a dit qu’il me laissait encore là un petit moment. décharge et je suis sorti. Je comptais revenir... J’avais rendez-vous avec mon autre frère pour manger. Mais, les choses se sont emmêlées, j’étais désorienté, je n’ai pas été au rendez-vous. Je ne le savais pas, mais ils préparaient ma « collocation ». Je voulais coopérer... Un peu après, trois policiers et deux ambulanciers sont arrivés chez moi. Ils sont entrés avec un double des clefs. J’ai dit :« je coopère tout de suite ». A l’admission, ont m’a orienté directement vers le pavillon des psychotiques. Ils connaissent ma situation. Ce n’était pas ma première hospitalisation. Je suis catégorisé « schizophrène avec paranoïa affective ». J’ai rencontré une assistante psychiatrique qui m’a posé des questions, a constaté que j’étais contradictoire, que j’oubliais mes récits et que je n’étais pas dans mon état normal. Elle m’a annoncé que « j’étais en collocation ». Le contact avec cette personne a été bon. Elle a pris le temps de parler avec moi, de m’écouter, peut-être même plus que normalement. Cela m’a vraiment laissé l’impression d’une relation avec dimension humaine importante. Elle a décidé de la reprise de mon traitement. Confluences n°13 mai 2006 / 18 Puis il est revenu et m’a demandé si j’étais d’accord de prendre mon traitement ; j’ai répondu : « bien sûr» ... La situation était impossible : j’étais attaché, courbaturé. Il fallait que ça s’arrête ! Je ne sais pas selon quels critères ils ont estimés que je n’étais plus délirant, que j’étais réceptif à l’information. Quand ils ont jugé que j’avais repris pieds avec la réalité, ils m’ont détaché, et ont commencé à m’informer, à discuter. J’avais compris que j’avais intérêt à ne rien dire, que je devais supporter les contraintes impliquées par l’hospitalisation et qu’il fallait pouvoir être passif, savoir attendre, quand on démarre un traitement - choc. Je ne suis pas intervenu sur le traitement, je ne me sentais pas vraiment compétent. Sur le mode d’administration, par contre, j’ai demandé des injections, pour ne pas oublier. Devant le juge de paix... La justice de paix a ensuite pris le relais. Il y a eu une audience dans les 15 jours, et ça a été très vite « fagoté ». On m’a demandé de signer et j’ai signé. J’étais tout à fait d’accord, mais en contradiction avec J’aurais voulu participer plus, coopérer... J’avais conscience que mon état demandait des soins, un suivi. J’aurais voulu en être... Je me sentais stressé, « brouillon ». Il y avait un avocat. C’était une procédure... Puis il y a eu l’administration provisoire des biens. Toutes les mesures sont venues plus ou moins en même temps... Et voilà. Le message du Juge de paix était passé. J’étais dans un service de Mise en observation avec sorties progressives. Mon objectif, c’était de retrouver la liberté et une bonne santé et d’y collaborer. J’ai cependant fugué. J’avais besoin de rassurer ma famille, de leur dire que j’étais toujours le même. Ensuite, j’ai téléphoné à la police et ils m’ont raccompagné à l’hôpital. Il n’y a pas eu de sanction. J’ai été mis en Maintien pour deux ans à la suite d’une nouvelle audience. J’étais d’accord de suivre un traitement, mais ils ont jugé préférable de maintenir la mesure contraignante à cause de mes antécédents et de ma réticence à être hospitalisé. Je déteste le « service de Mise en observation ». Ce n’est vraiment pas un lieu agréable. Pourtant la dernière hospitalisation, c’est moi qui l’ai demandée. Je suis maintenant en postcure mais sous la tutelle d’un psychiatre de l’hôpital qui vérifie si le traitement est correctement suivi. J’ai un calepin dans lequel on indique la prise du traitement qu’on m’injecte en maison médicale. Il y a aussi possibilité de vérification par les voies informatiques. Si je me sens mal, je vais de moi-même à l’hôpital. Mais quand on me suggère d’y séjourner, je demande toujours si c’est vraiment nécessaire, car c’est très important de ne pas rester enfermé. C’est une infrastructure qui fait cohabiter toutes sortes de pathologies. C’est vrai qu’on ne se voit pas quand on est sous médicaments, délirant, en décompensation, mais ça fait vraiment peur de voir les autres dans cet état. J’aurais aimé être plus à l’abri de ce regard sur les autres ; ne pas avoir à assumer leurs moments difficiles alors que je n’étais moi-même pas en état d’assumer les miens. Un moment, j’ai voulu avoir un second avis, avoir l’avis d’un autre psychiatre. Mais c’est difficile. Le spécialiste que j’ai tenté de consulter s’est vite déchargé de mon dossier en disant que c’était un cas trop complexe, qu’il valait mieux, à cause du Maintien, que je reste chez mon « psy » habituel. Mais il a beaucoup de boulot et j’aimerais parfois qu’il prenne un peu plus de temps. Ce n’est pas toujours facile de comprendre. Je n’ai pas sa formation. Il faut aussi que je trie les informations, entre ce qui m’est utile dans l’instant, et ce que je ne dois pas oublier pour la suite du traitement. Dernièrement, j’ai passé un court séjour à l’hôpital car j’ai eu des hallucinations auditives. Je n’en avais jamais eues avant. J’avais peur de dégâts irréversibles, peur de rester dans cette décompensation. Elles se sont résorbées. Mais elles sont chroniques. Il faut donc que je sois attentif aux signes précurseurs et que je fasse confiance à mon psychiatre pour les paramètres que je ne maîtrise pas. Le traitement semble à présent mieux dosé pour parer la crise, éviter la somnolence et continuer à être actif. Finalement, ça s’est bien passé, le traitement a été efficace et cela va mieux. Je dois insister sur la compétence de mon psychiatre, surtout au niveau pharmacologique. Il a toujours été disponible également, après ma sortie, quand les symptômes revenaient et que j’étais déstabilisé. J’aurais pourtant souhaité que les choses se passent avec plus de chaleur, de manière plus humaine. Quand les services sont surchargés, les professionnels sont plus nerveux, moins disponibles, tout le monde en souffre. Lors de la mise en observation aussi, j’aurais aimé qu’on m’explique plus. Je connaissais déjà le traitement et le diagnostic, ce n’était pas ma première hospitalisation, mais j’aurais quand même voulu qu’on m’explique ce qu’on allait faire et pourquoi. Je ne sais pas si plus d’information m’aurait permis d’éviter la contrainte... On en garde une amertume... mais bon, si c’était le signal pour me faire comprendre que je devais vraiment me faire soigner... c’était peut-être justifié. Ma famille a essayé de me parler et n’y est pas arrivée. Quelqu’un d’autre aurait-il pu le faire ? Q Confluences n°13 mai 2006 / 19 DOSSIER Exposition / Journée d’étude : « Isolement, un outil thérapeutique ? » - www.isolement.be moi-même. Je suis entré dans la salle après avoir vu mon avocat quelques minutes. Il y avait là ma mère et mes frères, le psychiatre de l’hôpital, mon infirmier référent et le Juge. Mon médecin de famille avait été un peu négligent, me semble-t-il, puisqu’il avait établi un certificat médical sur la demande de mon frère sans m’avoir préalablement consulté. Je pensais : mon frère m’a mis la justice à dos en disant que j’avais essayé d’attenter à sa personne. Ma mère a déclaré qu’il n’y avait jamais eu d’amélioration en 8 ans. On n’avait plus confiance en moi. Ca m’a fait mal et ça a abondé dans mon délire de complot de famille. Les lendemains de l’hospitalisation Rencontre Paroles d’usagers La santé mentale, c’est avant tout des usagers, des patients, des personnes qui souffrent. Ce « mal de tête » ne s’ausculte pas à travers le légendaire stéthoscope du médecin. Mais, comme les battements d’un cœur, il se laisse entendre dans une écoute attentive. Cette synthèse est le fruit de cette écoute. Les usagers s’y expriment. Ce sont leurs mots, leurs sentiments, leur vécus tels qu’ils les ont exprimés lors d’une rencontre organisée en collaboration avec Psytoyens, autour « de la question du consentement aux soins ». Laissons les mots glisser, les histoires se raconter... Propos recueillis et mis en forme par Christine GOSSELIN - IWSM « Les mots ont bien été dits, mais disjoints, éclatés, comme autant de pièces d’un puzzle éparpillé. [...] 3» « Je n’allais pas bien et du jour au lendemain, on m’a dit qu’on allait m’amener quelque part »...« On m’a parachutée là... je ne savais pas où j’étais »... « On m’a tapé dans un coin... j’étais lucide... j’étais dans un état second, je ne réagissais pas... ». « J’étais sonnée, je dormais tout le temps, j’avais toute ma tête, mais j’étais obsédée par l’idée de mort... ». « J’étais consciente mais on ne m’a pas parlé. On m’a traitée comme un objet... Ils discutaient avec ma famille, je ne voulais pas intervenir, je ne me sentais pas concernée, je me fichais de ce que j’allais devenir .... Moi, J’étais au second plan, j’étais la personne qui allait prendre les médicaments et qui ne réagissait pas. Je n’étais pas intéressée par le traitement ». Quels que soient les mots utilisés pour le dire, le terme de désorientation semble bien traduire l’état dans lequel l’usager se confronte à l’hôpital : une perte des repères structurant spacio-temporels, ou affectivo-familiers qui peut éventuellement être doublée, dès l’abord, par des sentiments mêlés de rejet, d’exclusion socio-familiale, d’isolement, voire de punition ou de culpabilité. Confluences n°13 mai 2006 / 20 « On m’avait jetée comme une vieille chaussette... j’étais un objet, je n’existais plus ». « Je pensais que le psy était contre moi, mes parents aussi ». « Les infirmières ne communiquaient pas, comme si elles avaient ordre de ne pas me parler... je devais rester dans mon isolement... genre : t’as fait quelque chose de mal et bien tu paies ». A ce stade, il ne semble pas qu’il y ait de distinction pour l’usager entre une hospitalisation dite « volontaire » et une hospitalisation « contrainte ». Il ne sait pas ce qui lui arrive, ni pourquoi, et quelque part, il ne sait pas encore s’il veut vraiment le savoir ; il ne veut pas nécessairement communiquer, même s’il en ressent confusément le manque... une manière peut-être de se protéger de cet inconnu a priori peu avenant... peu ressemblant à l’humanité connue. Car derrière ce premier contact, c’est déjà toute la question de l’humain, du rapport à l’autre qui se profile en filigrane : le patient objectivé, et l’autre, le sujet-soignant réduit à un « ils » ou un « on » trop anonyme. Une écoute, un espace de parole, un échange d’informations à ce moment aurait-il pu changer cet état de fait ? Une communication était-elle possible ? Peut-être pas au niveau de l’information dans le sens de la transmission de données objectives, mais plutôt dans ce qu’une telle démarche peut apporter en termes de considération et de respect, en terme de cadre de relation, en terme, justement, d’humanité. Tous semblent regretter « qu’on n’ait pas essayé de communiquer, ou si peu, ou si brièvement ». « On aurait dû m’expliquer à quoi ça sert d’être en hôpital psychiatrique, ce que ça pouvait m’apporter. Je ne sais pas, des trucs normaux, m’expliquer ce qui se passe ! Moi je me disais, je suis où là ? Un service militaire ou quoi... c’est incroyable ». « J’ai vu le psychiatre quand je suis rentré, puis régulièrement après. Il n’avait pas le temps de parler, il me voyait trente secondes et donnait ses instructions à l’infirmière ». « Moi, j’aurais eu un peu plus de considération, cela aurait été parfait : expliquer, qu’on m’écoute vraiment. Là, c’est pas humain, c’est froid. Ils pourraient prendre plus de temps ». « Il faudrait pouvoir avoir l’aide d’un psychologue à ce moment là pour pouvoir communiquer, qu’on m’aide à m’exprimer... je ne sais pas si cela aurait pu être utile au début, mais je crois qu’il faut quelqu’un à qui parler, autre que le médecin ». En amont du consentement éclairé, l’information sur les soins est fondamentale. Quel traitement médicamenteux, pourquoi, quels effets secondaires, quel accès aux divers services offerts par le personnel soignant, quel recours au traitement contraint, à l’isolement ? Comment ces demandes sont-elles gérées ? Comment trouventelles réponses ? De nos rencontres, il ressort que en général, l’information ne vient pas d’elle-même. Il faut la demander : Si cette démarche de participation active au traitement est si difficile à opérer, c’est peut-être parce qu’elle est l’aboutissement de tout un cheminement. Il faut passer outre la relation de confiance béate : « on fait confiance, on s’attend à ce que le médecin propose... ; comme il est gentil... on n’ose pas dire... » ; et passer outre une relation de méfiance vis-à-vis du soignant qui peut charger la demande d’agressivité et déplacer le traitement de la demande vers le traitement de cette agressivité : « La communication était à sens unique... tout ce que je pouvais dire était pris comme de l’agressivité et du non consentement à la prise de médicaments... tout au plus, on augmentait les doses, ou on me rabrouait, ou on me mettait au cabanon... je n’avais pas confiance ». Il est intéressant de remarquer également que du point de vue des usagers, le traitement, c’est d’abord et avant tout un « cocktail de médicaments » : médicaments et traitement sont tellement liés qu’ils se confondent. « Le psychiatre, il parlait deux minutes. Moi je ne parlais pas, c’était mon papa, et puis c’était fini... et on cherchait les médicaments ». Impression de ne pas être entendu, de ne pas être compris, de ne pas être (re)connu... Sans la relation de confiance - participative, les usagers ont le sentiment que le traitement médicamenteux est une voie de facilité qui empêche de connaître en profondeur leur situation et leurs problèmes : « Quand on ne connaît pas la personne, on la met sous Aldol » résume un usager. Impression d’être catalogué : « ils prennent leur livre (DSM IV), regardent les symptômes et selon : il y a telle pilule pour tel symptôme et voilà c’est bon... en faisant ça, ils loupent plein de choses ». La question du traitement contraint, du traitement à l’insu, de l’isolement et de la contention, du rapport aux autres dans la promiscuité, des dépendances aux drogues sont aussi évoquées comme autant d’agressions subies au cours d’une hospitalisation. S’il est toujours possible de signer une décharge et de s’en aller lorsqu’il n’y a pas de contrainte judiciaire, faut-il accepter « pour son bien » cette violence dans le cadre de la P.P.M.M. 4? Est-ce thérapeutique ? « Quand je n’étais pas d’accord de prendre mes médicaments, on me disait « ce n’est pas grave » et on me faisait une injection intramusculaire ». « Je comptais mes médicaments, untel pour çà, un autre pour çà... parfois il y en avait un de plus.... Je ne suis pas un cobaye ». « Il mentait... il disait : non, il n’y a pas d’effet secondaire ». « En deux semaines, j’ai été attaché cinq ou six fois... ils se mettaient à 6 sur moi et me maintenaient sur le lit pendant que je me débattais et ils m’attachaient parce que je cassais des choses comme les téléphones ; j’ai mis toutes les télé à fond » . « Ils m’ont mise au cabanon. J’étais dans le noir, toute nue là, toute seule avec des piqûres, ... un espace avec une porte blindée, en dessous de laquelle je respirais ». « On mélange les femmes et les hommes... on devient parano, ils viennent dans ta chambre ». Après coup, même lorsque l’issue est positive, les récits gardent la trace de l’amertume ressentie. Dans ces témoignages, il semblerait qu’il n’y ait pas vraiment de consentement éclairé. Il arrive que l’on demande au patient s’il est d’accord avec son traitement, il arrive aussi qu’il soit d’accord. Mais l’acceptation se fait sur base d’une information incomplète ou parce que « c’est la meilleure chose à faire », parce qu’il est évident pour tout le monde qu’il faut prendre ses médicaments, qu’on n’a pas le choix. « Le psychiatre me parlait très gentiment, me disant que c’était bon pour moi, qu’il ne faillait pas que je m’inquiète. J’ai accepté, mais je n’avais pas trop le choix vu que mes parents étaient d’accord ». Comment consentir dans un cadre contraint ? Ce serait pouvoir accepter de s’en remettre à un autre pour les soins. Mais pour que cette acceptation puisse avoir lieu, il faut un climat de confiance, c’est-à-dire se sentir digne de confiance pour, à son tour, pouvoir accorder sa confiance. C’est un processus réciproque qui ne se construit que dans le temps. Comment retrouver la confiance ? Pas nécessairement en obtenant l’information la plus complète possible sur son traitement, mais peut-être, en sentant chez l’autre une considération, un respect, une volonté de communiquer et un désir de prendre du temps pour cela. La plupart des témoignages comportent, à un moment ou à un autre, la mention de ce contact positif: « Une des seules personnes avec qui j’ai parlé, c’est une psychothérapeute » ; « J’avais un bon contact avec un psychologue... et beaucoup de réconfort de la part de l’ergothérapeute [...] qui me disait que je n’étais pas une personne nulle, que je valais quelque chose » ; « La confiance tient dans le fait d’être considéré comme une personne ». L’ergothérapie peut être un moyen de recouvrer cette dignité, « d’être quelqu’un ». Face à l’oisiveté qui règne dans le service, « on ne propose rien sinon la télé ou le fumoir », elle vient combler un vide : travailler pour retrouver la confiance en soi « c’est assez dur au début, mais c’est ça qui ma sauvé : avoir des objectifs à réaliser, quelque chose à faire au jour le jour... ». Reprenons, encore les mots d’un usager pour conclure : « Tout le travail c’est de me sentir capable ». 