Tendances boissons

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Tendances boissons
Dossier | Tendances boissons
Tendances boissons
A côté des vins, cidres, et bières, boissons traditionnelles de notre pays, les liqueurs et spiritueux
tiennent une place importante et sont une spécificité qui entre dans une tradition de nos terroirs,
en racontant souvent une histoire.
Les goûts ne cessent d’évoluer et les producteurs comme les industriels doivent revisiter les techniques,
les adapter aux goûts mouvants du consommateur. Les nouvelles boissons ne cessent de nous surprendre.
A base d’algues, de fruits d’ailleurs, d’assemblages surprenants, elles nous étonnent, éveillent de nouvelles
sensations, nous font rêver, nous apaisent et nous font du bien.
Quelques témoignages, expériences et découvertes.
Q Xavier Pilloy, Responsable de Mission, XTC world innovation
Le secteur des boissons
innove sans cesse
Les boissons, ce sont les catégories de produits qui innovent le plus au monde, nous explique le spécialiste Xavier Pilloy, pour
le cabinet XTC. Demande des consommateurs, évolution des techniques et nouveautés font que le secteur est en effervescence.
’
Photos D.R.
L
Information Agricole – Quelles
sont les grandes tendances en
termes de boissons ?
Xavier Pilloy Q Ce qui pousse l’innovation
et attire le consommateur, c’est surtout
une garantie de naturalité. Le consommateur cherche des boissons – comme les
aliments d’ailleurs – riches en Oméga 3.
D’où le succès des « super fruits » comme
la grenade, ou la myrtille par exemple,
riches en antioxydants. C’est ce qu’a d’ailleurs créé la marque Innocent, avec un
argumentaire santé, des boissons naturellement bonnes. L’autre tendance, toujours
dans l’esprit santé, ce sont les nouvelles
naturalités, avec entre autres, les boissons
à base d’algues, naturellement riches en
iode. Au Japon, on voit aussi apparaître
des produits à base de champignons
comme le reishi ou le chaga. Ils ont un
capital « anti-cancéreux » important. Ces
boissons « santé » sont issues du savoirfaire asiatique.
Une autre tendance voit le jour dans le secteur des boissons, c’est l’aspect satiété et
des boissons aidant à tenir toute la journée.
Elles sont riches en protéines, parfois éla-
borées à base de céréales et ne font pas
grossir. Elles explosent au Royaume-Uni
entre autres.
I. A. – Est-ce que le côté plaisir est toujours aussi fort ?
X. P. Q Oui, bien sûr, en jouant sur un aspect
rafraîchissant. La tendance est de développer des eaux de source, comme des eaux
de bouleau, ou de sureau. Michel & Augustin travaillent d’ailleurs de concept, avec le
renouveau de la limonade. Des boissons
rafraîchissantes avec des notes d’agrumes,
même d’hibiscus par exemple ont du succès.
Le côté exotisme est toujours important. Cet
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aspect est utilisé pour s’échapper du quotien. Les marques distributeurs créent des
gammes « Afrique », avec le marula, l’ingnis.
On voir naître des jus de baobab, de mataî,
de figues de Barbarie. De même, des produits misent sur la détoxification, à base de
radis blanc ou de sève de bouleau.
On voit aussi apparaître des produits
relaxants, ayant un effet détente, décontraction. Aux Etats-Unis, les boissons à base de
kawa ont le vent en poupe, avec le king
kawa.
I. A. – Est-ce qu’une boisson a besoin
d’une histoire ?
X. P. Q Oui, on recherche les boissons avec
une histoire. Dans le domaine des alcools,
cette tendance est particulièrement forte. Le
consommateur cherche des boissons avec
une origine, avec une personnalité. C’est
pour traverser les âges. Ce qui explique
aussi le succès des produits locaux, des
bières de terroir, de proximité. La mode est
aussi d’ailleurs de faire soi-même, comme
le montre d’ailleurs le kit bière, récompensé
au dernier SIAL.
Propos recueillis par Claire Nioncel
Tendances boissons | Dossier
Q Terroir
La renaissance du cidre
Délaissé pendant quelques décennies, le cidre retrouve les faveurs du consommateur.
S
i la plus grande partie de la production
vient de cidreries industrielles contrôlées entre autres par le groupe coopératif Agrial, la production de cidres fermiers
et artisanaux a beaucoup évolué à partir des
années 1980. En Normandie, le cidre est soit
passé de production annexe de la ferme à
une production spécialisée, de plus en plus
professionnelle. En Bretagne, ce sont plutôt
des néo-ruraux qui ont relancé la production en replantant des vergers.
Les variétés de pommes utilisées, les
méthodes de fabrication et les produits
obtenus sont très différents. La plupart
du temps, ces cidres sont consommés
dans leur région d’origine, et il y a peu
d’échanges internationaux.
Article tiré d’Agro-mag,
écrit par Christian Toullec*
* Ingénieur agronome (Paris Grignon, 85), arboriculteur et
président de l’Organisation de défense et de gestion de l’AOP
Cornouaille.
La qualité des cidres fermiers a beaucoup
progressé grâce au travail des oenologues
qui ont aidé à éliminer ses principaux
défauts : effervescence excessive, acidité
volatile, arômes animaux... Ces progrès
ont permis la mise en place de signes de
qualité : AOP Cornouaille et Pays d’Auge
ou Label Rouge Guillevic dans le Morbihan. Des règles de production ont été
adoptées pour se différencier de la production industrielle : récolte manuelle,
pur jus, prise de mousse en bouteille...
Mais, depuis quelques années, de nombreuses cidreries fermières ou artisanales
introduisent de nouvelles méthodes de
fabrication proches de celles des cidreries
industrielles : récolte à la machine, microfiltration tangentielle, gazéification…
Photos D.R.
Du cidre fermier
et artisanal
Second souffle
La production de cidre de qualité cherche
un second souffle et une véritable identité
qui ne peut venir que de la reconnaissance
du consommateur. Le cidre n’est pas une
exclusivité normande ou bretonne.
Plusieurs régions du monde ont une tradition cidricole forte. Le premier pays
producteur et consommateur de cidre est
l’Angleterre (principalement le sud-ouest).
D’autres régions de forte production sont
le nord de l’Espagne (Asturies, Galice et
Pays Basque) et la région de Francfort en
Allemagne.
