La politique de sécurité et de défense commune de l`Union
Transcription
La politique de sécurité et de défense commune de l`Union
La politique de sécurité et de défense commune de l’Union européenne (PSDC) : Réalités et perspectives par Jean-Paul PERRUCHE Fiche pédagogique pour le Comité Relations extérieures et Défense Conseil d’Orientation Stratégique Mouvement Européen-France 1- Introduction : C’est au lendemain de la seconde guerre mondiale que la notion de défense européenne a pris le pas sur celle de défense nationale, à un moment où la défense de la partie de l’Europe restée libre, contre une possible invasion de l’Armée Rouge, nécessitait une approche solidaire de ses Etats mais également le soutien des Etats-Unis et du Canada. Ainsi fut créée l’Alliance Atlantique en 19491qui assura collectivement la défense de l’Europe occidentale jusqu’ à la fin de la guerre froide en 1990. Après le rejet du projet de CED2 par le parlement français en 1954, le processus de construction d’une Europe de nations interdépendantes et solidaires initié dès l’aprèsdeuxième guerre mondiale avec la CECA3 se développa essentiellement dans les domaines économique et politique, en parallèle mais sans véritable lien avec les aspects « défense » pris en compte par l’Otan. En fait la donne changea au début des années 90, lorsque simultanément, l’Otan dut s’interroger sur sa raison d’être après la disparition de la menace soviétique et que l’Union Européenne inscrivit dans le traité de Maastricht (1992) sa volonté de s’investir aussi dans le domaine de la défense. En fait, le projet de création d’une Politique Européenne de Sécurité et de Défense Commune ne se concrétisa véritablement qu’avec le traité de Nice en décembre 2000. Le traité de Lisbonne l’a renforcé en 2008. 2- Enjeux et défis: pourquoi une défense européenne? La première considération à prendre en compte est bien sûr celle du besoin de défense de l’Europe ? Le nouveau contexte sécuritaire marqué par la mondialisation, les déstabilisations et déséquilibres qu’elle entraine, reste incertain et dangereux. Même si elle n’est pas actuellement directement menacée sur son sol, sauf par le terrorisme, l’Europe peut l’être par de nombreux risques extérieurs (prolifération, cyber-guerre, accès aux ressources énergétiques, migrations incontrôlées, crime organisé etc..) qui sont communs à l’ensemble des pays européens. Ce qui est en jeu, c’est bien sûr le patrimoine européen au sens traditionnel : ce que l’UE et les pays européens produisent et représentent comme richesses, ressources, espace à occuper, perspectives offertes à la jeunesse, performances technologiques et industrielles etc…, mais également la capacité d’influence des Européens sur le système mondial pour éviter la guerre sur leur sol, promouvoir leurs valeurs, préserver leurs intérêts (communs et plus spécifiquement nationaux) et participer à la sécurité du monde en sauvegardant leurs intérêts. La paix en Europe est à construire à l’échelle du monde. La paix par l’Union entre Européens couronnée par le prix Nobel 2012, et l’exemple que l’UE représente pour d’autres, ne suffisent (malheureusement) pas à garantir une paix durable pour l’Europe. La paix entre Européens ne signifie pas la paix pour les Européens. Dans un monde qui continue de s’armer, la puissance militaire reste un facteur (dissuasif) clé pour éviter la guerre sur son territoire. La dissuasion nucléaire empêchant la guerre sur le sol des 1 Traité de Washington Communauté Européenne de Défense 3 Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier 2 grandes puissances qui en disposent, les guerres du futur ont une forte probabilité de se dérouler en dehors de leurs territoires, ce qui renforce l’intérêt d’une Europe puissance atteignant la masse critique et disposant d’une puissance militaire autonome significative. 3- Etat des lieux et acquis: Tirant les leçons de son impuissance dans la crise yougoslave (91-95), l’UE s’est dotée par le traité de Nice d’une organisation de commandement et de contrôle d’opérations extérieures sur un mode intergouvernemental avec à sa tête un Haut-Représentant et un Comité Politique et de Sécurité (COPS), et des instruments militaires et civils incluant un Etat-major militaire (EMUE) responsable de la planification au niveau politico-militaire. Mais son niveau d’ambition et ses compétences furent par construction limités à cause de l’existence de l’Otan (à laquelle appartiennent aussi 21 membres de l’UE). En fait, l’Otan garde l’exclusivité de la mission de défense collective et demeure l’option préférentielle pour les opérations militaires. C’est ainsi que l’UE est privée d’une chaine de Commandement opérationnel militaire permanente. Elle dispose bien d’une palette sans égale de moyens civils et militaires mais joue en fait un rôle subsidiaire de celui de l’Otan en s’investissant dans des crises où cette dernière (c’est-à-dire les Etats-Unis) ne s’engage pas, sans toutefois qu’aient été définies les bases d’une complémentarité pourtant souvent réaffirmée avec l’Otan. Malgré ces restrictions, les résultats obtenus dans le cadre de la PSDC depuis 2003, date de lancement de la première opération de l’UE, sont plutôt encourageant avec 18 opérations civiles et 9 opérations militaires effectuées ou en cours4. Pourtant, les récentes crises en Libye et au Mali que l’UE ont montré les limites de cette PSDC « au rabais » capable seulement d’opérations peu coercitives, de courte durée, évitant la prise de risques militaires et faisant ressortir le manque de solidarité des Etats européens. Il semble cependant que cette situation doive être remise en cause sous le double effet de l’affaiblissement inexorable des capacités opérationnelles des Etats européens (sur fond de coupes budgétaires récurrentes) et du désengagement de plus en plus marqué des Etats-Unis 5 dans la sécurité de l’Europe. 4- Perspectives et évolutions souhaitables : Comment les Européens doivent-ils penser leur défense ? Plus encore qu’à la fin de la guerre froide, la défense européenne doit être repensée en fonction du nouveau paysage sécuritaire mais aussi de l’évolution de la relation transatlantique. Les nouvelles priorités américaines vont conduire les Européens à assumer la part essentielle de leur défense. Ils ne peuvent le faire qu’en unissant leur force dans l’UE. L’Europe de la défense traverse une période de doute, mais il n’existe pas de projet alternatif permettant aux Européens de rester maitres de leur destin dans le contexte sécuritaire du 21e siècle. L’histoire nous montre que déléguer durablement sa sécurité à d’autres est un risque ; même si cela peut être nécessaire dans certaines circonstances, ce doit être pour un temps limité. Le projet d’Europe de la Défense ne prend tout son sens que s’il permet aux Européens de défendre leurs intérêts communs et spécifiques, s’il est multiplicateur de puissance et s’il leur permet d’être influents sur la sécurité du monde. La coopération intergouvernementale dans le domaine de la défense n’est pas une solution suffisante pour compenser le déclin relatif de puissance des pays européens. Seule une intégration fondée sur des solidarités européennes renforcées, sur le développement d’un sentiment d’appartenance, amorce d’un patriotisme européen et d’une citoyenneté européenne, pourra aboutir à la création des capacités nécessaires pour permettre à l’UE et à ses Etatsmembres de préserver leurs intérêts au niveau mondial. Cela passe par une sensibilisation plus 4 Détail en annexe Defense strategic guidance 2012 Obama-Panetta indiquant le glissement vers la zone Asie-Pacifique des intérêts de sécurité américains. 5 grande et une adhésion des citoyens qui doivent se sentir les premiers acteurs de leur sécurité dans un cadre européen. GCA(2S) Jean Paul Perruche Président d’EuroDéfense-France Chercheur associé à l’IRSEM Ancien Directeur Général de l’EMUE (2004-07) Avril 2013