LE JAPON à la page
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LE JAPON à la page Le journal de Jetro Paris - n°47 / 2e trimestre 2005 Tribune SOMMAIRE 1/TRIBUNE 1/LES BRÈVES 2/SOCIÉTÉ Le gouvernement japonais incite le secteur privé à pouponner 4/Coproduction franco-japonaise 5/L’INTERVIEW Sébastien Lechevalier, Economiste 5/Toyota peut-il sauver le Japon ? 7/INNOVER Le Japon au rendez-vous à BioVision et BioSquare 8/À VOS AGENDAS 9/INVESTIR Des places à prendre dans l’hôtellerie japonaise 10/Le Japon au Bourget 11/HORIZONS JAPON La sagesse de la nature 12/LAURIERS À Le Marché du film L'économie japonaise se porte assez bien. Au premier trimestre, le PIB a augmenté de 1,3 %, soit plus de 5 % en base annuelle. Cette hausse s'explique par la reprise de la consommation des ménages et des investissements intérieurs. Les bénéfices d'exploitation des premières 1099 entreprises ont augmenté de 25,06 % pour l'année fiscale 2004. Il s'agit d'un record historique attribuable en grande partie aux exportations sidérurgiques et chimiques vers la Chine, ainsi qu'aux performances des sociétés de commerce et des compagnies de transport maritime qui tirent partie d'échanges exceptionnels avec l'Asie. L'électronique a réalisé des résultats relativement bons et la baisse du prix des lecteurs DVD et des téléviseurs à écran plat (-30 %) devrait conduire à une hausse de la demande, qui permettra de traverser la période d'ajustement délicate en quelques mois. Les investissements étrangers au Japon affichent des scores tout à fait honorables et si la tendance actuelle persiste, nous devrions atteindre nos objectifs pour cette année. En 2004, pour la première fois, les investissements directs étrangers (IDE) au Japon ont dépassé les investissements japonais à l'étranger. Il y a eu 1149 cas d'investissements potentiels ; 103 ont été menés à bout, dont plus du tiers venait d'Europe. Jetro va poursuivre ses efforts pour promouvoir les IDE vers le Japon et rechercher des investisseurs potentiels. Parallèlement, le gouvernement japonais intensifie ses réformes pour l'ouverture de ses frontières, avec par exemple l'assouplissement du statut de résident pour les étudiants étrangers ou des déductions fiscales accordées aux sociétés qui construisent des écoles internationales. En matière financière, nous nous rapprochons des standards internationaux. Au Japon, … Les brèves En franchissant la barre des 10 millions d’opérations en 2004, la car te bancaire s’affirme comme un moyen de paiement d’usage courant au Japon./ / / / / / Le Meti a créé au sein de la « Japanese Standard Association » un organe chargé de défendre les normes japonaises au niveau international. Son action sera centrée sur les standards dans les nouvelles technologies. / / / / / / Le Japon, la Corée du Sud et la Chine vont établir des standards communs pour le design de produits d’usage courant. Six produits sont concernés par le premier accord, dont les bouteilles de shampooing et les interrupteurs. ////// Selon une étude publiée par Jetro, un employé sur 40 travaille pour une entrepr ise étrangère au Japon, soit 2,4 % de la main d’œuvre à temps plein. ////// Protection de la propriété intellectuelle … 2 65 % des IDE se font sous la forme d'une fusion-acquisition. Bien entendu, nous ne soutenons pas les opérations hostiles, mais les fusions amicales contribuent à la réforme économique du Japon, à son développement technologique et à une meilleure gestion des ressources humaines. Un projet de loi en faveur des fusions-acquisitions triangulaires entre une entreprise étrangère, sa filiale au Japon et une entreprise japonaise est d'ailleurs en cours de discussion à la Diète. En outre, l'affaire Horie-Mon, ce jeune entrepreneur qui a voulu acheter une station de radio proche du groupe Fuji TV, a défrayé la chronique en début d'année. Grâce à cette affaire, exemple d'un combat inédit d'un challenger contre un grand des médias, tout le monde au Japon sait ce qu'est une fusionacquisition ! Dans un contexte d'approfondissement de nos relations avec l'Asie, les entreprises appliquent une nouvelle stratégie de promotion des technologies et de renforcement des investissements au Japon, tout en conservant leurs usines en Chine et en Asie du Sud-Est. Cet équilibre est essentiel pour réduire les risques inhérents aux marchés asiatiques. Elles s'intéressent aussi à de nouveaux pays, comme l'Inde et le Vietnam où les coûts de main d'œuvre sont moindres. Certaines, qui avaient investi en Asie, reviennent par ailleurs au Japon et nous assistons à un phénomène de relocalisation après la délocalisation. Dans certains secteurs industriels, le Japon veut jouer un rôle de portail vers la Chine et l'Asie du Sud-Est, ce qui passe par des accords de partenariat - je ne parle pas uniquement d'accords de libre-échange. Des accords ont déjà été conclus avec les Philippines et la Malaisie ; des négociations sont en cours avec la Thaïlande et un dialogue s'est amorcé avec l'Indonésie. Enfin, les alliances sont très importantes sur le plan des ressources humaines. Voir des étrangers à la tête d'entreprises japonaises est une nouvelle expérience au Japon. La direction de Sony est aujourd'hui entre les mains d'un Anglo-Saxon, un des vice-présidents de Asahi Glass est Européen, le nouveau dirigeant de la banque Shinsei est un Américain né en France, sans parler de Nissan qui compte cinq membres français dans son conseil d'administration. Le modèle de management qui s'inspirait grandement du modèle américain va changer et aujourd'hui le modèle à la française est bien accueilli. Prenez les exemples de Nissan, Danone, Axa, Lafarge, Schneider ou Saint Gobain… Il semble que les entreprises françaises et européennes aient une perception plus large de la diversité des salariés, qu'ils essayent de respecter les différentes cultures et de créer une nouvelle forme de gestion des ressources humaines. Le Japon sera invité d'honneur à la prochaine Conférence mondiale sur l'investissement de La Baule. Le Premier ministre Koizumi s'adressera à l'assistance en visioconférence ; le ministre du Meti Nakagawa et le président de Jetro Watanabe participeront aux débats, de même que plusieurs leaders de l'industrie japonaise. C'est une occasion de reconnaître l'importance des investissements croisés au Japon, en France et en Europe. Un autre rendez-vous important dans le secteur majeur de la high tech et des biotechnologies nous attend en septembre, avec le prochain Jetro Biolink Forum, en marge de BioJapan 2005. Tsuyoshi Nakai, Directeur général SOCIÉTÉ Le gouvernement japonais incite le secteur privé à pouponner Face au problème de la garde des jeunes enfants, qui laisse de nombreuses Japonaises hors du marché du travail, le gouvernement japonais a décidé d’encourager la création de crèches d’entreprises et d’ouvrir au secteur privé la gestion ges garderies. Toutes les initiatuves sont les bienvenues pour aider les salariés à mieux concilier vie familiale et vie professionnelle. De quoi encourager le travail féminin et revitaliser