HISTOIRE : PROGRESSION
JUSQU’AU XXE SIÈCLE
Les boissons à base de pommes sont
connues depuis l’Antiquité. Mais c’est
l’invention du pressoir au Moyen Age qui
va étendre la production et la consommation du cidre au détriment de la bière, là
où on ne produit pas de vin. Il poursuit sa
progression jusqu’au début du XXe siècle
grâce à l’amélioration des techniques et
à la sélection variétale. C’est alors la deuxième boisson consommée en France, derrière le vin et devant la bière. A partir de
la première guerre mondiale, il régresse du
fait de la généralisation de la consommation de vin, et après la seconde du fait de
l’évolution de l’agriculture avec l’arrachement de nombreux vergers, notamment
en Bretagne.
LES POMMES
Le cidre est produit à partir de pommes à
cidre. Elles se différencient des pommes de
table par leur teneur en tanins (polyphénols).
On en distingue quatre catégories : amères
(les plus riches en tanins), douces amères,
douces et acidulées. Selon les régions, on
utilise plus ou moins de pommes de l’une
ou l’autre de ces catégories : amères en
Cornouaille, acidulées dans le Morbihan,
douces dans le pays de Rennes ou en Pays
d’Auge.
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Q Vin rosé
Un dynamisme marqué aux niveaux
mondial et national
La France, acteur incontournable du secteur vitivinicole, l’est notamment sur le segment du vin rosé, avec une première
place mondiale en termes de production et de consommation. Plus globalement, le marché du vin rosé est en forte expansion ces dernières années.
C
e dynamisme sur le marché du
vin rosé s’illustre par les données
de l’observatoire mondial des vins
rosés, publiées en avril dernier par FranceAgriMer.
Une forte hausse
de la consommation
mondiale de vin rosé
D.R.
En 2013, la consommation de vin rosé
a représenté 10 % de la consommation
mondiale de vin, soit 24 millions d’hectolitres, traduisant un dynamisme de ce segment dans un contexte de stagnation de
la consommation de vin. Cette hausse
s’explique notamment par la progression
Les principaux pays consommateurs de vin rosé en 2013.
Autres
19 %
La production française de vin rosé en 2014 par bassin viticole.
Vins de France
(SIG)
11 %
France
37 %
Uruguay 2 %
Autres 1 %
Corse 3 %
Pays-Bas 2 %
Belgique 2 %
Rhône-Provence
35 %
Russie 2 %
Espagne 4 %
LanguedocRoussillon
34 %
Italie
5%
Royaume-Uni
6%
Loire 8 %
Allemagne
9%
Etats-Unis
12 %
Sources des graphiques : CIVP-FranceAgriMer – Abso Conseil / réalisation FranceAgriMer).
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Sud-Ouest
4%
Bordeaux
4%
Tendances boissons | Dossier
de la consommation de ces vins en France
(+ 50 % entre 2003 et 2013), « une tendance
lourde » selon FranceAgriMer.
La France est ainsi le premier pays consommateur de vin rosé, avec 37 % de la consommation mondiale. La France et les Etats-Unis,
deuxième plus grand pays consommateur,
représentent près de la moitié des volumes
de vin rosé consommés.
La France
leader mondial
La France reste le premier pays producteur
de rosé (30 % de la production mondiale en
2013), devant l’Italie, l’Espagne et les ÉtatsUnis.
La production française de vin rosé atteint
ainsi 7,5 millions d’hectolitres en 2014
(16 % de la production nationale), « un
niveau historiquement haut » comme le
précise FranceAgriMer ; la production a
suivi les attentes des consommateurs.
Rhône-Provence et Languedoc-Roussillon
sont les principales régions de production
de vin rosé. Certaines régions se sont spécialisées dans cette production, en AOP1 :
c’est le cas de la Provence et de la Loire. On
note également que la production de vin
rosé est répartie équitablement entre AOP
et IGP2.
Une réserve toutefois sur le dynamisme
français au niveau du segment vin rosé :
notre pays « n’est que » le quatrième
exportateur mondial de vin rosé et a
recours aux importations, avec une place
de premier importateur mondial. FranceAgriMer précise ainsi que « la France produit des vins plus valorisés et importe
des vins à bas prix : ce sont des complé-
ments de gammes pour pouvoir répondre
à la demande ».
Claire Couveau
1
2
AOP : Appellation d’Origine Protégée.
IGP : Indication Géographique Protégée.
QUELQUES CARACTÉRISTIQUES
DU VIN ROSÉ
Pour fabriquer du vin rosé, les raisins
noirs sont mis à macérer pendant quelques heures, contre quelques jours voire
quelques mois pour le rouge ;
il est interdit dans l’Union Européenne
de mélanger du vin rouge et du vin blanc
pour faire du rosé ;
le vin rosé se boit dans l’année ;
le rosé très peu coloré (« à la mode de
Provence ») est celui qui rencontre le plus
de succès actuellement.
Les Tasting Flights, à Vinexpo
Pour l’édition 2015, Vinexpo avait choisi de mettre à l’honneur les vins effervescents, les rosés et les sweets, en proposant
trois espaces de dégustation inédits dédiés, les « Tasting Flights ».
Photos D.R.
L
es espaces « Tasting Flights » offraient
aux visiteurs, journalistes et exposants,
la possibilité de savourer une sélection
de vins rosés, effervescents et sweets, servis de façon optimale. La technologie des
machines Enomatic mises à disposition,
permettaient en effet de déguster les vins
proposés à température idéale. Pour compléter ce moment de découverte, les visiteurs ont eu également accès à des fiches
informatives sur les caractéristiques et origines des vins sélectionnés.
Parmi les trois catégories mises à l’honneur, les rosés et effervescents ont le vent
en poupe et font l’objet d’un succès grandissant au niveau international : la France
est le premier consommateur mondial
de rosé en volume avec 76,8 millions
de caisses de 9 l en 2014, et se place en
seconde position pour la consommation
de vins effervescents avec 30,2 millions de
caisses*.
* Selon la dernière étude VINEXPO IWSR.
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Q Nouveautés
Apéritifs à la française
Disparus des zincs des bars pendant des décennies, plusieurs apéritifs centenaires reviennent à la mode grâce aux barmans
spécialisés dans la mixologie. Très demandeurs de nouveaux produits, ils poussent en outre les liquoristes à innover.
D.R.
