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L’Encéphale (2009) 35, 304—314
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
journal homepage: www.elsevier.com/locate/encep
MÉMOIRE ORIGINAL
Homicide et maladie mentale grave : quelles sont les
différences sociodémographiques, cliniques et
criminologiques entre des meurtriers malades
mentaux graves et ceux indemnes de troubles
psychiatriques ?
Homicide and major mental disorder: What are the
social, clinical, and forensic differences between
murderers with a major mental disorder and
murderers without any mental disorder?
S. Richard-Devantoy a,∗, A.-S. Chocard b, M.-C. Bourdel c, B. Gohier a,
J.-P. Duflot d, J.-P. Lhuillier e, J.-B. Garré a
a
Département de psychiatrie et psychologie médicale, CHU d’Angers, 4, rue Larrey, 49933 Angers cedex 9, France
Unité de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, CHU d’Angers, France
c
Service hospitalo-universitaire de santé mentale et de thérapeutique, CHS Sainte-Anne, 7, rue Cabanis, 75014 Paris, France
d
100, rue de la Tricottière, Mayenne, France
e
Secteur 7, CHS CESAME, Sainte Gemmes sur Loire, France
b
Reçu le 17 décembre 2007 ; accepté le 29 mai 2008
Disponible sur Internet le 27 septembre 2008
MOTS CLÉS
Homicide ;
Maladie mentale
grave ;
Étude clinique ;
Criminologie
∗
Résumé
Introduction. — L’homicide est un acte rare. Il est souvent, dans l’imaginaire collectif, l’acte
d’un malade mental. S’il est possible aujourd’hui d’établir un lien entre les troubles mentaux
graves et la violence, celui-ci doit être nuancé. La majorité des meurtriers ne présentent pas
de maladie mentale grave : 80 à 85 % des auteurs d’homicides en sont indemnes.
Objectif. — L’objectif principal de cette étude rétrospective est de mettre en lumière les ressemblances et les dissemblances entre les meurtriers malades mentaux graves et ceux indemnes
de trouble psychiatrique.
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (S. Richard-Devantoy).
0013-7006/$ — see front matter © L’Encéphale, Paris, 2008.
doi:10.1016/j.encep.2008.05.006
Des meurtriers malades mentaux graves et ceux indemnes de troubles psychiatriques
305
Méthode. — À partir d’une étude clinique sur une série de 210 homicides volontaires, dont 37
sont commis par des sujets souffrant d’une maladie mentale grave (schizophrénie, trouble
délirant, trouble de l’humeur), nous déterminons les caractéristiques sociodémographiques,
cliniques et criminologiques du meurtrier souffrant d’une maladie mentale grave et constatons les éventuelles différences avec les meurtriers indemnes de trouble psychiatrique. Nous
retenons la définition consensuelle de Hodgins des troubles mentaux graves, qui regroupe les
diagnostics de schizophrénie, de trouble de l’humeur et de trouble délirant qui correspond dans
la nosographie française à la psychose paranoïaque. Cette définition restreinte de la maladie
mentale (troubles psychotiques ou dépressifs exclusivement), s’oppose à celle, plus large, du
DSM-IV qui inclut, en outre, les troubles de la personnalité, les abus d’alcool et les démences.
Résultats. — À l’exception de certaines variables, le meurtrier présentant une maladie mentale grave a les mêmes caractéristiques sociodémographiques que tout meurtrier : c’est un
homme jeune, isolé, aux antécédents judiciaires, consommant des toxiques. Les malades mentaux meurtriers sont plus âgés (37,8 ans versus 31,7 ans) au moment des faits, ont davantage
d’antécédents psychiatriques personnels (81 % versus 32,9 %) et de comorbidités psychiatriques
que les sujets indemnes de troubles psychiatriques. Ils s’en distinguent aussi par une clinique
propre au processus psychopathologique. La dépression, le délire et les idées suicidaires sont
caractéristiques de la clinique des malades mentaux avant leur crime, tandis qu’une dispute
ou une altercation physique concourt à la genèse du meurtre chez les sujets sans pathologie
mentale. La proximité affective entre l’auteur et sa victime est d’autant plus marquée que le
meurtrier présente une maladie mentale. Le malade mental tue rarement une victime inconnue. L’irresponsabilité pénale est la règle pour les meurtriers souffrant d’un trouble mental
grave.
Conclusion. — Les différences entre meurtriers avec et sans maladie mentale grave reposent sur
une psychopathologie propre au processus morbide qui infiltre l’acte homicide. En tant que clinicien, il faut focaliser notre attention sur la psychopathologie propre à chaque entité clinique.
Ces données permettent de dégager des facteurs de risque généraux de violence homicide (sexe
masculin, âge jeune, milieu défavorisé, abus d’alcool) et des facteurs plus spécifiques (maladie
mentale, comorbidités. . .), auxquels il faudrait intégrer les aspects dynamiques de la rencontre
entre les protagonistes.
© L’Encéphale, Paris, 2008.
