AUDIENCE SOLENNELLE DE RENTREE DU TRIBUNAL DE

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AUDIENCE SOLENNELLE DE RENTREE DU TRIBUNAL DE
AUDIENCE SOLENNELLE DE RENTREE
DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NICE
-DISCOURS DU PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE20 JANVIER 2014
Monsieur le préfet, représentant de l'Etat dans le département, Madame la première présidente de
la cour d'appel, Monsieur le procureur général, Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Monsieur le président du Conseil Général des Alpes-Maritimes, Mesdames et Messieurs les élus,
Monsieur le Bâtonnier de l'Ordre des Avocats, Mesdames et Messieurs les hautes personnalités
civiles et militaires, Mes chers collègues, Mesdames et Messieurs,
Je remercie chacun d'entre vous de sa présence à notre audience solennelle, signe de l'intérêt que
vous continuez de porter aux questions de Justice, et tout particulièrement Madame la première
présidente de la cour d'appel et Monsieur le Procureur Général.
J' adresse à tous mes voeux d'excellente année 2014.
A mes collègues du parquet, je veux dire ma reconnaissance pour le sens des responsabilités et de
l'intérêt général qui ont guidé leur action tout au long de l'année 2013. Votre éthique soutient un
engagement sans faille au service d'une justice de qualité, dont notre société de plus en plus tendue,
attend sans cesse davantage.
Les personnels de greffe ont été à la hauteur de votre niveau d'exigence. Souvent laissés dans
l'ombre, je veux leur dire combien leur conscience professionnelle est forte, et grand le soin avec
lequel ils accomplissent les tâches qu'appelle le service de la Justice, parfois dans des conditions
difficiles.
Il y a un an, c'était précisément le greffe qui se trouvait en position de fragilité, en raison d'un souseffectif important dont la résorption a pris quelques mois. Si le greffe n'est pas tout à fait au plein de
son effectif, il n'en est plus aujourd'hui éloigné.
Désormais c'est le nombre de magistrats qui est un sujet de préoccupation. D'abord du côté des
magistrats du siège. Mais également pour le parquet. Au début du mois de février prochain, ce
seront quatre postes qui lui feront défaut: un emploi de procureur adjoint, un autre de vice-procureur
sont déjà vacants et, plus réjouissant, deux de nos jeunes collègues seront à cette date en congématernité.
Merci, Monsieur le Procureur Général, d'avoir délégué au parquet de NICE, deux des magistrats
placés auprès de vous, alors que vous-même devez faire face à un resserrement de leur nombre.
2014 s'annonce donc tendue pour les membres de ce parquet. Dans ce contexte de raréfaction de la
ressource, des choix devront être faits après qu'une réduction limitée du nombre d'audiences
correctionnelles a déjà été actée, mais soyez certains que la constante préoccupation de l'intérêt
général ne nous quittera pas.
*
-2L'état de la délinquance :
Au cours de l'année 2013, la délinquance générale a connu les évolutions suivantes au sein
de l'arrondissement judiciaire de NICE:
-dans les villes dépendant du périmètre d'intervention de la Direction de la Sécurité Publique, elle a
baissé de 6, 25 %. Elle s'est élevée de 2 % dans la circonscription de MENTON, mais a reculé de
6,8 % à NICE.
-en zone de compétence de la Gendarmerie Nationale, la délinquance générale a progressé de 8 %
avec un effet de contraste: +18 % pour la compagnie de MENTON, plus 9 % pour celle de NICE,
mais moins 7 % pour celle de PUGET-THENIERS.
Le temps manque pour entrer dans le détail mais il faudrait nuancer ces chiffres bruts, la hausse en
zone gendarmerie s'expliquant en effet en partie par une progression du nombre des procédures
initiées par les unités.
Les vols avec arme ont fortement progressé en zone police (+80 %) mais la fièvre des premiers
mois a pu être endiguée. Ils ont également connu une hausse en zone gendarmerie mais leur nombre
reste faible.
En zone police, les vols avec violence ont baissé de 15 % alors que, selon l'Observatoire national de
la délinquance et des réponses pénales, ils ont connu une hausse de 0,6 % dans l'ensemble des zones
police du pays, sur 12 mois glissants arrêtés au mois de novembre 2013.