le nombre des naissances… Le Japon se trouve actuellement confronté à l'entrecroisement d'un est encore insuffisant, ce qui entraîne une baisse du taux de natalité. taux de natalité en chute rapide et d'une population de plus en plus De plus en plus de femmes sont réticentes à avoir des enfants en rai- âgée. Selon l'Institut national de recherche sur la population et la son de la difficulté d'équilibrer ces deux responsabilités majeures. sécurité sociale, au rythme actuel, le taux de la population âgée de 65 Le gouvernement, conscient que le pays a désespérément besoin d'un ans et plus passera de 17,4 % en 2000 à 35,7 % en 2050, alors que meilleur système pour aider les mères qui travaillent, a révisé en 2004 dans le même temps, celui de la population âgée de 14 ans et moins la « loi sur l'aide sociale aux travailleurs s'occupant d'enfants ou tombera de 14,6 % à 10,8 %. En vue des problèmes importants aux- autres membres de leur famille, incluant le congé pour garde d'en- quels cette tendance pourrait conduire, dont l'augmentation des fants ou autres membres de la famille ». D'après cette révision, la défi- coûts de sécurité sociale et une perte de la vitalité économique, les nition des employés autorisés à prendre un congé parental inclut secteurs privé et public ont chacun lancé des initiatives pour atténuer maintenant ceux à durée déterminée qui ont travaillé pour le même les effets de cette situation. employeur pour une durée d'au minimum un an ; ils peuvent doréna- Bien que le nombre de femmes actives soit en hausse, le soutien aux vant retrouver leur poste après leur congé. De plus, la durée maxima- femmes essayant d'élever leurs enfants tout en conservant un emploi le du congé a été étendue à dix-huit mois. Le journal de Jetro Paris / 2e trimestre 2005 société Avant cela, en 2003, le gouvernement avait promulgué la « loi sur les Shiseido a également ouvert en 2003 Kangaroom Shiodome, une gar- mesures d'aide au développement de la prochaine génération » qui derie en entreprise proche de son siège à Tokyo. Cet établissement est demandait aux entités privées et publiques ayant plus de ouvert de 8 heures à 19 heures et a une capacité d'accueil de vingt- 300 employés de rédiger des plans d'action mettant en œuvre des et-un enfants et bébés. Il est également ouvert aux enfants des mesures en lien avec cette question. Ces plans d'action, basés sur des employés d'autres sociétés. recommandations gouvernementales, devaient être soumis au gouvernement dans les plus brefs délais à compter d'avril 2005. Pour faire avancer la procédure, le ministère de la Santé, du Travail et des Affaires sociales a désigné cinquante-trois municipalités chargées, avec l'aide du ministère, de rédiger leurs plans en avance sur le calendrier afin de servir de modèles aux autres municipalités lorsque cellesci établiront leur plan. Shiseido innove Le secteur privé œuvre également à améliorer les conditions pour les parents salariés. L'une des sociétés les plus avancées dans ce domaine est le géant des cosmétiques Shiseido, notamment parce que 68 % des quelque 14 000 employés du groupe sont des femmes. Durant plusieurs années, cette société a mis en place une série de mesures Les Pigeon Kids Centers ont des employés étrangers permanents pour nourrir la compréhension internationale et la créativité. (photo : DR) destinées à aider les employés à concilier leur travail avec leurs devoirs de parents. En plus d'avoir introduit des emplois du temps flexibles en 1988 - bien avant les autres sociétés japonaises -, Shiseido a offert Un autre prolongement a été que des entreprises se sont réunies pour des congés parentaux pouvant aller jusqu'à trois ans, ce qui est bien discuter de la manière de créer un meilleur environnement pour élever au-delà des exigences légales. des enfants. L'année dernière, par exemple, 35 sociétés ont mis en Shiseido propose aussi un service d'enseignement à distance en ligne place le Groupe d'étude sur l'équilibre travail-vie privée pour partager baptisé Wiwiw afin de permettre à ses employés en congé parental de leurs informations alors qu'elles étaient en train de préparer les plans renforcer leurs compétences dans des domaines tels que l'informa- d'action évoqués précédemment. Shiseido, l'un des membres du grou- tique ou les langues étrangères. De plus, l'accès aux forums et à pe, a demandé à ses 40 sociétés au Japon, y compris celles de moins l'email permet à ces personnes de rester au courant de ce qui se passe de 301 employés, d'inclure des stratégies afin de favoriser la partici- au bureau. Comme il s'agissait du premier système de ce type au pation des hommes dans la garde d'enfants. Japon, Shiseido l'a mis à la disposition d'autres entreprises. « Les personnes en congés ont tendance à se sentir isolées et sont inquiètes de leur retour au travail » explique Kiyoko Yamagiwa, direc- Les services privés de garde d'enfants en augmentation trice générale adjointe du département de responsabilité sociale de Certaines structures privées profitent du besoin grandissant de garde l'entreprise Shiseido. D'après Mme Yamagiwa, le Wiwiw « fournit un d'enfants. Pigeon, l'un des principaux fournisseurs de biberons et support via internet pour transformer le congé parental de façon à ce autres produits pour bébés, a commencé à proposer des services de qu'une période vide devienne un temps permettant aux gens de revoir puériculture et de garderie en 1993, puis a élargi ses activités aux ser- leur compétences ». vices de formation et de baby-sitting en 1996. A compter de février 2005, le groupe Pigeon a été mandaté L’ÉVOLUTION DU TAUX DE NATALITÉ DES PRINCIPAUX PAYS AVANCÉS pour gérer les services internes de garderie de 133 entreprises et hôpitaux. Dans le même temps, Pigeon Heart (Nombre d’enfant par femme) Corporation adapte le savoir-faire de 4,0 3,5 Japon France Teaching Strategies pour l'exploitation Etats-Unis Italie des établissements Pigeon Kids World Allemagn e Royaume-Uni dans les principales villes du Japon, où 3,0 un enseignement en anglais et des activités créatives sont proposées aux 2,5 enfants. 