Tendances boissons
Transcription
Tendances boissons
Dossier | Tendances boissons Tendances boissons A côté des vins, cidres, et bières, boissons traditionnelles de notre pays, les liqueurs et spiritueux tiennent une place importante et sont une spécificité qui entre dans une tradition de nos terroirs, en racontant souvent une histoire. Les goûts ne cessent d’évoluer et les producteurs comme les industriels doivent revisiter les techniques, les adapter aux goûts mouvants du consommateur. Les nouvelles boissons ne cessent de nous surprendre. A base d’algues, de fruits d’ailleurs, d’assemblages surprenants, elles nous étonnent, éveillent de nouvelles sensations, nous font rêver, nous apaisent et nous font du bien. Quelques témoignages, expériences et découvertes. Q Xavier Pilloy, Responsable de Mission, XTC world innovation Le secteur des boissons innove sans cesse Les boissons, ce sont les catégories de produits qui innovent le plus au monde, nous explique le spécialiste Xavier Pilloy, pour le cabinet XTC. Demande des consommateurs, évolution des techniques et nouveautés font que le secteur est en effervescence. ’ Photos D.R. L Information Agricole – Quelles sont les grandes tendances en termes de boissons ? Xavier Pilloy Q Ce qui pousse l’innovation et attire le consommateur, c’est surtout une garantie de naturalité. Le consommateur cherche des boissons – comme les aliments d’ailleurs – riches en Oméga 3. D’où le succès des « super fruits » comme la grenade, ou la myrtille par exemple, riches en antioxydants. C’est ce qu’a d’ailleurs créé la marque Innocent, avec un argumentaire santé, des boissons naturellement bonnes. L’autre tendance, toujours dans l’esprit santé, ce sont les nouvelles naturalités, avec entre autres, les boissons à base d’algues, naturellement riches en iode. Au Japon, on voit aussi apparaître des produits à base de champignons comme le reishi ou le chaga. Ils ont un capital « anti-cancéreux » important. Ces boissons « santé » sont issues du savoirfaire asiatique. Une autre tendance voit le jour dans le secteur des boissons, c’est l’aspect satiété et des boissons aidant à tenir toute la journée. Elles sont riches en protéines, parfois éla- borées à base de céréales et ne font pas grossir. Elles explosent au Royaume-Uni entre autres. I. A. – Est-ce que le côté plaisir est toujours aussi fort ? X. P. Q Oui, bien sûr, en jouant sur un aspect rafraîchissant. La tendance est de développer des eaux de source, comme des eaux de bouleau, ou de sureau. Michel & Augustin travaillent d’ailleurs de concept, avec le renouveau de la limonade. Des boissons rafraîchissantes avec des notes d’agrumes, même d’hibiscus par exemple ont du succès. Le côté exotisme est toujours important. Cet 12 | L’Information Agricole - N° 889 Juillet-Août 2015 aspect est utilisé pour s’échapper du quotien. Les marques distributeurs créent des gammes « Afrique », avec le marula, l’ingnis. On voir naître des jus de baobab, de mataî, de figues de Barbarie. De même, des produits misent sur la détoxification, à base de radis blanc ou de sève de bouleau. On voit aussi apparaître des produits relaxants, ayant un effet détente, décontraction. Aux Etats-Unis, les boissons à base de kawa ont le vent en poupe, avec le king kawa. I. A. – Est-ce qu’une boisson a besoin d’une histoire ? X. P. Q Oui, on recherche les boissons avec une histoire. Dans le domaine des alcools, cette tendance est particulièrement forte. Le consommateur cherche des boissons avec une origine, avec une personnalité. C’est pour traverser les âges. Ce qui explique aussi le succès des produits locaux, des bières de terroir, de proximité. La mode est aussi d’ailleurs de faire soi-même, comme le montre d’ailleurs le kit bière, récompensé au dernier SIAL. Propos recueillis par Claire Nioncel Tendances boissons | Dossier Q Terroir La renaissance du cidre Délaissé pendant quelques décennies, le cidre retrouve les faveurs du consommateur. S i la plus grande partie de la production vient de cidreries industrielles contrôlées entre autres par le groupe coopératif Agrial, la production de cidres fermiers et artisanaux a beaucoup évolué à partir des années 1980. En Normandie, le cidre est soit passé de production annexe de la ferme à une production spécialisée, de plus en plus professionnelle. En Bretagne, ce sont plutôt des néo-ruraux qui ont relancé la production en replantant des vergers. Les variétés de pommes utilisées, les méthodes de fabrication et les produits obtenus sont très différents. La plupart du temps, ces cidres sont consommés dans leur région d’origine, et il y a peu d’échanges internationaux. Article tiré d’Agro-mag, écrit par Christian Toullec* * Ingénieur agronome (Paris Grignon, 85), arboriculteur et président de l’Organisation de défense et de gestion de l’AOP Cornouaille. La qualité des cidres fermiers a beaucoup progressé grâce au travail des oenologues qui ont aidé à éliminer ses principaux défauts : effervescence excessive, acidité volatile, arômes animaux... Ces progrès ont permis la mise en place de signes de qualité : AOP Cornouaille et Pays d’Auge ou Label Rouge Guillevic dans le Morbihan. Des règles de production ont été adoptées pour se différencier de la production industrielle : récolte manuelle, pur jus, prise de mousse en bouteille... Mais, depuis quelques années, de nombreuses cidreries fermières ou artisanales introduisent de nouvelles méthodes de fabrication proches de celles des cidreries industrielles : récolte à la machine, microfiltration tangentielle, gazéification… Photos D.R. Du cidre fermier et artisanal Second souffle La production de cidre de qualité cherche un second souffle et une véritable identité qui ne peut venir que de la reconnaissance du consommateur. Le cidre n’est pas une exclusivité normande ou bretonne. Plusieurs régions du monde ont une tradition cidricole forte. Le premier pays producteur et consommateur de cidre est l’Angleterre (principalement le sud-ouest). D’autres régions de forte production sont