3 4 Declerck Partick, Les naufragés, Terre humaine, Plon, 2001 p.157 Protection de la Personne des Malades Mentaux Confluences n°13 mai 2006 / 21 DOSSIER « J’ai réussi à connaître mon traitement le jour où je me suis dit, je vais faire l’effort de demander... j’ai demandé des informations sur mon traitement et je les ai reçues. A partir de là, j’ai pu poser des questions régulièrement. On a l’impression qu’ils considèrent que si on ne pose pas la question, c’est comme si on ne voulait pas savoir. C’est une démarche très difficile à faire... il m’a fallu quinze ans ». Humaniser les soins sous contrainte Réflexions éthiques à partir de témoignages 5 Partant du constat que, faute d’alternatives crédibles, des traitements sous contrainte sont actuellement inévitables dans certaines situations bien précises, la question éthique centrale est probablement la suivante : comment rendre ce type d’intervention la plus humaine possible, tant pour le patient que pour les soignants ? Jean-Michel LONGNEAUX Philosophe, Chargé de cours aux Facultés Universitaires Notre Dame de la Paix à Namur, Conseiller en éthique à la Fédération des Institutions Hospitalières, Rédacteur en chef de la revue Ethica Clinica Avant toute chose, il n’est sans doute pas inutile de rappeler que ces mesures de contraintes doivent toujours être considérées comme des mesures exceptionnelles et jamais comme une forme de soins « normale » pour certaines catégories de patients. Malheureusement, il faut bien en convenir, lorsqu’on travaille fréquemment ou exclusivement avec des patients contraints, l’extraordinaire devient l’ordinaire, l’habitude s’installe et entraîne avec elle la banalisation des pratiques. Il faut alors attendre un accident relativement grave pour que les questions éthiques réapparaissent. A moins que l’on ne réussisse à étouffer l’affaire. Afin d’éviter de telles dérives, le soignant doit d’abord être au clair sur le conflit de valeurs dans lequel il est pris, et deuxièmement être convaincu qu’aucune alternative ne s’offre à lui, ce qui suppose qu’il n’ait de cesse de chercher d’autres stratégies possibles. En ce qui concerne le conflit de valeurs dans lequel le soignant est pris, il peut dans bien des cas s’énoncer de la manière suivante : soit respecter la liberté du patient au détriment de sa vie ou de sa santé (ou de celle de tiers), soit privilégier sa vie ou sa santé (ou celle de tiers) au détriment de sa liberté. Si l’on opte pour la seconde option, qui est celle des soins contraints, alors, plusieurs règles doivent être respectées. Confluences n°13 mai 2006 / 22 L’Autre comme sujet La première, qui saute aux yeux à la lecture des témoignages, c’est de continuer à considérer le patient comme un sujet... en lui parlant. Que lui-même ne soit pas d’humeur à se respecter comme sujet, qu’il en soit même incapable pour des raisons liées à sa pathologie n’autorise personne à le traiter comme un simple objet. Ce serait se faire complice de sa maladie. Objectera-t-on que pour des raisons thérapeutiques, on ne peut tout dire au patient : même la simple annonce d’un diagnostic peut parfois avoir des conséquences redoutables ? Il est possible, en effet, que l’explication du traitement amène certains patients à le manipuler au détriment de leur santé. Mais si on doit admettre d’une part que les médecins et soignants ont évidemment l’obligation, pour des raisons thérapeutiques documentées, de ne pas parler de traitement avec certains patients, on ne saurait en déduire d’autre part qu’il ne faille plus parler du tout à la personne, pour la traiter désormais comme une pathologie vide de toute vie humaine. Il est vrai qu’il est difficile de s’adresser à l’autre comme à un sujet, lorsque celui-ci ne soutient plus cette position. Mais précisément, n’est-ce pas là, à côté de la prescription et de l’administration de médicaments, le travail des professionnels d’être le garant provisoire de la subjectivité de celui qui n’a plus la force ni les moyens, ni la volonté de l’assumer ? Et en quoi consiste cette fonction de garant, sinon à considérer l’autre comme sujet envers et contre tout, au lieu de le prendre au mot et de le réduire au spectacle qu’il donne de lui-même ? On est en effet étonné, dans les témoignages, par l’écart qu’il y a entre l’image que le patient donne de lui-même et son vécu intérieur en attente d’une parole vraie. Il faut parfois des années de psychiatrie pour découvrir que « ne pas demander était assimilé à ne pas vouloir savoir », ce qui évidemment est faux. Tout se passe donc comme si en plaçant les patients sous contrainte, on rendait le personnel soignant sourd à leur vécu – celui des patients, mais aussi, peut-être, le leur. Considérer l’autre comme un sujet, ce n’est pas savoir « intellectuellement » qu’il en est un, c’est agir « pratiquement » pour qu’il en reste un, ce qui, il est vrai, est inconfortable pour les professionnels. Pourtant, comme le confirment les témoignages, cette exigence est déjà rencontrée lorsqu’on s’adresse à l’autre comme à un « tu ». Certains le disent explicitement : recevoir des anti-dépresseurs sans qu’aucune parole ne leur soit adressée, amène à se sentir considérés comme objet. Etait-il inconcevable de donner ce médicament avec une explication, même si, en apparence, celle-ci n’est pas entendue ou reste incomprise ? Et surtout, pourquoi donner ce médicament si ce n’est pas en vue de rétablir une relation ? En résumé, les récits illustrent clairement que le souci éthique de l’autre comme sujet n’est pas un accessoire facultatif du traitement. C’est l’inverse qui est vrai : ce sont les traitements médicamenteux ou autres, même contraints, qui doivent être considérés comme des compléments (indispensables) à la relation à l’autre. La deuxième règle qui devrait être impérativement respectée en matière de soins contraints, est probablement liée à la première : toujours éviter que les patients subissent certains traitements comme des punitions. Dans plusieurs cas, c’est suite à une agression verbale de la part du patient que les soignants interviennent sans ménagement : à plusieurs, ils enferment le patient pour faire taire cette parole provocante, plutôt que d’y voir peut-être l’occasion d’un échange. On est en droit de se demander si, ici, les soignants ne sortent pas des soins sous contrainte pour tomber dans la violence gratuite ou l’abus de pouvoir. Y a-t-il eu recherche d’alternatives ? Il semble que non, tant la réaction des soignants, telle que décrite dans les témoignages, fut fulgurante. Y était-il question d’un refus de traitement ? Apparemment, non. Y avait-il personne en danger ? On a l’impression que non d’après ce que nous lisons dans les récits. Enfin, l’attitude des soignants était-elle proportionnée à la situation ? Il est difficile de le croire. Evidemment, nous n’avons que la version des patients. On dira peut-être qu’il n’était pas question de sanction ni de violence, mais de traitement (contraignant et préventif) de symptômes à prendre au sérieux. Et l’on ajoutera même que c’est la pathologie du patient (par exemple une « paranoïa affective ») qui l’amène à y voir une punition. Mais en ce cas, s’il n’était pas question de sanction, pourquoi ne pas le dire avant, pendant et après l’intervention ? Pourquoi ne pas redoubler de vigilance pour que l’intervention, même contrainte, garde sa dimension thérapeutique, ou la retrouve le plus vite possible aux yeux du patient, au lieu d’alimenter son délire ? Considérons un autre exemple : une personne refuse de prendre son traitement. Quelle est la réponse du soignant ? Il dit que « ce n’est pas grave » et fait une injection intramusculaire. La violence n’est pas à chercher du côté de l’injection, ni dans l’immobilisation préalable de la patiente. La violence tient dans le « ce n’est pas grave » qui lui est jeté en pleine figure, et qui la nie comme sujet. En effet, cela revient à lui dire : « tu peux penser et vouloir ce que tu veux, on s’en fout ! ». Du coup, l’injection sous contrainte devient elle-même violente. Pourquoi ne pas avoir dit au contraire que sa parole est entendue parce qu’elle est grave et importante, même si on ne peut l’accepter ? L’un des témoins a raison d’avancer que toute Des soins... finalement consentis ? Les récits soulèvent bien d’autres questions. Relevons en une dernière. Affirmer, comme nous le disions pour commencer, que les soins sous contrainte doivent rester l’exception, c’est rappeler que, par définition, les soins doivent toujours être consentis. Et que déroger à ce principe – ce que parfois il faut pouvoir assumer –, c’est commettre une transgression pour laquelle on aura à rendre des comptes : rendre des comptes pour les transgressions commises, c’est ce qu’on appelle assumer ses responsabilités. Ce point est important, car c’est à cette condition que non seulement on évite les dérapages, mais surtout, que l’on donne au patient la chance de se réapproprier ce qu’il aura dû subir, pour s’en libérer. Les personnes ont manifestement cheminé depuis leur entrée en institution. Ils ont un long parcours derrière eux. Ont-ils eu l’occasion de revenir sur cette période de soins sous contrainte pour comprendre ce qu’on leur fit subir à l’époque (qu’il s’agisse des décisions prises par la famille, de ses silences ou de ses absences, ou qu’il s’agisse des traitements imposés par les médecins et soignants), pour excuser les dérapages dont ils furent peut-être victimes, ou en tout cas, pour soulever les malentendus ? En effet, comment un patient pourrait-il finalement se dire soigné s’il reste en souffrance par rapport à des traitements qu’il juge (à tort ou à raison, peu importe) injustes, violents et non fondés ? 5 Voir les articles : « Mon histoire » et « Paroles d’usagers » p 18 et 20 Confluences n°13 mai 2006 / 23 DOSSIER Exposition / Journée d’étude : « Isolement, un outil thérapeutique ? » - www.isolement.be Pas une punition... discussion serait vaine en ce sens qu’elle ne permettrait pas d’éviter la contrainte. Toutefois, ce n’est pas là son but. Mettre des mots vise seulement à humaniser les soins contraints pour qu’ils ne deviennent pas de l’abus de pouvoir, du « passage à l’acte », mais restent une opportunité pour encore soutenir le patient comme sujet. Réflexions d’un quidam Qu’est-ce qui est vraiment thérapeutique ? Où commence et où s’arrête la liberté individuelle ? Quels sont les comportements jugés inacceptables (‘in normaux’) par la société ? C’est à ces questions que nous renvoie l’auteur. Une réflexion qui, au-delà du point de vue juridique ou sanitaire, appelle à des choix de Société. soins pratiqués dans le cadre de cette privation de liberté ? N’entend-on pas le plus souvent dire : « docteur, il faut le soigner », même si le « patient » ne le veut pas, comme s’il s’agissait d’une obligation. Quels sont d’ailleurs ces soins dont les vertus amèneront le patient à recouvrer sa santé ou, à tout le moins, l’espoir d’une vie sociale ? Si j’en crois les échos, ils sont nombreux et variés. À titre d’exemple, sans être exhaustif, 6 Patrick NEDERGEDAELT Avocat, Président de la Commission Psychiatrique de la Ligue des Droits de l’Homme citons : l’entretien thérapeutique, l’isolement, physique ou chimique, les activités obligatoires, l’interdiction de visite ou les visites sélectives, le contrat thérapeutique, les médicaments agissant sur les centres nerveux sources de la maladie, les Les maladies mentales sont avec la peste, la lèpre et médicaments corrigeant les effets secondaires des autres épidémies, les seules maladies pour lesquelles précédents, les sorties sous condition, etc. la société s’estime le droit d’exclure les personnes secondaires de la mesure thérapeutique proposée ou le refus d’autre chose ? - Certaines mesures thérapeutiques ne sont-elles pas proposées ou imposées parce qu’elles constituent un raccourci vers la disparition des symptômes les plus socialement gênants ? - La maladie mentale est-elle nécessairement une maladie évolutive ? - Les malades mentaux sont-ils tous des Mr Hyde, Jack l’éventreur ou autres bostoniens en puissance ? - Faut-il donc nécessairement passer par le traitement contraint pour élimer ce risque ? - Dans quelle mesure la responsabilité du médecin qui s’incline face au refus du malade est-elle engagée face à la société, à la famille, au patient ? - Quels sont les intérêts à privilégier la liberté de chacun ou la protection de tous contre un risque potentiel (si celui-ci est avéré) ? qui en sont affectées, de la vie en son sein. Sans nier l’intention thérapeutique et les effets Encore, faut-il considérer que contrairement aux du même ordre, deux questions apparaissent Amoureux de la liberté, j’opte pour le respect de la maladies contagieuses, la maladie mentale ne l’est d’emblée : liberté de chacun et donc clairement pour le droit pas. - Toutes ces mesures sont-elles utilisées exclusivement à titre thérapeutique ? - Le patient, même dans le cadre d’une hospitalisation sous contrainte, ne doit-il pas y apporter son consentement après avoir été informé de la portée des mesures proposées pour son traitement ? du malade mental (si tel est le cas) de refuser les A l’une des deux réponses possibles à la première question posée ci-dessus, succède une troisième double question : si les mesures utilisées ne sont pas d’ordre thérapeutique, quelle est leur nature et leur légitimité ? et uniquement posés par des personnes affectées De plus, la maladie mentale est aujourd’hui la seule maladie à propos de laquelle se pose la question du traitement sous contrainte. Certes, par le passé, certaines mesures prophylactiques étaient obligatoires et on ne peut que s’en féliciter puisque les maladies visées ont été pratiquement éradiquées dans nos régions. Peut-on dès lors envisager la disparition de la maladie mentale grâce à l’exclusion et au traitement sous contrainte ? Je ne pense pas me tromper en affirmant que traitements qui lui sont proposés. Toutefois, conscient de la responsabilité qu’implique les limites de la liberté, il est évident que certains comportements sont humainement inacceptables, mais ces comportements ne sont pas nécessairement d’une maladie mentale. Cela amène à un nouveau questionnement : quels sont les comportements humainement inacceptables qui justifient à l’encontre d’un malade mental la privation de liberté et le traitement sous contrainte ? les moyens « thérapeutiques » utilisés au profit A la recherche des réponses, d’autres questions Mais je n’en finirais pas de poser des questions qui des surgissent : n’ont pas encore de réponse absolue. malades mentaux rencontrent, sinon l’assentiment, à tout le moins, l’indifférence du plus grand nombre. Certes, encore une fois, des voix se sont élevées à l’encontre de certains traitements choc, mais voit-on les foules s’indigner des mesures de privation de liberté appliquées aux malades mentaux et, pour ce qui nous occupe ici plus particulièrement, des Confluences n°13 mai 2006 / 24 - La personne qualifiée de malade mental est-elle réellement malade ou simplement différente ? - Si elle est réellement malade, est-elle en mesure de consentir au traitement qui lui est proposé ? - Le refus qu’elle oppose aux soins est-il la conséquence du refus de reconnaître l’existence d’une maladie dans son chef ou du refus des effets 6 Les propos tenus dans cet article ne sont pas écrits au nom de la Commission Psychiatrique des Droits de l’Homme mais à titre personnel. Témoignage Quelle place pour la famille ? La première fois que l’on est confronté aux soins psychiatriques, c’est le plus souvent en urgence, dans une situation familiale insupportable. Dans ces conditions, la question du consentement aux soins ne se pose absolument pas : d’une part, parce qu’une famille « ordinaire » n’est pas du tout informée des « droits du patient » ; d’autre part, parce que, devant quelqu’un qui veut se suicider, ou qui commence à tout casser dans la maison, on n’a pas tellement le temps de philosopher : on essaie de sauver sa peau, et la nôtre. Dès l’entrée en psychiatrie, notre enfant est pris en charge par une équipe de professionnels et en tant que parents, nous n’avons plus aucune prise sur la situation. Si le premier sentiment éprouvé est, il est vrai, un sentiment de soulagement, il n’est que temporaire. Quelques jours plus tard, premier contact après la crise, nous découvrons avec épouvante une sorte de mannequin désorienté, bavant, aux propos incohérents. Devant cette déchéance, nous avons même regretté d’avoir encouragé cette hospitalisation. Nous voulons comprendre ce qui se passe, mais personne ne nous explique. Il faudra attendre plusieurs semaines, et faire œuvre d’une persévérance et d’une ténacité presque gênante, pour arriver, finalement, à obtenir un rendez-vous avec un jeune assistant en psychiatrie qui a pris le temps de nous expliquer la maladie et le traitement. C’est dommage de perdre tant de temps et de laisser s’installer, dans l’intervalle, dans l’absence de communication, un sentiment de méfiance ou de suspicion qui n’était pas présent au départ. Des hospitalisations, il y en aura d’autres, contraintes ou non. A chaque fois, nous serons confrontés aux mêmes problèmes : Pourquoi les praticiens ne prennent-ils pas le temps pour échanger avec les familles ? Pourquoi se réfugier derrière « le secret professionnel « ou » la majorité du patient » pour laisser dans l’ignorance ou refuser d’écouter les proches ? Pourquoi ne pas contacter le psychiatre habituel et les hôpitaux précédents pour assurer le suivi des soins ? Comment se contenter de ce que le patient veut bien leur en dire dans ses rares moments de lucidité ? Comme parents, nous avons été plusieurs fois écartés sans ménagement de toute discussion concernant les antécédents, le vécu actuel et les possibilités d’avenir de notre enfant. Nous pensons pourtant, que le milieu hospitalier obtiendrait plus facilement le consentement du patient s’il prenait contact avec les proches au tout début du traitement même s’il s’agit d’un patient majeur. Expliquer d’abord aux parents – en l’absence du patient incapable à ce stade de comprendre, ou trop fragile pour ne pas en être ébranlé – les raisons, le déroulement et surtout les objectifs des soins, leur permettrait de répercuter à leur enfant malade le discours médical, sur un ton forcément plus chargé d’affectif et d’humain. Si le patient sent qu’il existe une confiance et une collaboration entre les professionnels et sa famille, il sera plus aisé pour lui de nouer une réelle alliance thérapeutique. La problématique du consentement aux soins nous interpelle et même nous angoisse en tant que parents. En effet, passé le stade de l’hospitalisation – sous contrainte ou non – , elle reste d’une acuité lancinante car même en dehors des crises – où il refuse tout – le malade reste enclin à « oublier » ou à diminuer de lui-même les médicaments et les séances de thérapie. Avec notre enfant, nous avons essayé la fermeté : « Si tu ne te soignes pas, nous ne prenons pas le risque de te recevoir chez nous, il y aurait de nouveau danger pour toi et pour nous ; ta liberté de te soigner s’arrête où commence la nôtre : vivre en sécurité et dans une ambiance la plus sereine possible ». Personne – même pas un malade – n’a le droit de semer la terreur autour de lui, et de rendre invivable l’existence de tous ses proches. Nous connaissons beaucoup de familles qui en sont là... parce que leur enfant malade refuse de se soigner et nie sa maladie. Une collaboration réelle entre patient, famille et professionnels de la santé mentale est indispensable pour instaurer un consentement aux soins, et donc, une meilleure qualité de vie du malade. Confluences n°13 mai 2006 / 25 DOSSIER La demande d’admission en soins psychiatriques survient le plus souvent lorsque l’entourage a épuisé toutes ses ressources et qu’il se retrouve impuissant face à un nouvel événement, une crise pour laquelle l’hospitalisation contrainte apparaît être la seule issue possible. Le moment est souvent vécu très douloureusement par l’usager et sa famille. A l’incompréhension se mêle un sentiment de totale impuissance, de perte de repères et de contrôle. C’est un monde totalement méconnu qui s’ouvre alors avec un besoin impérieux d’information, de communication et de respect. Un préalable indispensable pour comprendre, et peut-être consentir au traitement thérapeutique. Point de vue multipartial d’une médiatrice en santé mentale sur le consentement au traitement Interlocutrice privilégiée dans la relation entre soignants et soignés, Patricia Wastrat évoque les questions éthiques que lui posent les traitements sous contrainte dans le cadre de son travail de médiatrice en institutions psychiatriques. Elle parle aussi des interpellations concrètes relayées par les