Document de plaidoyer sur les enjeux électoraux en RDC Mission

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Document de plaidoyer sur les enjeux électoraux en RDC Mission
Bruxelles, le 10 juin 2014
Document de plaidoyer sur les enjeux électoraux en RDC
Mission de l’Eurodéputée Mariya Gabriel en RDC (9-13 juin 2014)
A l’occasion de la mission à Kinshasa de l’Eurodéputée Mariya Gabriel (chef de la mission
d’observation électorale de l’Union Européenne en RDC en 2011), le Réseau Européen pour
l’Afrique Centrale (EurAc) et ses 38 organisations membres souhaitent attirer son attention sur des
préoccupations liées au processus électoral inachevé en RDC. Ainsi, ils soutiennent le plaidoyer de
leurs partenaires de la société civile congolaise.
En République Démocratique du Congo (RDC), la construction d’un État de droit démocratique
souffre d’une centralisation excessive du pouvoir à Kinshasa, d’une impunité généralisée, du manque
de redevabilité des élus politiques envers la population, et des faibles capacités des institutions à
respecter et faire appliquer la loi. Dans ce contexte, les organisations de la société civile congolaise
exercent avec grande difficulté leur rôle démocratique de chien de garde .
Conséquences des élections de 2011
Les élections présidentielles et législatives (Assemblée Nationale) du 28 novembre 2011 furent
marquées par d’importantes lacunes en termes de préparation et de nombreuses irrégularités lors
de la récolte et compilation des résultats. En conséquence de quoi, la crédibilité des résultats du
scrutin a été sérieusement remise en cause1. Les observateurs congolais et internationaux ont
clairement pointé du doigt le rôle néfaste de la Commission Electorale Nationale Indépendante
(CENI) .
Les élections de 2011 ont engendré une crise de légitimité aujourd’hui exacerbée par le coup d’arrêt
donné à la décentralisation, ainsi que par le report des élections provinciales prévues en 20122 et des
élections locales, attendues depuis 2006.
Afin de répondre aux critiques qui lui était adressée, la CENI a été reformée en 2013 et l’Abbé Malu
Malu a remplacé Ngoy Mulunda à sa présidence. Malgré la représentation de la société civile en son
sein, des inquiétudes quant à son indépendance demeurent : la majorité des personnalités qui la
composent sont issues de la classe politique et sont, pour la plupart, proches de la majorité
présidentielle.
Considérant l’intense calendrier électoral qui se dessine en RDC d’ici fin 20163, les trois prochaines
années sont déterminantes en vue de mettre un terme aux dysfonctionnements et à la crise de
légitimité des institutions. Une bonne préparation et une bonne organisation des prochains scrutins
sont donc cruciales pour la stabilité du pays.
1
Mission d’Observation électorale de l’Union Européenne en RDC 2011, Rapport Final, Elections Présidentielles et
législatives 28 novembre 2011 (http://www.eueom.eu/files/pressreleases/english/moeue-rdc2011-rapport-final_fr.pdf);
The Carter Center, Presidential and legislative elections in DRC, November 28 2011, Final Report
(http://www.cartercenter.org/resources/pdfs/news/peace_publications/election_reports/drc-112811-elections-finalrpt.pdf)
2
De ce fait, les Députés, Sénateurs, membres des Gouvernements provinciaux élus en 2007 exercent leur mandat et sont
payés comme tel en toute illégalité depuis 2011.
3
Elections locales, provinciales, présidentielles et législatives
Feuille de route de la CENI : rejet et autres propositions
La nouvelle CENI a présenté en janvier 2014 une feuille de route du processus électoral 2013-2016
proposant deux hypothèses pour l’organisation des différentes élections. La première hypothèse
prévoit de tenir en 2015 des élections municipales et locales au suffrage directe et celles des députés
provinciaux, des sénateurs, des gouverneurs et vice-gouverneurs, des conseillers urbains, des chefs
de secteur et des bourgmestres et maires et maires adjoints au suffrage indirect. L’élection des
députés nationaux et du Président se tiendrait dès lors au suffrage direct en 2016 .
La seconde hypothèse prévoit la tenue en 2015 des élections municipales et locales au suffrage
direct et celles des conseillers urbains, des chefs de secteur, des bourgmestres et des maires au
suffrage indirect. Elle reporte l’élection au suffrage direct des députés provinciaux et nationaux en
2016, au même moment que l’élection présidentielle, et propose de tenir l’élection des sénateurs et
des vice-gouverneurs au suffrage indirect en 2017.
Les hypothèses présentées par la CENI ont été contestées par des partis de l’opposition et des
organisations de la société civile congolaise. Le recours au mode de suffrage indirect, qui
nécessiterait une révision de la constitution, a été rejeté en bloc. La plateforme d’ONG AETA4 avait
proposé, dans un document publié le 30 avril 2014, une alternative respectueuse de la constitution :
elle demandait l’organisation des élections provinciales, législatives et présidentielles directes en
2015-2016, estimant préférable d’organiser les élections locales après 2016. De son côté, le Comité
permanent de la CENCO5 insiste sur l’importance des élections locales, et est favorable à
l’organisation conjointe des élections locales et provinciales par suffrage directe en 20156.
