Prise en charge chirurgicale des patientes traitées par

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Prise en charge chirurgicale des patientes traitées par
Prise en charge chirurgicale des patientes
traitées par chimiothérapie
néo-adjuvante pour cancer du sein
S. Uzan, M. Antoine, E. Barranger, J.-F. Bernaudin, J. Chopier,
E. Daraï, D. Grahek, J. Gligorov, J.-P. Lotz, J.-Y. Seror et E. Touboul
Introduction, historique
Malgré d’importants progrès, en particulier ceux liés au dépistage, 10 à 30 % des
cancers du sein restent diagnostiqués à des stades avancés.
Dans ces formes, la chimiothérapie néo-adjuvante (CNA) a été proposée dès
1970, et a fait l’objet de nombreuses études et conférences de consensus (1, 2, 3). Le
principe de son utilisation repose sur des expériences réalisées avec différents
modèles animaux (4, 5) pour tester l’hypothèse que la maladie microscopique métastatique (éventuellement favorisée par les manipulations lors de l’intervention), est
réduite par l’utilisation pré-opératoire d’un traitement général. De nombreux essais
sont ensuite venus confirmer que, d’une part, le taux de réponse à la CNA était élevé
et que, d’autre part, ce traitement permettait d’augmenter le pourcentage de traitement conservateur chez les patientes qui relevaient initialement d’une mastectomie.
Le taux de conservation est très variable selon les études et des taux de 50 à 90 %
sont décrits (6, 7).
Après CNA, la plupart des essais ne montrent pas d’amélioration de la durée
globale de la survie (8, 9, 10), à l’exception des patientes ayant une réponse complète. Toutefois, ces mêmes essais montrent, d’une part, une augmentation de l’intervalle sans récidive et, d’autre part, une relation entre réponse primaire et dissémination métastatique.
La réponse histologique complète n’était observée que chez 6 à 19 % des
patientes selon la littérature. Les derniers résultats obtenus avec de nouvelles
séquences thérapeutiques font état de 25 % de réponses histologiques complètes.
C’est le cas pour les patientes traitées selon cette modalité par notre groupe depuis
deux ans. Ce taux était de 14 % il y a dix ans, il est actuellement de 26 % (7).
De plus, en cas de régression tumorale après CNA autorisant une chirurgie
conservatrice, la qualité de vie après traitement est considérablement améliorée. En
revanche, en cas de non-réponse, le chirurgien doit « prévenir » par son discours
avant et pendant la chimiothérapie le « vécu de la non-réponse ». Le chirurgien et
326 Cancer du sein
l’oncologue doivent présenter la CNA com me une étape thérapeutique, de toute
façon nécessaire, et non comme « un test de guérison ».
En pratique, la CNA soulève de nouveaux enjeux qu’il faut connaître et auxquels
il faut proposer des réponses adaptées. Ces enjeux et les propositions de réponse
sont schématisés dans le tableau 1.
Tableau 1 - Enjeux chirurgicaux de la CNA et stratégies de réponse.
Enjeux
Réponses
Appliquer la meilleure stratégie
- Réflexion multidisciplinaire
- Connaître les indications
et contre-indications
- Connaître les facteurs de réponse
Obtenir la meilleure
adhésion de la patiente
- Expliquer le rôle du comité
multidisciplinaire
- Explications loyales et conjointes
du chirurgien et de l’oncologue
- Information du médecin traitant
- Idéalement dans le cadre
d’un dispositif d’annonce
Éviter les déceptions
- Ne pas lier réponse et guérison
Bien évaluer la réponse
et ne pas laisser
progresser la tumeur
- Bilan initial irréprochable,
évaluation conjointe du chirurgien
et de l’oncologue à deux,
quatre et six cures
- Connaître les paramètres
d’évaluation de la réponse
Ignorer une réponse incomplète
ou ne pas retirer le lit tumoral
- Connaître les faux négatifs
et la sous-évaluation des examens
d’imagerie
- Repérage pré-chimiothérapie
pré-opératoire et per-opératoire
rigoureux du « site » de la tumeur
Réduire le risque de sousstadification de la tumeur
et de l’aisselle
- Stadification rigoureuse avant
la chimiothérapie utilisant
les moyens actuellement disponibles
Prise en charge chirurgicale des patientes traitées par chimiothérapie… 327
Tableau 1 - (suite)
Éviter le risque d’opérer une patiente
« fragilisée » par la chimiothérapie
- Choisir le moment et prévoir
les conditions de la chirurgie
Réaliser un traitement
adéquat du sein
- Bilan pré-opératoire rigoureux
- Exploration per-opératoire
- Pièce confiée à l’anatomo-pathologiste dans les meilleures conditions
- Recourir selon les cas à l’examen
extemporané, aux radios
et échographies des pièces opératoires
- Ne pas hésiter à proposer une
reprise ou une mastectomie
secondaire si nécessaire
- Compléter selon les indications
par une radiothérapie
Réaliser un traitement
adéquat de l’aisselle
- Curage ganglionnaire après CNA
sauf si ganglion sentinelle réalisé
dans le cadre d’une évaluation
ou dans certaines situations
particulières validées par un comité
multidisciplinaire
La prise en charge pré-, per- et post-chirurgicale est idéalement
réalisée par une équipe multidisciplinaire, incluant le médecin
traitant
Le rôle du chirurgien dans la prise en charge « globale » du cancer du sein ne doit
pas se limiter à l’acte chirurgical lui-même. Sa participation débute dès le premier
contact de la patiente avec l’équipe soignante. La patiente doit être suivie continuellement et conjointement par les membres d’une équipe qui compte, outre le chirurgien, l’oncologue, l’histologiste, le cytologiste et le radiologue.
