Nouvelle restructuration de la commission électorale: la RDC devrait

Transcription

Nouvelle restructuration de la commission électorale: la RDC devrait
Nouvelle restructuration de la commission électorale:
la RDC devrait changer de modèle
Résumé
Dans les années 90, l’Afrique a connu une
prolifération des commissions électorales en vue
de l’organisation d’élections libres et
transparentes. Malgré ces nouvelles créatures,
les résultats n’ont pas été probants dans tous les
pays. C’est le cas en RDC.
L’analyse comparative réalisée par le BIEPD
montre qu’il existe deux principaux modèles de
commissions électorales en Afrique : celui basé
sur des critères partisans de nomination des
commissaires et un autre basé sur les
compétences et la probité des commissaires
issus de la société civile. Le premier modèle
adopté par des pays francophones n’a pas donné
des résultats probants alors que le deuxième
modèle utilisé dans la plupart des pays
anglophones et au Sénégal est un franc succès.
A la RDC qui a déjà organisé sans succès deux
scrutins majeurs (2006 et 2011) selon le modèle
politique, le BIEPD recommande aux
parlementaires de restructurer la CENI en
adoptant le modèle apolitique de la société civile
afin de sauver sa jeune démocratie plutôt que de
se contenter des changements cosmétiques à un
modèle inefficace basé sur des considérations
partisanes et qui a déjà montré ses limites.
I.
Introduction
À l’instar du mouvement indépendantiste
panafricain des années 60 qui amena la majorité
des pays africains à leurs indépendances, les
années 90 ont été marquées par une prolifération
des « commissions électorales indépendantes ».
Ces commissions sont nées d’un double désir :
d’abord, pour répondre aux exigences de
certains bailleurs de fonds qui ont fait de la
démocratie, en théorie, une condition sine qua
non pour l’octroi de fonds; ensuite, l’émergence
des partis politiques et d’une société civile
soucieux de la transparence électorale.
Ce mouvement a commencé en Afrique de
l’ouest avec le Bénin à la suite de la Conférence
Nationale Souveraine de février 1990, qui s’est
employée à trouver des mécanismes capables de
garantir la transparence des élections. Depuis,
ces commissions électorales indépendantes
pullulent sur le continent et constituent des
chiens de garde pour des élections équitables,
justes et transparentes.
Une étude du Programme des Nations Unies
pour le Développement (PNUD)1 démontre que
sur 148 systèmes électoraux recensés en 1999,
79 (soit 53,4%) ont institué une commission
électorale indépendante, contre 29 (soit 19,4%)
où les gouvernements en place ont la charge
d’organiser des élections et 40 (soit 27,0%) ont
adopté un système mixte c’est-à-dire le
59, rue Sparks St., C.P. 967, Ottawa, Ontario, K1P 5R1, Canada
1 (613) 909-7257 [email protected] www.biepd.org
Bureau International d’Études pour la Paix et le Développement (BIEPD)
gouvernement organise les élections sous la
supervision d’une commission.
La présente analyse qui compare les différentes
approches en fonction des résultats observés
dans certains pays africains vise à éclairer
l’opinion nationale et les diasporas congolaises,
particulièrement les parlementaires (députés et
sénateurs) et les membres du Gouvernement, en
vue d’un choix judicieux en rapport avec la
nouvelle restructuration de la Commission
Électorale Nationale Indépendante (CENI).
partis et formations politiques de la mouvance
présidentielle, cinq personnalités désignées par
les partis et formations politiques de l’opposition
et cinq représentants des organisations de la
société civile. Les membres de la CENI sont
désignés par leurs structures. Ils doivent être de
bonne moralité et jouir de leurs droits civiques.
Les 5 membres proposés par les organisations de
la société civile (OSC) se répartissent de la
manière suivante : 3 pour les communautés
religieuses, 1 pour les autorités coutumières et 1
pour les associations de défense des droits de
l'homme et des libertés.
3. Niger
II.