le nord de l’Espagne (Asturies, Galice et Pays Basque) et la région de Francfort en Allemagne. HISTOIRE : PROGRESSION JUSQU’AU XXE SIÈCLE Les boissons à base de pommes sont connues depuis l’Antiquité. Mais c’est l’invention du pressoir au Moyen Age qui va étendre la production et la consommation du cidre au détriment de la bière, là où on ne produit pas de vin. Il poursuit sa progression jusqu’au début du XXe siècle grâce à l’amélioration des techniques et à la sélection variétale. C’est alors la deuxième boisson consommée en France, derrière le vin et devant la bière. A partir de la première guerre mondiale, il régresse du fait de la généralisation de la consommation de vin, et après la seconde du fait de l’évolution de l’agriculture avec l’arrachement de nombreux vergers, notamment en Bretagne. LES POMMES Le cidre est produit à partir de pommes à cidre. Elles se différencient des pommes de table par leur teneur en tanins (polyphénols). On en distingue quatre catégories : amères (les plus riches en tanins), douces amères, douces et acidulées. Selon les régions, on utilise plus ou moins de pommes de l’une ou l’autre de ces catégories : amères en Cornouaille, acidulées dans le Morbihan, douces dans le pays de Rennes ou en Pays d’Auge. L’Information Agricole - N° 889 Juillet-Août 2015 | 13 Dossier | Tendances boissons Q Vin rosé Un dynamisme marqué aux niveaux mondial et national La France, acteur incontournable du secteur vitivinicole, l’est notamment sur le segment du vin rosé, avec une première place mondiale en termes de production et de consommation. Plus globalement, le marché du vin rosé est en forte expansion ces dernières années. C e dynamisme sur le marché du vin rosé s’illustre par les données de l’observatoire mondial des vins rosés, publiées en avril dernier par FranceAgriMer. Une forte hausse de la consommation mondiale de vin rosé D.R. En 2013, la consommation de vin rosé a représenté 10 % de la consommation mondiale de vin, soit 24 millions d’hectolitres, traduisant un dynamisme de ce segment dans un contexte de stagnation de la consommation de vin. Cette hausse s’explique notamment par la progression Les principaux pays consommateurs de vin rosé en 2013. Autres 19 % La production française de vin rosé en 2014 par bassin viticole. Vins de France (SIG) 11 % France 37 % Uruguay 2 % Autres 1 % Corse 3 % Pays-Bas 2 % Belgique 2 % Rhône-Provence 35 % Russie 2 % Espagne 4 % LanguedocRoussillon 34 % Italie 5% Royaume-Uni 6% Loire 8 % Allemagne 9% Etats-Unis 12 % Sources des graphiques : CIVP-FranceAgriMer – Abso Conseil / réalisation FranceAgriMer). 14 | L’Information Agricole - N° 889 Juillet-Août 2015 Sud-Ouest 4% Bordeaux 4% Tendances boissons | Dossier de la consommation de ces vins en France (+ 50 % entre 2003 et 2013), « une tendance lourde » selon FranceAgriMer. La France est ainsi le premier pays consommateur de vin rosé, avec 37 % de la consommation mondiale. La France et les Etats-Unis, deuxième plus grand pays consommateur, représentent près de la moitié des volumes de vin rosé consommés. La France leader mondial La France reste le premier pays producteur de rosé (30 % de la production mondiale en 2013), devant l’Italie, l’Espagne et les ÉtatsUnis. La production française de vin rosé atteint ainsi 7,5 millions d’hectolitres en 2014 (16 % de la production nationale), « un niveau historiquement haut » comme le précise FranceAgriMer ; la production a suivi les attentes des consommateurs. Rhône-Provence et Languedoc-Roussillon sont les principales régions de production de vin rosé. Certaines régions se sont spécialisées dans cette production, en AOP1 : c’est le cas de la Provence et de la Loire. On note également que la production de vin rosé est répartie équitablement entre AOP et IGP2. Une réserve toutefois sur le dynamisme français au niveau du segment vin rosé : notre pays « n’est que » le quatrième exportateur mondial de vin rosé et a recours aux importations, avec une place de premier importateur mondial. FranceAgriMer précise ainsi que « la France produit des vins plus valorisés et importe des vins à bas prix : ce sont des complé- ments de gammes pour pouvoir répondre à la demande ». Claire Couveau 1 2 AOP : Appellation d’Origine Protégée. IGP : Indication Géographique Protégée. QUELQUES CARACTÉRISTIQUES DU VIN ROSÉ Pour fabriquer du vin rosé, les raisins noirs sont mis à macérer pendant quelques heures, contre quelques jours voire quelques mois pour le rouge ; il est interdit dans l’Union Européenne de mélanger du vin rouge et du vin blanc pour faire du rosé ; le vin rosé se boit dans l’année ; le rosé très peu coloré (« à la mode de Provence ») est celui qui rencontre le plus de succès actuellement. Les Tasting Flights, à Vinexpo Pour l’édition 2015, Vinexpo avait choisi de mettre à l’honneur les vins effervescents, les rosés et les sweets, en proposant trois espaces de dégustation inédits dédiés, les « Tasting Flights ». Photos D.R. L es espaces « Tasting Flights » offraient aux visiteurs, journalistes et exposants, la possibilité de savourer une sélection de vins rosés, effervescents et sweets, servis de façon optimale. La technologie des machines Enomatic mises à disposition, permettaient en effet de déguster les vins proposés à température idéale. Pour compléter ce moment de découverte, les visiteurs ont eu également accès à des fiches informatives sur les caractéristiques et origines des vins sélectionnés. Parmi les trois catégories mises à l’honneur, les rosés et effervescents ont le vent en poupe et font l’objet d’un succès grandissant au niveau international : la France est le premier consommateur mondial de rosé en volume avec 76,8 millions de caisses de 9 l en 2014, et se place en seconde position pour la consommation de vins effervescents avec 30,2 millions de caisses*. * Selon la dernière étude VINEXPO IWSR. L’Information Agricole - N° 889 Juillet-Août 2015 | 15 Dossier | Tendances boissons Q Nouveautés Apéritifs à la française Disparus des zincs des bars