En zone de gendarmerie, les vols avec violence ont été en recul de 11, 6 %.
Les cambriolages dans les habitations principales, dont le niveau est régulièrement pointé du doigt,
ont diminué de 2,3 % en zone police, alors qu'au plan national la tendance était à une hausse de 7, 7
% en zone police. Ils progressent spectaculairement à MENTON, +35% et régressent à NICE de
6%.
En zone gendarmerie, ils ont en revanche connu une forte hausse:
+107 % pour la compagnie de MENTON
+12,5 % pour la compagnie de NICE
-28 % pour la compagnie de PUGET-THENIERS.
En zone police, les violences ont reculé de 3 % mais les agressions à caractère sexuel ont enregistré
une hausse de 18 %. En zone gendarmerie les violences ont progressé légèrement, à MENTON (+
2%) et à PUGET-THENIERS (+4 %), mais fortement à NICE (+28%).
Après la loi du 31 décembre 2012 qui a profondément remodelé son cadre d'intervention et créé une
nouvelle procédure de retenue des étrangers, le nombre de procédures établi par la Police aux
frontières s'est réduit d'un quart, tout comme le nombre des étrangers éloignés qui s'est fixé à 1222.
L'activité de la Douane a été particulièrement soutenue puisque les quantités de cannabis saisies ont
connu une hausse de 146 %, et pour la cocaïne de 154 %. La saisie d'articles contrefaits a plus que
doublé, et le nombre d'individus placés en retenue douanière a connu une hausse de 73 %.
*
-3La zone de sécurité prioritaire est en place depuis un peu moins d'un an. Créée par décision du
ministre de l'intérieur, elle couvre plusieurs quartiers de la ville de NICE, et cinq communes
voisines, placées en zone gendarmerie. Les renforts d'effectifs, l'attention marquée par les services
aux attentes des ses habitants, ont je le crois contribué à resserrer leurs liens avec la population.
La régularité des réunions que nous avons avec vous Monsieur le préfet, et l'ensemble de nos
partenaires, en ce compris les maires, est éclairante pour une meilleure connaissance du tissu social,
et des caractéristiques de la délinquance. Elle permet de mieux coordonner les réponses, dans le
respect des attributions de chacun.
*
Au plan de la lutte contre le proxénétisme, le parquet appelait de ses voeux que des
enquêteurs en soient spécifiquement chargés au sein de l'antenne de Police Judiciaire de NICE:
Monsieur le directeur, la création annoncée à la fin de l'année 2013, d'un groupe dédié à cette
délinquance est un signe fort et nous vous remercions d' avoir pris cette décision, dans un contexte
d'effectifs que chacun sait contraints
*
La maison d'arrêt de NICE est la plus surpeuplée de la région PACA: à la date du 6 janvier
2014, le taux d'occupation atteignait 166 % pour les hommes, et 138 % pour les femmes. Dans le
même temps, le taux de peines aménagées à NICE est le deuxième plus élevé de la région-après
DIGNE mais qui est une maison d'arrêt dont la capacité est bien plus réduite- pour atteindre 32 % à
la fin 2013. Aménager une peine n'est jamais une décision prise avec légèreté: cette démarche est
toujours entreprise avec la volonté d'évaluer au plus près le risque de récidive, les personnels de la
maison d'arrêt, les agents du service de probation, le magistrat du parquet, et ses collègues juges de
l'application des peines en ont une pleine conscience, et s'acquittent de cette exigence avec le plus
grand sérieux.
*
Les réponses pénales:
Venons en à l'activité pénale de la juridiction, et à l'état du parquet.
Livrer à une assistance des chiffres favorables apparaît aujourd'hui toujours suspect,
l'auditoire soupçonnant une volonté de ne choisir que ceux qui arrangent l'orateur. Mais je
manquerais aux obligations du code de l'organisation judiciaire qui nous prescrivent de rendre
compte une fois par an de notre activité si je ne vous les communiquais pas tels qu'ils sont.