L’intervention des psychologues et des autres personnels soignants doit être précoce. Une procédure intitulée « dispositif d’annonce » et de prise en charge du
cancer du sein est mise en place à titre expérimental dans certains centres ; elle
représente l’une des réponses adaptées à cette période particulièrement difficile
pour les patientes.
Les décisions doivent être conjointes, validées et formalisées lors de réunions
multidisciplinaires.
Il faut dans certains cas ne pas indiquer trop tôt une stratégie thérapeutique et
compléter le bilan avant de choisir le meilleur traitement lors d’une concertation
multidisciplinaire.
328 Cancer du sein
Lorsqu’une CNA est choisie, il faut, comme on l’a déjà évoqué, ne pas lier
chances de guérison et réponse au traitement. Dans tous les cas, mais plus particulièrement ici, une information loyale et complète de la patiente (et de son conjoint
ou de la personne de son choix) dès le début de la prise en charge par l’oncologue
et le chirurgien est essentielle. Il est important dans toute cette étape qu’un lien écrit
et direct soit entretenu avec le médecin traitant.
La chirurgie est une étape indispensable, même en cas de
réponse tumorale complète, elle reste la seule façon de ne pas
ignorer une réponse incomplète (11)
Quelle que soit la combinaison des examens utilisés en fin de CNA, il persiste des
faux négatifs et une sous-évaluation du nombre de lésions résiduelles par l’imagerie.
Ce taux de faux négatifs varie selon les études de 20 à 35 % des cas où la réponse
paraît complète lors du bilan d’imagerie.
L’absence d’exérèse de ces lésions résiduelles s’accompagne d’un sur-risque de
récidive locale quel que soit le traitement ultérieur.
Les définitions
Elles concernent la chimiothérapie elle-même : en France, le terme de CNA est le
plus largement utilisé par opposition à la chimiothérapie adjuvante. Le terme de
traitement systémique néo-adjuvant permet d’inclure la chimiothérapie et l’hormonothérapie. Rappelons ici qu’il est également possible, en particulier dans certains
cas d’échecs de la chimiothérapie ou de l’hormonothérapie néo-adjuvante, d’utiliser
une radiothérapie néo-adjuvante.
La question des définitions concerne également la réponse : on distingue la
réponse clinique complète, la réponse histologique complète au niveau du sein et la
réponse histologique totale incluant le sein et le creux axillaire (ce terme doit être a
priori réservé aux patientes ayant fait l’objet d’une vérification du caractère N+ en
pré-opératoire, en particulier par cytoponction sous échographie).
Globalement, une réponse tumorale clinique est observée dans 75 % des cas
(47 à 100 % !). La réponse tumorale complète histologique varie de 6 à 19 %
(25 % dans les séries les plus récentes).
Au niveau ganglionnaire, 23 à 35 % des patientes initialement N1 deviennent
N0.
La présence d’un résidu tumoral sous forme de carcinome in situ n’est généralement pas considérée comme une réponse partielle, mais comme une réponse
totale, car cette réponse concerne les lésions invasives. Il faut d’ailleurs savoir que ce
résidu de carcinome in situ, à condition d’être correctement traité (exérèse chirurgicale et radiothérapie post-opératoire) ne modifie pas le pronostic ultérieur. Les cas
où seul existe un reliquat de carcinome in situ ne sont pas exceptionnels, ils représentent dans notre expérience 8 % des cas. Une publication a observé une relation
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entre la réponse au niveau de la lésion invasive et la réponse au niveau de la lésion
in situ (12).
Indications et contre-indications de la CNA
D’autres chapitres de cet ouvrage traitent des indications et des modalités de la
CNA. Nous ne ferons que rappeler brièvement les avantages et inconvénients de
cette stratégie que le chirurgien (la réciproque est vraie pour l’oncologue) doit
connaître.
Principaux avantages de la CNA
– Théoriquement, un meilleur contrôle de la maladie occulte avec diminution du
risque de récidive et de métastases.
– Augmentation du taux de traitement conservateur (de 50 à 90 %).
– Disposer d’un facteur pronostique de réponse au traitement général systémique.
– Disposer d’informations sur la sensibilité de la tumeur au traitement systémique
utilisé et pouvoir ainsi utiliser d’autres lignes thérapeutiques.
– Disposer de marqueurs prédictifs de réponse à long terme.