Modèles africains
Cette section présente un bref aperçu de
différentes
structures
et
modes
de
fonctionnement de certaines commissions
électorales en Afrique. Quelques exemples
répartis entre les pays francophones et
anglophones nous informent sur les différentes
structures mises en place, ainsi que le gain
qu’elles procurent à l’avancement de la
démocratie :
1. Benin
La Commission Électorale Nationale Autonome
(CENA) est composée de onze personnalités
reconnues pour leur compétence, leur probité,
leur impartialité, leur moralité et leur sens
patriotique. Elles sont désignées comme suit :
par le Président de la République (1), par
l’Assemblée nationale (9) et par la société civile
(1). Les membres de la CENA sont
formellement nommés par le Président de la
République, sur proposition du gouvernement,
du
parlement
(quotas
accordés
proportionnellement à la taille des groupes
politiques au sein de l'Assemblée nationale), et
de la société civile, cette dernière renvoyant à
des
entités
associatives
ou
socioprofessionnelles.
La
Commission
Électorale
Nationale
Indépendante (CENI) est composée de 48
membres
dont
les
représentants
de
l’administration, de la société civile, des forces
de défense et de sécurité, du Haut Conseil des
Nigériens à l’extérieur et des partis politiques.
Elle est chargée de l'organisation des scrutins
électoraux (référendum constitutionnel, élections
locales, présidentielles et législatives). Son
président est désigné par le Président de la
République, après consultation des partis
politiques. La CENI nigérienne, a une
particularité de ne pas avoir un nombre fixe de
membres étant donné que ce nombre dépend du
nombre de partis politiques légalement reconnus.
Sa composition s'emploie à y inclure toutes les
autorités plus ou moins impliquées dans le
processus électoral.
4. Côte d’Ivoire
Du fait du climat de suspicion généré par le
conflit, les acteurs ivoiriens se sont entendus,
dans les accords de paix, pour confier
l’organisation des élections de sortie de crise à
une Commission Électorale Indépendante (CEI).
Celle-ci est composée de façon paritaire des
représentants des partis politiques à l’Accord de
Linas-Marcoussis
(en
France)
et
des
personnalités nommées par le Président de la
République et par le Gouvernement.
2. Burkina Faso
5. Mali
La
Commission
Électorale
Nationale
Indépendante (CENI) est composée de quinze
membres : cinq personnalités désignées par les
La loi électorale prévoit trois autorités
compétentes:
la
Commission
Électorale
Nationale Indépendante (CENI), la Délégation
Nouvelle restructuration de la CENI : la RDC doit changer de modèle
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Bureau International d’Études pour la Paix et le Développement (BIEPD)
Générale aux Élections (DGE) et le Ministère
chargé de l’Administration Territoriale. Les
acteurs politiques entrent également en jeu dans
la désignation des membres de la CENI, puisque
la majorité et l'opposition sont admises à faire
des propositions à cet égard. La société civile y
compte également des membres.
La
Commission
Électorale
Nationale
Indépendante est compétente en matière de
supervision et de suivi des opérations
électorales,
référendaires,
présidentielles,
législatives et communales. Sur le plan national,
elle est composée de quinze membres « choisis
ou élus par l’institution ou l’organisation qui les
désigne ».
La délégation générale aux élections «porte
assistance à la CENI à la demande de celle-ci»;
elle est chargée «de l’élaboration et de la gestion
du ficher électoral; de la confection et de
l’impression des cartes d’électeur; du
financement public des partis politiques».
Le ministère chargé de l’Administration
territoriale assure la préparation technique et
matérielle de l’ensemble des opérations
référendaires et électorales; l’organisation
matérielle du référendum et des élections;
l’élaboration des procédures et actes relatifs aux
opérations électorales et référendaires; la
centralisation et la proclamation des résultats
provisoires des référendums et des élections
présidentielles et législatives; l’acheminement
des
procès-verbaux
des
consultations
référendaires, législatives et présidentielles à la
Cour constitutionnelle; la centralisation et la
conservation
des
procès-verbaux
des
consultations électorales communales.
6. Togo
La
Commission
Électorale
Nationale
Indépendante, appelée également CENI, est
composée de 17 membres dont 10 proches de la
Majorité Présidentielle et 7 issus de
l’Opposition. Il faut cependant noter que les
membres de la CENI togolaise sont,
contrairement à ce qui a cours dans la plupart
des autres pays de la CEDEAO, nommés par
l'Assemblée nationale.