– le nombre de procédures nouvelles en attente d'enregistrement au bureau d'ordre du parquet
qui était monté à 8500 à la fin janvier 2013, a pu être ramené à 3000 au 31 décembre
dernier. D'une part, grâce à la forte mobilisation des fonctionnaires affectés à ce service,
d'autre part, en raison de l'appui majeur que nous ont apporté les six vacataires recrutés pour
les mois de novembre et décembre, grâce à Madame et Monsieur les chefs de cour, que je
tiens à remercier.
-4En 2013, le taux de réponse pénale, c'est-à dire la part des affaires dont l'auteur a pu être identifié
qui ont reçu une réponse effective du parquet, a progressé de dix points pour les majeurs, et de six
pour les mineurs, supérieur à chaque fois à 90%.
-nous avons réduit le nombre de saisines du tribunal correctionnel et développé le recours aux
alternatives aux poursuites de manière très significative, pour ne soumettre à l'examen du tribunal
que les affaires les plus graves, ou les prévenus les plus ancrés dans la délinquance. Ces alternatives
aux poursuites ne sont pas une justice au rabais, et je veux dire à ce point de mon propos ma
gratitude envers les délégués du procureur qui travaillent à nos côtés. M' adonnant parfois à la
lecture des procédures qui leur sont confiées, je pense être en situation de louer les conditions dans
lesquelles ils mettent en oeuvre ou notifient rappels à la loi, compositions pénales, médiations ou
ordonnances pénales, dans des délais tout à fait satisfaisants.
-le nombre des nouvelles affaires confiées à un juge d'instruction a diminué de 25 %,
-le nombre de jugements correctionnels rendus sur le fond est stable (deux pour cent de moins
autour de 3000).
Le tribunal correctionnel doit faire face à une part croissante d'affaires complexes, qui le mobilisent
pendant parfois plusieurs jours, afin de juger les multiples acteurs des réseaux démantelés.
-le nombre de dossiers en attente d'être jugés par le tribunal correctionnel a diminué de 22 %.
-le greffe correctionnel a en un an divisé par 6 le nombre de jugements à mettre en forme.
-dans le même temps, le stock de jugements correctionnels en attente de traitement au service de
l'exécution des peines a été ramené de 1000 à 23.
- enfin, le nombre de jugements prononcés en matière pénale par le tribunal pour enfants a
progressé de 18 %.
Il nous reste cependant quelques points de fragilité, le principal à mes yeux étant nos délais de
jugement, par le tribunal correctionnel ou par le tribunal pour enfants, qui restent encore trop longs,
même si pour certains contentieux la comparution devant le tribunal intervient dans un temps qui se
resserre. Des initiatives ont déjà été prises pour y remédier, d'autres suivront dans les prochaines
semaines.
De son côté, le parquet a engagé plusieurs démarches pour donner davantage de contenus
structurants aux alternatives aux poursuites, y compris en ce qui touche aux infractions commises
dans le cadre familial, et pour élargir le recours à l'aide aux victimes.
En 2014, les réponses offertes par les deux parquets de ce département devraient converger.
Déjà amorcé avec son prédécesseur, le rapprochement avec le parquet de GRASSE a bénéficié d'un
nouvel élan avec l'arrivée à sa tête de Georges GUTIERREZ au milieu de l'année 2013. Nous
sommes en effet tous deux convaincus que nos arrondissements judiciaires présentent de multiples
caractéristiques communes, et que l'égalité de traitement du justiciable appelle des réponses aussi
-5proches que possible, que l'on se trouve d'un côté ou de l'autre du Var qui nous sépare, et qui ne doit
pas être un mur de Berlin infranchissable. Nous avons engagé ce mouvement au début de l'automne
et nos collègues sont encore en phase d'échanges sur leurs pratiques en vue de l'élaboration de
propositions communes.
*
Le Ministère Public, son statut et les conditions d'exercice de ses missions:
A la fin de l'année 2013, quatre rapports ont été remis à Madame la Garde des Sceaux,
ministre de la Justice, sur l'état de notre Justice et les perspectives d'évolution qui pourraient lui
être assignées. Ils sont les fruits des travaux de groupes de travail dont la réflexion a porté sur
l'office du juge et son périmètre d'intervention, le juge au XXIème siècle et sur l'organisation
judiciaire d'une part, sur la modernisation de l'action publique d'autre part.