patients et resitue le cadre légal de ce questionnement. Patricia WASTRAT Médiatrice en santé mentale, Thérapeute familiale La loi sur les droits du patient du 22 août 2002, article 8 Pour faire ce très bref commentaire, je me base essentiellement sur les travaux préparatoires de la dite loi. L’article 8, §1, alinéa 1, parle d’un consentement éclairé préalable et libre concernant toute intervention du praticien professionnel. Seule une disposition légale explicite permet d’y déroger : par exemple, l’aide urgente ou le traitement forcé d’un malade mental pour lequel la loi prévoit un traitement spécifique. Le consentement est donc requis pour toute intervention dans le cadre de la relation du praticien avec le patient. Il doit être donné expressément. Il peut cependant être implicite - tacite ou non verbal - pour autant que ce soit un consentement à part entière, c’est-à-dire, non équivoque et donné en connaissance de cause. L’objectif étant d’établir, dans la mesure du possible, une relation plus égalitaire et plus responsable entre patient et soignant, on comprend que les auteurs de la loi ont voulu limiter le recours croissant aux formulaires de consentement. Le § 2 concerne le contenu des informations à fournir pour que le consentement soit « éclairé » : il s’agit de la nature de l’intervention, de son caractère douloureux, de son urgence, de sa durée, de sa fréquence, des risques et contre-indications, des aspects financiers, des alternatives... Ces informations doivent être fournies préalablement et en temps utiles pour que le patient puisse réellement consentir. Le patient a le droit de refuser ou de retirer son consentement pour une intervention. Ce refus n’interrompt ni la relation avec le praticien ni le droit à des soins de qualité. Le praticien devra proposer des alternatives ou un transfert que le patient puisse approuver. Le patient doit être informé des conséquences de son refus. Le § 4 précise que tout refus anticipé à l’égard d’un traitement déterminé exprimé par un patient capable donnera lieu à une suite contraignante juridiquement. Selon les travaux préparatoires, ce refus a la même valeur qu’un refus exprimé le jour même. Pour le conseil de l’ordre des médecins, un tel refus n’est qu’indicatif et ne peut être contraignant. Le Conseil émet un avis très nuancé tenant compte des circonstances et estime qu’il faut cependant « sérieusement tenir compte de ce refus anticipé» et prendre l’avis d’un confrère et/ou de l’équipe soignante avant de ne pas le respecter. Le § 5 règle le consentement en cas d’urgence. On tiendra compte de la volonté clairement exprimée préalablement ou non par le patient. Si ce n’est pas clair, on exécute toute intervention nécessaire en application de l’article 422 bis du Code Pénal. Dès que possible, le praticien respectera l’obligation liée à l’information et au consentement. Confluences n°13 mai 2006 / 26 Questions éthiques En psychiatrie la question éthique est toujours présente ; un consentement obtenu peut être légal sans être éthique et vice-versa. Cette question préoccupe aussi les soignants que je rencontre. Les hôpitaux disposent pour réfléchir à ce genre de questions fondamentales d’un comité d’éthique. Cependant, dans certains hôpitaux, ces comités ne fonctionnent pas bien, souvent faute de temps. La loi ne peut répondre aux enjeux éthiques. Elle propose un cadre qui n’a de sens que dans un contexte : il n’y a pas de patient, pas de soignant standards et il faut, en permanence, réfléchir à « comment appliquer la loi, les procédures, le règlement de l’hôpital, concrètement ». Incontestablement, le dialogue que demande l’application de la loi est tout au bénéfice de la relation patient-soignant. Cependant, quand on vit réellement au rythme d’un hôpital, on se rend compte très rapidement que ce type de démarche prend du temps. Et très souvent les praticiens n’en disposent pas. Cependant, le fait d’être soumis à des contraintes économiques, à des impératifs de rentabilité qui découlent d’un certain type de politique de santé ne dispense pas de tendre vers cette relation de qualité inscrite maintenant dans la loi. Comment informer, encourager à l’autonomie de décision, permettre un consentement, sans relation, sans temps ? Plus spécifiquement, en ce qui concerne la relation entre les patients et les médecins psychiatres, j’ai observé très souvent, une « soumission » des patients allant parfois jusqu’à la crainte de poser une simple question. Plusieurs hypothèses pourraient expliquer cette position vécue comme non égalitaire. Sans entrer dans un débat à ce sujet, je constate Il arrive parfois qu’on ne tienne pas compte de l’avis du patient, par principe, puisqu’il est malade mental. A force de fatigue, les équipes peuvent perdre de vue que les patients gardent une partie non malade à laquelle ils ont encore accès. C’est cette partie là qui peut donner son accord, même si elle n’est pas accessible tout le temps. Pour moi, tenter d’obtenir l’accord des patients psychiatriques à leur traitement devrait être un effort permanent, en ce sens, que cela participe à la restauration de leur autonomie. En ce qui concerne les patients hospitalisés sous contrainte, les avis varient : certains pensent que la mise en observation implique le traitement forcé ; d’autres, comme la Ligue des Droits de l’Homme pensent que non. Le livre Blanc sur la protection des droits de l’homme et de la dignité de la personne atteinte de troubles mentaux propose une ligne de conduite en matière de traitements « involontaires7». Pour moi, dans tous les cas, le principe reste le même : il faut sans cesse revenir au patient pour tenter d’avoir son accord, sa collaboration. Souvent des patients sous contrainte viennent me trouver et comme je dispose de plus de temps peut-être que le personnel, nous arrivons à parler de ce avec quoi ils pourraient être d’accord. La fonction de médiation peut ainsi participer à l’exercice de ce droit au consentement. L’état d’un patient n’est pas définitif et il faut toujours s’inquiéter de son avis et de ce qui motive son refus. C’est à partir d’un dialogue sur ces points que les patients peuvent parfois accepter temporairement un traitement. Interpellations concrètes des patients A propos de la médication, on relève souvent le peu d’informations transmises ou transmises à posteriori ; les modifications inexpliquées, sans même avoir vu le médecin ; le manque d’alternatives proposées ou refusées sans explication ; l’utilisation de la prise de sang pour vérifier l’ingestion d’alcool, quand l’alcootest aurait été moins invasif ; les injections sédatives invoquées comme menace. Souvent les patients se sentent infantilisés, insécurisés... Ils disent qu’en ambulatoire, ils en sauraient plus. Parfois, ils refusent de payer ces injections réalisées sous la contrainte. Autour de l’isolement et de la contention physique, les demandes sont essentiellement centrées sur un besoin de dialogue : anticipatif, quand le patient est calme pour lui expliquer ce qui se passera et pourquoi ; répétitif pendant la mesure d’isolement ; et consécutif à la mesure, comme « conversation post traumatique ». Concernant les conditions de cet isolement, il y a une série de « bonnes pratiques » locales, propres à chaque hôpital, édictées souvent par le médecin chef, dont les infirmiers ne peuvent, à juste titre, s’écarter. Sans intervention extérieure, rien ne sera modifié, même si une partie de ces mesures ne s’appliquent pas, ou ne sont pas justifiées, dans le cas particulier de tel ou tel patient. L’isolement présenté comme menace ou punition est souvent questionné, ainsi que certaines pratiques vécues comme des manques de respect : le fait, par exemple, de n’avoir ni table, ni chaise et la nourriture déposée par terre. A propos des activités « programmées », le contrat de base, ou le règlement, parfois inexpliqué, est imposé pour pouvoir entrer dans le service et se faire soigner. Certains points ont cependant un caractère qui semble plus disciplinaire que thérapeutique. De même, la sortie ou le week-end qui dépendent du bon suivi d’un programme d’activités et se voient refusés, en cas contraire, posent questions. Bien sûr je rassemble ici des exemples qui peuvent sembler jeter le discrédit sur les soignants. Je rencontre chaque jour des soignants qui s’efforcent de se remettre en question et de répondre consciemment aux difficiles questions que pose le traitement. J’ai lu avec un immense intérêt deux articles d’Axel Liégeois qui soutiennent la réflexion des équipes et proposent la mise en œuvre d’un processus de décision avec les patients qui vaudrait la peine d’être expérimenté8. L’intervention d’une personne extérieure et multipartiale comme le médiateur peut soutenir les valeurs dont est imprégnée la loi sur les droits du patient. Cependant, il est important de continuer à revendiquer plus de place pour cette fonction. Certains hôpitaux utilisent la fonction de médiation organisée par la plate-forme de concertation sans reverser à celle-ci le subside qu’ils reçoivent pour cette fonction ; la part reversée de ce subside donne lieu à des négociations entre hôpitaux et platesformes, négociations dont le résultat peut varier chaque année. D’autres se donnent le droit de déterminer la durée de travail du médiateur dans leurs institutions, la place de son bureau (face à la direction par exemple), son accès ou non aux services ou aux patients en services fermés... Dans tous ces cas, le médiateur est peu présent. Peu de patients connaissent son existence et son rôle. Il y a bien un document qui est remis à l’admission, mais qui ne peut être considéré comme une information réelle pour un patient psychiatrique. Pratiquement, seuls les patients qui vont « bien » s’adressent au médiateur. Le droit des patients n’est alors pas vraiment celui de tous les patients. La fonction de médiation encourage certainement une attitude participative de la part des patients et non une attitude consumériste. Elle va à l’encontre du courant économique. Et si ces préoccupations de gestion sont légitimes, « jamais elles ne peuvent éclairer une action publique – dans notre cas une action dans le domaine de la santé – dans ses valeurs, dans ses normes et dans ses enjeux9 ». 7 Réf. bibliographique 24 8 Liégeois A., réf. bibliographiques 22 et 23 9 De Munck J., Genard J. - L., Kuty O., & coll., réf. bibliographique 12 Confluences n°13 mai 2006 / 27 DOSSIER qu’elle est très répandue, contrairement à ce que croient les psychiatres. C’est une des raisons d’exister de la fonction de médiation : soutenir les patients dans leur effort pour changer de position dans cette relation si importante pour eux. Le consentement en psychiatrie à la lumière de la contrainte : 10 Un tour d’Europe Personne présentant des troubles psychiques, patient, personne handicapée mentale ou psychique, sujet, usager, client, telles sont les appellations de celui ou celle qui était – et demeure ? – l’aliéné, le fou, le malade mental, tout particulièrement dans les pactes et déclarations au plan international : ONU, OMS, Conseil de l’Europe,... ; mais également dans les lois nationales des pays de l’Union Européenne ... à quinze. Tentative de traductions simultanées de la notion de consentement en Europe11. Claude LOUZON Président du Comité Européen Droit, Ethique et Psychiatrie, Psychiatre à Paris Des malades comme les autres ! Quatre principes fondamentaux Il est incontestable qu’il y a, dans la logique Le Code de Nuremberg a été déterminant sociopolitique l’homme dans la promotion du consentement libre et appliquée au champ de la santé mentale, un éclairé. Ecrit comme condition fondamentale empowerment, soit une augmentation de de toute expérimentation sur le sujet humain, le pouvoir et de contractualité en termes de consentement a ensuite été reconnu dans le cadre reconnaissance sociale et de droit positif. thérapeutique. Cela tient à l’évolution — plus Au point que la personne présentant des ou moins radicale — des conceptions de la troubles mentaux et la personne handicapée thérapeutique psychiatrique et du cadre légal. seraient à considérer désormais, et dans la Ainsi, globalement, la personne présentant des mesure du possible, comme des « malades troubles mentaux doit se voir appliquer les comme les autres » et comme des citoyens principes et droits fondamentaux suivants : bénéficiant d’une « discrimination positive ». • La différenciation entre la capacité civile et des droits de Il nous faut exposer synthétiquement ce qu’il en est du consentement. le placement involontaire. De la fin des années 1970 à celle des années 1990, les quinze pays de l’Union Européenne, ont connu des réformes de leur législation. Elles légifèrent en particulier sur ce qui apparaît comme inséparable de la psychiatrie : la question des libertés et de la contrainte. Toutes ces lois se déclarent favoriser les droits du patient et l’amélioration des soins, bien qu’il s’agisse de mesures limitatives ou privatives de liberté. L’application de mesures coercitives se justifie par trois ordres de raisons, dont l’équilibre varie selon le pays : • La validité des droits de l’homme pour les personnes concernées ; • L’ordre public et la sécurité des personnes ; • La nécessité d’un traitement adapté face à un trouble mental sévère dûment établi. ... cadres légaux à l’appui ! Il faut noter d’abord que seuls quelques pays européens n’ont pas de loi spécifique régissant le placement involontaire en psychiatrie mais des dispositions particulières intégrées dans d’autres législations, par exemple dans la Loi instaurant un service national de Santé pour l’Italie, ou dans le code civil pour l’Espagne. • Le droit à l’information éclairée et dans une langue compréhensible par le patient ; Le consentement volontaire du sujet ce droit pouvant aller jusqu’à l’accès direct à humain est absolument essentiel. Cela veut son dossier. dire que la personne intéressée doit jouir • Le droit au soin au meilleur niveau de de capacité légale totale pour consentir : la science, dans l’environnement le moins qu’elle doit être laissée libre de décider, sans contraignant, avec le principe de subsidiarité intervention de quelque élément de force, (plus ou moins explicitement exprimé dans de fraude, de contrainte, de supercherie, de la loi). duperie ou d’autres formes de contrainte • Le droit au refus de traitement, réglementé ou de coercition. Il faut aussi qu’elle soit notamment par les lois sur le placement suffisamment renseignée... »12. involontaire. Confluences n°13 mai 2006 / 28 Améliorer les soins en limitant la liberté? La base de référence principielle de toutes ces lois13 est la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales14 ainsi que les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme qui portent sur plusieurs dizaines d’arrêts concernant des internés en psychiatrie. Sécurité versus santé ? Le critère de la dangerosité est un pré-requis dans la plupart des législations européennes Le juge et/ou le médecin ? Dans cette loi, c’est le maire, en qualité d’autorité sanitaire locale, qui décide le T.S.O. Dans toutes les autres lois, excepté en France (internement administrtif) c’est un juge ou une autorité ayant un pouvoir judiciaire qui décide le placement involontaire : en Grèce, c’est le procureur, en Angleterre, ce sont les tribunaux de révision des affaires de santé mentale, en Espagne et en Allemagne, c’est un juge, etc.. Le trouble légitimant le placement involontaire doit revêtir un caractère et/ou une ampleur probants, et être établi par une « expertise médicale objective ». Le plus souvent deux certificats médicaux sont donc requis : l’un, pour la demande et l’autre, pour la validation du placement involontaire. Comment est garantie la prise en compte de l’usager ... La liberté de communication, le droit de recours contre la mesure – à intervalles réguliers, voire à périodicité automatique comme le droit de se faire assister d’un conseil aussi bien juridique (avocat, personne de confiance, advocacy15) que médical16 – , sont affirmés. Les autorités judiciaires sont appelées à contrôler périodiquement la régularité du placement involontaire et la validité de sa prolongation. Certaines législations différencient, dans le placement involontaire, la détention et le traitement contraint. D’autres, comme le Royaume -Uni, imposent le consentement et/ou la « seconde opinion » suivant le caractère « dangereux » ou « irréversible » du traitement. Plus récemment, un certain nombre de pays ont mis en place le système des directives anticipées ou de la personne de confiance. D’autres, encore, admettent le « psichiatric will » ou « testament » psychiatrique17. dire qu’il est question d’un consentement assisté et très encadré par une réglementation plus effective de la contrainte et du contrôle social, qui, en même temps, veut s’écarter d’une conception paternaliste de la médecine et du soin. La dimension sécuritaire, par contre, se renforce de nouveau dans l’exercice de ces lois comme dans les projets de réforme en cours, par exemple, en Angleterre et en France. 10 Ces thèmes sont régulièrement soulevés par le CEDEP qui réunit régulièrement psychiatres et intervenants en santé mentale, juristes, sociologues et usagers pour un débat permanent sur ces questions de fond en psychiatrie. Infos : [email protected] ou via l’IWSM (081/23.50.13) 11 Pour en savoir plus : - Bernardet, Ph. Douraki, Th., réf. bibliographique 2 ... dans le contexte actuel ? - Koch, H-G. Reiter-Theil, S., réf. bibliographique 19 - Louzoun, Cl. et al., réf. biblographique 25 Tous les chiffres concordent sur les différences importantes de ratios de placements involontaires pour 100.000 habitants entre les pays européens, mais aussi sur l’augmentation significative des internements pour un même pays entre les années 1970/1980 et les années 1990/2005. Il faut y voir les effets de la crise économique et sociale, de la logique managériale et des politiques sécuritaires. La pression sécuritaire comme la politique de santé publique (la santé obligatoire) et encore la volonté des familles conduisent également à des demandes de légiférer en faveur d’un traitement obligatoire dans la communauté. L’Espagne, par exemple, vient de repousser un projet de loi en ce sens. Il faut souligner le recours (trop ?) fréquent aux dispositifs du placement involontaire d’urgence dans tous les pays européens. - Louzoun, Cl. Salas D., réf. biblographiques 30 pp. 65 - 75 et 15 pp. 77 - 83 - Salize H.J. Dreßing H. Peitz M., réf. bibliographique 33 12 Jugement du Tribunal militaire américain, Nuremberg, 1947, cas K. Brandt 13 Les criminels malades mentaux font l’objet, bien évidemment, de dispositions spécifiques et beaucoup plus restrictives, dont nous ne traiterons pas ici. D’autant qu’il y a également un traitement spécifique de la question de l’injonction thérapeutique et de l’obligation de soin. 14 Rome, 1950, notamment ses articles 5 et 6 . 15 L’advocacy (dans les pays de droit anglo-saxon) est un système de défense de la personne elle-même. il permet à la personne l’aide de quelqu’un qui prendra fait et cause pour elle et la soutiendra dans ses démarches sans « parler » à sa place. 