KEYWORDS
Homicide;
Major mental
disorder;
Clinical study;
Criminology
Summary
Objectives. — To establish the social, clinical, and forensic differences between murderers suffering from a major mental disorder and murderers without any psychiatric disorder and, in
particular, to compare their respective records of psychiatric symptoms and their respective
relationship with their victims.
Method. — We studied 210 forensic examinations of murderers, the offences related to the murders, and the social and clinical information collected from psychiatric court reports on persons
convicted of homicide. Firstly, we identified the socio-demographic, clinical and criminological
profiles of 210 murderers from which were distinguished murderers with major mental disorder. Then, we compared the profiles of murderers suffering from a major mental disorder with
those of murderers without any mental disease. In other words, we compared 37 persons affected with major mental disorder (schizophrenia, paranoiac delusional disorder, and affective
disorder) with 73 persons without any mental disorder. We deliberately excluded subjects with
personality disorder or abuse of/dependency on drugs, mental retardation or dementia.
Results. — With the exception of certain variables, murderers with major mental disorder have
the same characteristics as others murderers: young man, living alone, with psychiatric and
offence records and substance abuse. Murderers with major mental disorder are older (37.8
versus 31.7 years old) than perpretators without any mental disorder, and the former have
a psychiatric record more often than the latter (81 versus 32.9%). In addition, contrary to
the latter, the former show clinical symptoms of a psychopathological process. Depression,
delusional and suicidal ideas are frequent among murderers with a major mental disorder,
whereas the persons without mental disorder quarrel or have a row with their victim just before
their crime. The victim was known to the perpetrator significantly more often in the major
mental disorder group than in the no mental disorder group (94,6 versus 76,7%, p = 0,008). The
most major mental disorders’ homicide was more likely to be against intimates than strangers.
The application of the former article 64 or the present article 122-1 of the French Criminal Code
are envisaged more often in the major mental disorder group than in the no mental disorder
group.
306
S. Richard-Devantoy et al.
Conclusion. — The main difference between murderers with a major mental disorder and murderers without any mental disorder is the psychopathology of the morbid process which underlies
the homicide. Impairment of judgment at the time of the crime should be taken into account.
As a clinician, we should focus our attention on general risk factors of violence and homicide
(male, young, underprivileged class, abuse of alcohol) and on more specific factors (mental
disorder co-morbidities. . .). To these factors should be added the dynamic characteristics of
the meeting of the protagonists.
© L’Encéphale, Paris, 2008.
Introduction
Le meurtre est souvent dans les représentations collectives,
l’acte d’un malade mental. L’homicide est considéré comme
étant par essence pathologique, corroborant le propos de
Dostoïesvski [6] : « Le criminel, au moment où il accomplit son crime, est toujours un malade ». Dans l’enquête
« Santé mentale en population générale : images et réalité »,
le meurtre et le viol sont associés, pour une majorité de
personnes interrogées, au malade mental [15]. Quarantehuit pour cent des français pensent que les schizophrènes
sont dangereux pour les autres [33]. Depuis les années
1990, des études méthodologiquement mieux construites
permettent de dire que la croyance relevée par ces sondages français sans être illégitime, n’est pas entièrement
fondée. S’il est possible aujourd’hui d’établir un lien entre
les troubles mentaux graves et la violence, celui-ci doit
être nuancé. La majorité des meurtriers ne présentent
pas de maladie mentale grave [28,37] : 80 à 85 % des
auteurs d’homicides en sont indemnes. En revanche, si on
se réfère à une définition large de la maladie mentale,
selon les séries et selon les pays, 30 à 90 % des meurtriers répondraient aux critères diagnostiques d’un trouble
psychiatrique au sens du DSM-IV. Nous retenons la définition consensuelle de Hodgins [16] et Hodgins et al. [17]
des troubles mentaux graves qui regroupe les diagnostics
de schizophrénie, de trouble de l’humeur et de trouble
délirant, qui correspond dans la nosographie française à
la psychose paranoïaque. Cette définition restreinte de la
maladie mentale (troubles psychotiques ou dépressifs exclusivement), s’oppose à celle, plus large, du DSM-IV [1] qui
inclut, en outre, les troubles de la personnalité et/ou les
abus d’alcool.
L’objectif principal de cette étude rétrospective est
de mettre en lumière les ressemblances et les dissemblances entre les meurtriers malades mentaux graves et
ceux indemnes de trouble psychiatrique. À partir d’une
étude clinique sur une série de 210 homicides volontaires,
dont 37 sont commis par des sujets souffrant d’une maladie
mentale grave, nous tentons de déterminer les éventuelles
différences entre le profil sociodémographique, clinique et
criminologique des meurtriers malades mentaux « sévères »
et de ceux indemnes de trouble psychiatrique.
Étude clinique
Matériel et méthode
Cette recherche, de nature essentiellement descriptive et
concrète, porte sur 210 expertises d’homicides volontaires
réalisées par deux experts psychiatres de la cour d’appel
d’Angers entre le 1er janvier 1975 et le 1er janvier 2005.