E
n ce début d’été ou au printemps,
peut-être avez-vous croisé dans un bar
ou un restaurant des jeunes filles coiffées d’un canotier qui vous ont proposé de
goûter du Lillet nature ou en cocktail. Cet
apéritif à base de vin créé dans le bordelais
au 19e siècle fait en effet un retour inattendu
sur la scène apéritive hexagonale. Mais il
n’est pas le seul dans ce cas. Appartenant
eux aussi au groupe Pernod, le Dubonnet
et le Byrrh font également leur réapparition
tandis que la Suze connaît une nouvelle jeunesse depuis qu’elle se décline en trois versions : Suze classique, Suze Fruits Rouges et
Suze Agrumes.
De son côté, la distillerie Giffard enregistre
une forte hausse de ses ventes de Menthe
Pastille, apéritif lui aussi né à la fin du
19e siècle. Même chose pour le China China
créé à la même époque par la société iséroise Bigallet et pendant longtemps uniquement vendu en région Rhône-Alpes. Une
double renaissance tirée par l’exportation,
en particulier aux Etats-Unis. « Les barmans
anglo-saxons sont friands de vieux produits
français ayant une histoire et des secrets de
fabrication », note Edith Giffard. « Depuis
3 ans, nos ventes de gentiane Salers
décollent en Amérique du Nord et, comme
le Maurin quina, on la trouve désormais
dans les bars à cocktails parisiens », constate
Elie Denoix, de la société Pagès Vedrenne.
Cette vogue des cocktails a en effet essaimé
en Asie, traversé l’Atlantique, et la demande
se développe dans le monde entier. « Ce
réveil des vieilles marques françaises est
porté par les barmans spécialistes en mixologie car elles apportent un plus en termes
de goûts et de couleurs. De plus, elles
permettent d’élaborer des cocktails moins
alcoolisés et ainsi de toucher une nouvelle
clientèle plus féminine », explique Claudine
PATRIMOINE
Reflets de l’art du partage et de l’art de vivre à la française, les spiritueux ont été reconnus
par l’UNESCO à leur juste place dans le repas gastronomique des Français. Depuis juillet
2014, les boissons spiritueuses sont inscrites au patrimoine culturel, gastronomique et paysager protégé de France.
L’excellence et le savoir-faire des producteurs de spiritueux ont à nouveau été récompensés cette année lors du Concours Général Agricole, organisé pendant le Salon International de l’Agriculture. Plus de 110 médailles ont été remportées par les adhérents de la
Fédération Française des Spiritueux, illustrant ainsi la richesse, l’authenticité et l’excellence
des produits qu’ils élaborent.
7 catégories de spiritueux étaient représentées au Concours Général Agricole :
• Les apéritifs (absinthes, crèmes et liqueurs de fruits, liqueurs de plantes, boissons anisées,
ratafia) ;
• l’Armagnac AOC ;
• le Calvados AOC ;
• le Cognac AOC ;
• les eaux-de-vie de fruits ;
• les rhums ;
• le whisky.
Au total, 54 médailles d’or, 49 médailles d’argent et 13 médailles de bronze ont été décernées aux professionnels, membres de la FFS.
La Fédération Française des Spiritueux a été créée en 1996, la FFS est un syndicat professionnel composé des principaux acteurs du secteur des spiritueux, producteurs et distributeurs français.
C. N.
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Thierry Joly
QUELQUES MARQUES
Lillet
Gentiane Salers
Créé par les frères Paul et Raymond Lillet en
1887, le Lillet est un apéritif rouge ou blanc
à base de vins de la région bordelaise et
de liqueurs naturelles d’oranges douces et
amères. Il est vieilli en foudres de chêne pendant 8 à 12 mois. Très populaire en France
dans les années 30, il a conquis les Etats-Unis
après la Seconde Guerre Mondiale.
Mélange d’infusion et de distillats de
racines de gentiane d’Auvergne auxquels
sont ajoutées diverses plantes aromatiques, cette liqueur est vieillie pendant
deux ans en fûts de chêne du Limousin.
Dubonnet
À l’origine un médicament élaboré en
1846 pour traiter le paludisme, c’est un
assemblage de 80 % de mistelles blanches
ou rouges avec des vins blancs secs et peu
acides dans lesquels ont macéré et infusé
des plantes, des agrumes et des épices. Il
est vieilli en fûts de chêne.
Elixir Combier
Concoctée par Jean-Baptiste Combier au
19e siècle, cette liqueur est un mélange
d’herbes, de plantes et d’épices de la
vallée de la Loire, d’Afrique et d’Asie dont
muscade, myrrhe, cardamome, cannelle
et safran.
Noyau de Passy
Fabriquée depuis le 18e voire le 17e siècle,
cette liqueur est obtenue par macération
de noyaux d’abricots dans de l’eau-de-vie.
Byrrh
Apéritif à base de vins du Roussillon, il est
à 90 % composé d’un assemblage de
mistelles dans lesquels sont mis à macérer
diverses plantes et épices telles que quinquina, cacao et oranges amères. Il est
vieilli en fûts de chêne.
Liqueur de Chambord
Créée en 1685 à l’occasion d’une visite de
Louis XIV, cette liqueur est issue de framboises rouges et de mûres auxquelles sont
ajoutés miel, vanille et cognac. Elle appartient à un groupe anglo-saxon et est essentiellement commercialisée à l’étranger.
China-China
Produite depuis 1875, cette liqueur amère
est obtenue par macération / distillation
de peaux d’oranges douces et amères
auxquelles sont ajoutées diverses plantes et
épices dont de l’anis, du quinquina et de
la gentiane ainsi que du caramel pour la
couleur.
Menthe Pastille
Élaboré à la fin du 19e siècle par Emile Giffard, pharmacien herboriste d’Angers, il
s’agit d’une liqueur rafraîchissante à base
de menthe poivrée Mitcham.
Maurin Quina
Apéritif auvergnat né en 1884, il résulte de
la macération de griottes et autres cerises
dans du vin auquel est ajouté quinine et
amandes amères.
Suze
Cet apéritif est un mélange d’infusion et
d’esprit de gentianes sauvages et cultivées obtenu par macération puis distillation auxquels sont additionnés du sucre et
des extraits de nombreuses plantes aromatiques. La marque est née en France en
1889 mais certains attribuent une origine
suisse à cette boisson.
D.R.