7. Sénégal
La Commission Électorale Nationale Autonome
(CENA) est une structure permanente, dotée
d’une personnalité juridique et de l’autonomie
financière. Elle contrôle et supervise l’ensemble
des opérations électorales et référendaires. La
CENA, créée en mai 2005, fait respecter la loi
électorale de manière à assurer la régularité, la
transparence, la sincérité des scrutins en
garantissant aux électeurs, ainsi qu’aux
candidats en présence, le libre exercice de leurs
droits. Le Sénégal a, à l'évidence, fait le choix
d'une CENA « non politisée ».
La CENA du Sénégal comprend douze membres
nommés par décret. Ils sont choisis parmi les
personnalités indépendantes exclusivement de
nationalité sénégalaise connues pour leur
intégrité morale, leur honnêteté intellectuelle,
leur neutralité et leur impartialité. Les membres
de la CENA prêtent le serment suivant devant le
Conseil Constitutionnel : « Je jure d’accomplir
ma mission avec impartialité, de ne me laisser
influencer ni par l’intérêt personnel présent ou
futur, ni par une pression d’aucune sorte. Dans
mon appréciation, je n’aurai pour guide que la
loi, la justice et l’équité. Je m’engage à
l’obligation de réserve et au secret des
délibérations, même après la cessation de mes
activités ».
8. RDC
La
Commission
Électorale
Nationale
Indépendante (CENI), appelée autre fois
Commission Électorale Indépendante (CEI)
jusqu’en mars 2011, est une « institution d'appui
à la démocratie » de la République démocratique
du Congo, créée suite à la Constitution de la
transition et l'Accord global et inclusif signé à
Sun City (en Afrique du Sud). Cet organisme de
droit public congolais est théoriquement
autonome
tant
administrativement
que
financièrement, neutre et doté d’une personnalité
juridique. La CENI actuelle est composée de
sept (7) membres, quatre de la Mouvance
Présidentielle et trois de l’Opposition.
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9. Ghana
La Commission électorale est prévue par l'article
43 (1) de la Constitution. Il est composé de sept
(7) membres: un président, deux vice-présidents
et 4 autres membres qui, tous, sont issus de la
société civile et nommés par le Président sur avis
du Conseil d'Etat. Les trois présidents ont la
même responsabilité à l’égard du Bureau de la
Commission et ont les mêmes conditions de
travail que les juges des cours supérieures
ghanéennes. Au Ghana les membres de la
commission électorale sont nommés à vie. Ils
gèrent la totalité du processus électoral et même
le financement des partis politiques. Ceci leur
confère une indépendance et une autonomie
d’action.
10. Liberia
La Commission Électorale Nationale (CEN) est
une organisation de droit public, autonome et
chargée d'organiser des élections pour tous les
mandats électifs publics et pour administrer et
appliquer toutes les lois électorales à travers la
République du Libéria.
Historiquement, la CEN tire son origine de la
Constitution du Libéria (Article 89). Initialement
composée de 5 membres, la CEN du Liberia a
été restructurée suite à une loi de l’Assemblée
Nationale qui amena sa composition à 7
membres. Cette restructuration a été confirmée
par une entente de paix globale signée le 18 août
2003 à Accra, au Ghana. Les membres de la
commission sont désignés suivant leurs
compétences et sont tous issus de la société
civile.
11. Nigeria
La
Commission
Électorale
Nationale
Indépendante (CENI) est le principal agent de la
démocratie au Nigeria. La CENI est un organe
permanent créé en vertu de la Constitution pour
organiser des élections fédérales et étatiques au
Nigeria. La CENI du Nigeria est constituée de
13 membres, tous issus de la société civile.
III.
Constats
Une étude comparative menée sur les
commissions électorales en Afrique de l’Ouest2
a démontré que la structure des commissions
électorales indépendantes en Afrique obéit à
deux schémas différents : le schéma partisan qui
opère selon des critères politiques et le schéma
non partisan qui mise sur les compétences de la
société civile (apolitisée).