L’objectif principal de cette étude rétrospective est de
déterminer les différences entre les profils sociodémographique, clinique et criminologique des meurtriers malades
mentaux graves et ceux indemnes de trouble psychiatrique. Nous avons préalablement caractérisé les profils
sociodémographique, clinique et criminologique d’une
population de 210 meurtriers d’où sont extraits les malades
mentaux graves auteurs de meurtre. Dans un second temps,
nous avons comparé le profil des meurtriers souffrant d’un
trouble mental sévère à celui des meurtriers ne présentant
pas de pathologie mentale. En d’autres termes, nous avons
comparé 37 sujets atteints d’un trouble mental grave (schizophrénie, délire paranoïaque, trouble de l’humeur), à 73
sujets indemnes de pathologie mentale. Retenant la définition de Hogdins et al. [17] des malades mentaux graves,
nous avons exclu les individus présentant un trouble de la
personnalité, un abus/une dépendance aux toxiques, une
déficience mentale ou une démence.
Nous avons conservé le diagnostic des experts pour les
diagnostics de maladie mentale grave (schizophrénie, délire
paranoïaque, trouble de l’humeur). Le diagnostic oscille
parfois entre expertise et contre-expertise, voire surexpertise. Dans tous les cas, les diagnostics posés par les
psychiatres experts ont été classifiés en tenant compte des
critères du DSM-IV [1]. Nous avons analysé quatre grandes
rubriques :
• la biographie, les antécédents et la pathologie mentale
de l’auteur du crime ;
• les caractéristiques de la victime ;
• les faits criminels avec les affects ainsi que les comportements avant, pendant et après l’homicide, les données
connues concernant la situation, les circonstances et le
mode opératoire ;
• les conséquences médicolégales pour le devenir de
l’individu et l’appréciation par l’expert de la dangerosité
psychiatrique de l’auteur.
La bibliographie a été recherchée par Medline. L’analyse
des données est faite par le logiciel statistique SPSS 12.
Le risque de première espèce est fixé à 0,05, avec un test
significatif si p < 0,05.
Résultats
Caractérisation sociodémographique, clinique et
criminologique d’une population de 210 meurtriers
Les meurtriers de notre série sont majoritairement des
hommes (73 %) d’âge jeune, 32 ans en moyenne, non
Des meurtriers malades mentaux graves et ceux indemnes de troubles psychiatriques
307
immigrés, sans emploi (53 %), isolés, vivant seuls au moment
des faits (49 %). Ils ont des antécédents psychiatriques dans
deux tiers des cas, des antécédents médicaux dans un cinquième des cas et des antécédents judiciaires dans plus
d’un tiers des cas. Ils ont vécu dans plus de 50 % des cas
un événement de vie significatif dans leur enfance :
• décès d’un parent ;
• placement en foyer ;
• maltraitance physique ou sexuelle.
L’éthylisme paternel et le suicide représentent les antécédents familiaux psychiatriques les plus fréquemment
constatés. Moins d’un cinquième des meurtriers présentent
une pathologie mentale grave (schizophrénie n = 14 [295.30
à 295.60]), délire paranoïaque n = 8 [297.1], trouble de
l’humeur n = 15 [296.2x]), un dixième souffre d’une pathologie mentale « organique » (débilité mentale n = 11 [317 à
319]), démence n = 5 [294.8], tableau neurologique n = 5) et
plus d’un tiers a un diagnostic de trouble de la personnalité
(n = 44 [301.20] à [301.9]) ou d’abus ou de dépendance à
l’alcool (n = 35 [305.0] ou [303.90]). Un tiers des meurtriers
de cette série est indemne de trouble psychiatrique (n = 73
[V71.09]).
Le meurtre, associé à un délit dans 20 % des cas, est
commis préférentiellement le soir (59 %), au domicile de
la victime (70 %), au moyen d’une arme à feu (36 %),
d’une arme blanche (21 %) ou par strangulation (9,6 %) dans
un contexte d’alcoolisation (50 %), de dispute (49 %) et
d’altercation physique (28 %), ou plus rarement dans un
moment délirant (14 % des cas). La victime est connue (83 %).
L’irresponsabilité pénale est prononcée pour un cinquième
des meurtriers de notre série.
Caractérisation sociodémographique, clinique et
criminologique des auteurs présentant une maladie
mentale grave versus ceux qui en sont indemnes
L’auteur du crime. Les meurtriers présentant une maladie mentale grave (n = 37) et ceux exempts de trouble
mental (n = 73) ont les mêmes caractéristiques sociodémographiques et socioculturelles à l’exception de quelques
variables portant sur l’âge, les antécédents psychiatriques,
la clinique psychiatrique et les comorbidités (Tableau 1). Les
malades mentaux meurtriers sont plus âgés (37,8 ans versus
31,7 ans [␹2 : 925,30 ; p = 0,023]) et la moitié des auteurs
vivent seuls (54,1 % versus 46,6 % [␹2 : 0,550 ; p = 0,546]) au
moment des faits. Les antécédents psychiatriques personnels sont deux fois plus fréquents en cas de trouble mental
de l’auteur (81,1 % versus 32,9 % [␹2 : 22,83 ; p < 0,0001]).