pendant des décennies, plusieurs apéritifs centenaires reviennent à la mode grâce aux barmans spécialisés dans la mixologie. Très demandeurs de nouveaux produits, ils poussent en outre les liquoristes à innover. D.R. E n ce début d’été ou au printemps, peut-être avez-vous croisé dans un bar ou un restaurant des jeunes filles coiffées d’un canotier qui vous ont proposé de goûter du Lillet nature ou en cocktail. Cet apéritif à base de vin créé dans le bordelais au 19e siècle fait en effet un retour inattendu sur la scène apéritive hexagonale. Mais il n’est pas le seul dans ce cas. Appartenant eux aussi au groupe Pernod, le Dubonnet et le Byrrh font également leur réapparition tandis que la Suze connaît une nouvelle jeunesse depuis qu’elle se décline en trois versions : Suze classique, Suze Fruits Rouges et Suze Agrumes. De son côté, la distillerie Giffard enregistre une forte hausse de ses ventes de Menthe Pastille, apéritif lui aussi né à la fin du 19e siècle. Même chose pour le China China créé à la même époque par la société iséroise Bigallet et pendant longtemps uniquement vendu en région Rhône-Alpes. Une double renaissance tirée par l’exportation, en particulier aux Etats-Unis. « Les barmans anglo-saxons sont friands de vieux produits français ayant une histoire et des secrets de fabrication », note Edith Giffard. « Depuis 3 ans, nos ventes de gentiane Salers décollent en Amérique du Nord et, comme le Maurin quina, on la trouve désormais dans les bars à cocktails parisiens », constate Elie Denoix, de la société Pagès Vedrenne. Cette vogue des cocktails a en effet essaimé en Asie, traversé l’Atlantique, et la demande se développe dans le monde entier. « Ce réveil des vieilles marques françaises est porté par les barmans spécialistes en mixologie car elles apportent un plus en termes de goûts et de couleurs. De plus, elles permettent d’élaborer des cocktails moins alcoolisés et ainsi de toucher une nouvelle clientèle plus féminine », explique Claudine PATRIMOINE Reflets de l’art du partage et de l’art de vivre à la française, les spiritueux ont été reconnus par l’UNESCO à leur juste place dans le repas gastronomique des Français. Depuis juillet 2014, les boissons spiritueuses sont inscrites au patrimoine culturel, gastronomique et paysager protégé de France. L’excellence et le savoir-faire des producteurs de spiritueux ont à nouveau été récompensés cette année lors du Concours Général Agricole, organisé pendant le Salon International de l’Agriculture. Plus de 110 médailles ont été remportées par les adhérents de la Fédération Française des Spiritueux, illustrant ainsi la richesse, l’authenticité et l’excellence des produits qu’ils élaborent. 7 catégories de spiritueux étaient représentées au Concours Général Agricole : • Les apéritifs (absinthes, crèmes et liqueurs de fruits, liqueurs de plantes, boissons anisées, ratafia) ; • l’Armagnac AOC ; • le Calvados AOC ; • le Cognac AOC ; • les eaux-de-vie de fruits ; • les rhums ; • le whisky. Au total, 54 médailles d’or, 49 médailles d’argent et 13 médailles de bronze ont été décernées aux professionnels, membres de la FFS. La Fédération Française des Spiritueux a été créée en 1996, la FFS est un syndicat professionnel composé des principaux acteurs du secteur des spiritueux, producteurs et distributeurs français. C. N. 16 | L’Information Agricole - N° 889 Juillet-Août 2015 Tendances boissons | Dossier Thierry Joly QUELQUES MARQUES Lillet Gentiane Salers Créé par les frères Paul et Raymond Lillet en 1887, le Lillet est un apéritif rouge ou blanc à base de vins de la région bordelaise et de liqueurs naturelles d’oranges douces et amères. Il est vieilli en foudres de chêne pendant 8 à 12 mois. Très populaire en France dans les années 30, il a conquis les Etats-Unis après la Seconde Guerre Mondiale. Mélange d’infusion et de distillats de racines de gentiane d’Auvergne auxquels sont ajoutées diverses plantes aromatiques, cette liqueur est vieillie pendant deux ans en fûts de chêne du Limousin. Dubonnet À l’origine un médicament élaboré en 1846 pour traiter le paludisme, c’est un assemblage de 80 % de mistelles blanches ou rouges avec des vins blancs secs et peu acides dans lesquels ont macéré et infusé des plantes, des agrumes et des épices. Il est vieilli en fûts de chêne. Elixir Combier Concoctée par Jean-Baptiste Combier au 19e siècle, cette liqueur est un mélange d’herbes, de plantes et d’épices de la vallée de la Loire, d’Afrique et d’Asie dont muscade, myrrhe, cardamome, cannelle et safran. Noyau de Passy Fabriquée depuis le 18e voire le 17e siècle, cette liqueur est obtenue par macération de noyaux d’abricots dans de l’eau-de-vie. Byrrh Apéritif à base de vins du Roussillon, il est à 90 % composé d’un assemblage de mistelles dans lesquels sont mis à macérer diverses plantes et épices telles que quinquina, cacao et oranges amères. Il est vieilli en fûts de chêne. Liqueur de Chambord Créée en 1685 à l’occasion d’une visite de Louis XIV, cette liqueur est issue de framboises rouges et de mûres auxquelles sont ajoutés miel, vanille et cognac. Elle appartient à un groupe anglo-saxon et est essentiellement commercialisée à l’étranger. China-China Produite depuis 1875, cette liqueur amère est obtenue par macération / distillation de peaux d’oranges douces et amères auxquelles sont ajoutées diverses plantes et épices dont de l’anis, du quinquina et de la gentiane ainsi que du caramel pour la couleur. Menthe Pastille Élaboré à la fin du 19e siècle par Emile Giffard, pharmacien herboriste d’Angers, il s’agit d’une liqueur rafraîchissante à base de menthe poivrée Mitcham. Maurin Quina Apéritif auvergnat né en 1884, il résulte de la macération de griottes et autres cerises dans du vin auquel est ajouté quinine et amandes amères. Suze Cet apéritif est un mélange d’infusion et d’esprit de gentianes sauvages et cultivées obtenu par macération puis distillation auxquels sont additionnés du sucre et des extraits de nombreuses plantes aromatiques. La marque est née