Eynaud, de Pernod. « Elles ont l’avantage
de pouvoir entrer dans la composition de
cocktails classiques et de permettre des
créations personnelles », ajoute Elie Denoix.
Par ailleurs, des modes traditionnels de
consommation des liqueurs réapparaissent,
par exemple avec de l’eau gazeuse et du
citron ou en long drinks comme les « fizz » et
les « sour ». Une vogue dont profitent également la Liqueur de Chambord, le Noyau de
Passy, le Birlou ou encore l’Elixir Combier.
Toujours à la recherche de nouveautés
afin de se distinguer de la concurrence et
de faire le buzz, ces barmans poussent en
outre les liquoristes à créer de nouveaux
produits. Ainsi, Vedrenne vient-il de lancer la première liqueur d’aloe. Quant à la
maison Joseph Cartron, elle a récemment
sorti une liqueur de sureau et une crème
de mirabelle. « Les clients consomment
moins, mais mieux. Ils recherchent la qualité et le terroir », souligne Judith Cartron
dont la société n’a pas moins de 70 produits à son catalogue. « Mais les basiques
restent les plus importants et la crème de
cassis représentent à elle seule un tiers de
nos ventes ». Mais des nouveautés apparaissent même sur ce créneau. Mickael
Antolin, jeune liquoriste de Bourgogne,
vient de lancer une crème de cassis premium élaboré à partir de la variété Noir de
Bourgogne à laquelle est associée un peu
de vanille de Madagascar et de violette. Un
produit qui, comme la plupart de ces apéritifs et liqueurs, ne se trouve que dans les
grands hôtels, les bars à cocktails, les épiceries fines et les cavistes. « Les journaux
en parlent beaucoup mais la tendance ne
fait que s’amorcer en dehors du monde
des cocktails » précise Elie Denoix dont la
société enregistre toutefois une croissance à
deux chiffres sur le Birlou, une liqueur de
pommes et de châtaignes lancée il y a une
quinzaine d’années. « Un des problèmes
que nous rencontrons pour les diffuser plus
largement auprès du grand public est que
les grandes surfaces ne référencent pas les
produits sur lesquels elles ne font pas assez
de chiffres », souligne Claudine Eynaud.
L’Information Agricole - N° 889 Juillet-Août 2015 | 17
Dossier | Tendances boissons
Q Philippe Jugé, organisateur avec Franck Poncelet, du Salon France Quintessence
Augmenter en visibilité
Un premier salon pour les spiritueux aura lieu en septembre. L’un des organisateurs, Philippe Jugé nous explique l’orgine
de ce salon, pour lequel il espère un vrai développement et une lisibilité pour ces produits « made in France » à l’étranger. Il
y a, selon lui, « un joli coup à jouer » .
’
Photos : Eric Pérez
L
Information Agricole – Pourquoi
avez-vous monté ce salon ?
Philippe Jugé Q Il n’y a pas de caisse
de résonnance à l’échelle nationale pour
les spiritueux de France. On en connaît
tous la qualité mais la plupart des marques
– à quelques exceptions près – dans toutes
les catégories (en dehors du cognac peutêtre) souffre d’un manque de visibilité. Et
finalement, les Français connaissent très
mal leur spiritueux. Quand vous croisez
un Ecossais, en deux minutes, il vous parle
du whisky. Et en plus, sans dire de bêtises,
parce qu’il sait vraiment de quoi il parle.
De notre côté, spontanément nous parlerons de gastronomie – de nos spécialités
et de nos chefs –, nous parlerons de vin et
champagne mais rarement de spiritueux.
Parce qu’on ne les connaît finalement pas
si bien que cela. Il faut que la France et les
Français se réapproprient leurs spiritueux,
qu’ils en soient fiers. Et pour cela il faut les
connaître et savoir en parler.
Nous pensons qu’aujourd’hui le moment
est propice : le made in France est plutôt
tendance, tout comme l’ambition « locavore ». Une nouvelle génération de producteurs et/ou d’entrepreneurs arrive au
commande des distilleries ou des marques,
insufflant une nouvelle énergie et ce, dans
toutes les catégories. Et puis l’euro baisse,
ce qui renchérit les spiritueux en provenance de la zone livre (whisky écossais)
ou dollar (bourbon américain ou rhums
des Caraïbes). Il y a donc un joli coup à
jouer pour les spiritueux de France.
I. A. – Quelles sont vos ambitions pour
son développement ?
Ph. J. Q La première ambition du salon
France Quintessence, c’est de rattacher les
spiritueux de France à notre gastronomie,
à cet art de vivre à la française que l’on
envie tant. Au même titre que nos grands
vins, que nos champagnes, les spiritueux
de France font partie intégrante de notre
patrimoine gastronomique et gustatif. C’est
la raison pour laquelle notre salon se tient
au Pavillon Ledoyen, dont le chef 3 étoiles
Michelin et 5 toques Gault & Millau est l’un
de nos plus fameux ambassadeurs.
La seconde ambition, c’est de montrer l’incroyable diversité de la production française,
18 | L’Information Agricole - N° 889 Juillet-Août 2015
un cas unique à l’échelle mondiale. On produit tous les types de spiritueux : absinthe/
anisés, armagnac, calvados, cognac, eaude-vie de fruit, gin, liqueur, rhum, vodka
ou whisky. En quantité, la production de
vodka en France dépasse celle du cognac.
Tout le monde veut de la vodka française
aujourd’hui, des USA à l’Asie. De la même
manière, il y a 35 distilleries de whisky en
France pour des ventes estimées à 700 000
bouteilles. A comparer aux 600 000 bouteilles de whisky japonais, dont on parle
beaucoup plus.
I. A. – Quelles retombées en attendezvous en France et hors frontières ?
Ph. J. Q Le but est bien de mettre un coup
de projecteur sur les distilleries françaises,
leur savoir-faire et leur histoire, transmis de génération en génération encore
aujourd’hui pour beaucoup d’entre elles.
Nous souhaitons que les spiritueux de
France puissent se montrer unis et tous
ensemble pour une question d’image mais
aussi faire du business. L’union fait la force
et permet d’être visible de plus loin. Et ce
genre de message et de manifestation a toujours un retentissement qui dépasse le strict
cadre français.