16 Même si c’est trop souvent une disposition formelle, l’affirmation, comme dans la loi italienne ... mais aussi française, du principe du libre choix du médecin et du Libres et égaux ? lieu de traitement est fondamentale dans son essence et pour confirmer le patient comme protagoniste de son Le consentement participe de cette fiction démocratique selon laquelle les hommes sont libres et égaux en droit avec, pour la personne présentant des troubles psychiatriques, cette tension, ces luttes pour la reconnaissance de sa condition de sujet de droit dans une application effective. Dans la pratique des droits, on pourrait traitement. 17 C’est à dire que la personne, lorsqu’elle est saine d’esprit, peut exprimer ses volontés - et peut même les faire reconnaître devant un juge - concernant son traitement lors d’une phase de décompensation psychiatrique, par exemple : ne pas subir de traitement neuroleptique, voire plutôt : être enfermée en cellule, ... . Confluences n°13 mai 2006 / 29 DOSSIER pour les placements involontaires en psychiatrie. Or, s’y confronte le modèle médical qui admet le besoin de traitement comme un pré-requis nécessaire et suffisant pour une minorité de patients dont la capacité d’accepter un traitement volontairement est gravement altérée. Dans la loi italienne de 1978 par exemple, le critère de la dangerosité est radicalement récusé au profit de celui de traitement sanitaire obligatoire (TSO) lorsqu’une personne présentant des troubles psychiques aigus refuse un traitement – y compris dans un cadre thérapeutique moins restrictif que l’hospitalisation contrainte – ou lorsque les moyens de traitement alternatifs au placement ne sont pas disponibles ou n’existent pas (dans ce cas l’obligation de soin se situe du côté du soignant et de l’institution). Dans cette loi, le législateur insiste sur la durée limitée de la mesure et sur l’obligation de recherche du consentement, le principe étant de trouver à chaque fois le traitement le moins contraignant et le plus consenti. Pour susciter un dialogue entre juristes et cliniciens L’article pose une série de repères juridiques et esquisse une réflexion à propos de l’épineuse question du consentement libre et éclairé aux prestations de soins dans le cadre de la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient. Christophe ADAM Assistant social, criminologue, psychologue Assistant et chercheur à l’école de criminologie de l’UCL, Maître - Assistant à la Haute École Charleroi Europe Institut Cardijn et à la Haute École namuroise catholique département social. Quelques repères juridiques La loi du 22 août 2002 reconnaît au patient un certain nombre de droits qui existaient déjà dans une certaine mesure en regard de l’application des règles de droit commun18. La nouvelle législation est néanmoins plus précise et crée de nouveaux droits. Parmi les différentes dispositions consacrées : le patient a droit à des prestations de qualités, au libre choix du praticien professionnel (dans certaines limites légales), à l’information sur son état de santé, au consentement libre et éclairé, à l’intimité et à la protection de la vie privée, au traitement et au soulagement de la douleur et, enfin, à la consultation directe de son dossier et à en obtenir une copie. Il convient de préciser que les praticiens professionnels visés sont les médecins, les pharmaciens, les dentistes, les infirmiers, les accoucheuses, les kinésithérapeutes et certaines professions paramédicales. Les psychologues ne sont pas visés par la loi mais une législation nouvelle pourrait intervenir19. Les droits du patient détenu ont fait l’objet de dispositions spécifiques dans la loi de principes du 12 janvier 2005 concernant l’administration des établissements pénitentiaires ainsi que le statut juridique des détenus mais elles ne sont pas encore entrées en vigueur. Cette nouvelle législation concerne notamment l’internement des récidivistes, des délinquants d’habitude et des auteurs de certains délits sexuels mis à la disposition du gouvernement. A titre temporaire, cette loi s’applique aussi aux personnes internées sur base de la loi de défense sociale du 9 avril 1930. Ces dispositions spécifiques sont restrictives. En effet : le choix de la personne de confiance du patient est limité, il ne peut désigner que l’une des personnes suivantes : un médecin extérieur à la prison, un avocat, un représentant de son culte ou de sa philosophie attaché ou admis à la prison. Le patient ne peut pas obtenir de copie de son dossier mais peut demander que cette copie soit adressée à la personne de confiance. L’application de la loi du 22 août 2002 dans le domaine psychiatrique pose différentes questions. Je me limiterai à soulever celle du consentement ou du droit au refus qui s’avère épineuse. En 2003, le comité consultatif de bioéthique a émis un avis20 selon lequel le Confluences n°13 mai 2006 / 30 médecin doit vérifier la capacité de décision et de compréhension du patient et demander son consentement libre et éclairé. Dans la pratique concrète on sait combien cet impératif est difficile à rencontrer. L’idée est d’associer autant que possible le patient aux décisions qui le concernent. La loi de défense sociale prévoit que l’interné puisse se faire examiner par un médecin de son choix et lui demander un avis avant que la commission ne statue21, cette possibilité va dans le sens des suggestions du comité consultatif de bioéthique. Une distinction nécessaire Il faut distinguer la notion de sujet de droit de celle de sujet au sens clinique20 du terme, ce qui permet d’éviter un certain nombre de confusions et d’assimilations. Les argumentations dans les travaux préparatoires de la loi du 22 août 2002 semblent essentiellement mettre en avant la maladie somatique, sans doute plus directement objectivable compte tenu de l’état des savoirs scientifiques. Celle-ci reste un modèle, un prototype qui a conduit à proposer de nouvelles dispositions qui ont au moins le mérite d’encourager juristes et cliniciens à dialoguer, ceci ne pouvant se faire sans que chacun identifie le plus clairement possible ses positions et son éthique de travail. On sait que la maladie mentale ne se laisse pas aussi facilement apprivoiser par le savoir scientifique ou juridique, elle glisse souvent des mains de la maîtrise. Dans cette mesure, les singularités de la maladie mentale restent à penser en ce qu’elles mettent en lumière les contours et limites du champ d’application de cette loi. Certains lieux d’enfermement ont été dénoncés comme étant des zones de non-droit où règne l’arbitraire le plus terrible, c’est notamment pour tenter de lutter contre ce lourd constat que la loi de principes a été votée. Si l’on peut reconnaître à cette vision - parfois catastrophiste - qu’elle poursuit des buts moraux louables et défendables, elle n’est pas sans indirectement disqualifier les personnes, praticiens d’expérience, qui œuvrent dans ces Atelier photo du C.R.F. Club A. Baillon Je voudrais mettre en garde contre la tentation d’un regard « juridiste » au sens où le droit expliquerait et règlerait tout, jusqu’à imposer sa seule conception du consentement dans le monde de la maladie mentale et de voir en tout écart un abus. Cette dernière demeure, lorsqu’on se propose de la rencontrer, une aventure qui ne se sait pas d’avance, une aventure au sens le plus fort du terme ; autrement dit, une série d’impondérables et d’imprévisibles où chaque clinicien doit aussi pouvoir s’autoriser – quel que soit le prescrit légal – à se laisser surprendre hors des sentiers battus du droit tout en maintenant le lien avec les exigences légales. « Consentement libre et éclairé » telle est la fiction juridique, mais le chemin clinique à parcourir est souvent long, obscur, périlleux et c’est avant tout la marche elle-même qui le trace et l’éclaire. 20 Avis du Comité Consultatif de bioéthique n°21 du 10 mars 2003. 21 Loi du 1er juillet 1964, loi de défense sociale à l’égard des anormaux, des délinquants d’habitude et des auteurs de certains délits sexuels, article 16, alinéa 2 22 J’entends par ce terme : un dispositif intersubjectif encadré par des exigences relationnelles et professionnelles, impliqué par les professions visées supra. 23 Ma participation à la table-ronde du colloque sur les « Droits du patient en psychiatrie et privation de liberté » organisé par l’Institut Wallon pour la Santé Mentale en juin 2004 m’a permis, après-coup, de faire l’observation suivante : dans l’atelier consacré à la défense sociale pour lequel j’étais rapporteur, j’ai pu remarquer la rareté des cas pratiques légalement problématiques sur lesquels la discussion devait être fondée. Je pense que l’on peut interpréter cette rareté non comme une faible fréquence objective mais plutôt comme un symptôme que le registre juridique se révèle en lui même peu représentatif des singularités du dispositif clinique et de la manière dont se 18 Pour une approche juridique plus précise et approfondie, pose le problème du point de vue des équipes soignantes. voir Schamps G. : réf. bibliographiques 34 à 36 19 Schamps G. : réf. bibliographique 34 Confluences n°13 mai 2006 / 31 DOSSIER lieux de l’ombre. La nouvelle loi sur les droits du patient vient judicieusement ré-interroger leurs compétences qu’ils tentent d’articuler autant que possible avec les normes juridiques, ce qui est loin d’être une sinécure. Par conséquent, on peut espérer que la question du consentement se repose dans le chef des praticiens pour les rendre plus cliniciens encore qu’ils ne l’étaient et qu’ils saisissent cette occasion pour préciser les différences à faire entre consentir dans le registre juridique et consentir du point de vue de leurs sphères de compétence professionnelle. De façon plus radicale, sur base de mes recherches en milieu pénitentiaire et de défense sociale, je puis affirmer que le sujet de droit n’épuise jamais la question du sujet au sens clinique, les exigences juridiques ne sont parfois pas pertinentes pour comprendre comment fonctionnent les « institutions d’enfermement », ce qui ne veut pas nécessairement dire qu’elle sont dans l’illégalité ou l’« a-légalité » mais qu’elles fabriquent leurs propres normes sur d’autres plans que ceux couverts par le droit23. Conjuguer contrainte et consentement Comment la mise sous protection de personnes malades mentales est-elle gérée et vécue au quotidien par le personnel soignant ? Quatre infirmiers en chef du Centre Hospitalier Psychiatrique de Liège vivent au quotidien la mise sous protection de personnes malades mentales (P.P.M.M.), dans l’unité de soins qu’ils gèrent. Au départ d’une réflexion menée en équipe, ils nous parlent de leur pratique : ils en passent en revue les étapes et nous livrent leurs réflexions et leurs recommandations. Nicole DEMETER, Infirmière chef de service au CHP de Liège Site Agora avec la collaboration de L. LHOEST, A. MENTEN, V. THISQUEN et J-M DE CAO, Poser le respect de la personne et de ses droits dans un accueil de qualité est essentiel. En préliminaire vient l’envie d’insister sur le moment de l’accueil de la personne, moment-clef où se joue la qualité de la relation qui s’établit et se développera. Si l’hospitalisation psychiatrique démarre sur le non-respect du choix de la personne hospitalisée, elle doit d’emblée intégrer le respect de sa personne : respect de son rythme, de sa pudeur, des demandes qui peuvent être prises en considération… comme celles de communiquer avec les personnes de son choix : famille, entourage, avocat personnel… Il est capital de parler, informer, avertir du décours, rassurer, accompagner tout au long du processus et encore rechercher des contacts avec la famille et l’associer autant que possible. La mesure, comme son nom l’indique, est une mesure de protection ; la contrainte en est le moyen, elle a pour but, aussi, de restaurer la personne dans sa dignité. Concilier « qualité de gestion » et « urgence ». La plupart des mesures sont prises dans l’urgence (335 sur 356 en 2005 au C.H.P.). Confluences n°13 mai 2006 / 32 Si certains le regrettent, ce fait étonne peu les intervenants de la santé et de la justice coutumiers du processus. Se résoudre à entreprendre une mise sous protection requiert de solides motifs ; les personnes intéressées – familles, médecin de famille, voisins… – attendent de ne pouvoir gérer autrement la situation, ils attendent l’urgence d’un trouble du comportement particulièrement inacceptable tant pour la personne malade que pour des tiers. Y a-t-il abus du recours ? 104 mesures ont été levées prématurément sur décision du Juge de Paix et 6 sur décision médicale. 104 s’arrêtent à la fin de l’observation à 40 jours. L’enregistrement des données est partiel, nous livrant à nos seules impressions, souvent trompeuses. Les scénarii les plus classiques sont les suivants : une intervention de police amène à conduire un patient vers les urgences d’un hôpital général qui requerront une mise sous P.P.M.M. ou encore le Parquet sollicite la Police pour mettre en route la P.P.M.M. à la demande d’une personne intéressée et sur base d’un certificat médical. Dans les deux cas, la personne est amenée par la police ou en ambulance vers nos unités de soins. Un discours apaisant, tant des équipes des urgences que de la police, cherche à garantir son transfert sans agitation, l’accent est mis sur l’aide thérapeutique. Les propos se veulent tellement rassurants qu’à l’arrivée, le patient ignore souvent faire l’objet d’une mesure spécifique. L’équipe qui accueille le patient dans le cadre de la loi de P.P.M.M. doit poser l’interdiction de repartir. Il faut concilier un double message : et informer de la P.P.M.M. et créer les bases d’une relation thérapeutique ! La qualité de gestion de ce moment précis est déterminante : Il nous semble opportun de recourir au sein de l’équipe à des intervenants différents pour les 2 rôles : celui qui informe de la contrainte puis se met en retrait et celui qui accueille et réalise l’anamnèse. Par ailleurs, gestion requièrt prévision. L’équipe a besoin d’anticiper. En effet, toute mise sous P.P.M.M. sous-tend un facteur de dangerosité : quand ce facteur est inconnu, une appréhension légitime s’installe à l’égard de celui ou celle qui va arriver. Au mieux l’équipe est informée, au mieux elle sera à même d’anticiper et donc de gérer la situation et au mieux la relation avec le patient évoluera vers la confiance et le consentement. A l’unanimité, les équipes insistent sur l’atout majeur que représente la présence physique du psychiatre à ce moment : c’est lui qui est considéré par le patient et sa famille comme l’expert, c’est lui qui légitime le recours à la force et à la contrainte physique si elle est nécessaire. Accompagner lors de l’audience. Un pli judiciaire adressé au patient l’informera de l’entrevue fixée avec le juge. Il est indispensable d’accompagner le patient dans la prise de connaissance de cette convocation, de veiller à sa bonne compréhension, à la connaissance de ses droits, au déroulement de la séance et aux missions de chacun. A nouveau, devant le juge, l’équipe a un double rôle : accompagner le patient, mais Oser aborder ses souffrances, tisser des liens. Au fil du séjour hospitalier, reste à tisser des liens thérapeutiques avec la personne contrainte de vivre une hospitalisation psychiatrique. Rappelons cependant que la maladie aliène et contraint bien davantage encore. En osant aborder sa souffrance, le patient peut craindre d’entraîner la prolongation de sa contrainte dans le cadre d’un Maintien. En cas d’antécédents, on observe un processus d’apprentissage où le patient développe ses habiletés à ne pas être prolongé : ne pas communiquer ses délires, ses hallucinations, par exemple. Certains ont la capacité d’adapter leur comportement à ce qui est attendu. Et pourtant, oser aborder ses souffrances, c’est reconnaître les symptômes de sa maladie, permet d’accéder à l’acceptation du traitement et donc de l’hospitalisation. Souvent l’anosognosie25 prolonge la mesure. Mais il reste à y amener le patient par une relation de confiance qui ne sera pas démentie. Le défi n’est pas banal. Vers une évolution des liens thérapeutiques. Le champ culturel de ces liens évolue dans le temps. Non seulement les approches thérapeutiques fluctuent, mais avec elles, les valeurs de référence, la philosophie des soins. Ainsi de la prise de risques… La mesure de protection sert à limiter les risques liés à la dangerosité pour la personne elle-même, son entourage ou/et la société : il faut mesurer le risque de prolonger la mesure à l’aune des risques encourus par la fin de la contrainte aux soins. Problème de société, pas seulement de psychiatrie… La culture de référence chez les psychiatres évolue. Les « anciens » psychiatres utilis(ai)ent les prolongations à long terme dans un souci de protection de la personne. Les plus jeunes ont tendance à lever plus vite la mesure pour favoriser le consentement de la personne aux soins, pour le rendre acteur – allié de son traitement. La prise de risque est mesurée à l’aune du bénéfice de l’adhésion du patient à sa cure hospitalière puis ambulatoire. L’intérêt à court, moyen et long terme mériterait une recherche approfondie sur les effets de cette évolution. Et aussi de la responsabilité… Le changement de culture a des conséquences sur la responsabilité dans la décision de la contrainte. Les médecins généralistes, les psychiatres traitants ne conjuguent plus la mise en route de P.P.M.M. et la relation thérapeutique. Pour préserver la relation de confiance, bon nombre s’abstiennent ou réfèrent à quelqu’un d’autre cette décision. Les familles elles-mêmes transmettent aux équipes leurs observations sans se « compromettre ». C’est un long travail que l’équipe parcourt avec la famille pour les inviter à oser miser sur une communication plus sincère, pour éviter l’écueil des secrets. Et encore de la contrainte physique… Le recours à des portes fermées, à la mise en isolement, avec ou sans entraves, évolue aussi. La mise sous contrainte physique devient l’exception. Les équipes visent à créer un espace de communication pour une action relationnelle plutôt que recourir à une action de contrainte. Toute contrainte physique génère des séquelles, les patients en témoignent. La mise en isolement mériterait de longs développements mais ce n’est pas le propos. En bref, la standardisation des procédures de mise en isolement, les recommandations de bonnes pratiques, la formation continuée du personnel, les outils existants par lesquels les équipes rendent compte de leurs actes à la société, notamment le registre des contraintes, sont autant de remparts aux risques potentiels d’abus de pouvoir, inhérents à tout lieu d’enfermement. Plus il y a cohérence dans les décisions d’équipe, plus il y a cohésion, mieux l’application des contraintes physiques se passe et au mieux elles sont comprises par le patient. La considération de la pénibilité de leur travail, la prise en compte de leur exposition à la souffrance exprimée sur un mode violent, participent au respect qu’ils accorderont eux-mêmes au patient. Enfin, la P.P.M.M. est perçue comme une passerelle pour aboutir au consentement de la personne à son traitement, même si l’anosognosie rend parfois le consentement relatif. Si on n’avait pas ce début, on n’y arriverait pas autrement. Quand on n’y arrive pas autrement, autant s’y résoudre, même en urgence… En conclusion, conjuguer contrainte et consentement, c’est notre challenge au quotidien. 