Le rapport NADAL, du nom de l'ancien procureur général près la cour de cassation, est consacré au
Ministère Public: ses propositions ont pour ambition de le « refonder ».
Ces quatre rapports, dont les conclusions font dans l'ensemble consensus, ont jeté les bases d' un
débat national organisé à l'initiative de la Garde des Sceaux, les 10 et 11 janvier à PARIS.
Au mois de novembre dernier, la conférence nationale des procureurs de la République a appelé les
chefs de parquet à lire à l'occasion de chaque audience solennelle, une motion adoptée en son sein.
Plutôt que de vous en faire une lecture exhaustive, qui serait un peu longue bien que j'en partage
chaque ligne, je vous en livre quelques extraits qui disent parfaitement ce qu'au-delà des procureurs
nombre de magistrats du Ministère Public pensent de la situation actuelle.
Ainsi en va-t-il de notre statut, dont la réforme promise se fait attendre alors qu'elle « s'impose
pour affirmer avec force notre indépendance et l'autorité indiscutable de nos décisions ». La
conférence des procureurs pointe la dernière illustration des conséquences produites par l'actuel
statu-quo: deux arrêts du 22 octobre 2013 de la chambre criminelle de la cour de cassation qui,
s'appuyant sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, ont fortement limité le
pouvoir du procureur de la République de recourir à la géolocalisation des personnes recherchées,
considérant que dans la plupart des cas, cette mesure constitue une ingérence dans la vie privée,
dont la gravité nécessite qu'elle soit exécutée sous le contrôle du juge.
Je comprends parfaitement que beaucoup ne voient dans la question de l'évolution de notre statut
qu'un sujet qui n'intéresserait que les « professionnels de la profession » pour paraphraser le
cinéaste Jean-Luc GODARD. Et pourtant, il devrait retenir l'attention de quiconque est soucieux de
l'équilibre d'une démocratie, à quoi une justice reconnue pour impartiale participe.
De nombreux pays européens, aux valeurs et aux organisations proches des nôtres, se sont affranchi,
parfois depuis de nombreuses années, du soupçon qui pesait sur les procureurs à raison des
conditions de leur nomination, propices à faire naître la polémique dès qu'il s'agit d'examiner une
orientation prise dans le cadre d'une affaire sensible. Pourquoi la France se tient-elle dans cette
position, alors que le Conseil constitutionnel affirme avec constance notre appartenance à l'Autorité
judiciaire ? Voici une exception française dont nous pourrions faire l'économie, au surplus dans un
-6pays qui se veut porteur d'universalité. Comme le propose la commission NADAL, les procureurs
généraux et procureurs de la République devraient pouvoir être nommés sur proposition du Conseil
supérieur de la magistrature, et les autres membres du parquet sur avis conforme de ce dernier.
Le statut ne doit pas occulter l'autre difficulté-de taille- qui est la nôtre, la question des moyens
alloués à la Justice, particulièrement resserrés en cette période de contrainte budgétaire et qui,
poursuit la conférence des procureurs, a pour effet d'aggraver la « situation, déjà difficile des
parquets, mobilisés sur tous les fronts, celui de la répression comme de la prévention pour répondre
à l'insécurité croissante de notre société »
Le rapport NADAL lui-même, auquel vous avez contribué Monsieur le Procureur Général en
dirigeant l'un des groupes de travail de la commission, parle d'une « crise (qui) résulte du décalage
flagrant entre les missions et les moyens », précisant que les attributions dévolues au ministère
public s'étaient « considérablement accrues au cours des vingt dernières années ».
La situation tendue des parquets français, chacun la connaît et depuis des années. Elle a perfusé la
réflexion de multiples commissions depuis vingt ans, mais n'a appelé aucun plan d'envergure, soit
pour recentrer le Ministère Public sur un certain nombre de missions, soit pour développer les
moyens qui lui sont consentis au prix, pourquoi pas, d'une rationalisation qu'appellent avec acuité
ces temps de crise pour les finances publiques.
Interviewé samedi dernier sur une radio du service public, Pierre JOXE, ancien ministre de
l'intérieur, ancien premier président de la cour des comptes, aujourd'hui avocat au Barreau de
PARIS, qualifiait de « misérables » les moyens alloués à la justice en France.