Une fois que l’on a dit cela, et si nous réussissons notre pari (celui de raccrocher les
spiritueux français à la gastronomie et/ou
de montrer leur diversité), il sera facile d’exporter le concept France Quintessence dans
le monde anglo-saxon (Londres ou NewYork) ou en Asie (Singapour, Taïwan ou
Hong Kong). Certaines marques ou catégories n’ont pas attendu France Quintessence
pour y réussir mais nous pensons qu’il y
encore mieux à faire.
Propos recueillis par Claire Nioncel
Tendances boissons | Dossier
Q Outre-Mer
Le rhum en pleine effervescence
La gamme des rhums et des boissons à base de cet alcool s’élargit d’année en année. Un dynamisme qui permet à la filière
de grignoter des parts de marché aux dépends des autres spiritueux et de toucher de nouveaux clients.
Photos D.R.
T
roisième alcool le plus vendu au
monde après le whisky et la vodka,
également en troisième position en
France derrière le whisky et les apéritifs
anisés, le rhum a durant la dernière décennie vu ses ventes croître de 40 %. Plusieurs
raisons expliquent ce succès. La vogue
des cocktails mais aussi une montée en
gamme, une plus grande segmentation de
l’offre et l’arrivée de nouveaux produits.
Parmi ces derniers, le plus surprenant est
sans conteste Appolinaire, un rhum pétillant de 12,5° qui peut se boire nature ou
entrer dans la composition de cocktails.
Lancé en 2013, fabriqué en France à partir
de rhums martiniquais et guadeloupéens,
il est obtenu par une légère distillation
suivie d’une fermentation en bouteille
dont la durée de 2 à 8 mois influe sur le
degré d’alcool et les arômes. De son côté,
la distillerie réunionnaise Isautier vient
de lancer « aRhumatik », une boisson de
14,8° combinant rhum brun, extrait de
stévia, purée de mangue, jus de pomme,
d’orange et de fruit de la passion qui est
vendu en bag in box de 3 litres. « Pour
toucher une clientèle féminine et sportive
ainsi que les seniors ». Un produit pour
l’instant uniquement vendu à La Réunion
qui va être décliné en bouteille de 50 cl.
La même société produit également des
punchs et depuis 2010 des rhums arrangés tels que café-vanille, gingembre-citron
ou encore banane flambée. Spécialité réunionnaise, le rhum arrangé enregistre une
progression à trois chiffres et plusieurs
distilleries ou embouteilleurs de métropole ou des Antilles se sont également
positionnés sur ce créneau. Aux Antilles,
les marques Maison Mauny, Longueteau,
Old Nick et Toucan ont quant à elles sorti
des Spiced Rhums, spécialité jusqu’alors
anglo-saxonne qui consiste en un mélange
d’épices et de rhum.
Dans le même temps, les grands amateurs
de spiritueux se voient proposer un choix
de plus en plus important de rhums vieux
millésimés, pour certains des single cask,
commercialisés dans de superbes carafes.
Des produits qui gagnent des parts de marchés sur le cognac et le whisky pur malt
grâce à leur excellent rapport qualité-prix.
« La demande est en hausse et nous mettons actuellement beaucoup de rhums en
vieillissement » affirme-t-on à la Maison
Mauny. Et ce n’est sans doute pas fini car
pour le groupe Bernard Hayot, propriétaire des marques Clément et JM, le rhum
agricole français doit devenir ce que le
single malt écossais est au whisky.
Parallèlement, l’offre est de plus en plus
segmentée afin de toucher un plus grand
nombre de consommateurs et de satisfaire
les attentes des experts en mixologie des
bars à cocktails. Ainsi peut-on désormais
trouver des rhums bruns vieillis dans des
fûts de chêne de l’Allier, du Limousin,
des Vosges, du Nivernais ou du Kentucky
et ayant précédemment contenus Bourbon, Sauternes, Cherry ou cognac. Une
tendance qui se retrouve dans les rhums
blancs où les distilleries jouent sur les
méthodes de distillation et les alambics
utilisés pour obtenir des produits aux qualités organoleptiques différentes. En Guadeloupe, Bologne vient en outre de sortir
un rhum exclusivement produit à partir
de canne noire, une variété plus difficile
à cultiver mais plus aromatique. Quant
à la distillerie martiniquaise HSE, elle est
la première à commercialiser des rhums
blancs millésimés.
Thierry Joly
L’Information Agricole - N° 889 Juillet-Août 2015 | 19
Dossier | Tendances boissons
Q Origin
Une boisson grenobloise bio
La start-up grenobloise Natura France a lancé récemment une gamme de boissons 100 % bio et naturelle. Ces jus commercialisés sous le nom d’« Origin » sont élaborés à partir d’hibiscus, thé vert, menthe, rhubarbe ou encore sucre de canne.
L
a start-up grenobloise co-fondée par
Maewan Melguen et Sébastien Napol,
lauréate 2014 du concours Réseau
entreprendre Isère, Natura France a sorti
une gamme de quatre boissons rafraîchissantes : des jus, commercialisés sous le
nom d’Origin, composés de plantes et proposant de nouvelles saveurs : hibiscus, jus
de canne, thé vert, menthe ou encore rhubarbe.
Ingrédients français
Les produits Origin sont d’ores et déjà distribués dans une quinzaine de magasins,
épiceries bio, restaurants rapides hauts de
gamme et jardineries de l’agglomération
grenobloise. Puis, à partir de maintenant,
ces boissons sont disponibles dans des
enseignes françaises renommées comme
Colette, L’Eau vive ou encore La Grande
épicerie de Paris. Avec un chiffre d’affaires
de 300 000 euros en 2015, la start-up grenobloise espère engranger un million d’euros d’ici trois ans et 5 millions d’ici 2020.
L’entreprise cible, dans un premier temps,
le réseau de proximité dans le cadre d’un
développement régional.
Claire Nioncel
Photos : D.R.
Dans une logique de développement
durable, l’entreprise se fournit en France
pour les matières premières, à l’exception
de l’hibiscus qui provient d’une coopérative
bio du Burkina Faso, en Afrique. L’embouteillage des boissons biologiques est réalisé
quant à lui, en Alsace.
Développement
régional
20 | L’Information Agricole - N° 889 Juillet-Août 2015
Tendances boissons | Dossier
Q Le ratafia champenois
Un patrimoine sauvegardé
Photos R. C.