24 lI est à noter que, grâce à la Plate-Forme psychiatrique de Liège, un groupe « interface Justice et Santé mentale » permet d’aborder les difficultés rencontrées et d’améliorer nos collaborations, nos pratiques. 25 L’anosognosie désigne la méconnaissance par l’individu de sa maladie, voire de son état, même grave ; de la perte de capacité fonctionnelle dont il est atteint : inconscience ou négation du déficit. Confluences n°13 mai 2006 / 33 DOSSIER aussi présenter les conclusions psychiatriques qui, éventuellement, assurent le bien-fondé de la contrainte. Le psychiatre et l’équipe thérapeutique se situent dans un rapport d’expertise qui permet au juge de décider. L’avis est rendu dans l’intérêt du patient, eu égard à la non-assistance à personne en danger. Il est important de poser que tant l’équipe de soins que l’avocat sont dans le même « camp », celui du patient, celui de ses intérêts. La mission de l’avocat est de veiller au respect de la procédure et des droits de la personne, plutôt que de contester le rapport psychiatrique. Mais le principe d’être, envers et contre tout, opposé à la contrainte, amène certains avocats, heureusement rares, à rechercher les fautes de procédure, à contester la dangerosité du patient. Il confond alors les « psy » avec « la partie civile », et le patient déjà méfiant sera renforcé dans son opposition à la relation d’aide. Le fait est que, parfois, des avocats, commis d’office en qualité de Pro Deo, interviennent sans formation ni sensibilisation au milieu psychiatrique24. Les soignants s’adressent au juge, et non à l’avocat. L’avocat également. Cette triangulation est importante pour la sérénité des débats. Les juges, souvent rôdés et compréhensifs, garantissent aux patients et à leur famille d’être pleinement sujets de droit. Pratiques et vécus des soignants autour de la problématique du consentement dans le cadre de la Mise en observation et du Maintien 26 27 Parler de pratiques, parler de vécus c’est parler de relations : relations entre soignants et soignés ; relations entre des professionnels de la santé d’une part, investis d’une mission et porteurs de valeur éthiques, personnelles comme professionnelles, et des patients d’autre part, des personnes qui peuvent être vous ou moi, et qui pourtant ne sont surtout pas vous ou moi et sur lesquelles plane l’aura du mystère de cette irréductible différence. Si la relation ne va pas de soi dans l’hospitalisation volontaire, elle semble biaisée dès l’abord dans le cadre de l’hospitalisation contrainte où elle n’est pas désirée, où elle est refusée. certaines personnes ne sont pas dangereuses mais ont clairement besoin d’aide. Or, il faut les laisser partir si les conditions d’application de la mesure de protection ne sont pas rencontrées car tout individu est libre de se faire soigner ou pas. C’est « dérangeant » pour le soignant. Mais n’est-ce pas plus juste et respectueux du droit à la liberté individuelle de la personne hospitalisée ? Christine GOSSELIN IWSM Entre sécurité et soins : ambivalence pour les soignants… Merci à Dominique Barbagli, Catherine Bertrand, Peter Castro, Fabienne Collart, Pascal Colson, Chantal Finfe, Thierry Fossion, Alain Freteur , Christian Fyon, Xavier Gernay, Daniel Gilles, Denis Henrard, Mélanie Henri, Michel Lambert, Aleksei Lazarev, Laurent Mallet, Patrick Mathot, Michelle Nithelet, Jean-Paul Nizet, Marc Pietquin, Michelle Rohart, Jean Schoenaerts, Sophie Vilain XIIII, Alain Vivier, Micheline Warginelle, François-Joseph Warlet, Pierre Wautier, François Wyngaerden et ... pour leur contribution à cette réflexion. Comprendre les pratiques, c’est comprendre le rapport paradoxal qu’entretiennent les soignants avec la loi. Paradoxal à plusieurs égards : parce qu’ils n’ont pas le pouvoir d’enfermer le patient, mais bien celui de le libérer ; parce qu’ils sont tenus par des échéances temporelles et conditionnelles clairement établies qui ne sont pas toujours compatibles avec le traitement à poursuivre ; parce qu’il y a obligation d’hospitaliser mais que la loi est muette concernant l’obligation de traiter. Ce qui apparaît d’emblée ici c’est que la loi qui contraint les soignés contraint aussi les soignants. « Quand le parquet ou la justice locale nous confie quelqu’un, on n’a pas le choix de refuser : Vous êtes contraints, nous sommes contraints : qu’est-ce qu’on peut faire ensemble pendant ce temps là ? ». Confluences n°13 mai 2006 / 34 Cette judiciarisation de la procédure – le juge a clairement le pouvoir décisionnel dans les mesures d’enfermement et un rôle de tiers entre soignant et soigné – dégage un nouvel espace pour la relation et le dialogue entre les partenaires. Mais ce dialogue n’est fécond que si juriste et psychiatre en portent ensemble la responsabilité devant tous en général et devant chaque patient en particulier. Le juge prend la décision, mais l’avis ou le rapport du médecin est fondamental dans la prise de cette décision. Sans cette prise de responsabilité, le soigné risque de se sentir floué ou abandonné : « une mesure a été prise à mon égard et personne ne veut l’assumer ». Ce qui peut contribuer à maintenir le soigné dans une relation de méfiance à l’égard du soignant. Des regards différents et complémentaires ? Cependant, justice et médecine portent des regards différents sur la réalité. Pour le soignant : « cette personne a besoin ou n’a pas besoin d’aide » ; pour la justice : « la personne est dangereuse ou n’est pas dangereuse ». Ces deux approches peuvent se révéler conflictuelles. De nombreux soignants soulèvent le glissement facile entre marginalité sociale et pathologie mentale : certaines personnes sont dangereuses mais ne présentent pas de pathologie mentale. C’est alors à la justice de s’en occuper ; mais inversement aussi Une éducatrice relève la double difficulté que posent ces situations au niveau de la pratique : difficulté au niveau personnel d’aider quelqu’un contre son gré, plus encore lorsqu’il n’entre pas dans les conditions décrites par la loi; difficulté, au niveau de la responsabilité de le laisser sortir avant l’audience. C’est le cas de l’alcoolique qui arrive dans le service dans un état « de péril » grave pour lui ou autrui, qui refuse de se soigner, mais que la loi (sauf exception) ne reconnaît pas comme « malade mental ». Le « garder » n’est pas « juste » au sens juridique ; le libérer n’est pas « éthique ». En effet, « si tous les enfermements apparaissent comme abusifs dès lors qu’une plainte est émise, toutes les sorties sont considérées comme prématurées au premier incident causé par le patient ». Et un psychiatre de constater qu’« il y a une certaine hypocrisie dans l’application de la loi. D’une part en ce qui concerne la mise en observation : face au constat de l’absence de pathologie mentale, le médecin ne peut maintenir la personne enfermée sans son consentement mais, dès lors, il peut se trouver exposé à des représailles pour non participation au maintien de l’ordre et de la paix publique. D’autre part, la notion de consentement n’est-elle pas, elle aussi une hypocrisie : comment pourrait-on consentir en étant privé de son discernement ?» C’est le cas de la patiente mélancolique délirante La question de la dilution de la responsabilité est souvent mise en avant par les médecins chefs de service. « Quand une situation est difficile, quand un cas est tangent… on ne prend plus de risques… Mieux vaut faire une demande de mise en observation, de toute façon s’il n’y a pas de problème, elle ne sera pas confirmée … Or il est un peu trop facile de se décharger sur le psychiatre de la responsabilité d’enfermer ou de libérer ». Il faut tout de même savoir qu’en général, le patient est gardé dans le service jusqu’à l’audience, soit ± 10 jours. Le médecin chef de service a la possibilité de libérer le patient avant cette audience. Il ne le fera que rarement, par réserve ou prudence au niveau du diagnostic, ou encore par manque d’information. En effet, il semble que certaines informations soient détenues par le Parquet ou les forces de l’ordre et, souvent, communiquées au personnel soignant, seulement lors de l’audience. Une dernière difficulté concerne le certificat médical avec lequel le patient arrive dans le service et qui justifie la demande. Il arrive que celui-ci ne soit pas lisible ou pas valide. Légalement, la personne peut s’en retourner chez elle. C’est ce qui se passe dans certains services. Mais que signifie ce renvoi ? Le respect de la procédure ? Le respect des droits du patient ? Ou de la non-assistance à personne en danger ? Hospitalisation contrainte … et le traitement ? Avant de tenter d’apporter des pistes de réponses à ces questions telles qu’elles ont été réfléchies sur La loi de Protection des Malades mentaux : quelques repères La loi de protection de la personne des malades mentaux du 26 juin 1990 abroge l’ancienne loi de collocation du 18 juin 1850 qui était en contradiction avec les principes de la Convention de Sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (Rome, 4 novembre 1950). Elle fait passer aux oubliettes les termes de « collocation » et « d’aliénés » avec tout ce qu’ils véhiculent en terme d’images négatives, pour rétablir la personne du malade mental comme sujet de droit et affirmer l’essentialité de la protection des droits de l’homme par rapport à la protection de la société. Mesure médico-juridique, elle oblige l’hôpital psychiatrique à s’ouvrir à l’extérieur plaçant ainsi des gardes fous à l’arbitraire qui peut toujours s’exercer dans le cadre de la privation de liberté. Mesure de protection, elle pose d’emblée pour principe que toute restriction de la liberté individuelle est illégale, si ce n’est dans le cadre précis de la réunion de ces trois conditions : qu’il y ait maladie mentale avérée, avec « péril grave » pour la santé et la sécurité de la personne ou pour la vie et l’intégrité d’autrui et cela, à défaut de toute autre alternative de traitement. La personne fera alors l’objet d’un placement autoritaire, par décision du juge, dans un établissement psychiatrique agréé ou en milieu familial. La loi fait en effet une distinction, intéressante à relever – en ce qu’elle semble peu connue et peu exploitée – entre le traitement en milieu hospitalier et les soins en milieu familial. en dehors de l’hôpital. En ce qui concerne les procédures, la loi fait la distinction entre une procédure ordinaire via le Juge de paix et une procédure d’urgence via le procureur du roi. Le traitement en milieu familial est une procédure alternative à la mise en observation dans un service psychiatrique, dans le seul cas d’un état de danger potentiel manifestement moins grave. Ainsi, il ne comporte pas de procédure d’urgence mais toutes les conditions posées pour l’adoption de la mesure de protection doivent être remplies. Cette disposition permet dans « certaines circonstances » de placer le patient dans un milieu familial à entendre au sens large (aussi MRS , IHP, MSP…), sous le contrôle d’un médecin, sans devoir l’hospitaliser. Enfin, il importe de poser une dernière distinction entre cette mise en observation dont nous venons de reprendre les grandes lignes et une autre mesure médico-juridique avec laquelle elle est encore bien trop souvent confondue : l’internement. Même si on parle de maladie mentale, de dangerosité, d’hospitalisation contrainte dans les deux cas, l’internement relève de la loi sur la défense sociale de juillet 64 et concerne le malade mental qui a commis un délit. Le patient mis sous protection est potentiellement dangereux mais n’a pas commis de délit. Il est placé en observation du fait de sa maladie et du principe de non assistance à personne en danger. Christine GOSSELIN - IWSM Le traitement hospitalier comporte deux phases : la mise en observation, d’une durée maximale de 40 jours, et le maintien qui peut lui faire suite, par durées maximales de deux ans renouvelables ; une postcure, d’une durée maximale d’un an peut prendre cours pendant cette deuxième phase pour permettre la poursuite du traitement Confluences n°13 mai 2006 / 35 DOSSIER qui ne sera pas mise en observation parce qu’elle consent à se faire soigner. Or cette personne, du fait de sa maladie n’était pas en possession des facultés de discernement nécessaires à un tel consentement…. Du côté du vécu, on passe par toutes sortes de sentiments : impuissance, révolte, exaspération … Se posent aussi les inévitables questions liées à l’interprétation des critères présidant à la mise en observation : quel constat de maladie mentale, quelle dangerosité? Entre les « urgences » et la « mise en observation », quelles alternatives ? le terrain, peut-être faut-il se pencher sur la manière dont les acteurs ont abordé, esquivé, interprété « le vide juridique » qui les sous-tend : qu’est-il permis de faire entre l’obligation d’hospitalisation de la mesure de protection, la dimension de soins qui est a priori et jusqu’à nouvel ordre, le propre du soignant, et la loi sur les droits du patient qui réaffirme le consentement aux soins comme droit inaliénable de la personne? Réponse de l’infirmier chef de service : « on est constamment en porte à faux et pour le traitement cela devient concrètement schizophrénique ». Il faudrait éclaircir ce vide ainsi que celui concernant les 10 jours précédant le jugement du juge de paix. Dans la jurisprudence, il est avancé que s’il n’y a plus de finalité thérapeutique à l’hospitalisation, la contrainte n’a plus lieu d’être. La personne est hospitalisée à fin « d’observation et de traitement » dans le texte de la loi, mais elle peut refuser l’aide qui lui est proposée. « Faire une injection de force à une personne est vécu comme une violence, une agression pour la personne et le soignant. Dès lors, tant qu’on peut l’éviter, on l’évite. Ce n’est pas parce qu’un patient est délirant, en décompensation qu’on va lui imposer un traitement. On va lui proposer et insister et répéter en quoi il est nécessaire ». Tout l’art sera de laisser une porte ouverte pour que l’acceptation puisse se faire. D’aucuns mettent en avant le critère sécuritaire pour se sortir de l’impasse : « tant que la personne ne pose pas de problème comportemental, ne se met pas en danger, et ne met pas en danger les autres, il n’y a pas de raison qu’on intervienne : le critère sécuritaire est décisif ». Souvent, en effet, ce critère permet d’intervenir sur un caractère plus symptomatique de la maladie qui rend la personne dangereuse, comme des hallucinations qu’il faut gérer. Une fois cet aspect « traité », la personne est plus à même de discerner, de communiquer. A l’inverse, certains cas incitent à suspendre tout traitement médicamenteux « à des fins d’observation, d’écoute et d’évaluation ». Confluences n°13 mai 2006 / 36 Ce dialogue, cette écoute thérapeutique est véritablement la dimension du travail qui peut être réalisé dans le cadre de la loi en étant dans une position de soignant : « Je me souviens d’une situation où une personne avait besoin d’un traitement prescrit par injection. Il y avait deux possibilités : ou bien on prenait du temps et des risques pour discuter avec elle, ou bien on bondissait sur elle pour la mettre en isolement et lui faire son injection. Je me souviens avoir passé 25 minutes à côté de la personne pour lui expliquer que l’acte que nous voulions poser était un acte de soin, dans le sens de pouvoir l’aider à se retrouver. Il faut trouver les mots justes pour la personne, les mots qui l’atteignent dans cet état de décompensation non évident qui est le sien ». L’isolement, la contention… Quand le dialogue est rompu, que la parole n’apaise plus, que la personne est dangereuse, il faut recourir à l’injection et/ou à l’isolement, parce c’est le seul moyen pour retrouver la communication et rendre quelque chose possible autrement. Mais, s’il s’agit parfois d’un mal nécessaire, l’isolement laisse des séquelles chez le patient. Dans un cadre contraint, devant le refus de soins du patient, il convient donc d’être doublement vigilant quant à son utilisation. Même si on le considère comme une sorte de « soins intensifs » permettant, par une contention momentanée et sous accompagnement constant (obligation d’évaluer la situation à intervalles réguliers), de retrouver une amorce pour entamer un traitement pharmacologique ou une autre thérapie, cette pratique est vécue avec appréhension par le soignant. Il s’agit toujours d’une impuissance, d’une violence, qui remet en cause la notion même de soins. Cependant, au sein de cette contrainte, certaines mesures sont mises en place par les soignants pour tenter d’alléger les souffrances, dont la plus élémentaire reste sans doute la persévérance à accrocher des mots sur le silence et à faire parler les gestes posés. L’utilisation ou non de la contention varie en fonction des services. Certains partent du point de vue que souvent le seul fait d’être isolé suffit pour recadrer le patient et qu’il n’est pas nécessaire, dans le souci de préserver au mieux son intégrité physique, d’attacher le patient. Mais ce point de vue rend « risquées » les visites périodiques dans la chambre. D’autres attachent le patient pour permettre justement d’être au plus près de lui physiquement sans devoir être à plusieurs pour entrer dans la chambre, ce qui facilite peutêtre le dialogue. D’autres encore, au cas par cas, appliquent un schéma d’isolement discontinu : la personne sort d’isolement pour les repas ou un temps clairement défini, ce qui permet de voir sa sensibilité à l’ambiance du service et de pouvoir aller progressivement dans sa réintégration. L’obligation pour le médecin de signer un registre de contrôle et d’examiner la personne toutes les 24h est aussi une manière de protéger de l’arbitraire ;de même que la décision de mise en isolement ou de sortie, qui est toujours prise collectivement : avis du médecin et de la majorité de l’équipe. Le « tour de force » du soignant, c’est de garder du sens dans l’isolement, mais aussi en amont et en aval. C’est ainsi que le consentement aux soins du patient devra peut-être être recherché du côté d’un certain bien-être né d’une relation de confiance réciproque entre soignant et soigné, qui ne se pose pas en terme binaire, mais explore l’espace infini compris entre le oui et le non… Illustrons par un exemple. Un patient demande d’aller se recueillir sur la tombe d’un parent défunt au jour anniversaire de sa mort. Une partie de l’équipe refuse tout net : le patient est un fugueur notoire, la situation est bien trop risquée. L’autre partie accepte : on ne peut refuser à personne le droit de rendre hommage à un proche. N’y a-t-il pas une troisième position, celle de l’entre-deux, qui consisterait à questionner ce que le patient demande effectivement quand il formule cette requête ? Parfois le simple fait de lui donner la parole s’avère une solution en ce qu’elle permet l’ hommage par la libération qu’elle opère… L’isolement On est là dans le cabanon On s’ennuie, on tourne en rond Dans la tête rien est bon On passe le temps en faisant le con Pompe, abdos, on frappe, on pleure à fond Dans l’esprit, ça rit, ça joue Pour moi tout était flou On tient le coup pour pas finir à genoux On s’ennuie, on tombe dans le trou L’enfermement c’est dingue, ça te rend fou Le temps passe, les heures s’effacent, Tu penses aux femmes, aux grosses liasses Tu ris, tu pleures, ton corps se glace Tu t’endors comme une paillasse T’attends en vain que le docteur passe…. L.R.