Plus de la moitié des meurtriers malades mentaux ont eu un
contact dans leur vie avec des structures de soins en psychiatrie. En revanche, les antécédents de violence contre
les personnes sont identiques dans les deux groupes (18,9 %
versus 23,9 % [␹2 : 0,355 ; p = 0,631]). Les malades mentaux sévères présentent plus fréquemment une comorbidité
(48,6 % versus 1,4 % [␹2 : 38,49 ; p < 0,0001]) ou deux comorbidités (5,4 % versus 0 % [␹2 : 4,01 ; p = 0,134]) de l’axe I ou
II du DSM-IV par rapport à ceux indemnes de troubles psychiatriques. Il s’agit alors essentiellement d’un alcoolisme
(42,9 % des schizophrènes ; 13,3 % des sujets souffrant d’un
trouble de l’humeur et 62,5 % des délirants paranoïaques)
Figure 1 Principaux thèmes des meurtriers malades mentaux
graves et délirants.
ou d’un trouble de la personnalité (7,1 % des schizophrènes ;
6,7 % des sujets souffrants d’un trouble de l’humeur et 0 %
chez les paranoïaques).
Le meurtre. Eu égard à l’éventuelle pathologie mentale
de l’auteur, le modus operandi est différent (Tableau 2). Les
malades mentaux préméditent moins souvent que les sujets
indemnes de trouble psychiatrique leur crime comme peut
nous le laisser supposer la moins grande fréquence d’une
qualification juridique des faits en assassinat (meurtre avec
préméditation) dans ce groupe (21,6 % versus 39,7 % [␹2 :
8,77 ; p = 0,063]). Sans être le moyen privilégié du meurtre,
les malades mentaux tuent plus souvent leur victime par
strangulation que les sujets sans pathologie avérée (10,8 %
versus 4,2 %). Dans les deux groupes, le nombre de coups
portés à l’encontre de la victime est élevé ; l’acharnement
serait plus spécifique des meurtriers souffrant d’un trouble
mental sévère (10,8 % versus 1,5 % [␹2 : 4,52 ; p = 0,053]).
Le comportement et les affects de l’auteur au moment
du crime donnent des indices sur l’état mental du sujet au
moment des faits. La dépression (33,3 % versus 1,4 % [␹2 :
22,49 ; p < 0,0001]), le délire (58,3 % versus 0 % [␹2 : 50,92 ;
p < 0,0001]), l’exaltation (5,6 % versus 0 %) et les idées suicidaires (33,3 % versus 4,3 % [␹2 :16,51 ; p < 0,0001]) sont
caractéristiques de la clinique des malades mentaux avant
leur crime, tandis que les sujets sans pathologie mentale
se disputent (52,9 % versus 16,7 % [␹2 : 12,91 ; p < 0,0001])
ou ont une altercation physique (27,1 % versus 2,8 % [␹2 :
9,2 ; p = 0,003]) dans les minutes précédant le crime. Les
principaux thèmes délirants de malades mentaux sévères
sont résumés dans la Fig. 1. Les mécanismes sont alors
multiples, variés et intriqués : interprétatifs, intuitifs et
imaginatifs ; 35 % des meurtriers malades mentaux sont hallucinés au moment des faits, dont 78 % des schizophrènes. La
présence d’injonctions hallucinatoires est relativement rare
(5 %). La clinique dépressive ou délirante et les violences
interpersonnelles aboutissent à des sentiments de colère
(13,9 % versus 37,1 % [␹2 : 6,21 ; p = 0,014]), de passion (8,3 %
versus 11,4 % [␹2 : 0,245 ; p = 0,746]) ou de peur (13,9 % versus 24,3 % [␹2 : 1,56 ; p = 0,312]). Dans un tiers des cas, le
meurtrier est alcoolisé au moment des faits (33,3 % versus 35,5 % [␹2 : 0,046 ; p = 1,000]). Le comportement après
le crime caractérise le meurtrier souffrant d’un trouble
308
S. Richard-Devantoy et al.
Tableau 1
L’auteur du meurtre.