2,0 « Les sociétés sont de plus en plus intéressées à l'amélioration de l'environne- 1,5 ment de leurs garderies » dit Miki 1,0 1960 1970 1980 1990 1995 2000 Source : Eurostat, ONU, Ministère japonais de la Santé et du Travail 2001 2002 Nakata, de la division de planification générale. « Le nombre de sociétés mettant en place des garderies en entreprise 3 Le secteur privé incité à pouponner a commencé à prendre de l'ampleur vers 2003, et il est prévu que avez plus de temps pour des activités extérieures, comme l'éducation cela continue ». des enfants, l'apprentissage indépendant ou les activités bénévoles. La garde d'enfants bénéficie également d'une grande impulsion du La sensibilité et les valeurs dont vous vous nourrissez à travers ces fait de la privatisation des garderies. Traditionnellement, les garderies activités imprègnent à leur tour votre travail, ce qui peut le rendre plus étaient tenues au Japon par les adminis- motivant. » trations locales, mais l'externalisation de Il apparaît donc qu'améliorer le cadre dans cette fonction au secteur privé est en lequel on élève ses enfants peut avoir des réper- plein essor. « Le nombre total de garde- cussions bénéfiques sur les performances de ries publiques se situe autour de 12 000 » l'entreprise comme sur la société en général. explique M. Nakata. « Notre société, ayant soutenu l'éducation des enfants depuis un demi-siècle, a naturellement élargi ses activités à la gestion de gardeKangaroom Shiodome, la garderie en entreprise de Shiseido, est également ouverte aux enfants d'autres sociétés. (photo : DR) ries sous licence. Nous travaillons à améliorer la sensibilisation au développement des ressources humaines et à ce que nous appelons la puériculture Pigeon. » Cet article a été publié sur le site de Jetro Tokyo : Pour en revenir à Shiseido, lorsqu'on demande à Kiyoko Yamagiwa pourquoi il est si important de parvenir à un équilibre entre la vie privée et le travail, elle répond : « Si vous travaillez efficacement, vous COPRODUCTION 4 http://www.jetro.go.jp/en/market/trend/topic/2005_04_children.html Les titre, chapeau et intertitres sont de la rédaction du « Japon à la page ». FRANCO-JAPONAISE Autrefois considéré d'un seul point de vue culturel, le cinéma, tout autant que la musique et les autres contenus, a dorénavant les faveurs du gouvernement japonais qui voit en ces produits une richesse économique à promouvoir. La mission de Jetro est de soutenir le contenu japonais dans sa diversité et sa créativité, d'où notre participation au dernier Festival de Cannes, en coopération avec l’association pour la diffusion du cinéma japonais à l’étranger UniJapan. Au cours de ce festival, un mémorandum, aboutissement de deux ans de travail, a été signé entre le Centre national de la Cinématographie et UniJapan. Ce mémorandum est un « premier pas à un approfondissement plus important des échanges et coproductions entre [les] professionnels » français et japonais. Des engagements de collaboration, d'échanges et d'encouragements réciproques entre les deux pays ont été pris dans les directions suivantes : la distribution, la formation, l'ingénierie financière, la participation aux festivals des deux pays, le piratage et les diffusions des œuvres cinématographiques sur les chaînes télévisuelles. Le premier film bénéficiant de cette toute nouvelle coopération franco-japonaise est intitulé « Kofuku no Ketsumatsu » (la fin de la joie), une histoire d'amour entre Bruxelles, Paris et Tokyo, de Jinsei Tsuji. Ce film sera donc produit et distribué à la fois au Japon et en France. Aujourd'hui, il existe un écart important entre le nombre de films étrangers diffusés au Japon et le nombre de films japonais diffusés à l'étranger. Selon Makoto Kimura, de la division des échanges internationaux à Jetro, « idéalement, nous aimerions voir un équilibre à 50-50 entre les films importés et ceux exportés ». De son côté, Tsuguhiko Kadokawa, président du Festival du film international de Tokyo, travaille à un nouveau festival, dont le nom serait le « Tokyo Asia-Pacific Entertainment Market » qui offrirait des films de toute la région Asie-Pacifique, partant du constat que l'intérêt pour le cinéma asiatique grandit en Europe et aux Etats-Unis. M. Kadokawa fait la tournée des festivals pour mieux observer comment les autres manifestations fonctionnent. Quant au Festival de Tokyo, il promet d'y présenter les meilleurs films japonais, du plus commercial au plus artistique. « Le Japon réalise aujourd'hui des films intéressants, je pense que nous devrions les faire connaître aux autres peuples » a-t-il déclaré. La signature du mémorandum (photo : DR) Caroline Artus Le journal de Jetro Paris /2e trimestre 2005 L’ INTERVIEW Sébastien Lechevalier, Economiste, Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS) (photo Jetro Paris) Sébastien Lechevalier, économiste spécialiste de l'économie japonaise, maître de conférence à l'EHESS, a réalisé une étude, intitulée « Toyota peut-il sauver le Japon (et le reste du monde) ? », sur le modèle de production du constructeur automobile. Nous l'avons rencontré afin de comprendre ses motivations et le sens de sa réflexion. Quelles ont été vos motivations pour cette étude? Après une thèse de doctorat sur le marché du travail japonais et le management des ressources humaines, qui mettait l'accent sur la relation entre sécurité de l'emploi et productivité, l'étude sur Toyota s'inscrit dans la continuité de mes recherches. Afin d'étudier cette entreprise et son système de production, j'ai passé un an au Japon en 2004 dans le cadre d'une invitation de l'université de Tokyo. Toyota fascine par sa réussite exceptionnelle et ce d'autant plus que l'économie japonaise dans son ensemble n'est toujours pas sortie de la crise. De fait, les performances de Toyota montre que la crise japonaise est moins une crise du modèle de production qu'une crise macroéconomique. Pouvez-vous résumer en quelques mots le système de production de Toyota, appelé communément TPS ? Tout d'abord, il faut préciser que, contrairement à ce que pensent certains auteurs, il n'y a pas de modèle productif supérieur aux autres, en tout temps et en tout lieu. Le système de production de Toyota est un véritable succès mais n'est pas universel. Ensuite il faut distinguer entre le TPS et le toyotisme. Le TPS peut être analysé à plusieurs niveaux, du plus simple, celui des routines organisationnelles (juste à temps par exemple) au plus complexe, celui d'un système en perpétuelle évolution, grâce à ce que le professeur Fujimoto de l'université de Tokyo appelle une capacité d'apprentissage évolutive. Quant au toyotisme, c'est un concept permettant de caractériser les modes particuliers de financement, de marketing et de management des ressources humaines associés au TPS. Une condition indispensable au succès de Toyota est la sécurité de l'emploi, dont la contrepartie est l'investissement de chaque ouvrier, base de la capacité d'apprentissage. En bref, chez Toyota, le capital humain est bien la première richesse de l'entreprise. Cette capacité est certainement plus difficile à transposer que les simples routines car les solutions aux problèmes rencontrés ne sont pas toutes faites. Toyota s'est montré particulièrement apte à comprendre très rapidement les évolutions de la société japonaise et à modifier son offre en fonction de l'évolution de la demande. Autrement dit, la force de Toyota ce n'est pas seulement la production mais aussi la vente, ou le marketing si l'on veut. Ainsi, Toyota répond à la montée des inégalités au Japon par une polarisation de son offre. A un autre niveau, il a su s'adapter aux changements de comportement des ouvriers au travail au début (suite p. 6) Toyota peut-il sauver le Japon ? Un peu passé de mode pendant la crise, le TPS est revenu en grâce depuis quelques années. Comme le souligne Sébastien Lechevalier dans son étude, « pour beaucoup d'analystes, la longue crise japonaise commencée au début des années 1990 […] a sonné le glas du modèle japonais. […] Toutefois, pendant cette décennie perdue, Toyota - l'entreprise souvent considérée comme la plus emblématique de ce modèle - non seulement n'a pas connu la crise mais a, au contraire, battu des records de profits ». Doit-on en tirer la conclusion que le toyotisme est transposable à d'autres entreprises ? Au cours de ses recherches, Sébastien Lechevalier a décortiqué plusieurs tentatives récentes de transposition au Japon. Il est d'ailleurs surprenant de constater que ces tentatives ne se limitent pas au secteur automobile ou manufacturier, mais qu'elles s'étendent aujourd'hui aux services. La poste japonaise a été l'une d'entre elles, en préambule à la réforme entamée par le gouvernement Koizumi en vue de sa privatisation. Depuis février 2002, le groupe de distribution Ito-Yokado a également mis en place un « Toyota Project » pour améliorer son « efficacité opérationnelle ». Dans les deux cas, des gains ont été constatés, mais à la poste le « projet n'a pas débouché sur une transformation profonde et s'est heurté à l'opposition des salariés » et chez (suite p. 6) 5 Interview Sébastien Lechevalier, Economiste (suite de la p.5) des années 1990 en réformant notamment le système hiérarchique. Le TPS n'est donc pas figé mais en perpétuelle évolution. Là est très certainement la clé de son succès mais aussi l'origine de la difficulté pour les économistes à la comprendre. Vous parlez dans votre étude des transferts de TPS à des entreprises japonaises, mais ce transfert est-il possible dans une entreprise européenne ou française ? Dans les années 1960 et 1970, Toyota a en effet essayé de transposer son modèle de production à des sous-traitants japonais, ce qui s'est révélé un succès. La société a ensuite tenté des transpositions dans ses usines à l'étranger, particulièrement aux Etats-Unis à la fin des années 1970 et début des années 1980. Le résultat a été plus nuancé, mais la productivité s'est améliorée au point de dépasser celle des usines de General Motors et de Ford aux Etats-Unis, sans toutefois atteindre celle de ses usines au Japon. Les entreprises françaises, notamment dans l'automobile dans les années 1980, ont également essayé de transposer ce système. Mais les résultats et le système sont restés très différents de l'original, notamment à cause de la rupture persistante dans le savoir entre les ingénieurs et les ouvriers. (photo Jetro Paris) 6 Depuis la fin des années 1990, d'autres tentatives au Japon ont été lancées dans des secteurs différents, voire même des secteurs non manufacturiers, tels que la poste, ou dans la distribution chez Ito-Yokado. Une analyse approfondie de ces deux tentatives de transfert a été réalisée dans mon étude sur Toyota. Pour résumer, les résultats sont mitigés car de nombreux obstacles persistent pour obtenir des effets durables dans l'amélioration de la productivité. Finalement, paradoxalement, la clef de la réussite d'une tentative de transposition du TPS pourrait résider dans une certaine attitude face aux changements, plutôt que dans la réplique appliquée des routines organisationnelles, qui n'ont de sens que par rapport à la capacité évolutive. La principale leçon des tentatives de transposition du TPS est qu'elles doivent reposer sur cette perspective d'amélioration permanente à long terme. C'est particulièrement vrai en ce qui concerne l'emploi. Licencier est ainsi contradictoire avec le TPS. Mais ce dernier n'est pas la seule voie possible comme le montre au même moment l'exemple de Nissan, dont le renouveau a justement reposé sur un « downsizing » stratégique. Comment voyez-vous les perspectives économiques du Japon ? Quels sont, selon vous, les moyens de sortie de crise ? La crise japonaise a une pluralité de causes, au sujet desquelles il n'y a toujours pas accord entre les économistes. Du côté de la demande, le principal problème est l'atonie de l'investissement des entreprises, plus que celle de la consommation privée. Du côté de l'offre, c'est le ralentissement de la croissance de la productivité qui est inquiétant. Le problème ici n'est pas le modèle de production japonais en tant que tel, mais plutôt celui de la coordination d'une nouvelle forme d’hétérogénéité croissante des entreprises, de taille similaire au sein d'un même secteur (l'automobile, l'électronique, la banque ou la grande distribution). L'hétérogénéité en soi n'est pas un problème du point de vue des performances comme le montre le cas du dualisme suivant la taille des entreprises japonaises dans les années 1950. Ce qui importe c'est la présence ou l'absence de complémentarité entre ces agents hétérogènes. Enfin, la sortie de la crise ne dépend pas seulement de l'économie nationale, mais aussi de l'insertion du pays dans la mondialisation. En effet, le Japon se considère encore comme extérieur à l'ordre mondial, comme un pays presque insignifiant. Or il est clairement un des acteurs principaux de la mondialisation. Il doit donc modifier sa conception de la mondialisation et surtout y prendre part en tant qu'acteur actif, ambitieux et respectueux de ses partenaires non occidentaux. Propos recueillis par Caroline Artus (suite de la p.5) Ito-Yokado, la productivité en hausse ne s'est pas traduite par une augmentation de la profitabilité. Sébastien Lechevalier souligne que dans le cas de la poste, « la tentative d'application des pratiques TPS [s'est faite] conjointement à des mesures [… de] réduction du personnel et [de] recours accru à une main d'œuvre temporaire et que ItoYokado procédait dans le même temps à une restructuration », cette dernière passant notamment par la poursuite de la flexibilisation des relations d'emploi. Cela va à l'encontre d'un des fondements du management à la Toyota qui repose sur l'implication des salariés, donc sur une relation de confiance entre le management et les salariés. Une telle relation n'est-elle pas indissociable de la sécurité de l'emploi ? Ce que l'on peut apprendre du toyotisme, résume Sébastien Lechevalier, c'est « une certaine conception de l'entreprise : une attitude positive et volontariste face au changement dans une perspective de long terme, une remise en cause permanente reposant sur la mobilisation des salariés, la conviction, enfin, que le capital humain est la principale richesse de l'entreprise, ce qui implique sécurité de l'emploi et formation permanente ». Si la transposition du TPS s'avère difficile, ou n'a pas l'efficacité escomptée - comme des études l'ont montré dans le cas d'usines du groupe Toyota aux Etats-Unis -, cette vision de l'entreprise est un « modèle possible pour la gestion des entreprises » conclut-il. Isabelle Comtet Le journal de Jetro Paris / 2e trimestre 2005 INNOVER Le Japon au rendez-vous à BioVision et BioSquare Du 11 au 15 avril 2005 s'est déroulé à Lyon BioVision, le forum international sur les sciences du vivant. Considéré comme le « Davos des biotechnologies », ce sommet est le rendez-vous des entreprises, des scientifiques, des représentants d'associations, mais aussi des