Le schéma politique souligne la représentativité
des partis politiques, soit individuellement, soit
groupés en Mouvance Présidentielle et
Opposition. Dans ce cas, l'on accorde
généralement un tiers (1/3) des sièges au
Pouvoir ou à la Mouvance Présidentielle, un
tiers (1/3) à l'Opposition et un tiers (1/3) à la
société civile. Les formations politiques
disposant ainsi des 2/3 de la commission. La
plupart des pays africains ayant de nombreux
partis politiques déclarés (parfois plus de cent),
le problème consiste à trouver des critères de
sélection appropriés: le critère le plus souvent
retenu est celui de la représentation des partis au
sein des institutions de l'État, ce qui réduit
l'influence de la société civile, et accentue par
conséquent la politisation de la commission. Ce
modèle, basé sur la partisannerie, dont on
tente de camoufler le risque de partialité par
une représentation équilibrée des forces
politiques en présence, est celui qui est le plus
utilisé dans les pays francophones africains, y
compris la RDC.
Le schéma apolitique, quant à lui, écarte toute
influence politique tant sur le plan collectif
qu’individuel. Aucune formation politique (à
titre individuel ou relevant soit du Pouvoir soit
de l'Opposition), aucune institution de l'État n'est
représentée au sein de la commission qui est
essentiellement une émanation de la société
civile. Ce modèle exclut tout élément politique,
qui se traduit, non par la seule exclusion des
partis politiques dans le choix des membres de la
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commission, mais par l'exigence même d'une
non-affiliation partisane, au plan strictement
personnel, des membres qui seront désignés. Le
modèle du Sénégal basé sur une commission
électorale politiquement neutre semble être
expressément ou implicitement privilégié dans la
plupart des pays anglophones (Gambie, Ghana,
Nigéria, Sierra Leone, Libéria).
IV.
Nouvelle restructuration de la
CENI en RDC
Après les élections chaotiques de 2006
organisées par la Commission Électorale
Indépendante (CEI) sous la présidence de l’Abbé
Apollinaire Malu Malu, ayant conduit à un
conflit armé entre les deux candidats au second
tour, la République démocratique du Congo
(RDC) a restructuré la CEI en Commission
Électorale Nationale Indépendante (CENI).
Cette restructuration de nom (ou échange de
soutane, de blanche à noire) a permis au pasteur
Daniel Ngoy Mulunda de remplacer l’Abbé
Malu Malu à la présidence de la Commission.
Ce dernier est connu pour être un cofondateur du
Parti du Peuple pour la Reconstruction et la
Démocratie (PPRD), le parti de monsieur
Joseph Kabila, Président de la RDC et candidat à
l’élection présidentielle de 2011. La CENI avait
pourtant reçu le mandat d’organiser des élections
équitables, justes et transparentes. Cette
restructuration a été aussi une opportunité pour
les partis politiques d’opposition représentés au
parlement (suite aux élections de 2006) d’obtenir
quelques sièges au sein de ladite Commission.
Nous rappelons par ailleurs que la CENI est
composée de sept (7) commissaires, soit quatre
(4) membres de la Mouvance Présidentielle et
trois (3) membres issus de partis politiques
d’opposition.
La CENI, sous la présidence du pasteur Ngoy
Mulunda, a conduit la RDC à des élections
présidentielles et législatives contestées en
novembre et décembre 2011, lesquelles ont miné
la crédibilité des institutions de la République
(Présidence, Assemblée Nationale, Sénat et Cour
Suprême de Justice).
La pression du peuple congolais, appuyé par la
communauté
internationale,
pour
une
restructuration profonde de la CENI a fini par
avoir raison de la classe dirigeante congolaise
qui a reconnu la nécessité et l’urgence de
restructurer une fois encore sa Commission
électorale suite à un manque d’indépendance.