Âge
Homme
Enfant unique
Marié
Célibataire au moment des faits
Niveau d’étude primaire
Vit en milieu urbain
Immigré
Sans emploi
Événements de vie (0—18 ans)
Antécédents psychiatriques personnels
Antécédents de tentative de suicide
Antécédents d’alcoolisme
Antécédents d’hospitalisation
Antécédents somatiques
Antécédents de violence contre des personnes
Antécédents judiciaires
Antécédents psychiatriques familiaux
Antécédents judiciaires familiaux
*
Auteur avec une maladie
mentale grave (n = 37)
p
31,7 ans
48 (65,8 %)
5 (7 %)
26 (35,6 %)
34 (46,6 %)
39 (54,2 %)
35 (48,6 %)
6 (8,2 %)
31 (39 %)
36 (49,3 %)
24 (32,9 %)
10 (16,9 %)
12 (19,7 %)
7 (12,5 %)
7 (9,7 %)
17 (23,9 %)
20 (28,2 %)
21 (31,3 %)
4 (6 %)
37,8 ans
27 (73 %)
5 (13,5 %)
13 (35,1 %)
20 (54,1 %)
14 (38,9 %)
22 (59,5 %)
2 (5,4 %)
20 (54 %)
20 (54,1 %)
30 (81,1 %)
12 (32,4 %)
15 (40,5 %)
16 (43,2 %)
4 (10,8 %)
7 (18,9 %)
9 (24,3 %)
17 (50 %)
2 (5,9 %)
0,023*
0,519
0,306
0,733
0,546
0,117
0,316
—
0,104
0,689
< 0,0001*
0,025*
0,0009*
< 0,0001*
1
0,631
0,820
0,084
1
p < 0,05.
Tableau 2
Qualification des faits, mode opératoire et affects et comportements au moment des faits.
Assassinat
Délit associé
Crime au domicile
Crime en ville
Crime le soir
Arme à feu
Arme blanche
Strangulation
Plusieurs moyens
Nombre de coups > 3
Acharnement
Dépression
Idées suicidaires
Délire
Colère
Dispute
Altercation physique
Alcool au moment des faits
*
Auteur sans pathologie
mentale (n = 73)
Auteur sans pathologie
mentale (n = 73)
Auteur avec une maladie
mentale grave (n = 37)
p
29 (39,7 %)
20 (27,4 %)
50 (70,4 %)
31 (42,5 %)
38 (54,3 %)
27 (37,5 %)
13 (18,1 %)
3 (4,2 %)
13 (18,1 %)
21 (31,3 %)
1 (1,5 %)
1 (1,4 %)
3 (4,3 %)
0 (0 %)
26 (37,1 %)
37 (52,9 %)
19 (27,1 %)
22 (35,5 %)
8 (21,6 %)
3 (81 %)
28 (75,5 %)
23 (62,2 %)
20 (55,6 %)
21 (40,4 %)
5 (13,5 %)
4 (10,8 %)
7 (18,9 %)
12 (33,3 %)
4 (10,8 %)
12 (33,3 %)
12 (33,3 %)
21 (58,3 %)
5 (13,9 %)
6 (16,7 %)
1 (2,8 %)
12 (33,3 %)
0,063
0,024*
0,184
0,069
0,631
0,035*
0,035*
0,035*
0,912
0,455
0,053
< 0,0001*
< 0,0001*
< 0,0001*
0,14
< 0,0001*
0,003*
1
p < 0,05.
psychiatrique. Les meurtriers malades mentaux appellent
les secours (33 % versus 29 % [␹2 : 8,04 ; p = 0,034]), restent sur place (55,6 % versus 39,7 % [␹2 : 2,44 ; p = 0,152]) et
tentent de se suicider après l’homicide (30,6 % versus 2,7 %
[␹2 : 17,75 ; p < 0,0001]), alors que les auteurs indemnes de
trouble psychiatrique maquillent plus souvent leur crime
(32,9 % versus 8,3 % [␹2 : 7,79 ; p = 0,008]) et fuient fréquemment (60,3 % versus 36,1 % [␹2 : 5,64 ; p = 0,025).
La victime. Les protagonistes se connaissent dans 94,6 %
des cas quand l’auteur a une maladie mentale grave, contre
76,7 % des cas en l’absence de pathologie mentale de
l’auteur. La relation entre l’auteur et sa victime est résumée
dans le Tableau 3.
L’expertise. Le délai entre les faits et l’expertise est
significativement plus court lorsque l’auteur présente
une pathologie mentale (69,9 jours versus 139,5 jours
Des meurtriers malades mentaux graves et ceux indemnes de troubles psychiatriques
Tableau 3
La victime.
Une seule victime
Sexe féminin
Parricide
Infanticide — libéricide
Uxoricide
Autre membre famille
Connaissance
Inconnu
*
309
Auteur sans pathologie mentale (n = 73)
Auteur avec une maladie mentale grave (n = 37)
p
72 (98,6 %)
22 (30,1 %)
2 (2,7 %)
13 (17,8 %)
22 (30,1 %)
5 (6,8 %)
14 (19,2 %)
17 (23,3 %)
34 (91,9 %)
15 (40,5 %)
5 (13,5 %)
10 (27 %)
6 (16,2 %)
1 (2,7 %)
13 (35,1 %)
2 (5,4 %)
0,110
0,025*
0,008*
0,008*
0,008*
0,008*
0,008*
0,008*
p < 0,05.