en France en 1889 mais certains attribuent une origine suisse à cette boisson. D.R. Eynaud, de Pernod. « Elles ont l’avantage de pouvoir entrer dans la composition de cocktails classiques et de permettre des créations personnelles », ajoute Elie Denoix. Par ailleurs, des modes traditionnels de consommation des liqueurs réapparaissent, par exemple avec de l’eau gazeuse et du citron ou en long drinks comme les « fizz » et les « sour ». Une vogue dont profitent également la Liqueur de Chambord, le Noyau de Passy, le Birlou ou encore l’Elixir Combier. Toujours à la recherche de nouveautés afin de se distinguer de la concurrence et de faire le buzz, ces barmans poussent en outre les liquoristes à créer de nouveaux produits. Ainsi, Vedrenne vient-il de lancer la première liqueur d’aloe. Quant à la maison Joseph Cartron, elle a récemment sorti une liqueur de sureau et une crème de mirabelle. « Les clients consomment moins, mais mieux. Ils recherchent la qualité et le terroir », souligne Judith Cartron dont la société n’a pas moins de 70 produits à son catalogue. « Mais les basiques restent les plus importants et la crème de cassis représentent à elle seule un tiers de nos ventes ». Mais des nouveautés apparaissent même sur ce créneau. Mickael Antolin, jeune liquoriste de Bourgogne, vient de lancer une crème de cassis premium élaboré à partir de la variété Noir de Bourgogne à laquelle est associée un peu de vanille de Madagascar et de violette. Un produit qui, comme la plupart de ces apéritifs et liqueurs, ne se trouve que dans les grands hôtels, les bars à cocktails, les épiceries fines et les cavistes. « Les journaux en parlent beaucoup mais la tendance ne fait que s’amorcer en dehors du monde des cocktails » précise Elie Denoix dont la société enregistre toutefois une croissance à deux chiffres sur le Birlou, une liqueur de pommes et de châtaignes lancée il y a une quinzaine d’années. « Un des problèmes que nous rencontrons pour les diffuser plus largement auprès du grand public est que les grandes surfaces ne référencent pas les produits sur lesquels elles ne font pas assez de chiffres », souligne Claudine Eynaud. L’Information Agricole - N° 889 Juillet-Août 2015 | 17 Dossier | Tendances boissons Q Philippe Jugé, organisateur avec Franck Poncelet, du Salon France Quintessence Augmenter en visibilité Un premier salon pour les spiritueux aura lieu en septembre. L’un des organisateurs, Philippe Jugé nous explique l’orgine de ce salon, pour lequel il espère un vrai développement et une lisibilité pour ces produits « made in France » à l’étranger. Il y a, selon lui, « un joli coup à jouer » . ’ Photos : Eric Pérez L Information Agricole – Pourquoi avez-vous monté ce salon ? Philippe Jugé Q Il n’y a pas de caisse de résonnance à l’échelle nationale pour les spiritueux de France. On en connaît tous la qualité mais la plupart des marques – à quelques exceptions près – dans toutes les catégories (en dehors du cognac peutêtre) souffre d’un manque de visibilité. Et finalement, les Français connaissent très mal leur spiritueux. Quand vous croisez un Ecossais, en deux minutes, il vous parle du whisky. Et en plus, sans dire de bêtises, parce qu’il sait vraiment de quoi il parle. De notre côté, spontanément nous parlerons de gastronomie – de nos spécialités et de nos chefs –, nous parlerons de vin et champagne mais rarement de spiritueux. Parce qu’on ne les connaît finalement pas si bien que cela. Il faut que la France et les Français se réapproprient leurs spiritueux, qu’ils en soient fiers. Et pour cela il faut les connaître et savoir en parler. Nous pensons qu’aujourd’hui le moment est propice : le made in France est plutôt tendance, tout comme l’ambition « locavore ». Une nouvelle génération de producteurs et/ou d’entrepreneurs arrive au commande des distilleries ou des marques, insufflant une nouvelle énergie et ce, dans toutes les catégories. Et puis l’euro baisse, ce qui renchérit les spiritueux en provenance de la zone livre (whisky écossais) ou dollar (bourbon américain ou rhums des Caraïbes). Il y a donc un joli coup à jouer pour les spiritueux de France. I. A. – Quelles sont vos ambitions pour son développement ? Ph. J. Q La première ambition du salon France Quintessence, c’est de rattacher les spiritueux de France à notre gastronomie, à cet art de vivre à la française que l’on envie tant. Au même titre que nos grands vins, que nos champagnes, les spiritueux de France font partie intégrante de notre patrimoine gastronomique et gustatif. C’est la raison pour laquelle notre salon se tient au Pavillon Ledoyen, dont le chef 3 étoiles Michelin et 5 toques Gault & Millau est l’un de nos plus fameux ambassadeurs. La seconde ambition, c’est de montrer l’incroyable diversité de la production française, 18 | L’Information Agricole - N° 889 Juillet-Août 2015 un cas unique à l’échelle mondiale. On produit tous les types de spiritueux : absinthe/ anisés, armagnac, calvados, cognac, eaude-vie de fruit, gin, liqueur, rhum, vodka ou whisky. En quantité, la production de vodka en France dépasse celle du cognac. Tout le monde veut de la vodka française aujourd’hui, des USA à l’Asie. De la même manière, il y a 35 distilleries de whisky en France pour des ventes estimées à 700 000 bouteilles. A comparer aux 600 000 bouteilles de whisky japonais, dont on parle beaucoup plus. I. A. – Quelles retombées en attendezvous en France et hors frontières ? Ph. J. Q Le but est bien de mettre un coup de projecteur sur les distilleries françaises, leur savoir-faire et leur histoire, transmis de génération en génération encore aujourd’hui pour beaucoup d’entre elles. Nous souhaitons que les spiritueux de France puissent se montrer unis et tous ensemble pour une question d’image mais aussi faire du business. L’union fait la force et permet d’être visible de plus loin. Et ce genre de message et de manifestation a toujours un retentissement qui dépasse le strict cadre français. Une fois que l’on a dit cela, et si nous réussissons notre pari (celui de raccrocher les spiritueux français à la gastronomie et/ou de montrer leur diversité), il sera facile d’exporter le concept France Quintessence dans le monde anglo-saxon (Londres ou NewYork) ou en Asie (Singapour, Taïwan ou Hong Kong). Certaines marques ou catégories n’ont pas attendu France Quintessence pour y réussir mais nous pensons qu’il y encore mieux à faire. Propos recueillis par Claire Nioncel Tendances boissons | Dossier Q Outre-Mer Le rhum en pleine effervescence La gamme des rhums et des boissons à base de cet alcool s’élargit d’année en année. Un dynamisme qui permet à la filière de grignoter des parts de marché aux dépends des autres spiritueux et de toucher de nouveaux clients. Photos D.R. T roisième alcool le plus vendu au monde après le whisky et la vodka, également en troisième position en France derrière le whisky et les apéritifs anisés, le rhum a durant la dernière décennie vu ses ventes croître de 40 %. Plusieurs raisons expliquent ce succès. La vogue des cocktails mais aussi une montée en gamme, une plus grande segmentation de l’offre et l’arrivée de nouveaux produits. Parmi ces derniers, le plus surprenant est sans conteste Appolinaire, un rhum pétillant de 12,5° qui peut se boire nature ou entrer dans la composition de cocktails. Lancé en 2013, fabriqué en France à partir de rhums martiniquais et guadeloupéens, il est obtenu par une légère distillation suivie d’une fermentation en bouteille dont la durée de 2 à 8 mois influe sur le degré d’alcool et les arômes. De son côté, la distillerie réunionnaise Isautier vient de lancer « aRhumatik », une boisson de 14,8° combinant rhum brun, extrait de stévia, purée de mangue, jus de pomme, d’orange et de fruit de la passion qui est vendu en bag in box de 3 litres. « Pour toucher une clientèle féminine et sportive ainsi que les seniors ». Un produit pour l’instant uniquement vendu à La Réunion qui va être décliné en bouteille de 50 cl. La même société produit également des punchs et depuis 2010 des rhums arrangés tels que café-vanille, gingembre-citron ou encore banane flambée. Spécialité réunionnaise, le rhum arrangé enregistre une progression à trois chiffres et plusieurs distilleries ou embouteilleurs de métropole ou des Antilles se sont également positionnés sur ce créneau. Aux Antilles, les marques Maison Mauny, Longueteau, Old Nick et Toucan ont quant à elles sorti des Spiced Rhums, spécialité jusqu’alors anglo-saxonne qui consiste en un mélange d’épices et de rhum. Dans le même temps, les grands amateurs de spiritueux se voient proposer un choix de plus en plus important de rhums vieux millésimés, pour certains des single cask, commercialisés dans de superbes carafes. Des produits qui gagnent des parts de marchés sur le cognac et le whisky pur malt grâce à leur excellent rapport qualité-prix. « La demande est en hausse et nous mettons actuellement beaucoup de rhums en vieillissement » affirme-t-on à la Maison Mauny. Et ce n’est sans doute pas fini car pour le groupe Bernard Hayot, propriétaire des marques Clément et JM, le rhum agricole français doit devenir ce que le single malt écossais est au whisky. Parallèlement, l’offre est de plus en plus segmentée afin de toucher un plus grand nombre de consommateurs et de satisfaire les attentes des experts en mixologie des bars à cocktails. Ainsi peut-on désormais trouver des rhums bruns vieillis dans des fûts de chêne de l’Allier, du Limousin, des Vosges, du Nivernais ou du Kentucky et ayant précédemment contenus Bourbon, Sauternes, Cherry ou cognac. Une tendance qui se retrouve dans les rhums blancs où les distilleries jouent sur les méthodes de distillation et les alambics utilisés pour obtenir des produits aux qualités organoleptiques différentes. En Guadeloupe, Bologne vient en outre de sortir un rhum exclusivement produit à partir de canne noire, une variété plus difficile à cultiver mais plus aromatique. Quant à la distillerie martiniquaise HSE, elle est la première à commercialiser des rhums blancs millésimés. Thierry Joly L’Information Agricole - N° 889 Juillet-Août 2015 | 19 Dossier | Tendances boissons Q Origin Une boisson grenobloise bio La start-up grenobloise Natura France a lancé récemment une gamme de boissons 100 % bio et naturelle. Ces jus commercialisés sous le nom d’« Origin » sont élaborés à partir d’hibiscus, thé vert, menthe, rhubarbe ou encore sucre de canne. L a start-up grenobloise co-fondée par Maewan Melguen et Sébastien Napol, lauréate 2014 du concours Réseau entreprendre Isère, Natura France a sorti une gamme de quatre boissons rafraîchissantes : des jus, commercialisés sous le nom d’Origin, composés de plantes et proposant de nouvelles saveurs : hibiscus, jus de canne, thé vert, menthe ou encore rhubarbe. Ingrédients français Les produits Origin sont d’ores et déjà distribués dans une quinzaine de magasins, épiceries bio, restaurants rapides hauts de gamme et jardineries de l’agglomération grenobloise. Puis, à partir de maintenant, ces boissons sont disponibles dans des enseignes françaises renommées comme Colette, L’Eau vive ou encore La Grande épicerie de Paris. Avec un chiffre d’affaires de 300 000 euros en 2015, la start-up grenobloise espère engranger un million d’euros d’ici trois ans et 5 millions d’ici 2020. L’entreprise cible, dans un premier temps, le réseau de proximité dans le cadre d’un développement régional. Claire Nioncel Photos : D.R. Dans une logique de développement durable, l’entreprise se fournit en France pour les matières premières, à l’exception de l’hibiscus qui provient d’une coopérative bio du Burkina Faso, en Afrique. L’embouteillage des boissons biologiques est réalisé quant à lui, en Alsace. Développement régional 20 | L’Information Agricole - N° 889 Juillet-Août 2015 Tendances boissons | Dossier Q Le ratafia champenois Un patrimoine sauvegardé Photos R. C. Le ratafia champenois aura bientôt son IG (indication géographique) reconnue par l’Europe. Une protection et un signe de qualité qui récompensent le travail