Les hommages au niveau d'engagement exceptionnel de chacun, le regard compassionnel porté sur
le constat de conditions de travail qui se dégradent, ne suffisent plus. Puisse l'année 2014 donner
aux travaux des commissions que j'évoquais les prolongements que l'ensemble de nos collègues
sont aujourd'hui en droit d'attendre. A défaut, nul ne pourra s'étonner d'une crise des vocations déjà
amorcée.
*
La fraude fiscale:
J'en viens maintenant à la lutte contre la fraude fiscale.
Le 15 juillet 1914 était promulguée la loi instaurant l'impôt sur le revenu. Une
commémoration aura-telle lieu cette année pour son centenaire j'en doute. Cette loi a pourtant
transformé la relation entre le citoyen et l'Etat.
Marcel PROUST écrivait à l'un de ses amis en février 1916: « J'ai souvent perçu dans les journaux
le titre « Impôt sur le revenu » et j'ai eu le tort de ne pas aller plus loin. J'ai pourtant un vague
souvenir qu'il y a une déclaration et assez prochaine à faire « .
-7Son inquiétude était vite dissipée puisque cinq mois plus tard, évoquant les contrôleurs du fisc, il
écrivait «Ce sont,en général, des gens tout à fait charmants qui ne demandent qu'à adoucir aux
contribuables, dans la mesure du possible, la tâche ingrate de payer des impôts ». Monsieur l'
Administrateur général des Finances Publiques, je ne doute pas un instant qu'en 2014 l'ensemble des
contribuables des Alpes-Maritimes aient la même opinion des personnels placés sous votre
autorité...
Dans un communiqué publié le 15 janvier 2014, le Ministère du Budget a rapporté que depuis le
mois de juin 2013, 11 000 demandes de régularisation lui avaient été déposées par des contribuables
titulaires d'un compte à l'étranger non déclaré. La démarche de ces repentis devrait dégager une
« recette potentielle de plus d'un milliard d'euros ». Voilà qui donne une idée du nombre de nos
concitoyens comme de certaines entreprises, qui ont agi pour se soustraire à l'action du fisc.
Une loi du 6 décembre 2013 a créé un procureur de la République financier à compétence nationale.
Que n'a-t-on entendu sur cette initiative, y compris du côté des magistrats. Loi de circonstance,
rédigée à la hâte en réaction à la perte de repères d'un ministre pourtant en charge de fiscalité.
Positionnement jugé étrange de ce procureur, placé sous l'autorité du procureur général, mais au
côté du procureur de la République de PARIS.
Puis, à peine un nom de possible procureur financier circule-t-il sans avoir été confirmé, que la
presse présente comme hasardeux le choix d'un magistrat dont on reconnaît la compétence, mais
dont on stigmatise le parcours et les amitiés supposées.
Doté d'une compétence nationale, mais non exclusive, le procureur financier pourra traiter des
atteintes à la probité, comme la corruption, le trafic d’influence, la prise illégale d’intérêts, le
favoritisme ou les détournements de fonds publics et, d’autre part la fraude fiscale, lorsque ces
infractions auront un certain degré de complexité, au regard de l’importance du préjudice causé, de
leur dimension internationale ou de la spécificité des techniques de fraude utilisées.
Le Parquet financier devrait à terme compter 22 magistrats. Il sera installé le 1er février 2014.
Si la loi qui l'a créée est née dans des circonstances déjà rappelées, elle s'inscrit dans un mouvement
plus profond engagé par la crise et la fragilité des finances publiques de la plupart des pays, et
répond à une attente de nos concitoyens, attentifs à ce que la rigueur de la loi s'applique à tous.
Les ministres des finances du G20 réunis à WASHINGTON en avril 2013 se sont engagé à partager
à terme les informations bancaires de leurs ressortissants et se sont accordé pour considérer que
l'échange automatique des informations devienne la norme de la coopération en matière fiscale.
La Suisse elle-même a annoncé en octobre 2013 qu'elle venait de signer la convention multilatérale
portant sur l'assistance mutuelle en matière fiscale de l'OCDE qui date de 1988, engagement qui
pour beaucoup signifierait la fin du secret bancaire au sein de la Confédération.