– Un autre avantage potentiel de la CNA est la possibilité d’observer une « stérilisation » de l’aisselle chez les patientes initialement N+. Cette « négativation » de
l’aisselle est un facteur pronostique capital dans certaines études. Dans une publication portant sur 191 patientes N+ avant la CNA (13), 43 patientes (23 %) devenaient N- après CNA. L’étude univariée montre que ces patientes présentaient une
tumeur majoritairement récepteurs négatifs, plus petite, avec la réponse tumorale
plus fréquemment complète. La survie sans récidive à cinq ans était de 87 % chez
les patientes présentant une négativation de l’aisselle contre 50 % chez les
patientes restant N+. De plus, après recherche de micro-métastases par des
niveaux de coupes supplémentaires dans les ganglions de patientes N-, le taux de
survie sans récidive était de 87 % chez les patientes ne présentant aucune micrométastase occulte et de 75 % chez les patientes présentant une micro-métastase
après un recul moyen de suivi de soixante et un mois. Bien que ces résultats doivent être confirmés par d’autres études, ils témoignent de la valeur prédictive de
la négativation de l’aisselle.
Principaux inconvénients de la CNA
– Augmentation du taux mécanique de récidive par l’augmentation du taux de traitement conservateur (14). Dans une étude de Mauriac et coll. (6), parmi les 62 %
des patientes pouvant bénéficier d’un traitement conservateur, 22 % de ces
patientes devront faire l’objet d’une mastectomie secondaire pour récidive.
Ce taux de rechute loco-régionale est a priori plus important que celui observé
après mastectomie et chimiothérapie adjuvante. Toutefois, certaines études ne
retrouvent pas cette différence (15). Les auteurs de cet article observent que la taille
initiale (supérieure à 5 cm), le type histologique (lobulaire), le grade histologique
330 Cancer du sein
(élevé) et la multicentricité sont les facteurs les plus significatifs de prédiction d’un
traitement non conservateur.
– Risque de ne pas retirer le résidu tumoral après réponse complète en raison des
difficultés de repérage de la zone de lésion initiale. Nous reviendrons sur la réduction de ce risque plus loin.
– Laisser évoluer la maladie (de 3 à 5 % des cas), d’où l’importance d’évaluer à court
terme la réponse, voire de réagir rapidement à une progression de la lésion.
– Opérer une patiente affaiblie après chimiothérapie, d’où l’importance de choisir
parfaitement les conditions et la chronologie de l’intervention. Le bilan histologique immédiatement pré-opératoire doit montrer des paramètres hématologiques (GB, Hb, Ht) satisfaisants. En général, un délai de trois semaines après la
dernière chimiothérapie doit être respecté. Ce délai peut être plus long et il est
parfois nécessaire de recourir à des facteurs de croissance.
– Sous-évaluer le stade et l’extension initiale de la lésion, d’où l’importance du bilan
initial.
En pratique les indications peuvent être schématisées comme suit :
– la CNA est formellement indiquée pour les lésions en poussée évolutive et pour
les lésions classées T4 ou les tumeurs adhérant au muscle pectoral et d’extirpation
chirurgicale difficile. Il faut d’ailleurs noter que, dans ces cas, la plupart des
équipes, y compris après réponse lors de la CNA, pratiquent une mastectomie,
d’où l’importance de l’expliciter à la patiente dès le début du traitement et ne pas
la laisser espérer un traitement conservateur qui ne sera pas pratiqué au terme du
traitement ;
– la CNA est réservée aux lésions invasives, d’où la nécessité d’une preuve histologique et non cytologique qui n’est pas suffisante pour affirmer le diagnostic d’invasion ;
– le chirurgien ne doit pas limiter les indications de la CNA aux patientes présentant une lésion de plus de 3 cm, même s’il s’agit là de l’indication la plus fréquente,
permettant d’augmenter le taux de traitements conservateurs ;
– il faut, en effet, savoir discuter cette éventualité pour des lésions de taille inférieure, non seulement parce que la plupart des examens sous-évaluent la taille
réelle de la lésion, mais également parce que, dans certains cas (en particulier pour
les seins de petite taille), il peut être utile de mettre en œuvre cette stratégie dès
que la tumeur mesure 25 millimètres ;
– la CNA n’est pas réservée aux patientes jeunes ou non ménopausées, mais peut
également être appliquée aux patientes ménopausées ;
– la grossesse associée au cancer du sein est une situation rare et particulière où la
CNA peut rendre d’importants services.
À l’inverse, le chirurgien doit connaître les contre-indications ou les situations où la CNA n’apportera pas de bénéfice sur le plan thérapeutique, en
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particulier ne permettra pas, quel que soit le résultat, de pratiquer un
traitement conservateur.
Il s’agit avant tout des contre-indications à la chimiothérapie liées à l’état de la
patiente. Dans ces cas, il peut être utile de recourir à l’hormonothérapie néo-adjuvante, voire à la radiothérapie.