effectué par une poignée de passionnés. À leur tête Claude Giraud, vigneron à Aÿ et président de l’association des producteurs de ratafia. Claude Giraud. Q uand il évoque le ratafia, Claude Giraud est intarissable. « C’est un produit énorme, universel, apprécié quels que soient les continents. On a le sucre naturel du raisin, l’acidité du champagne et le calcaire typique du terroir. Bien travaillé, il se marie aux desserts, aux fromages, aux viandes sucrées, aux poissons crus, aux fruits de mer… ». Son prochain classement en IG est une consécration. « Cette reconnaissance va nous donner l’outil pour progresser », relève le président des producteurs. « Tout part de 2008 avec une décision de la Cour européenne qui veut mettre à jour les appellations », explique Claude Giraud. Dans les annexes est repris l’intitulé ratafia de Champagne. Alors que le ratafia n’a jamais fait l’objet d’une quelconque protection. Un marathon est alors engagé pour lui permettre d’obtenir une reconnaissance en indication géographique. « Si les Champenois ne réagissaient pas, l’indication géographique ratafia de champagne allait disparaître définitivement le 20 février 2015 sur l’autel de l’Europe », ajoute Claude Giraud. L’association des producteurs de ratafia de champagne est constituée le 13 janvier 2009 pour obtenir le fameux classement en IG. « Les débuts ont été un peu compliqués et, après trois ans de discussion avec l’interprofession, nous sommes arrivés à organiser la filière des coproduits », complète Claude Giraud. Rapidement il a été acté que le mot « champagne » était remplacé par « champenois », « et que ça n’était pas un drame ». En 2014, est créée l’association des producteurs de boissons spiritueuses à indication géographique champenoise qui comprend le ratafia champenois, le marc champenois et la fine champenoise. Elle est présidée par Claude Giraud et elle compte 120 membres. Dans la foulée, les trois cahiers des charges sont déposés. Ils sont validés par l’Inao, « qui nous a reconnus en tant qu’ODG – organisme de défense et de gestion ». Une troisième structure qui s’ajoute à l’ODG champagne et à l’ODG rosé des Riceys. Ratafia, marc et fine « L’AOC champagne, c’est 82 % du jus de raisin soit 1,6 kg de raisin pour 1 litre de jus, dans les autres régions c’est 1,3 kg », analyse le président. Les 18 % qui restent peuvent être valorisés mais ne bénéficiaient pas d’un cadre protégé. « Au ratafia, nous avons associé les alcools, le marc de champagne qui était protégé en AOR et la fine qui s’appelait eau-de-vie de vin de la Marne, sans aucune valorisation », ajoutet-il. « Pour élaborer le ratafia nous avons demandé 116 l de rebêche, une limite qui correspond à l’ancienne deuxième taille ». Tout le raisin de champagne est donc utilisé puisqu’il faut ajouter 32 l d’alcool à 10 % aux 116 l de jus pour élaborer le ratafia. Cela représente un potentiel de 15 à 18 millions de bouteilles pour l’AOC – un million sont vendues actuellement. Avec un prix de commercialisation qui peut atteindre les 30 euros. « Ce n’est plus un apéritif à base de vin, nous visons la gastronomie, le ratafia est extraordinaire sur les fromages », explique le président. « L’ensemble de la filière champagne est désormais structuré et valorisé», souligne Claude Giraud. Sur le plan environnemental, rien n’est gaspillé et c’est important pour l’image de la Champagne. Richard Cremonini, La Marne viticole DE L’ALCOOL ET DU MOÛT DE RAISIN DE CHAMPAGNE Le ratafia champenois a une couleur allant de jaune paille à ambré. Il se caractérise par des arômes fruités et de minéralité. Il présente un équilibre entre sucré et acidité. La fabrication du ratafia champenois consiste à mélanger l’alcool d’origine viticole avec du moût de raisin pour l’aromatiser. Cette opération est réalisée dans un délai court après le pressurage afin de préserver la fraîcheur du moût. De plus, la proportion d’eau-de-vie de marc est limitée afin de ne pas masquer les arômes premiers, arômes fruités. La maîtrise de cette étape conditionne la qualité du produit fini. Le savoir-faire des fabricants et des maîtres de chai contribue à ce que le ratafia champenois exprime pleinement les arômes tirés de sa matière première. La fabrication doit avoir lieu dans un délai de 20 jours après la date de pressurage des raisins entrant dans la composition des moûts mis en œuvre. Afin de ne pas masquer les arômes premiers des moûts de raisin, l’eau-de-vie de marc ne peut pas représenter plus de 20 % du volume d’alcool pur total des alcools utilisés lors de l’élaboration. Après fabrication, le ratafia subit une maturation de 10 mois minimum avant conditionnement. Celle-ci est réalisée en cuves ou en fûts. L’emploi de copeaux de bois est interdit. L’Information Agricole - N° 889 Juillet-Août 2015 | 21 Dossier | Tendances boissons Q Les microalgues Boissons bien-être de demain La spiruline est une micro algue aux propriétés nutritives si extraordinaire qu’elle a été rapidement hissée au rang de super aliment, capable entre autre de lutter contre la famine. En France, un certain nombre d’entrepreneurs tentent aujourd’hui d’encapsuler toute ses richesses. Photos D.R. D VLP : Connaissez-vous aujourd’hui un produit, trois fois plus protéiné que la viande, vingt fois plus riche en fer que le blé complet et contenant pratiquement toutes les vitamines à l’exception de la vitamine C ? La solution n’est pas à chercher du côté de la terre mais bien de la mer, et plus précisément dans la famille des micros algues. La spiruline, plus célèbre espèce de ce groupe, a gagné ses lettres de noblesse à partir des années 80, dans la réponse qu’elle a su apporter aux problématiques alimentaires connues par des pays en crise. Ainsi, si aujourd’hui l’image de cette algue est associée à l’Afrique notamment, c’est oublier que la France a joué un rôle essentiel dans la connaissance de la spiruline. En effet, en 1939, c’est un pharmacien de Bordeaux, le professeur Creac’h, qui s’intéressa le premier à des galettes séchées