* * Poème de jeu, c’est déjà se positionner par rapport à la contrainte : proposer un espace de liberté, ne fût-ce que celui de la liberté de parole. Si la personne est contrainte, elle n’est pas contrainte à se taire et à subir ; elle a le droit de parler, de crier son incompréhension, et surtout, d’être informée des conditions légales dans lesquelles elle se trouve. En effet, il semble que même si son état ne lui permet pas de comprendre tout le sens de l’information qu’il reçoit à ce moment, le sentiment d’avoir été « reçu » accompagne le patient, comme le sentiment d’avoir accueilli « quelqu’un » domine chez le soignant. « Le soignant ne doit pas s’opposer, il doit s’apposer » disait Jacques Salomé. On se met l’un à côté de l’autre. L’explicitation de la mesure…. Vers une parole propre L’assistante sociale peut donner un maximum d’informations au patient par rapport à la loi, établir des liens avec la famille, avec le médecin traitant ou avec d’autres proches et les informer au sujet de ce qui va se passer au cours de l’audience, moment névralgique pour le patient et le soignant : « Il y a un aspect symbolique important au passage en chambre du conseil ; c’est pourquoi tout doit être mis en œuvre pour que le patient puisse y avoir une parole propre. Cette audience doit donc être préparée. Si le patient doit pouvoir exprimer ce qu’il va dire devant le juge, il faut aussi que le soignant exprime devant le patient ce qu’il va dire pendant l’audience. Chacun parle en son nom. » Approche globale et spécifique rédigé par un usager présenté dans le cadre de l’exposition « L’isolement, un outil thérapeutique » organisé par le centre de formation PJT, le centre psychiatrique St Bernard de Manage et l’hôpital St Martin de Dave. 10 jours à mettre à profit avant l’audience L’accueil réservé au patient va marquer la qualité de la relation ; oser le dialogue d’entrée La question des référents attribués aux patients ouvre sur un nouveau paradoxe de la fonction : celui qui écoute et aide est aussi celui qui doit rappeler le règlement d’ordre intérieur, le cadre juridique de la mesure. S’il est positif que le patient puisse trouver une approche globale auprès d’une personne qui a une formation tout azimut, il ne faut pas perdre de vue la richesse de la pluridisciplinarité d’une équipe et les spécificités propres à chacun dans l’approche de la personne. A resituer bien-sûr dans un projet thérapeutique commun. Dix jours utiles ? Il semble que certaines institutions aient pris des initiatives pour se recentrer sur cette période d’accueil de la personne en tentant d’être au plus près des personnes28. Bien sûr cet accueil sera fonction de différents paramètres à prendre en compte : la structuration et la cohérence de l’équipe, le nombre de patients présents dans le service, la mise à disposition de certains moyens financiers. Ces dix jours sont cependant très longs – subjectivement – pour la personne privée de sa liberté puisque, dans ce délai, les conditions « d’enfermement » ne sont, en général, pas négociables tant que le risque de fugue n’est pas évalué. Il n’y a donc que peu, voire pas de sortie autorisée, peu d’activités proposées. Très court – objectivement – pour mettre en place tout ce qui doit l’être, pour pratiquer une anamnèse et poser les bases d’un traitement surtout lorsque la personne ne restera pas plus longtemps : quand un toxicomane arrive, on a dix jours pour commencer un sevrage physique. C’est tout juste pour le physique mais ce n’est certainement pas assez pour un sevrage psychologique. Il apparaît du point de vue de la justice que ce délai soit fort court pour mettre en œuvre les dispositions suggérées par le législateur et pour que l’audience soit le lieu d’un véritable débat. En général, le patient ne voit que quelques instants l’avocat pro-deo qui lui a été attribué et cela dans le meilleur des cas, lorsque le patient n’a pas d’autres problèmes de communication. Ce délai devrait-il être prolongé ? Des rapports différents à la temporalité sont en jeu. Pour le soignant, il s’agit d’un temps d’observation de la personne, mais une observation qui doit être orientée vers un résultat visant l’amélioration de l’état psychique du patient et la restauration de ses capacités. Mais le patient, lui, se trouve dans une Confluences n°13 mai 2006 / 37 DOSSIER Comment explorer cet espace, comment rendre quelque chose possible autrement, quelles pratiques de la part des soignants en termes de consentement aux soins ? temporalité différente : un temps figé en fonction de la maladie d’une part, en fonction du cadre hospitalier, de son manque d’activité, de souplesse et d’ouverture sur l’extérieur d’autre part. Une porte ouverte dans un service fermé : celle de l’ergothérapeute, de l’AS, du psychologue L’atelier d’ergothérapie, ses fauteuils confortables, l’odeur du café qui s’en échappe, apparaissent parfois comme une façon de rétablir ce dialogue en permettant de retourner progressivement à des activités et à toutes ces petites choses, ces « riens » de la vie quotidienne en dehors de l’hôpital qui en font pourtant la spécificité. Les rencontres avec le psychologue, généralement tout aussi facultatives, travaillent dans le même sens : « un patient est ressorti de mon bureau la semaine dernière en me remerciant. Je lui réponds que je n’ai rien fait. Il me dit : « je sais, vous, vous ne faites jamais rien, mais j’ai pu vous parler ». Je ne suis peut-être pas normal mais cette phrase m’a payée pour toutes mes années de service ». Espaces libres d’activités, de paroles, de circulation (progressivement) permettent à l’intérieur de la contrainte de renouer avec une nouvelle liberté trouvée dans la gratuité et le rien et d’amener peut-être à l’alliance thérapeutique. Privilégier la communication « Le rôle essentiel de l’information est le partage ; on partage la responsabilité avec le patient : la parole est libératoire ; il s’agit de comprendre au sens sémantique du terme à savoir prendre avec, savoir dégonfler la situation pour faire tomber la pression qui pèse sur le patient, en lui donnant des informations dont il a besoin mais sans le charger d’un poids qu’il n’a pas à porter ». Ce savant dosage tient parfois de l’exploit et se doit d’être réajusté pour chaque malade, chaque situation. Cette information et ce dialogue sont sans cesse à reprendre et à répéter, chaque fois que le patient semble retrouver son discernement, pour tenter Confluences n°13 mai 2006 / 38 de dépasser de la contrainte pure et dure vers la négociation armée, voire un renouement, un consentement. Un dialogie à reprendre pour tenter aussi de prévenir la future crise en demandant au patient de reconnaître anticipativement la légitimité des soins et mesures de contraintes à mettre en œuvre lors des crises aiguës de la maladie. Ce que d’aucuns appellent le « Serment d’Ulysse ». Dans ce même cadre, la concertation avec les familles peut se révéler extrêmement importante ; les informer, les rassurer, fait partie du projet thérapeutique à mettre en place concernant chaque patient. L’idée de mettre en place des permanences psycho-sociales pour les familles au sein de l’hôpital est formulée… Enfin, relayer au mieux l’information concernant la fonction de médiation29 pourra aussi participer à améliorer la relation entre soignant et soigné. Prévenir la montée de la violence lui sera-t-il répondu « non », alors que s’il crie, s’il devient physiquement violent, il obtiendra réponse positive ? Arriver progressivement à partager une relation de confiance « L’important dans les soins psychiatriques, résume un intervenant, c’est de ne pas se sentir pris au piège ». Et, il est vrai que, dans ce cadre particulier de la protection de la personne du malade mental, la pratique du soignant tient un peu de celle du funambule qui sans cesse se doit de maintenir l’équilibre sur le mince fil qui le sépare du vide. Il doit effectuer un travail constant de réajustement et de requestionnement pour pouvoir éviter les écueils et retrouver un terrain plus serein où pourront éclore et s’épanouir les germes d’une nouvelle relation soignant-soigné non plus placée sous l’auspice négatif du piège, mais positif de la confiance consentie à partager. C’est la relation quotidienne qu’il faut travailler. En offrant une présence écoutante à la personne avant qu’elle ne crie, on peut tenter de limiter une certaine agressivité d’échelle. C’est aussi un état d’esprit à acquérir : « ne pas savoir trop », mais plutôt « se poser les bonnes questions ». « Le fait d’avoir peur et de reconnaître cette peur n’est pas un signe de faiblesse. Mettre en mots ce que l’on ressent vraiment va permettre à l’autre de se rendre compte de ce qui se passe. Parce que la personne qui est en colère devant vous, n’est pas forcément en colère contre vous ». 26 Loi Des formations sont également proposées aux soignants en ce domaine, par exemple sur les attitudes qui permettent de diminuer l’anxiété ou l’agressivité dans une situation de tension : « si je me penche sur la personne qui est assise, je ne vais pas inférer la même chose que si je m’accroupis à côté d’elle ; si je ne me mets pas en face de la personne mais plutôt de biais, je ne vais pas prendre tout sur moi de plein fouet » ; ou d’écouter la parole du patient : « qu’entendre derrière ce qui est demandé par le patient, pourquoi s’il demande à être mis en isolement relative à la protection de la personne des malades mentaux du 26 juin 1990. 27 Cette synthèse a été réalisée sur la base d’entretiens avec des équipes soignantes de différentes institutions psychiatriques pratiquant dans le cadre de la loi de protection de la personne des malades mentaux de 1990. Elle fait aussi écho à la Table-ronde sur le consentement aux soins qui s’est tenue mi-février à l’IWSM. En espérant que ce texte traduira le plus fidèlement possible les points de vues qui se sont exprimés et les vécus des différents acteurs. 28 Voir à ce sujet l’exemple du HAS à Fond’Roy p.39. 29 Voir à ce sujet l’article de Patricia Wastrat pp. 26-27. Une initiative parmi d’autres : l’hôpital d’accueil spécialisé (HAS) à Fond Roy Témoignage d’une restructuration dans le cadre d’un projet pilote a besoin de proximité, de disponibilité, de simplicité, de temps. La folie a besoin d’être accueillie, toujours. » G. Baillon30 L’équipe de Fond Roy a repensé l’accueil des patients qui lui sont adressés dans le cadre de mesures de Mise en observation. Le projet concerne une unité de 35 lits de psychiatrie adulte dont 10 forment une entité autonome. Diviser pour apaiser… L’unité de 10 lits constitue l’aile A du bâtiment et accueille le patient qui vient d’être mis en observation. Il est ainsi pris en charge en psychiatrie directement en « soins intensifs » : il est accueilli par deux intervenants qui resteront ses référents au cours des dix jours de la première phase de son hospitalisation, afin d’éviter une abrasion du discours et de tenter de faire de la création d’un lien, la priorité. Tentative d’ouverture aux familles aussi : pouvoir leur ouvrir la porte sans attendre. Dans l’urgence, il semble primordial de ne pas avaliser le patient comme seule personne souffrante. La priorité de cette prise en charge est donc l’accueil de ce patient traumatisé et, dans la mesure de nos possibilités, de son entourage. Il est important de fixer les buts de ces rencontres et de les évaluer afin de rester dans notre objectif de travail et d’éviter que l’urgence de la situation ne mène le jeu à notre place. Durant ces quelques jours, les deux intervenantsréférents chercheront à établir des hypothèses sur la crise et à adapter le cadre restreint de cette petite unité à cette mise en forme de la problématique. En d’autres mots, il s’agit d’utiliser ce cadre souple et restreint en réponse à la particularité de chaque tableau symptomatique. Pour l’un, il sera préférable d’avoir un seul référent qui le sécurise, pour l’autre se coordonner à plusieurs sera moins menaçant. Le travail clinique au quotidien et les supervisions nous donneront l’occasion de nous créer en équipe des lignes de conduites claires qui nous permettront d’être souples. Il s’agira de pêcher dans les ressources du patient et de l’équipe (psychiatres, psychologues, assistantes sociale, infirmiers) une meilleure intelligence de la situation. Tous ces moyens cliniques seront mis en synergie pour tenter de préparer la visite du juge. C’est une première amorce du travail de remise en position de sujet de cette personne qui a été engagée dans un processus de soins contre son gré. A l’issue de la visite du juge, où le patient sera accompagné par ses référents, une continuité au traitement est proposée. Soit le patient souhaite partir, comme le juge l’y autorise, soit il souhaite poursuivre le traitement sous le mode ambulatoire ou hospitalier ouvert. Soit la mesure est confirmée et nous prenons la suite de son hospitalisation en charge. Le transfert de l’aile A à l’aile B ou à tout autre service du groupe se fera à l’issue d’une triangulation entre, d’une part, le patient et son référent et d’autre part, les représentants de l’unité qui vont l’accueillir pour la poursuite de son hospitalisation. Il nous semble important, même si le patient n’est pas collaborant, que soit formulé en sa présence et en celle de l’équipe accueillante, le travail accompli durant ce temps d’accueil. L’équipe fonctionne ici sur le mode pluridisciplinaire et polyvalent. La partie B de l’Hôpital d’Accueil Spécialisé accueillera le patient à l’issue de ce travail de débroussaillage et entamera la prise en charge de soins plus spécifique. Chacun, qu’il connaisse le patient ou non (certains paramédicaux et assistants sociaux travaillent dans les deux ailes), se mettra au travail selon sa spécificité et en fonction de ce qui se sera profilé du travail de la crise. Pour l’un, l’accent portera sur un travail social approfondi, un autre donnera la priorité à un travail familial, pour un troisième ce sera les deux à la fois. L’admission dans cette partie du service peut aussi correspondre à une mise en observation par voie non-urgente (une minorité de situations) ou le retour d’un patient sous mesure de Maintien. L’équipe fonctionne, dans cette partie, sur le mode pluridisciplinaire et spécialisé. Les liens entre les deux ailes de cet hôpital seront activés dans ces échanges autour du travail accompli avec chacun des patients, au cours des réunions hebdomadaires cliniques communes et des supervisions. L’échange de personnel assure aussi la cohérence de ce projet binômique. L’hôpital d’accueil spécialisé inscrit dans un réseau La dynamique de cette entité thérapeutique qui travaille avec des patients sous la contrainte dans un exercice du soins de nature particulière pourrait être celle de la fermeture. Or la volonté de l’équipe est d’inscrire dans le travail quotidien une dynamique centrifuge. D’abord dans les staffs hebdomadaires, l’ouverture sur les autres équipes de la clinique par des éclairages cliniques de nos questions, la préparation du passage de certains dans d’autres unités et aussi, après un temps, l’accueil d’autres soignants qui auraient le projet de travailler quelques mois avec nous. Ensuite le type d’hospitalisations brèves dans lesquelles nous travaillons inclut d’emblée le réseau. Il se situe en amont et en aval et le travail ne sera possible qu’avec des collaborations. Avec les envoyeurs, nous tentons de ré-évaluer les envois qui nous ont été adressés, afin d’optimaliser nos collaborations. Ceuxci sont demandeurs de ce travail notamment au sein de la Plate forme de Concertation en Santé Mentale, pour faire valoir une certaine optimalisation de ce travail de protection de la personne des malades mentaux. Catherine Bertrand Psychologue clinicienne Coordinatrice du HAS de Fond’Roy 30 Guy Baillon, les urgences de la folie, l’accueil en santé mentale, Paris, Gaëtan Morin et PUF, 1998. Confluences n°13 mai 2006 / 39 DOSSIER « La folie, si douce ou si violente soit-elle, Une approche du traitement sous contrainte en Défense sociale En guise de préambule, nous allons vous exposer succinctement le cadre de la Défense sociale qui constitue notre contexte de travail. Les patients qui y séjournent ont commis, à un moment de leur histoire, un ou des actes délictueux suite auxquels une expertise mentale a établi leur démence, leur état grave de déséquilibre mental ou de débilité mentale les rendant « incapables du contrôle de leurs actions », conformément à la loi de Défense sociale de 1964. Ces personnes ne sont donc pas jugées et condamnées pour leur(s) délit(s) mais la Justice ordonne leur internement, qui est une mesure de sûreté entraînant bien souvent leur placement sous contrainte au sein d’un établissement de Défense sociale. Tous les six mois, chaque patient comparaît devant une Commission de Défense sociale – constituée d’un magistrat président, d’un avocat et d’un psychiatre - qui leur octroie (très) progressivement des élargissements en fonction de leur état mental (sorties accompagnées des membres du personnel, sorties seul, congés en famille, etc.) jusqu’à la libération à l’essai ou définitive. Cette dernière se fait sous certaines conditions dont une tutelle médicale et sociale. Ces conditions prennent place pour une durée indéterminée, modifiables sur demande à la Commission et variant d’un cas à l’autre. Adèle CLAIX, Donatien MACQUET et Marjorie MENGHINI Psychologues au CHP Les Marronniers à Tournai Un changement peut survenir dans la contrainte... Au cours de son séjour, dont la durée moyenne est de quatre ans et demi, le patient interné est placé dans un des pavillons du site de Défense sociale, où il est encadré par une équipe pluridisciplinaire qui lui est imposée, et avec laquelle il devra composer. En tant que psychologue, notre mission première est d’évaluer l’état mental du patient, notamment à l’aide de testing, et d’apporter un éclairage aux différents intervenants et à la Commission de Défense sociale lorsqu’elle nous sollicite. A côté de ce travail, des entretiens de soutien sont proposés. Le patient peut accrocher à cette proposition d’aide ou la refuser. Néanmoins, la Commission, représentant l’autorité judiciaire, est attentive à l’adhésion du patient aux soins qui lui sont proposés. Le patient est conscient Confluences n°13 mai 2006 / 40 de cet enjeu, pouvant « choisir » de se soumettre à cette aide-contrainte plutôt que de s’approprier réellement cet espace psychologique. Toutefois, certains entretiens de soutien peuvent donner accès à