L’étude des clichés mammographiques permet, en cas de micro-calcifications
étendues, d’évoquer la présence d’un carcinome in situ supérieur à 3 cm qui, a
priori, contre-indiquera (sauf pour les équipes qui pratiquent des interventions
d’oncoplastie pour des tailles supérieures) le traitement conservateur. Il peut être
alors utile de réaliser des macro-biopsies espacées de plus de 3 cm, permettant de
confirmer cette décision en pré-opératoire. Dans ces cas, une chirurgie initiale est
pratiquée, en renonçant généralement à la CNA. Cette stratégie sera susceptible
d’être modifiée si les séquences thérapeutiques nouvelles permettent d’espérer,
après CNA, un bénéfice en terme de survie. La fraction d’in situ évaluée par biopsie
permet dans certains cas d’évaluer la fraction globale d’in situ et de prédire certains
échecs de conservation (16). Dans notre expérience, ce critère n’est pas suffisant
pour récuser une CNA.
Le type histologique de la lésion peut conduire à une réflexion différente : les
carcinomes lobulaires invasifs sont parfois plus étendus que ne le laisse présager
l’imagerie (d’où l’importance de l’IRM) ; de plus, leur réponse semble être inférieure à celle des carcinomes canalaires invasifs (15, 17) – ceci sera revu plus loin
avec les facteurs de réponse. S’il ne s’agit pas là d’une contre-indication à la CNA, il
faut en connaître les limites, et en informer les patientes.
Les modalités du traitement néo-adjuvant
Les différents types de traitement néo-adjuvant font l’objet d’autres chapitres. Il
faut toutefois que le chirurgien connaisse les différentes séquences de chimiothérapie actuellement proposées et les différentes possibilités d’hormonothérapie. Il
doit également savoir qu’en cas d’échec ou de progression de la tumeur sous chimiothérapie ou hormonothérapie néo-adjuvante, la radiothérapie garde des indications (18). Enfin, alors que l’association radio-chimiothérapie était exceptionnelle
avec les anthracyclines, elle pourrait retrouver une place avec les taxanes.
Le chirurgien et l’oncologue doivent proposer une CNA lorsqu’ils estiment que
les chances de réussite de ce traitement sont élevées. Il leur faut, par conséquent,
connaître les principaux facteurs prédictifs de réponse. Les réponses « positives »
sont plus volontiers associées à des tumeurs survenant chez des femmes jeunes et
présentant les caractéristiques suivantes : SBR élevé, sur-expression de c-erb2,
récepteurs aux estrogènes négatifs, facteurs de prolifération (Ki67, phase S) élevés,
marqueurs d’apoptose élevés. Les cancers lobulaires ont une réponse moindre et,
surtout, l’évaluation initiale de la taille et de la réponse sont plus difficiles à mesurer
du fait d’une sous-estimation fréquente par l’imagerie (réduite par l’usage de
l’IRM).
332 Cancer du sein
La réponse est évaluée à deux, quatre et six cycles et permet de prendre la décision de poursuivre ou d’interrompre la CNA. Nous reviendrons plus loin sur ce
point.
L’évaluation de la réponse repose sur le bilan initial
Le bilan général
Il comporte l’examen clinique avec repérage soigneux de la lésion sur un schéma
(cf. repérage), des examens biologiques et un bilan d’extension qui doit être complet (scintigraphie osseuse, échographie abdominale et pelvienne, radiographie du
thorax, éventuellement complétée par un scanner).
Le PET-scan est discuté ; les données actuelles de la littérature ne sont pas en
faveur de sa pratique systématique (19), en dehors de signes d’appel évoquant une
localisation métastatique.
Au niveau du sein
L’objectif est d’éliminer d’éventuelles contre-indications à la CNA et surtout de ne
pas ignorer d’autres lésions (ipsi- ou controlatérales), facteurs de récidive, en partie
évitables. Après un nouvel examen clinique détaillé et bilatéral, la mammographie
et l’échographie sont systématiquement réalisées. Chacun de ces examens a ses performances propres, mais c’est la combinaison des différents examens qui permet de
disposer de la meilleure sensibilité et spécificité.
Dans une étude portant sur 180 lésions invasives (20), les auteurs démontrent
que globalement l’échographie fait mieux que la mammographie pour mesurer la
taille tumorale, mais que les deux la sous-estiment en moyenne de 4 mm. La taille
tumorale maximale était parfaitement évaluée par la mammographie dans 65 %
des cas et par les ultrasons dans 75 % des cas. Ces chiffres sont tout à fait similaires
à ceux de la littérature analysés par les auteurs de cet article. Il est évident que seule
la mammographie permet d’évaluer, là aussi, avec près de 30 % d’imprécision, la
taille d’une lésion intra-canalaire traduite par la présence de micro-calcifications.
Nous verrons plus loin que l’IRM prend là aussi une place significative.
Dans une autre étude (21), les auteurs démontrent que, si l’examen clinique
reste un bon critère d’évaluation de la réponse, c’est la combinaison mammographie-échographie qui réalise la meilleure évaluation ; elle reste toutefois inexacte
dans près de 20 % des cas.
La prédiction de la taille (et de la réponse) est renforcée par l’utilisation systématique d’une IRM (lorsqu’elle ne retarde pas la prise en charge thérapeutique)
(22). Il est parfois utile de réaliser une nouvelle échographie orientée après IRM.
Elle permet parfois de retrouver a posteriori une traduction échographique de certaines images IRM. L’IRM est particulièrement performante pour le diagnostic de
multifocalité (23). Malgré l’introduction de l’IRM, il n’est pas rare (15 % des cas)
que la taille de la lésion reste sous-évaluée, ou plus rarement surévaluée (24).