vert bleuâtre découvertes par hasard sur un marché de Massakong (Tchad) et c’est un autre scientifique bordelais qui décrivit les propriétés de cette algue en 1940. Par la suite dans les années 60, les Américains et les Japonais se sont penchés sur les vertus et les applications quasi miraculeuses de cette nouvelle matière première. En France, les problématiques alimentaires étant foncièrement différentes des pays en voie de développement, la spiruline s’est principalement faite connaître sur le marché des compléments alimentaires. Cela permit ainsi le développement d’une filière de production française à partir des années 90, notamment dans le Languedoc et en Bretagne. Aujourd’hui on compte 22 | L’Information Agricole - N° 889 Juillet-Août 2015 une centaine de producteurs pour une production globale d’une trentaine de tonnes. Cette connaissance acquise permet aujourd’hui à la France d’avoir un atout certain dans le développement croissant de ce marché innovant. Or dans ce secteur dynamique des aliments bien-être, nombreux sont les analystes qui parient actuellement sur le futur d’un produit : la spiruline à boire. Sur ce nouveau segment de la « boisson fonctionnelle », plusieurs start-ups et sociétés françaises sont en pointe, à l’image de la marque Bloo tonic. Le projet Bloo tonic a été initié par Guy Valois en 1995, un morbihannais, créateur d’aliments. En 2004, alors qu’il travaillait sur l’élaboration d’un produit à base de spiruline, il fit une erreur de manipulation et découvre par hasard des propriétés colorantes bleues de la spiruline. Depuis l’aventure s’est prolongée en passant par une phase de développement/ recherche particulièrement importante afin de garder, par un procédé d’extraction à froid, toutes les propriétés du produit de base. Au final, l’activité antioxydante de la phycocyanine présente dans Bloo tonic est 50 fois plus grande dans l’extrait liquide que dans la spiruline sèche selon son dévelopeur actuel Didier Nicol. Autre intérêt du projet, sa dimension locale forte, puisque la spiruline utilisée est cultivée dans la presqu’île de Guérande à Assérac. Le produit est aujourd’hui sur le marché revendu principalement dans les boutiques spécialisées et centres de fitness. Souhaitons donc à Bloo Tonic de connaître le même succès que son homologue, le Breizh Cola ! Jean-Baptiste Boucher Tendances boissons | Dossier Q Sojufel De purs jus de fruits et légumes L’entreprise Sojufel, basée en Provence, propose aux producteurs locaux la transformation d’une partie de leur récolte en jus. Une initiative qui permet, outre de fournir de bons produits, une plus grande valorisation de la production agricole toute l’année. Un process simple et rapide Les agriculteurs apportent une partie de leurs récoltes (fruits, légumes ou baies) et l’entreprise se charge alors de la transformer en délicieux jus directement sur place, à Saint-Andiol. Les producteurs les vendent ensuite au sein de leur propre exploitation ou dans tout réseau de distribution à leur convenance. Ce qui permet un débouché pour les producteurs de la région. Ce service comprend le conseil et l’accompagnement tout au long du process de fabrication, la transformation des fruits et des légumes en jus et la mise en bouteille (possibilité de réaliser un produit fini sur mesure). L’extraction naturellement d’un maximum de jus est effectuée grâce à un pressage traditionnel et progressif. L’embouteillage est immédiat afin de préserver l’arôme des fruits et des légumes. La société travaille avec des producteurs issus du Grand Sud, de Narbonne à Nice. Sélection de variétés « Depuis le début de notre collaboration, il y a 5 ans, nous avons bénéficié de véritables conseils pour la production de nos nectars », témoigne les six couples de producteurs de Terre de Crau. « Sojufel nous a, par exemple, appris à sélectionner les variétés les plus aromatiques. Ensemble, nous analysons les sucres présents dans les fruits, un aspect qui définira s’ils peuvent être utilisés. Notre collaboration ne repose pas seulement sur la transformation, c’est un accompagnement et un service qui nous permet d’avoir un produit fini très qualitatif ». Moins de pertes « Transformer une partie de nos récoltes est un gain important pour nous. Grâce à cette alternative nous comptons beaucoup moins de pertes, ce qui implique une valorisation plus importante de nos récoltes. De plus, grâce à une DLUO (Date limite d’utilisation optimale, ndlr) de 3 ans nous pouvons conserver nos jus et les vendre toute l’année », soulignent aussi les producteurs de Terre de Crau. « Le service de transformation des fruits en jus permet une valorisation de l’ensemble de ma production. Je peux par exemple utiliser des pommes comme les petits calibres que je ne vends pas directement », explique de son côté Stephan Charmasson, producteur de pommes bio à Arles au Mas Daussan. Il travaille aussi en partenariat avec Sojufel, pour « définir le meilleur assemblage de différentes variétés de pommes ». Claire Nioncel Photos D.R. G râce à des techniques de pasteurisation adaptées à chaque type de produits, la durée de conservation des jus élaborés par la société est de 3 ans. Cette technique préserve ainsi toutes les saveurs des fruits pour proposer des jus savoureux et authentiques. C’est grâce à cette expérience dans l’assemblage et l’élaboration de jus de fruits, mais également de leur connaissance approfondie de plus de 150 variétés de fruits et de légumes, que les techniciens et l’ingénieur-conseil mettent leurs connaissances au service des agriculteurs pour les conseiller et les accompagner dans leur démarche. PLUS DE 4,5 MILLIONS DE BOUTEILLES PAR AN Créé en 1982 et dirigé aujourd’hui par Arnaud Redheuil, Sojufel produit plus de 4,5 millions de bouteilles par an. L’entreprise compte aujourd’hui 20 salariés et a réalisé en 2014 un chiffre d’affaires de 4,3 millions d’euros ; elle est référencée par les organismes professionnels UNIJUS (Union Nationale Interprofessionnelle des Jus de fruits) et