De leur côté, les Etats-Unis s'appuient sur la loi FATCA d'application extra-territoriale pour presser
les Etats qui seraient peu coopératifs: cette loi règle le transfert des données bancaires selon un
système proche de l'échange automatique. L'action des Etats-Unis est dans ce domaine
particulièrement résolue puisque la première puissance mondiale a engagé des poursuites à
l'encontre de banques suisses ou britanniques qui avaient proposé à leurs clients des montages
destinés à dissimuler leurs avoirs hors de leur pays, ou a transigé avec elles pour des montants
considérables.
-8Loin d'être un contempteur de la création d'un procureur financier, je la juge indispensable. Elle
confie à une équipe de magistrats spécialisés qui s'appuieront sur un office central d'enquêteurs qui
le seront tout autant, les affaires d'atteintes à la probité et de fraude fiscale les plus complexes qui ne
peuvent plus être suivies par des parquets et avec des services de police judiciaire saturés.
Depuis de nombreuses années, les procureurs déplorent, dans le cadre de leur rapport annuel
d'activité, l'indigence des ressources mises au service de la détection et de la répression des affaires
financières. A l'instar de ce qui a été mis en oeuvre à un niveau interrégional pour la lutte contre le
crime organisé voici bientôt dix ans, les atteintes à la probité et les fraudes fiscales les plus
sophistiquées doivent être confiées à des magistrats spécialisés. Les flux financiers soustraits à
l'impôt empruntant le plus souvent des circuits menant à des structures opaques localisées sur le
territoire d'Etats non coopératifs, le procureur financier sera mieux armé que d'autres pour fléchir
les résistances qui affectent trop souvent la coopération internationale sollicitée en ce domaine.
Identifié par les autorités étrangères comme un procureur spécialisé et à compétence nationale, il
n'en aura que plus de poids.
Dans l'état actuel, l'initiative d'une plainte pour fraude fiscale appartient au seul ministre du budget
qui doit préalablement saisir une commission des infractions fiscales dont il doit obtenir l'avis
conforme. En l'absence d'une plainte de l'administration fiscale, un procureur ne peut donc seul
engager des poursuites sur ce terrain.
Afin d'éviter tout soupçon sur les raisons pour lesquelles un ministre entend poursuivre tel
contribuable indélicat, la levée de ce préalable serait de nature à hausser le degré de confiance de
nos concitoyens dans la justice fiscale, comme l'a déjà proposé la commission NADAL.
*
Je n'achèverai pas mon propos sans adresser mes voeux de réussite au Bâtonnier de l'Ordre
des Avocats, Me Valentin CESARI, avec qui je ne doute pas que nous échangions Madame la
présidente et moi, dans les mêmes conditions de régularité et de franchise, qui présidaient aux
relations que nous avons eues avec son prédécesseur: Me Marie-Christine MOUCHAN, je salue le
travail que vous avez accompli au cours de ces deux dernières années. Le respect des droits de la
défense est une exigence pour le parquet, gage d'une justice équilibrée.
Je veux en terminer en saluant la présence à notre audience des plus hautes autorités
judiciaires de la principauté de MONACO, dont la fidélité à nos audiences solennelles ne se dément
pas. J'ai plaisir à remercier pour leur présence Son Excellence Philippe NARMINO, ministre
plénipotentiaire et directeur des services judiciaires, Mme Brigitte GAMBARINI, premier président
de la cour d'appel de MONACO, Jean-Pierre DRENO, procureur général, et Mme Martine
CASTOLDI, présidente du Tribunal de première instance. La coopération pénale entre le parquet
général de MONACO et le parquet de NICE est étroite et, je crois pouvoir l'affirmer, empreinte de
confiance. Elle devrait encore s'intensifier en 2014.
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-9-
Mon intervention étant achevée, Madame la présidente, j’ai l’honneur de requérir qu’il vous
plaise, conformément à l’article R 111-2 du code de l’organisation judiciaire:
– déclarer close l’année judiciaire 2013 et ouverte l’année judiciaire 2014
– me donner acte de mes réquisitions
– et dire que du tout il sera dressé procès verbal.
Le procureur de la République
Eric BEDOS