Prise en charge chirurgicale des patientes traitées par chimiothérapie… 333
Il semble que la corrélation entre la taille histologique et l’IRM soit « altérée » en
cas de réponse à la CNA (25). Dans ce cas, la modification de la prise de contraste
vient réduire la performance de l’IRM. A l’inverse, en l’absence de réponse à la CNA,
la corrélation reste excellente.
Il est également important de rappeler qu’au moindre doute sur des lésions
associées, des micro-biopsies ou des macro-biopsies par aspiration sous échographie ou sous stéréotaxie doivent être réalisées.
Enfin, un phénomène « d’apparition » de micro-calcifications après chimiothérapie a été décrit, il correspond en fait à une meilleure visibilité de la glande après
chimiothérapie (26). Il souligne l’intérêt d’un nouveau bilan d’imagerie avant la
chirurgie.
Le bilan initial concerne également l’aisselle
L’examen clinique reste important, mais sa prédictivité est très insuffisante.
L’échographie du creux axillaire et des cytoponctions ganglionnaires écho-guidées
sont réalisées par la plupart des équipes ; elles permettent d’identifier une grande
part des patientes qui sont N+ (27). Sans atteindre les chiffres « parfaits » de certaines publications (28), les résultats montrent que cette technique permet de
réduire le nombre de cas nécessitant un ganglion sentinelle (29), en identifiant des
patientes N+, alors qu’elles sont N0 à l’examen clinique. Rappelons que la présence
d’une atteinte ganglionnaire signe le caractère invasif de la lésion. Il a également été
proposé à titre préliminaire d’explorer l’aisselle, par l’IRM (30) ou la TEP-FDG (31,
32). Aucun résultat décisif n’a été rapporté avec ces deux techniques.
Certaines publications proposent, pour disposer d’une évaluation plus précise
de l’aisselle avant la CNA, de réaliser chez les patientes N0 et qui n’ont pas de ganglion visible en échographie, la technique du ganglion sentinelle, éventuellement
sous anesthésie locale (33, 34).
L’envahissement mammaire interne n’est pas évalué actuellement par le bilan
d’extension conventionnel. L’étude préliminaire de J. R. Bellon et coll. (35) a montré
une relation entre la visualisation de foyers d’hyperfixation ganglionnaires mammaires internes en TEP-FDG et l’apparition d’une récidive focale. Toutefois, l’absence de vérification histologique de l’envahissement mammaire interne ne permet
pas de valider les performances de cette technique.
Le chirurgien doit connaître les critères d’évaluation de la
réponse
Il est indispensable d’évaluer la réponse avec l’oncologue au bout de deux, quatre et
six cycles pour diagnostiquer, soit une progression malgré le traitement, soit une
régression tumorale.
L’évaluation de la réponse repose en partie sur l’examen clinique qui est un
excellent critère, à condition d’être réalisé soigneusement par le même praticien (36).
334 Cancer du sein
De plus en plus de publications montrent qu’outre la mammographie et l’échographie qui doivent être pratiquées systématiquement, l’IRM est un élément essentiel et semble être un marqueur précoce de réponse. Dans une publication de Y. C.
Cheung et coll. (37) l’IRM, bien qu’excellent marqueur précoce de réponse (après
une cure et trois cures), peut ignorer un résidu tumoral. 8 % de faux négatifs sont
observés. Toutes les études (38) font état de sur- et sous-estimation à l’IRM, rendant
indispensable l’exploration chirurgicale, quelle que soit la réponse apparente.
Il a également été proposé d’utiliser le scanner hélicoïdal.
Il est important de se souvenir que la réponse peut s’effectuer, lorsqu’elle est
incomplète, de façon asymétrique et ceci doit être analysé pour orienter le geste chirurgical. De même, cette réponse peut s’effectuer de façon incomplète et multicentrique, la taille globale de cette zone de réponse multicentrique conditionnant la
possibilité ou non d’un traitement conservateur.
La TEP-FDG est en cours d’évaluation dans la prédiction et la mesure de la
réponse. Dans une étude publiée en 2004, S. J. Kim et coll. (39) analysent le taux de
réduction de la captation du marqueur après chimiothérapie. Ils observent un lien
entre ce critère et la réponse définitive. D’autres études (31, 32) ont montré que la
variation de la fixation du FDG après seulement un ou deux cycles de chimiothérapie permettait d’identifier précocement les patientes répondeuses au traitement.
Il s’agit là d’études préliminaires dont les résultats doivent être confirmés sur de plus
larges séries de patientes. La [18F]-fluoro-thymidine (FLT), dont la fixation est corrélée à la prolifération cellulaire, pourrait également être utilisée pour l’évaluation
thérapeutique. Notre groupe a initié une étude combinant évolution de la réponse
à la TEP-FDG, à la TEP-FLT et à l’IRM pour disposer d’une prédictivité supplémentaire.
De très nombreux travaux sont en cours pour prédire la réponse à court, moyen
et long termes, dès les premiers cycles de traitement néo-adjuvant. Une grande
partie de ces travaux repose désormais sur l’étude de la génomique des tumeurs
(40).