politiques. Plate-forme internationale de réflexion, de dialogue, de débat et de proposition sur les grands enjeux des sciences de la vie, BioVision traite simultanément des trois domaines fondamentaux des sciences de la vie, à savoir la santé, l'alimentation, l'environnement et leurs interactions. La quatrième édition de BioVision s'est ouverte avec le « Nobel's Shino-Test Corporation développe, fabrique et commercialise des Day » qui a célèbré le cinquantenaire du lancement de la campagne réactifs de chimie clinique. de vaccination contre la poliomyélite avec une forte concentration de La partie académique était représentée par l'Université Kurume, uni- scientifiques dont de nombreux prix Nobel, représentants de grands versité privée depuis qu'elle a été baptisée Ecole de Médecine de groupes internationaux, mais aussi des membres de la société civile. Kyushu en 1928. L'Ecole de Médecine de l'Université Kurume a été Balayant les sciences du vivant dans tous ses aspects tous les deux nommée en 2003 centre d'excellence de la thérapie innovatrice du ans, le forum est protéiforme, oscillant sans cesse entre rendez-vous cancer par le ministère japonais de l'Education, de la Culture, des d'affaires, débats économiques, scientifiques et politiques. Sports, de la Science et Technologie. Seules sept académies de méde- En parallèle à BioVision, s'est tenue du 13 au 15 avril BioSquare cine privées sur les 29 au Japon mènent de tels projets sélectionnés 2005, la convention d'affaires la plus internationale des sciences de dans le secteur de la médecine. la vie, spécialiste du « match-making ». BioSquare réunit les indus- L'administration était présente à travers le réputé « National tries pharmaceutiques, de biotechnologie et le monde de la finance Institute of Advanced Industrial Science and Technology » (AIST) en provenance d'Europe, d'Amérique du Nord, du Japon et d'Asie créé en 2001. Fort de ses 3 200 personnes et de ses nombreux cen- Pacifique. tres de recherche, l'AIST est le plus grand institut public de recher- Ces trois jours de rencontres facilitent les débouchés sur des straté- che du Japon. gies de partenariat et d'investissement dans le domaine des bio- Présentes non seulement sur BioVision mais aussi à la convention technologies. d'affaires BioSquare, les entreprises japonaises ont pu rencontrer de Au regard du concept et de la méthode BioVision consistant à rassembler à parts égales les représentants de la société civile, de la science et de l'industrie, avec le concours des grandes organisations internationales et de ministères, Jetro a décidé d'apporter tout son concours en finançant un pavillon Japon dont il a assuré la gestion. Le pavillon Japon a réuni huit exposants dont six sociétés japonaises, une université et le plus grand institut de recherche public japonais. Dressons un bref panorama des sociétés japonaises AnGes MG, Inc. est une société bio-pharmaceutique dédiée au développement et à la commercialisation de médicaments basés sur de nouveaux gènes. Celestar Lexico-Sciences, Inc., « spin-off » de Fujitsu Limited, est spécialisée dans la recherche bio-informatique, orientée notamment vers la génomique, la protéomique et les peptidomiques. Cellseed Inc. est une société d'ingénierie de tissus et cellules humains spécialisée notamment dans les maladies de l'épithélium de cornée, l'ostéoarthrite. Elle conduit des test cliniques en étroite collaboration avec des chercheurs. DNAVEC Corporation se consacre au traitement de maladies en particulier cardio-vasculaires et dans le domaine de l'oncologie. NP Co ., Ltd. développe une nouvelle génération de cosmétiques biologiques utilisant les résidus de la fermentation du raisin. (photo Jetro) 7 Le Japon au rendez-vous à BioVision nombreux homologues étrangers et initier des premiers contacts 2010 comparé aux actuels 16 milliards de dollars (soit 1 744 milliards personnalisés, étapes incontournables pour de futures alliances de yens). scientifiques. Les participants japonais ont, pour certains d'entre Jetro apporte sa contribution au développement de ce pilier indus- eux, réussi à établir plus d'une trentaine de rendez-vous sur le site. triel en initiant des opportunités en termes d'alliances croisées, de Au total, 151 entretiens individuels ont été organisés. collaborations et d'échanges entre les sociétés de biotechnologies, BioVision 2005 fut aussi le carrefour de débats autour de l'axe les institutions japonaises et leurs homologues étrangers. Europe-Japon. Ainsi, durant quatre heures, le 14 avril, une remar- Aussi, les événements internationaux tels BioVision/BioSquare 2005 quable table ronde a réuni d'éminentes personnalités comme Koji ou encore la conférence internationale annuelle de BIO Omi, ancien ministre et président de la Commission de la recherche (« Biotechnology Industry Organization ») aux Etats-Unis s'avèrent du Parti libéral démocrate (PLD) ou encore de hauts représentants du être des plates-formes extrêmement utiles. ministère japonais de l'Economie, du Commerce et de l'Industrie (Meti), de la « Japan Bioindustry Association », ainsi que des acteurs Biolink Forum 2005 majeurs dans les biotechnologies comme Chugai Pharmaceutical et Au Japon, Jetro a organisé en septembre 2004 pour la première fois Kikkoman. Jetro Biolink Forum parallèlement à BioJapan 2004, le plus important événement dans le domaine des biotechnologies en Asie. 700 person- Quelques données sur l'industrie japonaise des biotechnologies nes du Japon et de l'étranger ont participé à l'inauguration du Biolink Forum, caractérisé par des symposiums de clusters biotechs, des Au Japon, la promotion de l'industrie des biotechnologies a pris son débats et des échanges relationnels. Au regard du succès rencontré essor grâce à l'étroite collaboration des secteurs publics et privés par le Jetro Biolink Forum 2004, Jetro a décidé de rééditer ce forum depuis décembre 2002, alors que le gouvernement annonçait des en 2005, toujours en parallèle avec BioJapan 2005 qui se tiendra cette directives stratégiques en biotechnologie. Par ailleurs, le marché année à Yokohama, ville portuaire au sud de Tokyo. japonais des biotechnologies s'est renforcé par le développement des Biolink 2005 s'annonce être une réelle plate-forme d'opportunités sociétés à capitaux risques en biotechnologie, ainsi que les nouveaux qui permettra d'amplifier ses réseaux tant auprès des entreprises et entrants issus d'autres industries. L'industrie japonaise des biotech- institutions japonaises qu'étrangères. Les représentants européens et nologies est promise à de belles perspectives et ce marché atteindrait internationaux des clusters et des acteurs des biotechnologies sont environ 229 milliards de dollars (près de 25 000 milliards de yens) en vivement attendus à cet événement. Patricia Cohen 8 A VOS AGENDAS DU 11 AU 13 SEPTEMBRE 2005 En marge de BioVision, le forum mondial des sciences du vivant à partir du 6 septembre à Yokohama, se tiendra le forum « Science and Technology in Society ». Jetro est partenaire de deuxième