QUALIJUS (l’Institut Professionnel pour la Qualité des Jus de fruits). L’ensemble de son process de fabrication est certifié Ecocert. L’Information Agricole - N° 889 Juillet-Août 2015 | 23 Dossier | Tendances boissons Q Bières La brasserie près de chez vous Les bières artisanales véhiculent les valeurs du savoir-faire local. Elles répondent à l’engouement actuel des consommateurs pour les produits de terroir. La brasserie derrière le comptoir Fabriquer la bière au plus près du consommateur et donc intégrer la brasserie dans le pub lui-même, c’est le concept développé par FrogPub™. La cuverie est visible. Les cuves de fermentation en cuivre rouge deviennent un élément de décoration, leur chaude couleur participe à l’ambiance. On en oublierait presque que dans ces cuves, fermentent effectivement les derniers brassins ! Mais l’odeur subtile du malt pendant les heures de brassage rappelle aux amateurs de bière qu’ils sont au cœur d’une brasserie. La gamme offerte comprend six bières : une blonde légère pour commencer, puis une blanche aux notes d’écorce d’orange et de coriandre, une bière parfumée au gingembre (la fameuse Ginger Twist), une pale ale bien houblonnée, une bière rousse maltée et enfin une stout. Ces bières sont toutes fabriquées sur place. Après brassage et fermentation, elles reposent dans des cuves de garde où elles vont se clarifier et leur goût s’affiner, avant d’être servies directement aux pompes du comptoir. Le consommateur bénéficie d’une bière fraîche (dans les deux sens du terme) et vivante (pas de pasteurisation). Les habitués vont remarquer les changements subtils des arômes d’un brassin au suivant. Le brasseur est là, ils peuvent lui adresser directement félicitations, critiques ou idées nouvelles. Derrière le comptoir, la brasserie. Entre tradition et modernité Les brasseries artisanales cherchent à valoriser un savoir-faire ancestral dans le respect des traditions, mais sont aussi de véritables fermenteurs d’idées nouvelles, leur échelle permet d’en faire des lieux d’expérimentation, avec une volonté d’explorer de nouvelles voies. Une brasserie artisanale reflète aussi une approche alternative tournée vers la flexibilité, l’adaptabilité et le service client. Une brasserie artisanale ne se définit pas par son statut juridique, ni par sa taille, toujours modeste au demeurant, mais par le brasseur lui-même. En effet la qualité d’une bière artisanale et la notoriété qui en découle dépendent au premier chef du brasseur lui-même. Ici, l’ensemble des étapes de fabrication est réalisé manuellement, et tout repose sur le savoir-faire, l’attention et le soin du brasseur pour ajuster à tous les instants la production. Chaque brassin est une œuvre origi- 24 | L’Information Agricole - N° 889 Juillet-Août 2015 nale. Au fil du temps, la bière est à la fois la même et différente. Chaque brasseur a le souhait de partager sa passion et de faire découvrir au plus grand nombre des produits goûteux, alternatifs aux bières industrielles intéressantes mais standardisées. En tant que brasseur dans une brasserie artisanale, je me sens une grande liberté pour choisir les matières premières (malt, houblon) et pour créer de nouvelles bières. L’outil me donne une grande souplesse pour le faire. Je peux donc élaborer des bières en recherchant équilibre et subtilité dans les arômes. Entre autres, la diversité actuelle des houblons offre, au-delà de l’amertume recherchée, une grande variété de notes aromatiques. Et c’est bien cette culture de l’expérimentation et cette ouverture d’esprit qui contribuent au renouveau de la brasserie artisanale et à l’intérêt grandissant des amateurs de plus en plus nombreux. Extrait d’Agro-mag Eugénie Maï-Thé Groupe FrogPubs Photos E. Maï-Thé M algré un contexte global qui tend à faire baisser la consommation de bière, les bières de spécialité caractérisées par un procédé de fabrication non standardisé sont en essor. Elles correspondent à une demande plus qualitative et à la recherche d’authenticité. Les cuves de fermentation font le décor. Tendances boissons | Dossier COMMENT ÇA MARCHE La bière : secrets de fabrication DE L’ÉPI AU DEMI + Malt Eau = 93 % Ingrédient de base de la plupart des bières, il est obtenu par une germination de l'orge ou plus rarement du blé, de l'avoine ou du maïs. Ce sont ces céréales rôties puis réduites en farine qui vont donner goût et couleur à la bière. Réservoir d'eau chaude : la bière est faite à 93 % d'eau et il faut compter 5 à 6 litres d'eau pour fabriquer un litre de bière. Cuve d’empâtage Le malt est mélangé à l'eau chaude, transformant les céréales en sucres. Le liquide obtenu, le moût, est filtré. + Houblon Consommation La bière est dégustée… avec modération ! Embouteillage La bière est mise en bouteilles, en canettes ou en fûts, en évitant tout contact avec des agents pathogènes et avec l'oxygène afin de minimiser sa dégradation. La fleur séchée de cette plante est comme une épice qui donne son goût amer à la bière. Chaudière à moût Maturation Après avoir été filtrée à nouveau, la bière est vieillie pendant plusieurs semaines ness dans des réservoirs à une température proche de 0°C, où elle développe son goût. Le moût est bouilli, puis envoyé dans une cuve où il se débarrasse des résidus solides. CO2 + Levure Le moût est refroidi avant qu'on y ajoute la levure qui va transformer les sucres en alcool. Fermentation Ce processus dure de 3 à 12 jours durant lesquels la température est minutieusement contrôlée. La bière en chiffres 18 d’hectolitres de bière produits en France en 2012 Tchèques Autrichiens 8e producteur d’Europe 138 108 Allemands 101 Irlandais Année d’invention de la bouteille de 33 cl millions En 2011, en litre/habitant/an 109 1949 19,9 millions Les plus gros buveurs de bière 98 Estoniens 94 Lituaniens d’hectolitres consommés, soit 30 litres par an et par habitant 89 Finlandais 1953 Année d’invention de la canette métallique 84 Slovènes 82 76 Belges Britanniques L’Information Agricole - N° 889 Juillet-Août 2015 | 25