La réponse au niveau axillaire peut être évaluée par échographie de l’aisselle.
Dans une étude, l’échographie est plus performante que l’examen clinique pour
prédire « la réponse axillaire ». La réponse axillaire et le nombre de ganglions métastatiques après CNA est un facteur pronostique important (41). La persistance de
ganglions envahis peut être une indication à une deuxième ligne de traitement
médical (chimiothérapie ou hormonothérapie) ou à une chimiothérapie d’intensification (42, 43).
La réalisation de l’acte chirurgical comporte plusieurs étapes
Le moment de l’intervention
Il faut opérer ou irradier des patientes en état de le supporter, d’où l’importance de
la chronologie de l’intervention par rapport à la chimiothérapie et de la qualité du
bilan pré-opératoire.
Prise en charge chirurgicale des patientes traitées par chimiothérapie… 335
Le repérage
Il faut se donner les moyens de réaliser l’exérèse du lit tumoral, même si la réponse
est complète.
Il est nécessaire de repérer très soigneusement avant la chimiothérapie la zone
tumorale. Le repérage clinique est très important, il peut reposer sur un schéma
détaillé de la lésion par rapport à des repères anatomiques (schéma 1) ; il peut être
complété par des photos en position opératoire avec les repères de la lésion.
Schéma 1 - Repérage pré-opératoire de la tumeur.
La patiente est en position opératoire, une droite joint le manubrium au mamelon, d1 est la
longueur de la perpendiculaire joignant la tumeur à cette droite, d2 est la distance entre cette
perpendiculaire et le mamelon
La technique la plus classique de repérage direct consiste à insérer un repère
métallique. Ces repères métalliques peuvent être mis en place chez toutes les
patientes relevant d’une CNA (44, 45), mais il peut également être logique de ne le
proposer qu’après deux ou trois cures, lorsque la réponse paraît importante et que
l’on évoque une possibilité de réponse complète. Dans une étude portant sur 109
patientes, H. M. Kuerer et coll. (46) montrent que la réponse est plus souvent complète chez les patientes qui présentent initialement les tumeurs les plus petites. Ils
recommandent alors la mise en place d’un marqueur métallique. La mise en place
de ce clip s’effectue sous échographie. Il est repéré en pré-opératoire par un
hameçon.
Il a également été proposé des repères biologiquement dégradables mis en place
sous échographie et la réalisation d’un tatouage en regard de la lésion.
Le repérage pré-opératoire peut également être utile, dans les cas où la réponse
n’est pas complète, mais aboutit à une lésion infraclinique. Ce repérage peut être
effectué, soit sous échographie, soit sous stéréotaxie avec mise en place d’un
hameçon.
336 Cancer du sein
Le repérage per-opératoire est également très important, il repose :
– sur la disposition de tous les documents d’imagerie avant et pendant la chimiothérapie ;
– sur le repérage pré-opératoire évoqué plus haut ;
– il peut également être utile d’effectuer une radiographie ou une échographie de la
pièce opératoire ;
– sur l’identification d’une « cicatrice » histologique de la tumeur, ou d’un résidu
tumoral, lors de l’examen extemporané au moins macroscopique.
L’acte chirurgical au niveau du sein
Il est important, lors de la tumorectomie, d’effectuer au moindre doute des
recoupes pour disposer d’un maximum de marges de sécurité. La marge doit être
idéalement de 5 à 10 mm. En fait, dès l’existence d’une marge de « sécurité », même
de 2 mm, le risque de récidive semble réduit. L’examen extemporané per-opératoire
peut tenter de préciser la taille de la tumeur résiduelle et les marges de sécurité, en
sachant que l’histologie définitive vient parfois modifier cette évaluation initiale. Il
faut également savoir renoncer à l’examen extemporané s’il ne paraît pas réalisable
dans de bonnes conditions.
Nous avons déjà évoqué les situations où la mastectomie reste nécessaire, quelle que
soit la réponse. Il s’agit :
– des patientes présentant initialement une lésion en poussée évolutive ;
– des patientes présentant un carcinome in situ étendu prouvé.
L’attitude chirurgicale chez les patientes porteuses d’une mutation certaine (et non
d’une probabilité) BRCA1 ou BRCA2 consiste pour la plupart des équipes à proposer une mastectomie, éventuellement bilatérale. Les séries de traitements conservateurs chez ces patientes sont peu fréquentes. Bien qu’à court terme un traitement
conservateur paraît possible, à plus long terme, comme cela était prévisible, le risque
de second cancer ipsi- ou controlatéral est nettement majoré.
Dès lors, la discussion avec la patiente doit permettre de lui exposer ces données.
Le plus généralement, la discussion porte sur le choix entre traitement conservateur
du sein associé à une annexectomie bilatérale et mastectomie (uni- ou bilatérale),
associée à une annexectomie bilatérale (il s’agit bien d’une annexectomie et non
d’une ovariectomie qui est insuffisante). Pour beaucoup d’équipes, la (ou les) mastectomie(s) est réalisée secondairement, couplée d’emblée à une reconstruction, le
traitement hormonal chez les patientes Rh+ venant réduire le risque de récidive.