Le ratafia champenois aura bientôt son IG (indication géographique) reconnue par l’Europe. Une protection et un signe de qualité qui récompensent le travail effectué par une poignée de passionnés. À leur
tête Claude Giraud, vigneron à Aÿ et président de l’association des producteurs de ratafia.
Claude Giraud.
Q
uand il évoque le ratafia, Claude
Giraud est intarissable. « C’est un
produit énorme, universel, apprécié quels que soient les continents. On a le
sucre naturel du raisin, l’acidité du champagne et le calcaire typique du terroir. Bien
travaillé, il se marie aux desserts, aux fromages, aux viandes sucrées, aux poissons
crus, aux fruits de mer… ». Son prochain
classement en IG est une consécration.
« Cette reconnaissance va nous donner l’outil pour progresser », relève le président des
producteurs.
« Tout part de 2008 avec une décision de la
Cour européenne qui veut mettre à jour les
appellations », explique Claude Giraud. Dans
les annexes est repris l’intitulé ratafia de
Champagne. Alors que le ratafia n’a jamais
fait l’objet d’une quelconque protection.
Un marathon est alors engagé pour lui permettre d’obtenir une reconnaissance en
indication géographique. « Si les Champenois ne réagissaient pas, l’indication géographique ratafia de champagne allait disparaître définitivement le 20 février 2015 sur
l’autel de l’Europe », ajoute Claude Giraud.
L’association des producteurs de ratafia de
champagne est constituée le 13 janvier 2009
pour obtenir le fameux classement en IG.
« Les débuts ont été un peu compliqués et,
après trois ans de discussion avec l’interprofession, nous sommes arrivés à organiser la
filière des coproduits », complète Claude
Giraud. Rapidement il a été acté que le mot
« champagne » était remplacé par « champenois », « et que ça n’était pas un drame ».
En 2014, est créée l’association des producteurs de boissons spiritueuses à indication
géographique champenoise qui comprend
le ratafia champenois, le marc champenois
et la fine champenoise. Elle est présidée par
Claude Giraud et elle compte 120 membres.
Dans la foulée, les trois cahiers des charges
sont déposés. Ils sont validés par l’Inao,
« qui nous a reconnus en tant qu’ODG –
organisme de défense et de gestion ». Une
troisième structure qui s’ajoute à l’ODG
champagne et à l’ODG rosé des Riceys.
Ratafia, marc et fine
« L’AOC champagne, c’est 82 % du jus de
raisin soit 1,6 kg de raisin pour 1 litre de
jus, dans les autres régions c’est 1,3 kg »,
analyse le président. Les 18 % qui restent
peuvent être valorisés mais ne bénéficiaient
pas d’un cadre protégé. « Au ratafia, nous
avons associé les alcools, le marc de champagne qui était protégé en AOR et la fine
qui s’appelait eau-de-vie de vin de la
Marne, sans aucune valorisation », ajoutet-il. « Pour élaborer le ratafia nous avons
demandé 116 l de rebêche, une limite qui
correspond à l’ancienne deuxième taille ».
Tout le raisin de champagne est donc utilisé
puisqu’il faut ajouter 32 l d’alcool à 10 %
aux 116 l de jus pour élaborer le ratafia.
Cela représente un potentiel de 15 à 18 millions de bouteilles pour l’AOC – un million
sont vendues actuellement. Avec un prix
de commercialisation qui peut atteindre
les 30 euros. « Ce n’est plus un apéritif à
base de vin, nous visons la gastronomie, le
ratafia est extraordinaire sur les fromages »,
explique le président.
« L’ensemble de la filière champagne est
désormais structuré et valorisé», souligne
Claude Giraud. Sur le plan environnemental, rien n’est gaspillé et c’est important pour
l’image de la Champagne.
Richard Cremonini,
La Marne viticole
DE L’ALCOOL ET DU MOÛT DE RAISIN DE CHAMPAGNE
Le ratafia champenois a une couleur allant de jaune paille
à ambré. Il se caractérise par des arômes fruités et de
minéralité. Il présente un équilibre entre sucré et acidité.
La fabrication du ratafia champenois consiste à mélanger
l’alcool d’origine viticole avec du moût de raisin pour l’aromatiser. Cette opération est réalisée dans un délai court
après le pressurage afin de préserver la fraîcheur du moût.
De plus, la proportion d’eau-de-vie de marc est limitée afin
de ne pas masquer les arômes premiers, arômes fruités. La maîtrise de cette étape conditionne la qualité du produit fini.
Le savoir-faire des fabricants et des maîtres de chai contribue à ce que le ratafia champenois exprime pleinement les arômes tirés de sa matière première.
La fabrication doit avoir lieu dans un délai de 20 jours après la date de pressurage des
raisins entrant dans la composition des moûts mis en œuvre. Afin de ne pas masquer les
arômes premiers des moûts de raisin, l’eau-de-vie de marc ne peut pas représenter plus
de 20 % du volume d’alcool pur total des alcools utilisés lors de l’élaboration.
Après fabrication, le ratafia subit une maturation de 10 mois minimum avant conditionnement. Celle-ci est réalisée en cuves ou en fûts. L’emploi de copeaux de bois est interdit.
L’Information Agricole - N° 889 Juillet-Août 2015 | 21
Dossier | Tendances boissons
Q Les microalgues
Boissons bien-être de demain
La spiruline est une micro algue aux propriétés nutritives si extraordinaire qu’elle a été rapidement hissée au rang de super
aliment, capable entre autre de lutter contre la famine. En France, un certain nombre d’entrepreneurs tentent aujourd’hui
d’encapsuler toute ses richesses.
Photos D.R.
D
VLP : Connaissez-vous aujourd’hui
un produit, trois fois plus protéiné
que la viande, vingt fois plus riche
en fer que le blé complet et contenant pratiquement toutes les vitamines à l’exception de la vitamine C ? La solution n’est
pas à chercher du côté de la terre mais
bien de la mer, et plus précisément dans
la famille des micros algues. La spiruline,
plus célèbre espèce de ce groupe, a gagné
ses lettres de noblesse à partir des années
80, dans la réponse qu’elle a su apporter
aux problématiques alimentaires connues
par des pays en crise. Ainsi, si aujourd’hui
l’image de cette algue est associée à
l’Afrique notamment, c’est oublier que la
France a joué un rôle essentiel dans la
connaissance de la spiruline.