un suivi psychothérapeutique où une demande de compréhension et de changement émane progressivement du patient. Malgré la contrainte et le peu de souplesse d’un tel système, un changement peut donc prendre place. Un travail psychothérapeutique possible ? Néanmoins, les points de vue divergent quant à cette question d’un travail psychothérapeutique possible au sein d’une institution de soins sous contrainte. En effet, nous nous retrouvons confrontés à un paradoxe entre la mission d’expertise/d’évaluation destinée à l’équipe et à la Commission et la visée psychothérapeutique. Ces différentes missions étant en charge des mêmes intervenants. Certains estiment qu’une relation thérapeutique authentique ne peut pas se tisser à partir du moment où la contrainte existe. Nous ne faisons pas abstraction de cette difficulté mais nous tentons d’aménager notre pratique pour qu’une demande puisse émerger et qu’elle puisse trouver un espace où s’exprimer et prendre forme. Notons également, de manière générale, que le cadre d’intervention psychiatrique et/ou psychologique apparaît bien plus régulièrement inclus dans la contrainte que dans la demande entièrement libre d’un traitement. De plus, la question du secret professionnel partagé est souvent mise en avant pour justifier l’impossibilité d’instaurer une relation thérapeutique. Nous dépassons cet obstacle, d’une part en préservant une certaine confidentialité (n’est dit à l’équipe ou à la Commission que ce qui est nécessaire), et d’autre part en éclairant le patient sur le partage de certaines informations. Cet éclaircissement donne l’occasion au patient d’en saisir l’importance et d’y adhérer, pouvant participer au renforcement de la relation de confiance naissante. Dans ce cadre et au regard de notre expérience, l’honnêteté du clinicien, sur ce qui fait partie ou non de l’espace du possible peut atténuer le poids de la contrainte. Vers une responsabilisation ... L’engagement dans un processus thérapeutique exige de la part du patient de dépasser sa position d’interné « irresponsable ». En formulant une demande de changement, il se montre capable de se réapproprier une responsabilité dans son existence et dans la place qu’il occupe dans le réseau social de l’hôpital ou plus globalement de la société. L’étiquette collée par l’expertise mentale à l’origine de l’internement et par la psychiatrie peuvent continuer à l’aliéner en lui donnant une identité à laquelle il va parfois s’accrocher, l’empêchant de formuler une demande de changement. Ces patients se trouvent ainsi dans un paradoxe qui appelle la chronicisation, paradoxe dans lequel le clinicien se trouve aussi. La limite de notre intervention thérapeutique peut, pour certaines pathologies, se situer dans la « rupture » avec le monde extérieur. Ainsi, pour certains patients, l’isolement social dû à l’internement peut entraîner une rigidification des résistances plutôt qu’une mobilisation psychique. Cette situation implique que des patients ne parviennent à formuler une demande psychothérapeutique que lorsqu’un projet de réinsertion se dessine pour eux. Notre travail dépend donc en grande partie de la temporalité institutionnelle. Tout se passe comme si l’épreuve de réalité et/ ou l’angoisse de la sortie permettait de lever – voire d’assouplir — certaines résistances. Une dépendance institutionnelle Néanmoins, pour d’autres, l’approche de cette libération peut les inciter (in)consciemment à se mettre en échec : en effet, l’internement leur offre, paradoxalement, un « réseau social » que la plupart n’ont jamais réussi à mettre en place à l’extérieur et qui peut conduire à une dépendance institutionnelle. D’autant plus que l’institution revêt volontiers une place de « mère toute puissante », jouant à la fois un rôle sécurisant et coercitif. Nous restons donc bien conscients que la psychothérapie ne s’adresse pas à l’ensemble des patients internés mais nous la pensons possible. Nous croyons même que ce cadre contraignant permet à certains patients de faire émerger une demande thérapeutique qui n’aurait pas pu éclore dans un autre contexte. Un patient peut n’avoir jamais eu recours antérieurement à une aide psychologique par peur, préjugé, méconnaissance mais aussi parfois par souci financier ou parce que son milieu socio-culturel ne l’y appelle pas. Notre travail ne peut nous amener à n’envisager l’aide-contrainte qu’à travers ses limites. Pour avancer dans notre tâche, il nous est nécessaire d’en percevoir les ressources, comme par exemple la position de tiers que peut endosser l’institution par rapport à la Commission, qui s’offre comme représentation symbolique de la Loi. L’équipe soignante vit « en direct » les prémisses d’un passage à l’acte avec le patient. Elle peut progressivement l’amener à repérer et exprimer verbalement les tensions internes qui ne pouvaient se décharger qu’au travers de passages à l’acte ; autrement dit, de transformer les sensations en émotions dicibles. Un tel travail permet de se décaler par rapport à des scénarii de vie vécus antérieurement, par rapport à des comportements dysfonctionnels et/ou à une logique homéostatique rigidifiée. Ce processus demande du temps ; temps dont nous disposons en Défense sociale et qui peut être un allié ou un obstacle à l’émergence d’une demande de changement (chronicisation). Hors contrainte, les soins peuvent être interrompus et/ou se clôturer par le renvoi du patient de l’institution et cristalliser des comportements autodestructeurs. La contrainte permet au moins une stabilité et une continuité relationnelle. Un « tour de force » Le traitement sous contrainte peut s’apparenter à un parcours semé d’embûches, mais il ne relève pas d’une mission impossible. De toute manière, dans le champ psychiatrique, la contrainte semble davantage la règle que l’exception, même loin du cadre de défense sociale : contrainte familiale, sociale, institutionnelle (scolaire, professionnelle,...), judiciaire (mises en observation)... Nous avons saisi l’opportunité qui nous a été offerte de livrer ces quelques réflexions sur la question. Elles vont peut-être relancer quelques débats... que nous souhaitons éclairants et riches pour les professionnels et les patients... Enfin, précisons que nous sommes des thérapeutes de trois orientations et sensibilités différentes : cognitivo - comportementale, systémique et analytique ; ce qui ne nous empêche pas de partager une même philosophie de base du travail sous contrainte... Confluences n°13 mai 2006 / 41 DOSSIER Pierre Wautier www.isolement.be Un processus qui s’échelonne dans le temps La question de consentement chez l’enfant La question du consentement aux soins se pose de manière spécifique dans le champ de la pédopsychiatrie en raison du statut légal du mineur mais aussi parce que le consentement relève ici, peut-être plus encore qu’ailleurs, d’une relation de confiance entre l’adulte et l’enfant. Un travail qui prend du temps, beaucoup de temps. Deux articles alimentent cette réflexion au départ des pratiques qui sont menées au Centre Hospitalier Jean Titeca et au Centre de Psychiatrie Infantile Les Goélands. Principe : Le cadre légal La loi sur les droits du patient32 précise que « suivant son âge et sa maturité, le patient est associé à l’exercice de ses droits. Les droits énumérés dans cette loi peuvent être exercés de manière autonome par le patient mineur qui peut être estimé apte à apprécier raisonnablement ses intérêts ». Concrètement : Lorsque le Tribunal de la Jeunesse (TJ)33 ordonne le placement d’un mineur34 : il n’est pas possible d’envisager une forme de contrainte aux soins ; la prise en charge doit se dérouler en régime ouvert ; aucune contrainte physique ne peut être exercée pour empêcher le jeune de quitter l’institution (mais il sera immédiatement déclaré en fugue) : les sorties du service (activités, loisirs, ...) sont quotidiennement organisées ; les week-ends en famille ou au sein d’un milieu de vie substitutif sont possibles, en fonction des accords des représentants légaux, de l’évaluation clinique, en concertation avec le TJ. Le consentement comme processus L. SERVAIS, Psychiatre, chef de service E. JOIRET, Psychologue, chef de service - adjoint Unité Karibu du Centre Hospitalier Jean Titeca L’adhésion aux soins La question de l’adhésion du mineur à un processus psychothérapeutique ou socio-éducatif est au cœur de la réflexion éthique des praticiens des secteurs de l’aide à la jeunesse et de la santé mentale qui interviennent dans le champ des mesures ordonnées sous contrainte judiciaire. Ainsi, la notion de « l’intérêt de l’enfant » se réfère, essentiellement, aux représentations sociales et professionnelles ainsi qu’aux textes légaux internationaux définissant les droits fondamentaux de l’Homme et de l’Enfant. Elle résulte de la prise en considération de principes et de valeurs qui, à certains moments, peuvent entrer en conflit. Le statut « d’incapable de droit » du mineur soumis à l’autorité de ses représentants légaux n’exclut pas pour autant qu’il dispose d’une capacité naturelle d’exercice de ses droits lorsque son âge, sa maturité et sa capacité de discernement le permettent. Dans ce contexte, la question du consentement ou de l’adhésion du patient mineur aux soins médicaux nous parait devoir se concevoir comme un processus dynamique qui nécessite, outre sa stimulation et son soutien par le médecin et son équipe pluridisciplinaire, une évaluation régulière par l’instance judiciaire mandante. Lorsque l’hospitalisation est ordonnée par le juge de paix35 dans le cadre de l’application de la loi de la mise en observation : La pratique au sein de l’unité Karibu La prise en charge hospitalière peut se dérouler en régime fermé ; une contrainte physique peut être exercée pour empêcher un patient de quitter l’institution ; Les sorties du service (participation aux activités extérieures, sorties en week-end, ...) sont, au cas par cas, autorisées par le médecin-psychiatre du service. Confluences n°13 mai 2006 / 42 Pour peu que les critères d’inclusion médicaux et administratifs soient objectivés31, la décision de placement au sein de l’unité Karibu du CHJT peut donc être prise par le tribunal de la jeunesse [TJ] ou par le juge de paix. Comme pour d’autres mesures ordonnées par le TJ (par exemple contraindre un jeune à « se soumettre aux directives pédagogiques et médicales d’un centre d’orientation éducative ou d’hygiène mentale »), l’admission du jeune au sein du service Karibu ne suppose pas, à l’initiation de la mesure, son adhésion pleine et entière. Notre projet thérapeutique stipule d’une part, que cette question doit être portée dès l’admission devant le tribunal pour être débattue entre le jeune, son conseil, et ses représentants légaux (avec possibilité d’appel) et, d’autre part, qu’il s’agit d’un processus qui doit être ponctué par des évaluations régulières de l’autorité judiciaire pour constater l’évolution constructive du processus d’adhésion. Pour cette raison, la procédure d’admission et de maintien prévoit des étapes indispensables permettant au TJ d’évaluer l’adéquation de la mesure ordonnée. Si elle n’est pas acquise à l’admission et que le TJ a statué en dehors du consentement des intéressés, l’adhésion du jeune et/ou de ses représentants légaux à la prise en charge thérapeutique ordonnée par le tribunal doit être immédiatement recherchée, car les soins médicaux (programme thérapeutique) ne peuvent être administrés valablement sans leur accord. Une première « ponctuation » se concrétise lors de la réunion de « clarification » qui a nécessairement lieu au TJ, au plus tôt la troisième semaine de l’hospitalisation, soit au terme du délai d’appel de 15 jours. Le TJ vérifie que la prise en charge psycho-médico-sociale hospitalière rencontre leurs attentes et consentements quant à sa finalité thérapeutique. Il en est de même au terme de chaque ordonnance de trois mois. S’il apparaît, au terme de ces réunions, que l’adhésion du mineur et de ses représentants légaux n’est pas (ou plus) acquise, notre équipe demandera une révision de la mesure. La mise en observation au sein du service pour adolescents masculins du C.H.J. TITECA, implique Une succession de mouvements contradictoires En conclusion, comme l’indiquent partiellement certains textes légaux, le consentement, en particulier chez les adolescents, ne peut se concevoir comme un choix binaire. En effet, au cours de l’adolescence, la différenciation progressive et l’autonomisation se construisent dans une succession de mouvements contradictoires où se remettent continuellement en scène les questions d’appartenance et de loyauté d’une part, et d’autre part, le besoin de se dégager progressivement de systèmes de références qui font le contexte socio-familial et affectif du jeune. Dans ce processus, il est naturel que les représentations du jeune soient fluctuantes et paradoxales, en particulier par rapport à un engagement aussi impliquant que l’acceptation d’un séjour en milieu hospitalier psychiatrique. Ainsi, du point de vue clinique, l’adhésion du jeune fait partie intégrante du processus thérapeutique dans le souci de le voir se différencier et s’autonomiser de manière constructive. Qui ne dit mot consent ? Non ! Francis Turine Directeur du Centre de Psychiatrie Infantile Les Goélands Ce vieil adage populaire n’a guère de pertinence dans le champ de la santé mentale. Nous le constatons et vérifions régulièrement en psychiatrie infantile ! L’enfant, l’« infans », celui qui ne parle pas, peut consentir à l’adulte, à ce que ce dernier lui propose et lui apporte et c’est de cette manière que, normalement, il prend place et grandit progressivement dans le monde. De manière générale, lorsqu’il s’agit de mineur, la dépendance à un autre responsable, parent ou juge de la jeunesse, le définit, tout au moins dans son état. Une certaine contrainte, indiscutable donc, est présente d’emblée. Lorsqu’il s’agit de traitement, c’est-à-dire lorsqu’il y a eu certains « ratages », l’enfant peut aussi y consentir, et cela sans ambiguïté, qu’il le dise avec des mots ou non. Souvent cependant, il lui faut du temps pour pouvoir exprimer ce consentement. Mais il peut arriver aussi qu’il n’y consente pas ! Nul ne peut contraindre la pensée à un système ou à un traitement par simple décision externe sinon, peut-être, par la contrainte chimique. Concernant bon nombre d’enfants autistes, nous constatons, vivons, savons d’expérience, que le consentement à un certain dynamisme ou engagement relationnel stable, exige de nombreux mois, sinon des années. Il s’agit de faire ses preuves pour qu’ils puissent y consentir ! Illustrons ces propos par la situation de Pierre, âgé de 11 ans, au sujet de qui le Juge de la Jeunesse a décidé un placement en dehors de la famille car, depuis près d’un an, il refuse l’école, s’est enfermé à son domicile ; il occupe living et chambre, en face à face avec la play-station, attitudes face auxquelles ses parents ne peuvent s’opposer, totalement dépassés ! La décision est là, présente. Elle permet, et c’est important, que le temps serve d’outil à l’élaboration, à la pensée, à l’apprivoisement. Pendant plusieurs mois, la directrice et la déléguée du service de protection judiciaire se retrouvent en pleine impuissance car Pierre s’oppose violemment à chaque tentative visant à le faire sortir de chez lui. Les parents, quant à eux, restent très ambivalents par rapport à un éloignement de la famille . Contactés par le service de protection judiciaire, mesurant la gravité et l’impasse de la situation, nous acceptons de rencontrer Pierre qui accepte de se déplacer pour un premier entretien. Il se dit prêt à venir découvrir l’institution mais, le jour fixé, il est incapable de sortir de chez lui. Entretiens à domicile, accord verbal de sa part mais impossibilité psychique, donc physique, de quitter le domicile. Il est fait appel au Parquet. La première fois qu’il accepte de venir visiter les lieux, accompagnés de ses parents et conduit par deux policiers, il accepte l’entretien mais s’oppose violemment lorsqu’il s’agit de rester sans ses parents. Les policiers le ramènent chez lui. Quelques jours plus tard, la maman accompagnée de la police, qui en a la mission, conduit Pierre. Avec des pleurs, il laisse repartir sa maman. Le déroulement de la semaine se passe paisiblement et il retourne comme prévu en famille pour le week-end. Comme on pouvait le craindre, le retour à l’institution s’avère impossible le lundi matin. Nouvelle intervention de la police. Ce scénario se répétera plusieurs fois et il faudra quelques péripéties et plusieurs allers « manu militari »retours « en détente » pour que Pierre acquière l’assurance intime que ses week-end en famille ne sont nullement mis en question, que nous les lui garantissons. C’est alors qu’il peut décider de se déplacer sans contrainte, de son domicile à l’institution et, de celle-ci à son domicile. Cette décision de nous faire confiance, Pierre était seul à pouvoir la prendre. Il lui a fallu quelques semaines, le temps nécessaire à oser un consentement. Le travail psychothérapique peut alors, dans ces conditions, débuter ou se poursuivre ! ? 