[p = 0,001]). L’article 64 de l’ancien Code pénal ou l’article
122-1 alinéa 1 du Code pénal sont appliqués exclusivement en cas de pathologie mentale du meurtrier (67,6 %
versus 0 % [␹2 : 84,7 ; p < 0,0001]). Pour les malades mentaux, l’atténuation de responsabilité est l’alternative à la
non responsabilisation de l’acte (24,3 % versus 5,4 %). Enfin,
les experts concluent à la responsabilité pénale de l’auteur
quand ce dernier est indemne de trouble psychiatrique
(8,1 % versus 94,5 %) (Tableau 4 ).
Discussion
Dans notre série, les profils sociodémographique, clinique et criminologique des meurtriers malades mentaux
sévères diffèrent peu de ceux des meurtriers indemnes de
troubles psychiatriques. Les malades mentaux meurtriers se
démarquent des auteurs sans pathologie mentale par une
clinique spécifique du processus psychopathologique. Les
caractéristiques sociodémographiques, cliniques et criminologiques de chaque entité clinique du groupe des malades
mentaux sévères sont résumées dans le Tableau 5.
Nos résultats corroborent les données de la littérature et
semblent relever des caractéristiques sociodémographiques
communes : homme jeune, sans emploi, aux multiples
antécédents de violence physique envers autrui, aux antécédents psychiatriques [8,10,12,13,19,29,35,40,42,45,46].
Les meurtriers malades mentaux sont plus âgés (34 ans versus 27 ans pour Shaw et al. [39] ; 36 ans versus 26 ans pour
Vielma et al. [44]) et ont moins d’antécédents de prise
de toxiques que les meurtriers indemnes de troubles psychiatriques [39]. Pour Russo et al., les malades mentaux
meurtriers sont plus jeunes (37 ans versus 40 ans) [34], ont
un meilleur niveau scolaire, ont plus souvent un emploi, ont
moins souvent reçu une thérapeutique médicamenteuse, et
ont moins souvent été hospitalisés que les malades mentaux
non meurtriers [34].
Quelle que soit la psychopathologie du meurtrier, le
meurtre est commis le soir, au domicile de la victime,
avec deux moyens classiques (armes à feu, armes blanches)
[3,4,7,11,12,18,23,25,26,34,39,41,43,44]. Les meurtriers
sont alcoolisés au moment des faits dans 30 à 64 %
des cas selon les séries [2,7,14,19,22,31,32,35,41,44].
Les meurtriers sans trouble psychiatrique avéré préméditent davantage leur crime et agissent le plus
souvent en groupe et au cours d’un délit [3,4,34,44].
Ils tuent dans un contexte de dispute ou d’altercation
physique. À l’opposé, les meurtriers malades mentaux
commettent, seuls, un homicide non prémédité, strangulant plus souvent leur victime au cours d’une attaque
soudaine [3,4,34,44], marquée par une violence émotionnelle [2]. Concernant l’acte meurtrier du malade mental
[10,11,14,20,24,27,32,34,35,39,42,43,44,46] et plus particulièrement du schizophrène [2,7,9,13,18,21,23,26,30,]
[34,43], les données de la littérature confirment nos résultats. En outre, Bénézech et al. [5] nuancent l’opposition
entre le meurtre inorganisé, prototype du mode opératoire du meurtrier psychotique et le meurtre organisé du
meurtrier indemne de pathologie mentale. Dans leur nouvelle méthode d’analyse comportementale de l’homicide et
de sa scène, ils soulignent la complexité des interactions
de six composantes (composante violente, émotionnelle,
opérationnelle, sexuelle, relationnelle et circonstancielle)
intervenant dans les périodes pré, per et post délictuelles
[5]. De plus, ils confirment l’absence de relation statistique entre le degré des violences (niveau de la composante
violente) et le degré d’inorganisation ou d’organisation
des faits (niveaux des composantes émotionnelle et opérationnelle). Comme le souligne Bénézech et al. [5], « un
homicide réactionnel, au cours d’un cambriolage ou d’une
dispute, peut se limiter à un coup de couteau, alors qu’un
homicide soigneusement prémédité peut tourner au carnage, et inversement ». Une symptomatologie dépressive
ou un délire centré autour d’une des quatre grandes thématiques criminogènes (la persécution, le mysticisme, le
syndrome d’influence, la mégalomanie) motive l’acte homicide commis par les malades mentaux [3,18,27,34,36,44].
Les symptômes psychotiques sont présents chez 14 à 15 %
des meurtriers au moment des faits [19,40], un délire chez
7 à 10 % des meurtriers [19,40]. Le délire participerait
plus souvent que les hallucinations à la genèse du crime
[18,20,31,44].
La proximité affective entre l’auteur et sa victime
est d’autant plus marquée que le meurtrier présente
une maladie mentale, 75 à 98 % des malades mentaux auteurs de meurtres connaissent leur victime
[7,11,12,13,19,20,25,26,31,34,38,42,43,45]. Shaw et al.
[38] rapportent 7 % de victimes inconnues quand le meurtrier souffre d’une maladie mentale contre 25 % quand il en
est indemne. Le meurtrier assassinant une victime inconnue présente rarement des symptômes psychiatriques au
moment des faits (6 % des cas pour Shaw et al. [38]). A
contrario, il est alcoolisé ou a pris de la drogue au moment
du crime.