En effet, en 1939, c’est un pharmacien
de Bordeaux, le professeur Creac’h,
qui s’intéressa le premier à des galettes
séchées vert bleuâtre découvertes par
hasard sur un marché de Massakong
(Tchad) et c’est un autre scientifique
bordelais qui décrivit les propriétés de
cette algue en 1940. Par la suite dans les
années 60, les Américains et les Japonais
se sont penchés sur les vertus et les applications quasi miraculeuses de cette nouvelle matière première.
En France, les problématiques alimentaires
étant foncièrement différentes des pays
en voie de développement, la spiruline
s’est principalement faite connaître sur le
marché des compléments alimentaires.
Cela permit ainsi le développement d’une
filière de production française à partir des
années 90, notamment dans le Languedoc
et en Bretagne. Aujourd’hui on compte
22 | L’Information Agricole - N° 889 Juillet-Août 2015
une centaine de producteurs pour une
production globale d’une trentaine de
tonnes. Cette connaissance acquise permet
aujourd’hui à la France d’avoir un atout
certain dans le développement croissant
de ce marché innovant.
Or dans ce secteur dynamique des aliments bien-être, nombreux sont les analystes qui parient actuellement sur le futur
d’un produit : la spiruline à boire. Sur ce
nouveau segment de la « boisson fonctionnelle », plusieurs start-ups et sociétés françaises sont en pointe, à l’image
de la marque Bloo tonic. Le projet Bloo
tonic a été initié par Guy Valois en 1995,
un morbihannais, créateur d’aliments. En
2004, alors qu’il travaillait sur l’élaboration
d’un produit à base de spiruline, il fit une
erreur de manipulation et découvre par
hasard des propriétés colorantes bleues
de la spiruline.
Depuis l’aventure s’est prolongée en passant par une phase de développement/
recherche particulièrement importante afin
de garder, par un procédé d’extraction à
froid, toutes les propriétés du produit de
base. Au final, l’activité antioxydante de la
phycocyanine présente dans Bloo tonic est
50 fois plus grande dans l’extrait liquide
que dans la spiruline sèche selon son dévelopeur actuel Didier Nicol. Autre intérêt du
projet, sa dimension locale forte, puisque
la spiruline utilisée est cultivée dans la
presqu’île de Guérande à Assérac. Le produit est aujourd’hui sur le marché revendu
principalement dans les boutiques spécialisées et centres de fitness.
Souhaitons donc à Bloo Tonic de connaître
le même succès que son homologue, le
Breizh Cola !
Jean-Baptiste Boucher
Tendances boissons | Dossier
Q Sojufel
De purs jus de fruits et légumes
L’entreprise Sojufel, basée en Provence, propose aux producteurs locaux la transformation d’une partie de leur
récolte en jus. Une initiative qui permet, outre de fournir de bons produits, une plus grande valorisation de la
production agricole toute l’année.
Un process simple
et rapide
Les agriculteurs apportent une partie de
leurs récoltes (fruits, légumes ou baies) et
l’entreprise se charge alors de la transformer en délicieux jus directement sur place,
à Saint-Andiol. Les producteurs les vendent
ensuite au sein de leur propre exploitation
ou dans tout réseau de distribution à leur
convenance. Ce qui permet un débouché
pour les producteurs de la région.
Ce service comprend le conseil et l’accompagnement tout au long du process de
fabrication, la transformation des fruits et
des légumes en jus et la mise en bouteille
(possibilité de réaliser un produit fini sur
mesure).
L’extraction naturellement d’un maximum
de jus est effectuée grâce à un pressage
traditionnel et progressif. L’embouteillage
est immédiat afin de préserver l’arôme des
fruits et des légumes.
La société travaille avec des producteurs
issus du Grand Sud, de Narbonne à Nice.
Sélection de variétés
« Depuis le début de notre collaboration, il y
a 5 ans, nous avons bénéficié de véritables
conseils pour la production de nos nectars »,
témoigne les six couples de producteurs de
Terre de Crau. « Sojufel nous a, par exemple,
appris à sélectionner les variétés les plus
aromatiques. Ensemble, nous analysons les
sucres présents dans les fruits, un aspect qui
définira s’ils peuvent être utilisés. Notre collaboration ne repose pas seulement sur la
transformation, c’est un accompagnement et
un service qui nous permet d’avoir un produit fini très qualitatif ».
Moins de pertes
« Transformer une partie de nos récoltes
est un gain important pour nous. Grâce à
cette alternative nous comptons beaucoup
moins de pertes, ce qui implique une valorisation plus importante de nos récoltes. De
plus, grâce à une DLUO (Date limite d’utilisation optimale, ndlr) de 3 ans nous pouvons conserver nos jus et les vendre toute
l’année », soulignent aussi les producteurs
de Terre de Crau. « Le service de transformation des fruits en jus permet une valorisation de l’ensemble de ma production.
Je peux par exemple utiliser des pommes
comme les petits calibres que je ne vends
pas directement », explique de son côté Stephan Charmasson, producteur de pommes
bio à Arles au Mas Daussan. Il travaille aussi
en partenariat avec Sojufel, pour « définir le
meilleur assemblage de différentes variétés
de pommes ».
Claire Nioncel
Photos D.R.
G
râce à des techniques de pasteurisation adaptées à chaque type
de produits, la durée de conservation des jus élaborés par la société est de
3 ans. Cette technique préserve ainsi toutes
les saveurs des fruits pour proposer des jus
savoureux et authentiques. C’est grâce à
cette expérience dans l’assemblage et l’élaboration de jus de fruits, mais également de
leur connaissance approfondie de plus de
150 variétés de fruits et de légumes, que les
techniciens et l’ingénieur-conseil mettent
leurs connaissances au service des agriculteurs pour les conseiller et les accompagner dans leur démarche.
PLUS DE 4,5 MILLIONS DE BOUTEILLES PAR AN
Créé en 1982 et dirigé aujourd’hui par Arnaud Redheuil, Sojufel produit plus de 4,5 millions
de bouteilles par an. L’entreprise compte aujourd’hui 20 salariés et a réalisé en 2014 un
chiffre d’affaires de 4,3 millions d’euros ; elle est référencée par les organismes professionnels UNIJUS (Union Nationale Interprofessionnelle des Jus de fruits) et QUALIJUS (l’Institut
Professionnel pour la Qualité des Jus de fruits). L’ensemble de son process de fabrication
est certifié Ecocert.
