La reconnaissance d`un État

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La reconnaissance d`un État
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DROIT ET INSTITUTIONS
n° 120
La reconnaissance d’un État
Le conflit israélo-palestinien nous rappelle que pour être acteur dans les
relations internationales et pour tenir un rôle au sein des organisations
internationales, il est un préalable indispensable : la jouissance du statut
d’État. Cela suppose donc la reconnaissance de ce statut par les autres acteurs internationaux.
Éléments constitutifs d’un État
Un État ne peut exister que si trois éléments sont réunis : un territoire,
une population et une souveraineté.
Bien que des territoires existent sans qu’ils fassent partie d’un État (Antarctique par exemple), aucune entité ne peut prétendre être un État si elle
ne dispose pas de son propre territoire. Il permet de la situer dans l’espace et
de la délimiter par des frontières artificielles ou naturelles.
À l’intérieur de cette zone, évolue une population. Il s’agit « d’un groupe
d’hommes dont l’union et la solidarité reposent sur des liens à la fois matériels
ainsi que spirituels. Ils se conçoivent comme différents des individus formant
les autres groupes nationaux ». Il existe une volonté manifeste de vivre ensemble. Assimilé à une nation, le groupe trouve sa personnification juridique
au travers de l’État.
Dernier élément constitutif, la souveraineté sous-entend qu’un pouvoir
est exercé sur la population par une autorité subordonnée à aucune autre.
Ainsi, c’est à elle que reviennent les fonctions régaliennes (droits de législations, de réglementation, de justice et de police, de battre monnaie et de lever
et d’entretenir une armée…).
Nature juridique
La reconnaissance est « l’acte par lequel un État déclare qu’il considère une
autre entité comme disposant des éléments constitutifs nécessaires à son statut
d’État et accepte, par conséquent, d’avoir avec cette dernière des relations régies
par le droit international ».
Deux thèses s’affrontent :
– constitutive ou attributive, par laquelle une entité n’acquiert le statut
d’État qu’au travers de cette reconnaissance par des tiers. On parle alors de
quatrième élément constitutif.
– déclarative : dès la réunion des éléments constitutifs, la collectivité se voit
octroyer le statut d’État de plein droit. La reconnaissance n’est alors qu’un
constat d’une situation de fait.
La reconnaissance d’un État
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Formes de reconnaissance
Objet d’une déclaration solennelle matérialisée par un acte officiel, elle est
dite explicite.
Elle peut être implicite, si elle résulte par exemple de l’établissement de relations diplomatiques ou de la conclusion d’un traité.
Elle est souvent le fait d’un seul État, et donc individuelle, mais peut également être collective, comme dans le cas de la Communauté européenne, qui a
défini un processus communautaire en la matière.
Si elle est entière, pleine, irrévocable et déclarative d’un fait de droit, on
parle de reconnaissance « de jure ».
Si elle peut être révoquée, ses effets sont provisoires, elle est alors dite « de
facto ».
Caractère discrétionnaire du droit de reconnaissance
Si l’apparition de nouveaux États modifie la structure des relations internationales et leurs rapports de force, les acteurs déjà présents sont alors légitimement en mesure d’émettre un avis sur ces changements. Il n’y a aucune obligation de la part de ceux-ci de reconnaître le nouveau venu. Son acceptation,
par des pays tiers, est l’expression unilatérale d’une volonté de lui reconnaitre
une validité et elle ne devient donc opposable qu’à son émetteur. Elle n’affecte
que les relations entre ces deux entités.
Cette reconnaissance peut être assujettie au respect d’un certain nombre
de conditions : respect des droits de l’Homme, de la démocratie et des frontières ou encore garantie des droits des groupes ethniques…
Au niveau international, rien n’oblige un État à en reconnaître un autre.
Chaque État conserve en la matière un pouvoir discrétionnaire. Toutefois, la
qualité d’État ne saurait être octroyée à une entité fictive ou en ayant acquis les
éléments constitutifs en violation de la Charte des Nations unies : par l’emploi
de la force, ou en violant le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Dans
ces cas, la Cour internationale de justice impose aux États une obligation de
ne pas reconnaître l’« État » en cause.
Prérequis indispensable à la légitimité d’une intervention d’un nouvel État
sur la scène internationale, le processus de reconnaissance reste la composante
majeure de la géopolitique actuelle, qui reste cependant fluctuante, d’un État à
l’autre et d’une époque à l’autre.
Sous la haute direction de madame Odile Fuchs-Taugourdeau, magistrate, présidente de
chambre à la cour administrative de Paris
Adjudant Valérie Grillet
rédactrice au CESA

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