la machine de guerre de l`Otan
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la machine de guerre de l`Otan
analyse DÉFENSE NATIONALE L’Otan, une machine de guerre François Hollande et son gouvernement viennent de franchir le dernier pas pour intégrer la France au sein de l’Alliance atlantique. Au détriment d’une défense nationale indépendante et non agressive. La CGT entend faire prévaloir une politique étrangère qui favorise le dialogue et la paix. Elle demande le retrait de la France de l’Otan et une dissolution de cette organisation, facteur de tension et de guerre. L a France vient de parachever sa réintégration au sein de l’Otan avec l’adoption, fin mars, par le Parlement, d’un projet de loi ouvrant la voie au stationnement, sur le territoire national, des quartiers généraux militaires de l’Alliance atlantique. Présenté par ses auteurs comme une simple formalité technique, ce texte confère à notre pays le rôle d’acteur à part entière au sein de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord, dont le général De Gaulle avait cla- qué la porte, il y a cinquante ans. Le chef de l’État justifiait cette décision par la volonté que la France retrouve son indépendance pour faire entendre sa voix dans le monde. Cette démarche, de fait, allait dans le sens de la coexistence pacifique. Quelque quatre décennies plus tard, Nicolas Sarkozy officialisait le retour de la France au sein du commandement intégré de l’Otan, opérant ainsi « une dangereuse rupture avec les principes d’indépendance militaire et stratégique de notre pays », selon les mots de François Hollande. Mais c’était en 2009, trois ans avant que le député de Corrèze n’accède lui-même à la tête de l’État. Dissoudre l’Otan et renforcer le rôle de l’ONU L’Alliance atlantique est « un lieu de guerre, excluant toute recherche de paix durable par la démocratie, le dialogue et l’échange », rappelle Hervé Baylac, secrétaire général de la FNTE-CGT. La soumission accrue aux prétentions hégémoniques des États-Unis est lourde de dangers pour la paix dans le monde. D’où l’exigence portée par la CGT, depuis 2009, du retrait immédiat de la France de l’Otan et de la dissolution de cette organisation. Les Nations unies, dont la place et la gouvernance démocratique devraient être renforcées, constituent, en revanche, l’une des principales instances sous l’égide de laquelle il serait possible de faire respecter le droit international pour mettre un terme aux conflits et aux injustices sociales qui en découlent ou qui les génèrent. Cet atlantisme forcené, dont les multinationales sont les premières bénéficiaires, s’accompagne d’une mise en pièces de la défense nationale dont la mission première, rappelle Hervé Baylac, est « d’assurer la sécurité des citoyens, des biens et des territoires ». La participation à l’Otan, les interventions militaires tous azimuts ont un coût supporté par les citoyens à travers un budget de la défense, en progression bien plus importante que celle affichée. Depuis 2013, les dépenses pour les opérations extérieures atteignent quelque 3,2 milliards d’euros par an. Elles ne mobilisent pourtant que 450 millions d’euros annuels dans le budget de la Défense. La différence est assurée par la solidarité interministérielle. En d’autres termes, l’Éducation nationale, la Justice, l’Intérieur… sont mis à contribution. L’armement est un marché juteux Mais l’emploi et les conditions sociales des personnels civils et militaires du ministère de la Défense font aussi les 42 nvo mois 2015 IAN HANNING/REA frais de ce renoncement à l’indépendance nationale. Au total 114 000 emplois auront été supprimés sur la période 2008 à 2019. Sur les chantiers de construction de bâtiments de la marine, le recours aux travailleurs détachés, venant notamment de Lituanie, payés 150 euros mensuels, est désormais d’usage. Nombre d’activités auparavant assurées par les équipes professionnelles au sein des établissements d’État, comme la maintenance, ont été privatisées. Mais les industriels préfèrent faire de l’argent en vendant du neuf, plutôt que de réparer. Résultat : 30 % seulement des aéronefs (avions et hélicoptères) sont opérationnels, les 70 % restants sont cloués au sol. La situation n’est pas plus brillante concernant les armements terrestres. Dans les entrepôts des casernes s’entassent les armes hors d’usage. Pire, explique Hervé Baylac, des militaires sont envoyés sur des théâtres d’opérations, munis d’armes vétustes qui « peuvent tomber en rade en plein combat »... L’armement est un marché juteux. Et la bataille fait rage pour son partage. Avec, à la clef, des abandons, en France, de productions industrielles pourtant essentielles. Les munitions de petit calibre sont désormais achetées en Israël. Les avions de ravitaillement et de transports des troupes françaises sont en partie sous-traités au Portugal. La fabrication des navires de moins de 100 mètres a été confiée à des industriels étrangers, notamment italiens, pendant que 2 000 suppressions d’em- plois sont programmées dans le groupe national DCNS, spécialisé dans la navale de défense. Et la récente fusion du fabricant public français d’armements terrestre Nexter et du groupe privé allemand KMW est de tout aussi mauvais augure. Faute de recherche et d’études, la France achète certains matériels militaires « sur étagère ». C’est le cas pour les drones, acquis auprès des Américains, alors que des industriels français avaient travaillé sur la conception de ces outils nouveaux. Avec, pour conséquence, des essais effectués au Mali, pour éviter que l’armée américaine ne puisse être au courant des faits et gestes français ou même ne pilote à distance les drones que la France aurait fait voler dans son espace aérien… Un commerce qui participe de l’escalade Le commerce des armes « qui ne sont pas des marchandises comme les autres », dont la France s’est faite championne, est immoral en ce qu’il participe de l’escalade. Ces ventes macabres devraient, au même titre que les engagements extérieurs, faire l’objet d’un contrôle citoyen, souligne Hervé Baylac. D’autant que ce commerce, confirmé voire amplifié depuis 2012, est, lui aussi, lourd de conséquences pour la défense nationale, comme pour les finances publiques. À production constante, les Rafales et autres frégates vendus – bien souvent avec délivrance des bre- vets – sont prélevés sur les stocks destinés à l’armée française. Celle-ci pourrait bien, dans un avenir pas si lointain, devoir acheter, à son tour, aux acheteurs d’aujourd’hui, les engins qu’elle a conçus. Créer un pôle public national de défense La sortie de l’Otan est une nécessité pour préserver et développer des savoir-faire et des compétences qui pourront, dans le cadre d’une reconversion induite par la réduction des armements dans le monde, répondre utilement aux besoins sociaux (santé, t ra n s p o r t s , é n e rg i e s r e n o u v e lables, etc.). Dans ce domaine, la CGT n’est pas en manque de propositions. Elle demande également la création d’un pôle public national de défense qui « réunirait en son sein tous les établissements et toutes les entreprises du secteur de la défense et de l’armement ». Visant à « garantir une défense nationale, indépendante et non agressive », ouverte à des coopérations mutuellement avantageuses en Europe. Un tel outil permettrait de soustraire ce secteur à la loi du marché, de créer de nombreux emplois y compris dans des métiers nouveaux, assortis de garanties sociales fortes. La FNTE-CGT estime le nombre d’embauches nécessaires à l’équivalent de trois fois les effectifs d’aujourd’hui. Ce n’est pas l’Amérique, c’est tout simplement la voie vers la sécurité et la paix. Maryse Lelarge mai 2015 nvo 43