rendez-vous annuel qui réunira sur le thème du développement durable des chercheurs, des experts et décideurs du monde entier, ainsi que des représentants des grandes entreprises. CONTACT : Nathalie Harmel au 01 42 61 27 27 ou [email protected] LE 20 NOVEMBRE 2005 La douzième édition du Jetro Test, test d’aptitude au japonais des affaires, se déroulera au centre universitaire Dauphine. Il est ouvert à toute personne dont la langue maternelle n’est pas le japonais. Toutes les informations sont à l’adresse suivante: http://www.jetro.go.jp/en/jetrotest/ INCRIPTIONS : M. Ordonneau à l’Inalco au 01 44 05 41 15 Le Centre UE-Japon pour la Coopération industrielle, fondé par la Commission européenne et le Meti avec le soutien de Jetro, a pour objectif de contribuer à un meilleur équilibre des relations économiques entre les deux pôles. A cette fin, il organise diverses formations axées sur la découverte du management et des marchés japonais, de l’organisation et des structures industrielles au Japon. DU 24 OCTOBRE AU 1 ER NOVEMBRE 2005 « Challenge Towards World Class Manufacturing » Cette formation au Japon a pour objectif d’aider les entreprises européennes à mieux comprendre les méthodes de production « kaizen » (amélioration continue), JIT (« Just In Time ») TPM (« Total Productive Maintenance ») et TQM (« Total Quality Management »). Elle permet aux dirigeants de l’industrie européenne de visiter des usines parmi les plus performantes du monde, de s’entretenir directement avec les responsables de la production et d’observer la façon dont ces méthodes de production sont appliquées sur les sites de production (« gemba »). Date limite de candidature : 31 août 2005 CONTACT : www.eujapan.com/europe/wcm_executive.html Tél. :+ 32 2 282 00 42 ou [email protected] DU 23 JANVIER AU 10 FEVRIER 2006 « HRTP 39 - Japan Industry Insight » est un programme unique proposé par le Centre UE-Japon pour la Coopération industrielle. Il offre une vision approfondie de la pratique des affaires au Japon : séminaires, voyages d’étude, échanges d’expériences avec des cadres japonais et exercices de négociation par le biais de jeux de rôle. Travaillant dans une société européenne à un niveau décisionnaire, vous désirez acquérir une meilleure connaissance des méthodes de travail des sociétés japonaises, ce programme de formation au Japon vous est destiné. Date limite de candidature : 30 septembre 2005 CONTACT : www.eujapan.com/europe/hrtp_eu.html Tél. :+ 32 2 282 00 42 ou [email protected] Le journal de Jetro Paris / 2e trimestre 2005 INVESTIR Des places à prendre dans l’hôtellerie japonaise La capacité hôtelière de Tokyo est à peine un tiers de celles de Londres et Paris et seulement un dixième de celle de New York. Secteur fortement fragilisé par l'éclatement de la bulle financière et la crise qui a suivi, l'hôtellerie japonaise fait aujourd'hui face à une période de profonde mutation. établissement. Le parc fluctue relativement peu depuis les années 1990. Il y avait par ailleurs 61 583 (915 400 chambres) « ryokan » en 2002, pour une capacité moyenne de près de 15 chambres par établissement. Par rapport à 1991, le nombre des « ryokan » a baissé de 40 %. Cette détérioration s'explique par la diminution des réservations émanant d'entreprises qui avaient l'habitude de prendre plusieurs chambres, et cela de façon beaucoup plus régulière qu'aujourd'hui. Traditionnellement constituée de « ryokan », auberges de style japo- Aucune éclaircie ne semble devoir se profiler pour cette catégorie nais gérées le plus souvent de façon familiale, l'hôtellerie japonaise a dans les années à venir, mais elle ne baisse cependant pas les bras. connu un réel essor avec l'organisation des jeux Olympiques de Tokyo Leur fédération a ainsi créé depuis peu un label attestant des efforts en 1964. Le Hilton Tokyo, inauguré en 1963, a été le premier hôtel des hôteliers (services, repas, formation des employés) pour accueillir détenu par des capitaux étrangers au Japon. Son ouverture a marqué au mieux les personnes âgées. En mars 2003, 953 établissements par ailleurs le début d'une nouvelle forme de management : les hôtels avaient été labellisés « Silver Star Ryokan ». ne sont pluss nécessairement propriétaires des terrains et des murs Les « minshuku » (chambres d'hôtes) proposent un hébergement qu’ils utilisent, d'où un investissement moins important. confortable à des prix très abordables. Ils étaient au nombre de 23 268 Le développement du secteur hôtelier a été ensuite aussi fulgurant en 2002. La plupart sont gérés individuellement et beaucoup ont a dû que la croissance économique du pays, bénéficiant de la construction fermer, ne pouvant s'aligner sur la concurrence en termes de prix après de nouvelles infrastructures de transport, tels le Shinkansen, les auto- l'éclatement de la bulle routes ou les nouvelles lignes aériennes qui ont permis la progression Autre catégorie bon marché, les pensions sont généralement situées des échanges entre les régions japonaises. Au cours des années 1980, dans des régions touristiques. Hébergement de style occidental le plus les hôtels, y compris les hôtels modestes de province ou les « business souvent en demi-pension, elles attirent plutôt les groupes d'étudiants hotels » orientés vers une clientèle d'affaires, se sont lancés dans l'amé- et les jeunes couples, mais subissent une baisse considérable depuis nagement de salles de réunion et de réception, utilisées pour les 1997. mariages. Ces investissements ont été réalisés au plus fort de la bulle Les zones touristiques ont depuis longtemps fait l'objet d'une volon- financière et la spéculation foncière des années 1980 a lourdement té d'aménagement par les autorités locales qui ont construit, avec le grevé la rentabilité de nombreux hôtels, touchés coup sur coup par soutien des banques, ce qu'on appelle communément au Japon les l'éclatement de la bulle, la crise économique, la baisse des voyages « resort hotels ». Ce fut d'abord le cas, dès les années 1930, de Nikko, organisés en groupe et des déplacements d'affaires - alors que les de Karuizawa ou de Hakone, réputé pour ses bains chauds. Cinquante rendez-vous de la journée se pour- ans plus tard, ce type d'établissement a suivaient souvent tard dans les bars bénéficié de la hausse des revenus des et restaurants des hôtels - et enfin Japonais, de l'essor des loisirs et du par la diminution du nombre des développement des régions montagneu- mariages après la génération née ses. Cependant, ils ont aussi souffert de du baby boom. Face à la forte bais- la concurrence d'hôtels plus chics et plus se de leurs profits et au durcisse- grands venus s'installer pendant la bulle. ment de la concurrence, exacerbée Touchés de plein fouet par la crise, le par une guerre des tarifs et des marché est en train de s'assainir, laissant promotions, de nombreux hôtels la porte ouverte à l'intervention d'inves- ont été contraints à la faillite. tisseurs étrangers. Depuis le début des années 1990, D'une manière générale, l'hôtellerie le parc hôtelier japonais n'a cessé