31 32 33 34 35 Crf le résumé de notre projet thérapeutique disponible sur demande. Sur base de l’article 12,§2 de la loi sur les droits du patient du 22/08/02. Sur base des articles 52, 60 et 37, §2, 3° de la loi du 8/4/1965 sur la protection de la jeunesse. « (...) dans un établissement approprié, en vue de (...)son traitement (art 37, §2, 3°) ». Sur base de la loi du 26/6/1990 relative à la protection de la personne des malades mentaux, en référence à l’art. 43 de la loi du 8/4/1965. Confluences n°13 mai 2006 / 43 DOSSIER que l’ensemble des critères d’inclusion du « projet-pilote Karibu » soient réunis (adolescents masculins, dossier au TJ , …). Il faut également qu’une place soit disponible au sein de notre unité. Les procédures relatives au maintien et à la levée de la mesure de placement ordonnée par le juge de paix sont celles décrites dans la loi du 26 juin 1990 relative à la protection de la personne des malades mentaux. Nous ne nous attarderons donc pas sur les aspects de cette procédure. Notons, toutefois, que ces formes juridiques peuvent se succéder pendant une prise en charge d’un patient. Rencontre En aval de l’hospitalisation contrainte, André Lambert nous livre, dans cet entretien, la spécificité de son travail de suivi des malades psychotiques à domicile. Avec passion, il entre dans ce monde de l’autre, de ses délires, de ses fantasmes dans lequel il s’installe de temps en temps pour laisser advenir, en dehors de toutes contraintes, la confiance, condition première d’une relation thérapeutique : c’est dans ce rien, dans cet espace creusé par le vide que vient se loger, pour lui, la question du consentement aux soins. Entretien avec André LAMBERT Assistant social au Service de consultation psychosociale de Jambes Une interview réalisée par Christine Gosselin, IWSM - Pouvez-vous nous parler de votre travail ? Une partie de mon travail consiste à suivre les psychotiques lors de leur sortie de l’institution psychiatrique. Soit après la levée de la mesure de mise en observation, soit dans le cadre d’une postcure pendant la période de maintien. Lorsqu’une demande est faite, j’attends toujours de rencontrer la personne d’abord en institution. Cela permet d’assurer une certaine mise en confiance et une continuité dans le suivi : j’assure, pour elle, un rôle de repère entre le monde hospitalier et le monde extérieur. Je me présente comme assistant social, ce qui est un avantage : il n’y a pas de méfiance. Qu’elle soit ou non sous mesure de protection ne change rien pour moi. Elle me dit des choses qu’elle ne dit pas au psychiatre parce qu’elle sait que je n’ai pas de compte à rendre à l’hôpital. Entre nous, il n’y a pas de rapport de force. Le patient fait ce qu’il veut et je peux refuser de Confluences n°13 mai 2006 / 44 A la rencontre de l’autre le suivre si je pense que je ne pourrai pas arriver à une relation fructueuse avec lui. C’est souvent le cas des patients en probatoire. Ils viennent au centre orientés par la justice qui leur impose de suivre une thérapie. Or, il est impossible de vouloir commander des psychothérapies : on ne sait pas faire des injections de désir ! dire que la personne puisse y trouver abri et protection lorsqu’elle délire ; autant il me semble essentiel de garder le domicile comme espace privé, de respecter la liberté individuelle, de travailler dans la confiance. - Quels sont vos rapports avec l’institution hospitalière ? Pour entrer chez la personne, je frappe à la porte et j’entre lorsqu’elle me dit d’entrer. Je me glisse alors dans son monde, qui n’a pas les mêmes critères que le mien. Et je respecte ces critères. Il faut que le psychotique délire sinon son angoisse n’a pas d’objet et se transforme en dépression. Parfois je peux passer une heure près de lui à ne rien dire ; nous buvons une tasse de café. L’important n’étant pas tant de faire ou dire quelque chose que d’être simplement présent. C’est dans ce cadre de respect de la parole, dans cet échange que la relation de confiance s’instaure ; dans ce cadre que, sans offenser, je peux parler d’administration provisoire de biens quand la situation l’impose ; que je peux, lorsque certains critères me laissent entrevoir une dégradation de l’état du patient, attirer l’attention sur ces symptômes, évoquer la possibilité d’une hospitalisation et tenter d’obtenir un consentement. La personne sait qu’elle peut me faire confiance, que je ne vais pas lui mentir. L’important c’est de préserver cette relation . Le plus difficile à supporter, c’est ma responsabilité face à la liberté de la personne. Si elle me met à la porte et qu’elle délire en disant « je vais mettre le feu », qu’est-ce que je fais ? Jusqu’où va la confiance ? Comment mesurer le risque ? Chaque situation appelle une nouvelle évaluation, un nouveau questionnement. En général, l’hôpital me demande de prendre en charge un patient, ou bien celui-ci me contacte sur proposition de l’hôpital, pour assurer un suivi lors de sa sortie. Nous collaborons pour trouver un logement s’il n’en a pas ; pour effectuer certaines démarches administratives. Au fil du temps, un réseau de soins se met en place autour du patient. Il comprend les aides familiales, le médecin traitant, les infirmières à domicile, l’administrateur de bien, l’assistant social... L’hôpital aussi fait du réseau, au départ de sa structure, et étend ses « services » bien au-delà de ses murs... Pour le patient, il me semble que cette situation induit un risque certain dans la mesure où il ne pourra sortir de l’hôpital que s’il accepte d’être pris en charge par le réseau hospitalier. Personnellement, je me méfie des soins à domicile lorsqu’ils s’apparentent à une possible psychiatrisation du domicile qui ne laisse plus au patient la liberté de sortir du réseau de soins psychiatriques. On lui demande son accord, mais n’est-ce pas un leurre ? Que devient-il s’il ne choisit pas le réseau ? Ce n’est plus le patient qui va vers l’hôpital psychiatrique ; c’est l’hôpital qui vient chez lui. Autant je pense qu’il est important que l’hôpital puisse garder aussi un rôle asilaire, c’est à - Le respect de la liberté, c’est le maître mot de votre démarche ? Le consentement dans le cadre de la thérapie contrainte D’un côté, l’aspect pulsionnel propre à la plupart des comportements délictueux et, de l’autre, la conscience de l’interdit qui les frappe, dressent une clôture entre l’individu et ceux qui sont susceptibles de le juger. Certains parviendront à interrompre leur comportement et à demander de l’aide. Nous l’avons dit ils sont rares. La plupart du temps, surtout s’ils continuent, ils se protègent par leur menace sur la victime (« si tu parles... ») mais aussi par une rétractation sombre et sinistre chez certains sous l’effet de la honte, ou encore par le déni proprement dit. Puis il y a tous les inconscients égocentriques dont les passages à l’acte ne laissent pas de traces au-delà de l’instant, et bien sûr les irresponsables. Quand le fait est révélé, la machine judiciaire lancée, le consentement au traitement vient vite sous la forme utilitaire : « ce sera bon pour mon dossier ». Mais le plus souvent c’est aussi un soulagement : la clôture évoquée tout à l’heure cède et cela restitue au sujet la liberté de devenir autre chose qu’un délinquant ou un abuseur. Il le sait, confusément ou clairement. Dans le combat entre la pulsion et l’interdiction de pouvoir la vivre ouvertement, il est rarissime que le choix opposé cyniquement soit de pouvoir récidiver dès que possible. L’observation nous enseigne que les comportements sexuels délictueux, en particulier, trouvent des significations externes et internes qui engagent toujours à une analyse extrêmement complexe : on entre dans les méandres obscurs des plis de la conscience, sur les marges de l’inconscient ; on est au seuil de grottes où, plus ou moins loin dans la pénombre, on perçoit des ombres, des signes propres au sujet mais dont, ni lui-même, ni nous-mêmes ne sommes jamais sûrs de ce qu’ils disent, de ce qu’ils montrent. L’expérience nous rend plus experts mais, à chaque fois, l’aventure de devoir comprendre est nouvelle et souvent, nous sortons d’une longue discussion « de cas » étonnés qu’elle demeure à ce point ouverte. C’est que le comportement sexuel engage l’être tout entier, dans toutes ses instances. Quand il subit la contrainte, celle-ci concerne la part sociale du comportement. La protection de la société peut conduire à appliquer aveuglément une sanction, mais l’idéal de réhabilitation que prône la Justice démocratique engage à placer l’acte dans son contexte, son histoire, son devenir, et à installer un dispositif d’aide sur le plan psychique. La contrainte oblige à trouver un avenir malgré tout et à instaurer un contrôle interne qui supprimerait le risque de récidive, c’est-à-dire, à entrer dans l’extrême complexité dont nous venons de parler. Ce ne sera pas seulement aider à contrôler : il faudra trouver un homme, une femme. C’est la mission qui nous est confiée par la Justice. Si nous n’acceptons pas cette mission, il ne faut pas faire ce métier. Il ne s’agit pas de collusion mais de réhabilitation. Il faut partager l’idéal de réhabilitation des délinquants, c’est-à-dire la restitution de leur liberté et de la confiance des autres à leur égard. En ajoutant que la négation n’empêche pas l’aide et qu’il ne faut pas oublier les quelques pour cent de véritables erreurs judiciaires. Infos : UPPL Rue Despars 92 - 7500 Tournai Tél. : 069 / 88 83 33 e-mail : [email protected] Confluences n°13 mai 2006 / 45 DOSSIER Parler de consentement dans le cadre d’une thérapie contrainte pourrait être de l’ordre de la provocation. Comment pourrait-il y avoir consentement (étymologiquement : avoir la même opinion) lorsque la Loi prive de leur liberté des individus réputés libres et égaux ? Les obliger à suivre un traitement ou une guidance dans la foulée de la sanction, est un processus que très peu d’entre eux auraient imaginé, désiré comme tel, encore moins décidé. Il existe des demandes spontanées mais elles sont très rares. Exposition / Journée d’étude : « Isolement, un outil thérapeutique ? » - www.isolement.be Michel MARTIN Psychiatre, Président de l’UPPL (Unité de PsychoPathologie Légale) Directeur médical de l’AIGS (Association Interrégionale de Guidance et de Santé) SSM de Visé. Le consentement en traitement forcé Le Comité Consultatif de Bioéthique a publié le 10 mars 2003 un avis concernant le traitement forcé en cas d’hospitalisation sous contrainte36. Il est évident que ces conditions d’hospitalisation et de traitement créent, d’un point de vue éthique, une situation paradoxale. Alors que le respect de l’autonomie décisionnelle des personnes forme un des piliers du respect de leur dignité, le placement et le traitement forcés refusent cette autonomie, en principe pour protéger le patient et son entourage des dangers qu’entraîne sa maladie. La loi du 26 juin 1990 définit soigneusement dès lors les conditions et limites de cette « transgression », et les recours dont dispose le patient. Léon CASSIERS Vice-Président du Comité National de Bioéthique, Docteur en médecine, Psychiatre, Psychanalyste et Criminologue, Professeur émérite de l’Université Catholique de Louvain. Comme toujours, le véritable souci éthique déborde le juridisme des lois. Il demande d’entretenir une sensibilité réelle envers les souffrances que ces situations comportent pour les patients et leur entourage. Plus que dans les maladies somatiques la dignité de la personne est menacée, puisque ici les fonctions psychiques qui assurent l’autonomie sont atteintes. Cet affaiblissement des capacités de décision du malade n’élargit pas la liberté décisionnelle des soignants, mais bien au contraire les appelle à une vigilance et à une prudence accentuées. C’est l’intérêt réel du patient et celui de son entourage qui autorisent la contrainte et qui doivent rester le fil conducteur permanent des décisions prises. Cet intérêt demande aussi de prendre en compte le sentiment subjectif de dignité qu’éprouve le malade. Il est humiliant de n’être plus tout à fait capable de se gérer soi-même, et les patients le ressentent bien. Même et surtout en situation de contrainte, tout le contexte relationnel offert par les soignants doit donc s’ingénier à transmettre un sentiment de respect. Cela ne sera possible qu’à la mesure où les soignants l’éprouvent réellement, ce qui ne se prescrit pas par des lois. La qualité de la relation humaine doit être chez eux un Confluences n°13 mai 2006 / 46 souci constant, sans cesse renouvelé contre la banalisation des routines. C’est en supposant ce préalable acquis que nous pouvons analyser quelques aspects pratiques des situations de contrainte. Droit ou devoir de traiter ? Il est vrai que la loi de 1990 ne parle pas du traitement forcé. Deux ou trois allusions indirectes à celui-ci cependant, mais surtout l’évidence qu’il s’agit bien d’hospitalisation contrainte et que l’hôpital n’est pas d’abord une prison de sécurité montrent clairement que le sens de la loi est de pourvoir au traitement du malade. Il est donc légitime de lui imposer un traitement lorsque ce traitement est nécessaire et qu’il ne peut y consentir. Ne pas traiter serait un abandon. Quant au contenu et aux visées du traitement, des règles de prudence et de respect s’imposent. Sont légitimes les traitements qui visent à débarrasser dès que possible le patient des troubles qui le rendent dangereux et obligent à limiter sa liberté. Ils doivent suivre les consensus médicaux de « bonnes pratiques » et toute expérimentation de nouveaux produits est exclue aussi longtemps que le malade ne peut y consentir vraiment. Si le patient présente des pathologies associées, sans rapport avec l’hospitalisation forcée, on ne peut les soigner sans son accord, sauf évidemment dans la mesure où ces pathologies demanderaient des soins urgents. Ce principe général ne supprime pas les difficultés de décision face à certains cas particuliers. Si, par exemple, un patient sous contrainte refuse une chimiothérapie alors qu’il souffre d’un cancer, on ne peut en principe la lui imposer. Toutefois, c’est par une attention soigneuse portée à tout le contexte de vie habituel et à la personnalité du patient qu’on prendra la meilleure décision, au cas par cas. Ici comme ailleurs, la véritable éthique s’accommode mal d’une rigidité juridique ou de la routine, mais ne devient effective que par une attention positive apportée à chaque personne singulière. C’est dans cet esprit que l’avis du Comité de Bioéthique aborde la délicate question de la contraception forcée. Nous ne pouvons nous y étendre ici, non sans recommander la lecture du texte complet de l’avis. Le consentement Apparemment le patient qu’il a fallu contraindre à l’hospitalisation a perdu ses capacités normales de jugement. Rien ne serait plus faux cependant que de comprendre ces capacités comme une fonction présente en tout ou rien. Même psychiquement atteints, les hommes et les femmes gardent sur quantité de domaines de leur vie la capacité de juger et de se conduire de manière normale. Plus radicalement, considérer qu’un malade ou un handicapé mental sont incapables de tout jugement, c’est renoncer à leur parler, dénier leur humanité C’est pourquoi, quelle que soit sa capacité de consentement, tout malade, même sous contrainte, garde toujours le droit d’être informé de son traitement et des buts poursuivis par celui-ci. Il faut se le rappeler inlassablement, même devant des personnes atteintes de démence ou de débilité grave, ou de confusion. Seul le coma coupe la relation et le dialogue, et dans ce cas l’entourage ou les personnes responsables prennent le relais. Ce n’est pas parce qu’une information, donnée dans un vocabulaire accessible au patient, risque de recevoir un refus ou une réponse absurde que le consentement ne doit pas, à son tour, être négocié et recherché. Toute personne qui a l’expérience du terrain sait que, dans la grande majorité des hospitalisations sous contrainte, le traitement peut parfaitement être négocié et s’effectuer avec le consentement réel du malade. En outre, un premier refus ne dispense pas de continuer à négocier un consentement tout au long du traitement. L’état du patient évolue, et parallèlement ses capacités de jugement, au fil du processus thérapeutique. Information et consentement ont pour sens de respecter la liberté du patient autant qu’il est possible. Ils ont un sens relationnel peut-être encore plus important. Le patient doit rester un interlocuteur égal en humanité, et non pas se trouver stigmatisé comme un inférieur en raison de ses pertes de capacité. L’asymétrie de savoir et de pouvoir ne peut entraîner, comme elle y invite facilement si l’on n’y prend garde, une asymétrie de dignité humaine. Dans la même perspective, on ne peut nourrir une idée théorico-technique de la capacité à consentir, ni penser dès lors que seuls quelques tests statistiquement balisés la mesureraient. Tout consentement humain représente toujours une équation complexe, personnelle et subjective entre des désirs immédiats et d’autres qui portent sur le long terme, entre des intérêts personnels et les intérêts des autres, entre des désirs plus ou moins irréalistes et les limites qu’impose la réalité. De même, tout jugement posé sur la capacité d’un autre passe par la subjectivité personnelle et culturelle du soignant. La liberté ne peut ainsi se concevoir comme une entité abstraite détachée de son enjeu. Le jugement sur la capacité du patient appelle, du côté du soignant, une évaluation centrée sur le danger éventuel des décisions du malade, danger qui seul justifie la contrainte. Cette capacité ne peut s’évaluer sur le caractère plus ou moins « rationnel », convenable ou conformiste, des désirs du malade. Ainsi, par exemple, le seul fait qu’un patient délire ne justifie pas en soi l’hospitalisation et le traitement sous contrainte, mais seulement le fait que ce délire le conduirait éventuellement à des conduites dangereuses. L’enjeu de fond : la dignité La liberté et la dignité des patients sont d’abord protégées par des règles et des lois. Le rapport du Comité de Bioéthique rappelle qu’elles ne sont pas toutes respectées, dans le domaine du contrôle dont elles doivent faire l’objet, ni dans les moyens mis à disposition du patient. Les inspections prévues par la loi sont rares et parfois inexistantes. Les malades sous contrainte se voient privés du droit de choisir leur thérapeute, mais gardent le droit de faire appel à un consultant externe ou à une personne de confiance pour évaluer leur traitement. Ils n’en sont guère informés, et les règles de l’assurance maladie ne leur remboursent pas la consultation qui serait demandée à un médecin de leur choix. Sans doute n’a-t-on pas fini de rappeler que la protection sociale devrait concerner d’abord les plus faibles, même lorsqu’ils ne forment pas une cohorte d’électeurs intéressants ! Enfin, sans doute n’a-t-on jamais fini de se rappeler que la dignité n’est pas d’abord un principe éthique, ni la seule affaire des lois, ni une convention de « bonnes manières » d’une société déterminée. Elle est universelle parce qu’elle est la reconnaissance que tout humain doit à un autre humain de ce qu’il est un partenaire accepté du seul fait qu’il soit présent, comme être humain. Elle est la reconnaissance de l’humanité de l’humain comme ayant un statut différent de tout autre objet ou animal et méritant ce type de partenariat relationnel que nous dénommons « dignité ». En cela la dignité n’est pas une qualité objectivement visible bien que nous la ressentions fortement, en particulier lorsqu’elle n’est pas respectée. Pour se dire, pour exister, elle a donc besoin de signes symboliques, que toute culture définit selon ses conventions. Mais si les matériaux symboliques en question sont conventionnels, la dignité, elle, ne l’est pas. Dans les situations de maladie mentale et de contrainte, ces signes symboliques de la dignité revêtent plus d’importance encore que dans la vie courante, puisque la perte d’autonomie menace directement le sentiment qu’a le patient d’être respecté. Tous les indicateurs de dignité deviennent ainsi importants : la politesse des soignants, le respect des tenues vestimentaires, le respect de l’hygiène et de l’intimité et jusqu’à la qualité esthétique des locaux. On ne peut se cacher qu’en bien des lieux de contrainte des progrès restent à faire. Il appartient peut-être d’abord aux soignants qui y vivent et en sont eux-mêmes affectés de réclamer avec ténacité ces symboles de dignité. Ce doit être aussi le souci de tous, au nom de la sauvegarde de notre commune dignité. 36 Le texte a été publié dans « Bioethica belgica » n°16, juin 2004. Il peut également être consulté sur le site http://www.health.fgov.be/bioeth Confluences n°13 mai 2006 / 47 DOSSIER même et tomber dans une médecine vétérinaire, quels que soient les bons sentiments ou la compassion qu’on y mette. Repères et références bibliographiques 1. Abadie P., Barre S., Bubien Y. & coll., 13. De Munck J., Genard J.-L., Kuty Droits du patient : information et consentement. 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