L’Information Agricole - N° 889 Juillet-Août 2015 | 23
Dossier | Tendances boissons
Q Bières
La brasserie près de chez vous
Les bières artisanales véhiculent les valeurs du savoir-faire local. Elles répondent à l’engouement actuel des consommateurs
pour les produits de terroir.
La brasserie
derrière le comptoir
Fabriquer la bière au plus près du consommateur et donc intégrer la brasserie dans
le pub lui-même, c’est le concept développé par FrogPub™. La cuverie est visible.
Les cuves de fermentation en cuivre rouge
deviennent un élément de décoration, leur
chaude couleur participe à l’ambiance. On
en oublierait presque que dans ces cuves,
fermentent effectivement les derniers brassins ! Mais l’odeur subtile du malt pendant
les heures de brassage rappelle aux amateurs
de bière qu’ils sont au cœur d’une brasserie.
La gamme offerte comprend six bières :
une blonde légère pour commencer, puis
une blanche aux notes d’écorce d’orange et
de coriandre, une bière parfumée au gingembre (la fameuse Ginger Twist), une pale
ale bien houblonnée, une bière rousse maltée et enfin une stout. Ces bières sont toutes
fabriquées sur place. Après brassage et fermentation, elles reposent dans des cuves de
garde où elles vont se clarifier et leur goût
s’affiner, avant d’être servies directement
aux pompes du comptoir.
Le consommateur bénéficie d’une bière
fraîche (dans les deux sens du terme) et
vivante (pas de pasteurisation). Les habitués
vont remarquer les changements subtils des
arômes d’un brassin au suivant. Le brasseur
est là, ils peuvent lui adresser directement
félicitations, critiques ou idées nouvelles.
Derrière le comptoir, la brasserie.
Entre tradition
et modernité
Les brasseries artisanales cherchent à valoriser un savoir-faire ancestral dans le respect
des traditions, mais sont aussi de véritables
fermenteurs d’idées nouvelles, leur échelle
permet d’en faire des lieux d’expérimentation, avec une volonté d’explorer de nouvelles voies. Une brasserie artisanale reflète
aussi une approche alternative tournée
vers la flexibilité, l’adaptabilité et le service
client.
Une brasserie artisanale ne se définit pas
par son statut juridique, ni par sa taille,
toujours modeste au demeurant, mais par
le brasseur lui-même. En effet la qualité
d’une bière artisanale et la notoriété qui
en découle dépendent au premier chef du
brasseur lui-même.
Ici, l’ensemble des étapes de fabrication est
réalisé manuellement, et tout repose sur le
savoir-faire, l’attention et le soin du brasseur
pour ajuster à tous les instants la production. Chaque brassin est une œuvre origi-
24 | L’Information Agricole - N° 889 Juillet-Août 2015
nale. Au fil du temps, la bière est à la fois
la même et différente. Chaque brasseur a le
souhait de partager sa passion et de faire
découvrir au plus grand nombre des produits goûteux, alternatifs aux bières industrielles intéressantes mais standardisées.
En tant que brasseur dans une brasserie
artisanale, je me sens une grande liberté
pour choisir les matières premières (malt,
houblon) et pour créer de nouvelles bières.
L’outil me donne une grande souplesse
pour le faire. Je peux donc élaborer des
bières en recherchant équilibre et subtilité
dans les arômes. Entre autres, la diversité
actuelle des houblons offre, au-delà de
l’amertume recherchée, une grande variété
de notes aromatiques.
Et c’est bien cette culture de l’expérimentation et cette ouverture d’esprit qui contribuent au renouveau de la brasserie artisanale et à l’intérêt grandissant des amateurs
de plus en plus nombreux.
Extrait d’Agro-mag
Eugénie Maï-Thé
Groupe FrogPubs
Photos E. Maï-Thé
M
algré un contexte global qui tend
à faire baisser la consommation
de bière, les bières de spécialité
caractérisées par un procédé de fabrication
non standardisé sont en essor. Elles correspondent à une demande plus qualitative et
à la recherche d’authenticité.
Les cuves de fermentation font le décor.
Tendances boissons | Dossier
COMMENT ÇA MARCHE
La bière : secrets de fabrication
DE L’ÉPI AU DEMI
+ Malt
Eau
=
93 %
Ingrédient de base de la plupart
des bières, il est obtenu
par une germination de l'orge
ou plus rarement du blé, de l'avoine
ou du maïs.
Ce sont ces céréales rôties puis réduites
en farine qui vont donner goût
et couleur à la bière.
Réservoir d'eau chaude :
la bière est faite à 93 % d'eau
et il faut compter
5 à 6 litres d'eau
pour fabriquer un litre de bière.
Cuve
d’empâtage
Le malt est mélangé
à l'eau chaude,
transformant les céréales
en sucres. Le liquide obtenu,
le moût, est filtré.
+ Houblon
Consommation
La bière est dégustée…
avec modération !
Embouteillage
La bière est mise en bouteilles,
en canettes ou en fûts, en évitant
tout contact avec des agents pathogènes
et avec l'oxygène afin de minimiser
sa dégradation.
La fleur séchée
de cette plante
est comme une épice
qui donne son goût amer
à la bière.
Chaudière
à moût
Maturation
Après avoir été filtrée à nouveau,
la bière est vieillie pendant plusieurs semaines
ness
dans des réservoirs à une température
proche de 0°C, où elle développe son goût.
Le moût est bouilli,
puis envoyé
dans une cuve
où il se débarrasse
des résidus solides.
CO2
+ Levure
Le moût est refroidi
avant qu'on y ajoute
la levure
qui va transformer
les sucres en alcool.
Fermentation
Ce processus dure de 3 à 12 jours
durant lesquels la température
est minutieusement contrôlée.
La bière en chiffres
18
d’hectolitres
de bière produits
en France en 2012
Tchèques
Autrichiens
8e
producteur
d’Europe
138
108
Allemands
101
Irlandais
Année d’invention
de la bouteille de 33 cl
millions
En 2011, en litre/habitant/an
109
1949
19,9
millions
Les plus gros
buveurs de bière
98
Estoniens
94
Lituaniens
d’hectolitres
consommés,
soit 30 litres
par an
et par habitant
89
Finlandais
1953
Année d’invention
de la canette métallique
84
Slovènes
82
76
Belges Britanniques
L’Information Agricole - N° 889 Juillet-Août 2015 | 25

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