Pour la plupart des équipes, les lésions de type T4 font l’objet d’une mastectomie
systématique, mais des résultats montrant un taux de récidive similaire après
réponse complète ont également été décrits (47).
Pour les lésions T3, il semble bien que la taille initiale de la lésion et la taille postchimiothérapie conditionnent le taux de récidive, et cet élément doit être porté à la
connaissance de la patiente. Pour les lésions T3 présentant initialement une taille
supérieure à 6 ou 7 cm, il est rare que nous proposions, quelle que soit la réponse,
un traitement conservateur. Dans une étude récente (15), un traitement conserva-
Prise en charge chirurgicale des patientes traitées par chimiothérapie… 337
teur a pu être réalisé dans 28 % des cas de tumeurs T3 contre 72 % pour les T2.
Certaines équipes proposent un traitement conservateur quelle que soit la taille initiale, à condition qu’il y ait une réponse suffisante.
Hormis ces restrictions, globalement un traitement conservateur peut être proposé lorsque la taille tumorale après CNA est inférieure ou égale à 25 mm ou 30 mm
selon les équipes. Il est également évident que cette stratégie varie selon l’âge et le
souhait de la patiente. Il faut enfin savoir que ce souhait évolue parfois au cours de
la chimiothérapie, et que des patientes qui, au début de celle-ci, souhaitaient envisager un traitement conservateur préfèrent, en fin de traitement, un traitement
radical…
Au total, la mastectomie garde de nombreuses indications. Dans certains cas,
elle devra être effectuée secondairement après lecture de l’histologie définitive. La
patiente doit être informée de cette possibilité. Lorsqu’une mastectomie est réalisée,
elle est le plus souvent réalisée selon la technique de Patey, emportant un fragment
cutané important. Certaines études laissent entendre que la technique conservant
l’étui cutané (skin sparring) est utilisable (48).
Bien que des reconstructions immédiates aient été réalisées dans de bonnes
conditions (49), elles ont une place réduite pour la plupart des équipes. Cette attitude est d’autant plus justifiée si une radiothérapie postopératoire susceptible de
menacer le résultat esthétique est envisagée.
Toutefois, des équipes ont proposé de réaliser des reconstructions immédiates
par TRAM sans effet néfaste en matière de récidive ou de complications. M. F.
Deutsch et coll. (50) décrivent des résultats qualifiés d’encourageants. Mais ils observent 55 % de complications à des degrés divers, plus particulièrement chez les
patientes fumeuses, et considèrent qu’il s’agit là d’une contre-indication relative à la
reconstruction immédiate. Dans la plupart des cas, et c’est la stratégie adoptée par
notre équipe, nous préférons compléter le traitement (fréquemment par la radiothérapie) avant d’effectuer une reconstruction secondaire.
Quant à l’oncoplastie, pour des lésions résiduelles très supérieures à 3 cm, elle
ne doit a priori garder de place que chez les patientes refusant la mastectomie.
La prise en charge chirurgicale de l’aisselle
Le curage axillaire complet reste la règle pour la plupart des équipes, a fortiori si la
patiente était N+ en pré-opératoire.
Cependant, certaines équipes proposent d’utiliser la technique du ganglion sentinelle dans des conditions très précises : patientes N0 en pré- et post-chimiothérapie, absence d’éléments suspects à l’échographie ou cytoponction négative des
ganglions observés. Dans ces conditions, les résultats concernant l’identification et
le taux de faux négatifs sont comparables à ceux observés avec cette technique lorsqu’elle est employée en dehors de la CNA. Certaines équipes ont cependant décrit
des faux négatifs plus fréquents après chimiothérapie, ce qui, pour elles, contreindique l’usage de cette technique. Dans une étude de la littérature, S. Pendas et coll.
observent des taux de faux négatifs variant de 0 à 33 % et des taux d’identification
variant de 84 à 97 % (51, 52). L’étude de L. F. Cohen et coll. (53) confirme que l’im-
338 Cancer du sein
muno-histochimie est indispensable pour ne pas ignorer 20 % de métastases
occultes.
En fait, la question cruciale est celle de la valeur thérapeutique du curage chez
les patientes présentant fréquemment avant la CNA des métastases ou des micrométastases ganglionnaires, non identifiées en pré-opératoire et stérilisées par la chimiothérapie. Actuellement, aucun résultat permet d’affirmer que le traitement de
l’aisselle n’est pas nécessaire en cas de ganglion sentinelle négatif. C’est pourquoi
beaucoup continuent à réaliser des curages systématiques.
Dans certaines séries (32), les ganglions de la chaîne mammaire interne sont
visualisés par TEP-FDG. Cependant, aucun travail n’a permis de confirmer l’atteinte histologique de ces ganglions, et leur signification n’est pas claire.
Actuellement, la plupart des équipes ne proposent aucun geste au niveau de la
chaîne mammaire interne, à l’exception des indications habituelles de la radiothérapie.
La prise en charge de la pièce de tumorectomie
ou de mastectomie et du prélèvement de l’aisselle est capitale.