310
Tableau 4
Profil sociodémographique, clinique et médicolégale des malades mentaux meurtriers dans la littérature et dans notre série.
Shaw et al. [39]
Angleterre, Pays de
Galles, 1999
Russo et al. [34]
Italie, 2003
MCgrath et al. [25]
Angleterre, Pays de
Galles, 2005
Fioritti et al. [11]
Italie, 2006
Série de 210
meurtriers
France, 2007
Nombre de sujets
n = 83
n = 71
n = 75
n = 98
n = 64
n = 37
Population étudiée
Hommes
Homicide
pathologique
Unité de malades
difficiles
Rampton hôpital
Hommes et femmes
Population
d’homicide 718
homicides en
population générale
Trouble psychique au
moment des faits
Hommes et femmes
Populations de
meurtriers ayant eu
contact avec les
services de soins en
psychiatrie
Étude transversale
(1987)
29
100
75
—
70
Avril 1996—novembre
1997
34
—
15
51
—
1994—2002
Hommes et femmes
Population de
malades mentaux
auteurs d’homicide
ou de tentative
d’homicide
Unité de malades
difficiles
18 mois
Hommes et femmes
Populations de
malades mentaux
graves auteurs
d’homicides
Dossiers
d’expertises
Durée de l’étude
Hommes
Populations de
malades mentaux
meurtriers ou
tentatives de
meurtre
Unité de malades
difficiles
Janvier
1990—janvier 1995
37
100
44
47
28
1975—2005
33,5
91
65
84
70
40
89
62,5
59
22
37,8
73
54
54
24
42
17
—
60
—
18,9
25 % d’hospitalisation
en psychiatrie
30 % ont eu un
contact avec le
système de soins
psychiatriques dans
leur vie
20
36 %
100 %
—
81 %
—
12
58
—
80
—
—
56 %
42
—
—
—
—
Âge (ans)
Sexe masculin (%)
Célibataire (%)
Sans emploi (%)
Antécédents de
condamnation (%)
Antécédents de violence
contre les personnes
(%)
Antécédents
psychiatriques
En cours
d’hospitalisation (%)
Suivi ambulatoire (%)
Absence de suivi (%)
Psychotropes en cours
—
—
30
25 % de psychotropes
dont 18 % sous
neuroleptiques
67
21
68 %
dont 56 % non
compliants
S. Richard-Devantoy et al.
Vielma et al. [44]
Angleterre, 1993
Vielma et al. [44]
Angleterre, 1993
Shaw et al. [39]
Angleterre, Pays de
Galles, 1999
Russo et al. [34]
Italie, 2003
MCgrath et al. [25]
Angleterre, Pays de
Galles, 2005
Fioritti et al. [11]
Italie, 2006
Série de 210
meurtriers
France, 2007
Schizophrénie (%)
Tentative de suicide (%)
Antécédents d’abus
d’alcool ou de
toxiques
Moyen(s) du meurtre
57
30
—
42
—
37 % d’alcoolisme
22 % de toxicomanie
44
13
12 % d’alcoolisme
—
51
59 % d’alcoolisme
56 % de toxicomanie
65
—
27 % d’alcoolisme
19 % de toxicomanie
27
30
40,5 %
Coups de poing (41 %)
Arme blanche (37 %)
Strangulation (17 %)
Arme blanche (46 %)
—
Arme blanche (44 %)
Coups de poing
(21 %)
Strangulation (13 %)
—
Arme à feu (40 %)
Arme
blanche(13,5 %)
Strangulation
(10,8 %)
Alcool au moment des
faits
Discernement altéré ou
aboli
36 % alcool
5 % autres toxiques
—
30 % d’alcool
7 % de drogues
Dépression : 67 %
Délire : 33 %
—
—
33,3 %
—
Délirants : 58 %
Dépression : 33 %
Hallucinations : 35 %
Victime connue (%)
Victime étrangère (%)
82
18
93
7
98
2
35 % d’alcool
15 % autres toxiques
Délirants : 34 %,
Hallucinations : 11 %
Ordre
hallucinatoire : 4 %
Dépression : 8 %
85
15
98
2
94,6
5,4
Délire de
persécution : 23 %
Dépression : 19 %
Des meurtriers malades mentaux graves et ceux indemnes de troubles psychiatriques
Tableau 4 (Suite ).
311
312
Tableau 5
Caractéristiques sociodémographiques, cliniques et criminologiques des meurtriers sans ou avec une maladie mentale grave.