Une des chambres de l’hôtel Conrad Tokyo (photo : Conrad) japonaise est au cœur d'une période de de baisser, les modes d'hébergement traditionnels (« ryokan » et mutation propice aux investissements étrangers car quatre facteurs « minshuku ») étant les plus touchés. Ceux de style occidental tirent sont particulièrement favorables : la baisse du prix des terrains, l'ac- mieux leur épingle du jeu, de même que les hôtels à capitaux étran- croissement du nombre de visiteurs au Japon, la possibilité d'ache- gers qui s'appuient sur la puissance de leur marque et un réseau ter des hôtels existants et enfin la résurgence de projets de international. transformation urbaine, mis en suspend après l'éclatement de la Une offre diversifiée mais fragile bulle économique. De nouveaux types d'établissements sont peu à peu apparus, qui En 2002, le Japon comptait 8 518 hôtels de style occidental représen- concentrent leur activité sur l'hébergement en n'offrant plus une for- tant plus de 649 000 chambres, avec en moyenne 76,2 chambres par mule en demi-pension mais seulement la nuitée et le petit-déjeuner. 9 L’ h ô t e l l e r i e j a p o n a i s e Ainsi, la chaîne R&B (16 établissements) ne propose que des cham- de 1 000 chambres au tarif moyen de 55 000 yens la nuit, alors que bres single ; Route Inn (78 établissements) est installé uniquement le jusqu'à présent le Park Hyatt était le seul hôtel à proposer des cham- long des routes ; Super Hotel accueille jusqu'à trois personnes par bres à 50 000 yens la nuit. Le groupe Peninsula Hotel basé à Hong chambre (38 établissements) et Tokyu Inn (76 établissements) met à Kong ouvrira ses portes au cours de l'été 2007, quelques mois après la disposition de sa clientèle féminine des services et des chambres qui le Ritz-Carlton. Fin 2005, le Mandarin Oriental sera inauguré dans le lui sont réservés. Ce segment est le plus actif actuellement, Tokyu Inn quartier de Nihonbashi. Les grands hôtels japonais, comme l'Imperial et Route Inn ouvrant plus de 10 hôtels chaque année. Hotel, l'Okura Hotel, le ANA Hotel Tokyo et le Royal Park Hotel, sont Alors que certaines chaînes réduisaient la voilure pour assainir leurs en train de rénover leurs chambres et leurs restaurants afin de concur- comptes, de nouvelles sont montées en puissance comme Hotel Villa rencer les chaînes occidentales et asiatiques qui se déploient au Fontaine (du groupe Sumitomo Real Estate) qui dispose de dix éta- Japon. Ils cherchent à aligner leur offre sur celle des grands noms blissements dans différents quartiers de Tokyo, Keio Presso Inn ou étrangers, mais restent conscients qu'il leur faudra pour cela installer Nishitetsu Inn (groupe Nishi-Nihon Railroad) qui prépare plusieurs leur image de marque hors de l'archipel afin d'attirer une clientèle ouvertures à Tokyo et dans le Sud du pays. De leur côté, les groupes internationale. étrangers tels que Accor, Choice et Six Continents ont augmenté le Le quartier de Shinjuku à Tokyo est un des centres hôteliers de la capi- nombre de leurs établissements en rachetant des hôtels existants. Le tale. Cela s'explique par la forte concentration de sièges sociaux de groupe Accor couvre toute la gamme hôtelière avec deux Sofitel, deux grandes entreprises, la présence de nombreuses entreprises étrangè- Novotel, deux hôtels Mercure et deux Formule 1. Raffles res et la forte densité en restaurants. L'arrivée des « New Big Three », International, basé à Singapour, projette d'ouvrir en 2007 son deuxiè- c'est-à-dire le Four Seasons, le Park Hyatt et le Westin Hotel, avait me hôtel au Japon, près de la gare de Tokyo. marqué le retour des étrangers dans l'hôtellerie de luxe japonaise. L'installation du Four Seasons dans le quartier de Mejiro en avait lais- La rénovation urbaine de Tokyo 10 sé sceptiques plus d'un à l'époque. Il n'était en effet pas sans risque L'évolution du marché depuis 2000 se fait autour d'une bataille des d’installer un hôtel ailleurs que dans le centre de Tokyo. tarifs. Ceux pratiqués à Tokyo (sur la base des quinze principaux Les grands hôtels s'intègrent aujourd'hui dans les projets de transfor- hôtels) sont par exemple passés d'une moyenne d'environ 20 000 mation urbaine décidée par la Ville de Tokyo qui souhaite par ailleurs yens en 2000 à 18 400 yens l'année dernière. Néanmoins, Tokyo que 25 % de la surface faisant l'objet d'une opération immobilière ne dispose encore de peu d'hôtels de classe internationale, comparati- soient pas occupés par des bureaux. Récemment Four Seasons a vement à Londres ou New-York. L'éclatement de la bulle avait pen- ouvert un établissement dans le quartier de Marunouchi et Grand dant une dizaine d'années stoppé net tout projet de revitalisation Hyatt Tokyo a été inauguré dans un quartier rénové de Tokyo. Tokyo dans la capitale. veut se donner une dimension internationale et il ne fait aucun doute Les années 2005-2008 vont voir la construction de nouveaux établis- que la croissance économique qui se dessine au Japon et le dévelop- sements, dont quatre hôtels très haut de gamme, soit une augmenta- pement du tourisme d'affaires, principalement en provenance d'Asie, tion de 10 % du nombre de chambres à Tokyo qui comptera environ vont également accroître la demande, cela sans compter la campagne 45 000 chambres en 2007. En juillet, Conrad Tokyo (groupe Hilton) va gouvernementale « Visit Japan » qui espère attirer 10 millions de visi- ouvrir dans le quartier de Shiodome un hôtel de luxe comprenant plus teurs étrangers d'ici 2010. Isabelle Comtet LE JAPON AU BOURGET L’industrie aéronautique japonaise a été dignement représentée au 46e Salon international de l’Aéronautique et de l’Espace, du 13 au 19 juin au Bourget. Jetro s'est associé à son organisation et apporte son soutien aux exposants japonais. Les principaux industriels du secteur étaient bien entendu présents, à commencer par Mitsubisi Heavy Industries, Kawasaki Heavy Industries et Fuji Heavy Industries, car l’aéronautique japonaise se caractérise par une présence forte de puissants groupes industriels. Encore très liés aux Etats-Unis, les constructeurs et équipementiers japonais entendent diversifier leurs interlocuteurs et se tournent depuis quelques années vers des programmes internationaux qui incluent des activités de sous-traitance. L’aéronautique civile - rappelons que le Japon ne peut exporter ses technologies militaires - est devenue très concurrentielle et le Japon cherche à développer photo : Salon du Bourget la coopération internationale. Une quinzaine d’entreprises japonaises sont ainsi associées à la construction du gros porteur A380 d’Airbus. Au total, 13 exposants sont venus au Bourget dont la « Society of Japanese Aerospace Companies » (SJAC), fédération qui regroupe les industriels japonais du secteur. Les équipementiers ont été notamment représentés par Shimadzu et Mitsubishi. Un des rares fabricants d’hydravions Shinmaywa Industries est également venu, de même que Ishikawajima Harima Heavy Ind., le premier motoriste du secteur au Japon. Isabelle Comtet Le journal de Jetro