La lecture du compte-rendu anatomo-pathologique
est un « temps chirurgical » essentiel (54)
Ces précautions débutent dès l’intervention chirurgicale, en orientant soigneusement la pièce, en effectuant éventuellement une radiographie ou une échographie
de la pièce opératoire pour localiser au mieux les lésions résiduelles et guider
l’examen anatomo-pathologique.
L’examen extemporané est fréquemment effectué en macroscopie, il n’est réalisé
en microscopie qu’après décision de l’anatomo-pathologiste. Il tente de préciser
l’existence ou non d’une lésion résiduelle, son caractère ou non malin et l’état des
berges. La présence d’un clip disposé avant la CNA facilite le repérage de la zone à
examiner par l’anatomo-pathologiste. Le compte-rendu anatomo-pathologique
doit être complet, répondant aux standards actuels de description, et doit comporter tous les éléments pronostiques habituels.
Le pathologiste intervient à plusieurs niveaux :
– lors du diagnostic, dans le bilan histologique de la lésion par la micro-biopsie de
référence qui affirme l’invasivité et définit des facteurs prédictifs de réponse à la
chimiothérapie ;
– lors de l’examen macroscopique per-opératoire, par la mesure de la taille et l’évaluation de la distance aux berges dans la décision de chirurgie conservatrice et
adapte le nombre de prélèvements au signal macroscopique résiduel ;
– dans l’évaluation histologique pronostique de la réponse à la chimiothérapie de la
tumeur et des ganglions.
Cette évaluation est délicate en raison du mode de régression tumorale et de la
discordance anatomo-clinique fréquente. Fibrose et inflammation, en l’absence de
cellules tumorales, témoignent de la préexistence de la tumeur et certifient la
Prise en charge chirurgicale des patientes traitées par chimiothérapie… 339
réponse histologique totale, seule garantie d’un meilleur pronostic, mais peu fréquente (10 à 30 %). Plusieurs classifications, dont celles de D. M. Sataloff et B.
Chevallier (55, 56) sont les plus utilisées, se différencient par l’évaluation de la
tumeur et /ou du statut ganglionnaire, et par la stratification de cette réponse. Il faut
tenir compte de la cellularité tumorale et comparer la lésion pré-chimiothérapie.
Cette réponse histologique est plus difficile à apprécier au niveau du ganglion, mais
reste, comme la taille, un critère pronostique et décisionnel. La prolifération résiduelle peut être gradée, mais l’effet thérapeutique est responsable d’altérations cellulaires témoins de la chimio-sensibilité. Le contingent intracanalaire, ainsi que les
emboles, sont habituellement peu sensibles. L’évaluation des berges est identique à
celle effectuée sur les autres pièces opératoires. Le statut hormonal n’est en principe
pas modifié, de même que le statut c-erbB2. Mais la diminution de l’index Ki 67
va témoigner de l’efficacité de la chimiothérapie.
La présence de lésions sur les recoupes est parfois difficile à interpréter et, en
particulier, à mesurer. Dans une étude, la valeur pronostique la plus exacte est
obtenue en ajoutant les tailles tumorales observées sur les recoupes à celle observée
sur la lésion principale.
La lecture du compte-rendu histologique définitif fait partie de la prise en
charge chirurgicale. Elle doit être intégrée aux autres éléments et faire l’objet d’une
nouvelle concertation multidisciplinaire pour décider la stratégie post-chirurgicale.
La période post-chirurgicale
La chirurgie est suivie d’une radiothérapie en cas de traitement conservateur. Les
indications de la radiothérapie après mastectomie doivent être guidées par le statut
tumoral avant la CNA. Dans une étude portant sur 50 patientes traitées par CNA
(57), les auteurs confirment que les facteurs de récidive après mastectomie sont la
taille tumorale et la présence d’une atteinte ganglionnaire avant la chimiothérapie.
Ils recommandent de poser les indications concernant la paroi et l’aisselle sur les
critères de stadification pré-chimiothérapique, d’où l’importance du bilan intial.
Les traitements médicaux après la chirurgie consistent schématiquement et
selon l’histologie définitive, soit en une chimiothérapie de deuxième ligne, soit en
une hormonothérapie.
La surveillance doit tenir compte du risque particulier de récidive chez les
patientes ayant reçu un traitement conservateur.
Conclusion
La persistance de cancers du sein diagnostiqués à un stade avancé conduit les
équipes de soins à proposer de plus en plus fréquemment des traitements médicaux
(en particulier des chimiothérapies) néo-adjuvants.
Ce choix est d’autant plus logique que les résultats en terme de traitements
conservateurs, de survie sans récidives et vraisemblablement de survie globale sont
de plus en plus encourageants. L’avenir doit venir confirmer :
– des espoirs en matière de survie globale ;
340 Cancer du sein
– la possibilité d’intégrer les données de la réponse à la CNA pour guider le choix
pour chaque patiente de la thérapeutique la plus « prometteuse » à long terme
grâce à des informations recueillies à court terme (58, 59) ;
– la mise au point de nouveaux traitements encore plus spécifiques (60).
Au cours de toutes ces étapes, le chirurgien doit se comporter en acteur et partenaire, et non en « spectateur » jusqu’à l’étape chirurgicale.
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