Schizophrénie (n = 14)
Trouble délirant paranoïaque
(n = 8)
Trouble de l’humeur (n = 15)
32
Hommes (66 %)
46,6
39
49
10
31
1,4
24
31,7
Hommes (93 %)
93
43
57
21
85
43
21
50
Hommes (100 %)
37,5
25
62,5
12,5
50
62,5
12,5
37
Femmes (60 %)
27
40
47
0
80
13
20
28
33
Très fréquent (27 %)
Domicile (70 %)
Soir (54 %)
Arme à feu (37 %)
Arme blanche (18 %)
50
64
Rare (14 %)
Domicile (65 %)
Soir (57 %)
Arme à feu (35 %)
Arme blanche (21 %)
12,5
37,5
Très rare (7 %)
Extérieur (50 %)
Pas de spécificité temporelle
Arme à feu (62,5 %)
Objets contendants
7
47
Très rare (7 %)
Domicile (100 %)
Soir (60 %)
Arme à feu (40 %)
Médicaments (20 %)
Alcool au moment des faits (%)
Symptômes psychiatriques au moment
des faits
35,5
Non
38,5
Délirant (86 %)
Discordant (71 %)
Suicidaire (8 %)
37,5
Délirant (100 %)
Dépression (12,5 %)
27
Dépression (73 %)
Suicidaire (75 %)
Délirant (40 %)
Victime
Uxoricide (32 %)
Inconnu (25 %)
Ami (20 %)
Amis (57 %)
Parricide (21,4 %)
Inconnu (14 %)
Amis (50 %)
Uxoricide (37,5 %)
Parricide (12,5 %)
Enfants (72 %)
Uxoricide (21 %)
Parricide (7 %)
Responsabilité pénale (%)
Atténuation de responsabilité (%)
Irresponsabilité pénale (%)
94,5
5,5
0
7
29
64
0
0
100
13,5
33
53,5
Âge (ans)
Sexe
Célibataire (%)
Sans emploi (%)
Événements de vie (%)
Antécédents somatiques (%)
Antécédents psychiatriques (%)
Antécédents d’abus de toxiques (%)
Antécédents de violence contre des
personnes (%)
Antécédents juridiques (%)
Antécédents psychiatriques familiaux (%)
Délit associé
Lieu
Heure
Arme
S. Richard-Devantoy et al.
Sans trouble mental (n = 73)
Des meurtriers malades mentaux graves et ceux indemnes de troubles psychiatriques
Du point de vue de la méthode, les principales limites
de cette étude sont l’utilisation rétrospective de données d’expertises, le travail sur dossier (nous n’avons pas
rencontré les individus), les biais de sélection (point de
vue d’un seul expert), la non-standardisation des entretiens, le biais d’une reconstruction possible des événements
par le patient, l’hétérogénéité du groupe des meurtriers
(assassinat, homicide volontaire, parricide, infanticide) et
l’instabilité temporelle des cadres nosographiques sur la
période de l’étude de 30 ans. Nous n’avons pas, non
plus, effectué d’appariement par âge et par sexe dans la
comparaison entre les deux groupes. Enfin, pour déterminer
les caractéristiques sociodémographiques, cliniques et criminologiques propres aux malades mentaux meurtriers, un
groupe témoin de malades mentaux non meurtriers aurait
été nécessaire. Des études ultérieures portant sur des séries
plus importantes, à la fois rétrospectives (interrogation
systématique des dossiers judiciaires et psychiatriques) et
prospectives (sanction pénale, orientation vers la prison ou
l’hôpital, récidive éventuelle à la sortie de l’institution),
seraient souhaitables sur la question de l’homicide du
malade mental en France. Nous pourrions nous inspirer des études scandinaves [8,10]. Elles répertorient et
recoupent ainsi les fichiers nationaux des données judiciaires et psychiatriques de tous les auteurs d’homicides.
L’évaluation psychiatrique, systématique pour tous les
auteurs d’homicides, comprend au minimum une expertise psychiatrique « standard » dans un délai moyen de cinq
mois ; plus des deux tiers des meurtriers bénéficient d’une
évaluation psychiatrique plus complète (entretien standardisé DSM-IV, tests psychologiques [WAIS, Rorschach, MNPI],
tests sanguins, EEG, scanner cérébral) pendant quatre à huit
semaines dans un hôpital psychiatrique. Une des autres particularités des études scandinaves est un taux d’élucidation
des crimes de l’ordre de 95 %, ce qui confère une idée assez
précise du phénomène homicidaire dans ces pays.
Conclusion
À l’exception de certaines variables, les meurtriers présentant une maladie mentale grave ont les mêmes
caractéristiques sociodémographiques que tout meurtrier :
homme jeune, isolé, aux antécédents judiciaires, et
consommant des toxiques. Ils sont en revanche plus âgés
au moment des faits, ont davantage d’antécédents psychiatriques personnels et de comorbidités psychiatriques que
les sujets sans pathologie avérée. Ils s’en distinguent aussi
par une clinique propre au processus psychopathologique qui
infiltre leur passage à l’acte criminel. Ils tuent rarement une
victime inconnue. L’irresponsabilité pénale est la règle pour
les meurtriers souffrant d’un trouble mental grave. En tant
que clinicien, il faut focaliser notre attention sur le processus morbide et la psychopathologie propre à chaque entité
clinique, et cela dans une perspective de prévention.
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