Paris / 2e trimestre 2005 (photos Association Expo 2005) HORIZONS JAPON La sagesse de la nature L'Exposition Universelle de 2005 ouverte près de Nagoya depuis le en participant à la diminution du CO2 produit par les machines. Son 25 mars dernier illustre de multiples façons la notion de « sagesse de défi est de démontrer qu'avant le 31 août prochain, elle pourra dimi- la nature ». Pour la première fois, deux Etats, l'Allemagne et la nuer encore plus efficacement l'émission des gaz à effet de serre par France, ont décidé de se présenter ensemble dans un seul et même des actions simples et concrètes des entreprises et des citoyens. bâtiment. A cette occasion, les deux pays se sont vus attribuer au Louis Vuitton vise le même objectif par l'établissement de son « bilan cœur du site le plus grand pavillon de la partie internationale de l'ex- carbone », premier logiciel français de comptabilisation de l'ensemble 2 position, d'une surface totale de 3 240 m . Le couple franco-alle- des émissions de CO2 et autres gaz à effets de serre. Ainsi, le maro- mand est au centre de cette exposition en trois volets : l'histoire de quinier s'est donné pour objectif de transporter la moitié de ses pro- leur alliance politique et économique depuis 1945 ; la découverte du duits par bateau et non plus par air et s'efforce de diminuer ses Rhin vu par l'artiste Marin Kasimir car le fleuve qui sépare géogra- consommations d'emballage et d'énergie. phiquement les deux pays les unit aussi dans le même objectif de Toyota, qui a fait le choix d'implanter à Valenciennes - ville à forte propreté ; et la réussite industrielle conjointe avec les exemples tradition industrielle marquée par la crise économique et impliquée d'EADS, Airbus et Ariane. depuis de nombreuses années dans une politique de développement 2 La France dédie son espace (1 300 m ) aux enjeux du développement durable - une usine certifiée ISO 14001, la référence mondiale en durable. A travers ses déambulations, le promeneur découvre le théâ- matière de respect de l'environnement. tre immersif, une salle de spectacle en forme de cube de 18 m de côté La communauté urbaine de Dunkerque, engagée depuis une dizaine accueillant sur chacune de ses faces intérieures des images géantes d'année dans une politique de développement durable s'est lancée illustrant le sort de l'humanité. Puis il se plonge dans le forum inter- dans de nombreuses actions de régénération urbaine et de démocra- actif, un espace panoramique interactif sur lequel sont inscrits des tie participative. Dassault Systèmes, avec sa capacité d'anticiper et mots en relation avec le développement durable qui se transforment d'innover par le calcul numérique, constitue la nouvelle approche en séquence vidéo quand le visiteur s'approche. Un peu plus loin, les incontournable pour penser un développement respectueux des six îles du réel, qui occupent la moitié de l'espace du pavillon, racon- générations futures. tent l'histoire de projets conduits par une collectivité territoriale, une Jacques Chirac a été le premier dignitaire étranger à visiter Expo entreprise ou une ONG. Chacun à leur manière par le biais du regard 2005. « Le développement durable est probablement l'un des problè- d'un artiste, ils démontrent concrètement le caractère opérationnel mes les plus obsédants de notre siècle », a-t-il déclaré. Cette visite du concept de développement durable. L'île Saint-Aubin, dans l'ag- officielle a été suivie par celle de François Loos le 14 avril lors de la glomération d'Angers, est devenue l'habitat privilégié de nombreu- cérémonie officielle de la journée nationale de la France à Expo 2005, ses espèces animales et végétales menacées. Les images de l'île où il a rappelé que « la sagesse de la nature était un thème néces- montrent comment Angers préserve un poumon vert au cœur même saire pour réaliser une société durable et que pour cela chaque pays de la ville. La ville de Chalon-sur-Saône a déclaré qu'une petite ville devait coopérer et tracer le chemin ensemble pour y arriver ». comme la sienne pouvait contribuer à l'amélioration de la technologie Pascale Inglès 11 LAURIERS À le Marché du film à Cannes 12 Pour la deuxième année consécutive, participants étaient aussi en quête de la question d'être présent à Cannes ne Jetro était présent à Cannes au Marché productions cinématographiques à distri- se pose pas, même pour de petites du film qui se tenait en parallèle avec le buer au Japon. Au Japon comme ailleurs, sociétés. Pour leur première participa- Festival international. Afin de soutenir Cannes est considéré comme le plus tion, Open Sesame et Movie-Eye ont les activités à l'étranger des producteurs grand marché du film au monde, une apprécié le fait que Jetro leur offre un et distributeurs qui ne peuvent se per- manifestation à ne pas rater pour qui vaste espace pour négocier avec leurs mettre l'engagement financier et humain veut se faire une place sur le marché. En homologues. Ils ont bien entendu consa- d'une présence individuelle, notre stand Europe, la renommée du cinéma japonais cré aussi beaucoup de temps à aller était cette année réservé aux petites et se borne malheureusement à certains d'une salle à l'autre pour la projection moyennes entreprises japonaises. types de films et à certains réalisateurs. des films et à établir des premiers Plusieurs entreprises japonaises de plus Cependant, le marché européen à une contacts durant le salon. Les négocia- grande envergure avaient par ailleurs maturité telle que le public a beaucoup tions se poursuivront ensuite au Japon. Quoi qu'il en soit, les deux C h a q u e a n n é e , l e M a r c h é d u f i l m r é u n i t a c h e t e u r s e t v e n d e u r s d u m o n d e e n t i e r. L e s sociétés japonaises participantes ont dressé un bilan satisfaisant de l’édition 2005. sociétés compte bien revenir leur installation propre. d'estime pour les films couronnés aux à Cannes dès la prochaine édition. A Deux des exposants de notre stand, festivals. De ce point de vue, Cannes est l'année prochaine! Open Sesame et Movie-Eye, ont tenté très important, car s'y déroulent en Naoko Okuyama l'aventure cannoise. Venus vendre leurs même temps le marché du film films - « Girlfriend », « L'Amant » et et le festival. Il est essentiel d'y « The Volatile Woman » pour Open présenter de bons films pour Sesame et « About Love », « Way of Blue faire connaître le cinéma japo- Sky » pour son partenaire - les deux nais dans le monde entier. Ainsi, photo : Jetro-UniJapan Directeur de la publication : Tsuyoshi Nakai. Rédacteur en chef : Daisuke Yamaguchi. Rédaction/publication : Isabelle Comtet ([email protected]), Caroline Artus, Patricia Cohen, Nathalie Harmel. Les articles expriment les opinions des rédacteurs et ne reflètent pas nécessairement l’opinion du Jetro. Dépôt légal : 2e trimestre 2005. N° ISSN : 1254-6666. Publication Jetro Paris - Organisation japonaise du commerce extérieur 2, place du Palais-Royal 75044 Paris cedex 01. Tél. : 01 42 61 27 27. Internet : http : //www.jetro.go.jp/france/paris