Au vu du calendrier des élections urbaines, municipales et locales publié le 26 mai 2014 par la CENI,
les propositions de la société civile n’ont manifestement pas été prises en compte. Le calendrier
semble opter pour la 2ème hypothèse de la feuille de route de janvier 2014 puisqu’il fixe le scrutin des
conseillers des communes, des secteurs et des chefferies au 14 juin 2015, le vote des conseillers
urbains, des bourgmestres et des chefs de secteur au 29 août 2015, et le scrutin des maires et maires
adjoints au 15 octobre 2015.
La publication de ce calendrier a provoqué de fortes réactions d’organisations de la société civile et
de plusieurs partis d’opposition. Les premières estiment que le calendrier « aggrave la crise de
consensus entre les parties prenantes au processus électoral 2013-2016 »7 et les seconds l’ont
qualifié de « provocation ». Les raisons de ces réactions sont multiples : inquiétudes autour de la
bonne organisation des élections locales, la manque de consensus politique autour du calendrier et,
surtout, le fait que ce dernier omet de clarifier les périodes prévues pour la tenue des élections
provinciales, législatives et présidentielles. Le 3 juin 2014, les envoyés spéciaux de l’ONU, de l’Union
Africaine, de l’Union européenne (UE) et des Etats-Unis ont plaidé lors d’une mission conjointe en
faveur d’un calendrier « global » qui inclut tous les scrutins prévus en RDC d’ici aux présidentielles de
2016.
Difficultés et inquiétudes de la société civile
L’espace démocratique, la liberté d’expression et les conditions de la mobilisation citoyenne se
dégradent au fur et à mesure que se rapprochent les échéances électorales. La fébrilité du pouvoir
en place se reflète dans les moyens qu’il utilise de plus en plus fréquemment pour réprimer
l’expression du mécontentement populaire et des aspirations au changement démocratique8. Dans
4
Agir pour des Elections Transparentes et Apaisées.
Conférence Episcopale Nationale du Congo.
6
Communiqué du Comité Permanent de la CENCO sur le Cycle électoral 2013-2016, 28 février 2014.
7
Position des organisations de la société civile congolaise sur le calendrier électoral de la CENI, Kinshasa 2 juin 2014
8
Arrestations arbitraires, empêchement des déplacements des leaders d’opposition, intimidations et ingérences vis-à-vis
des médias et des ONG).
5
ce contexte, les organisations de la société civile congolaise portent difficilement leurs voix sur la
question des élections. Le climat préélectoral s’assombrit, empêchant un retour à l’apaisement et à
la confiance envers les institutions.
Les inquiétudes de la société civile relatives à la question électorale concernent :
• Les signaux persistants concernant l’intention de la majorité présidentielle de réviser la
constitution en vue de permettre au président Joseph Kabila de briguer un troisième
mandat ou, à défaut, de prolonger son mandat actuel au-delà de 2016.
• L’élaboration de la feuille de route par la CENI, qui s’est déroulée sans réel dialogue avec la
société civile et les partis politiques malgré la constitution des cadres de concertation prévus
à cet effet9.
• Le fichier électoral, dont la fiabilisation actuellement opérée par la CENI ne prévoit pas
d’inclure les « nouveaux majeurs » (ceux qui ont acquis le droit de vote depuis 2011) et de
supprimer les nombreux doublons constatés dans le fichier de 2011.
L’UE a joué un rôle important de soutien au processus électorale en RDC en 2011 à travers l’envoi
d’une mission d’observation électorale et une contribution financière de 47,6 millions d’euros. L’UE a
exprimé son intérêt à soutenir le processus électoral en cours, et la mission de l’Eurodéputé Mariya
Gabriel représente une étape importante pour la définition du type de soutien que l’UE décidera d’y
apporter.
Recommandations
La préparation des élections crédibles sont d’une grande importance pour la consolidation du
processus de démocratisation et de pacification en RDC. EurAc et ses membres demandent à l’UE de
contribuer à l’organisation d’élections démocratiques et transparentes à tous les niveaux d’ici
2016, notamment en :
•
•
•
•
prenant une position claire pour que les articles fondamentaux de la Constitution
congolaise soient respectés et qu’aucune modification n’y soit introduite en vue de rallonger
la durée ou le nombre des mandats présidentiels ou d’autoriser le recours au mode de
scrutin par suffrage indirect ;
encourageant la CENI à recourir au Cadre de concertation pour élaborer (1) une feuille de
route résultant d’un consensus entre les demandes et observations des organisations de la
société (AETA, CENCO, …), des partis de la majorité et de l’opposition, et (2) un calendrier
électoral incluant toutes les élections aux différents niveaux de pouvoir à prévoir d’ici fin
2016 ;
conditionnant le soutien financier de l’UE et de ses États membres au processus électoral (1)
au déroulement inclusif, transparent et apaisé des élections, (2) à un consensus minimal
autour de l’organisation des élections et (3) à l’instauration d’un environnement permettant
à la société civile et à l’opposition politique d’exercer démocratiquement leurs rôles
respectifs ;
soutenant l’action de la société civile congolaise, notamment au travers du financement de
l’éducation civique et électorale.
Contact et information:
Donatella Rostagno
Secrétaire Exécutive |EurAc
[email protected]
Tél : +32 2 213.04.00
GSM : +32 490 437371
9
Le Cadre de concertation mis en place par la CENI pour échanger avec toutes les parties prenantes sur le processus
électoral ne propose pas, dans les faits, un réel espace de discussion.

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