La grande question est de savoir si le
Gouvernement et le Parlement congolais
actuels, tous issus des élections entachées de
« graves irrégularités », selon les observateurs
tant nationaux qu’internationaux, disposent
de la légitimité ou de l’autorité morale
requise
pour
piloter
cette
nouvelle
restructuration. Le Professeur Jacques Djoli,
vice-président du Bureau actuel de la CENI a, en
partie, répondu à cette question en septembre
dernier, en déclarant: «Accepter qu’il y a eu
dysfonctionnement [qui] amène au limogeage de
tout le Bureau et à son remplacement intégral
équivaut à soutenir la thèse de l’illégitimité
totale des institutions issues des élections du 28
novembre 2011.»3
Le Professeur Djoli qui refusait de voir la CENI
couler seule, a rappelé aux députés et au
Gouvernement « Qui vous a fait rois » en
concluant: «A partir du moment où vous sciez
l’arbre sur lequel vous êtes assis, la
conséquence logique est la dissolution de cette
Assemblée et la reconvocation du corps
électoral pour un nouveau scrutin présidentiel.»4
Cette eau peut sembler amère à boire du fait de
sa source qui, pour les uns est un « traitre », et,
pour les autres, un « collabo » qui a trahi la
Patrie en cautionnant une fraude qui a grippé la
machine républicaine de la RDC. Elle demeure
néanmoins une vérité et mérite d'être pris en
compte.
Nouvelle restructuration de la CENI : la RDC doit changer de modèle
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Il serait injuste de considérer que la fraude
électorale de novembre et décembre 2011 en
RDC était l'œuvre du seul pasteur Ngoy
Mulunda et de la Majorité Présidentielle. Les
partis politiques de l'opposition qui étaient aussi
représentés dans la CENI (3 membres) se sont
compromis en validant cette fraude. Ainsi, la
restructuration de la CENI ne doit pas
seulement consister à changer des acteurs
tout en gardant le même modèle qui a
pourtant montré ses limites mais elle doit
consister à un changement de sa composante
structurelle. Les politiciens congolais doivent
comprendre qu'on ne peut pas être à la fois juge
et partie. On ne peut en aucun cas parler de
l'indépendance de la CENI en voyant les mêmes
politiciens qui sont dans la course et en quête de
positionnement politique, contrôler la CENI via
leurs représentants. Les politiciens congolais tant
de la Majorité Présidentielle que ceux de
l'Opposition ont démontré leurs partialités en se
compromettant avec la fraude électorale de
novembre et décembre 2011 et devraient
accepter de laisser la société civile piloter la
CENI comme c'est le cas dans d'autres pays
africains (Sénégal, Ghana, Cape vert, Sierra
Leone et Liberia) où les processus électoraux ont
été un succès.
La Commission Électorale Nationale du Ghana,
l’une des rares à multiplier des succès dans la
conduite des processus électoraux en Afrique,
est citée en exemple dans une étude menée
conjointement par deux experts de l’Afrique de
l’Ouest. «Au Ghana, la Commission électorale a
été incontestablement un succès et tous les
observateurs sont d’accord sur ce point», a
affirmé Ismaïla Madior Fall, professeur de droit
constitutionnel dans une étude5 menée
conjointement avec le politologue béninois
Mathias Hounkpé. Les deux chercheurs
s’accordent sur une réelle indépendance de la
Commission électorale au Ghana, ce qui, selon
M. Fall, a donné des scrutins non contestés, une
rareté que le Ghana partage avec le Cap-Vert et
le Sénégal dans la région ouest africaine.
Au Ghana, les sept commissaires sont
exclusivement désignés pour leurs compétences
et leur moralité. Ils sont tous issus de la société
civile, ce qui confère à la Commission son
indépendance et en fait l’une des commissions
les plus crédibles en Afrique.
Les parlementaires congolais qui n’entendent
pas réinventer la roue comme ils l’ont démontré
en 2011, en restructurant l’appellation de la CEI
en CENI, proposent une nouvelle restructuration
en faisant passer le nombre des commissaires de
7 à 13, de manière à accommoder la société
civile, tout en reproduisant le même modèle
qui consiste à réserver la majorité des sièges
des commissaires aux politiciens, ce qui ne
contribue pas à l’avancement des institutions
démocratiques en RDC. Les parlementaires ne
doivent pas se contenter simplement de changer
le nom ou le nombre des commissaires de la
CENI, mais ils doivent expliquer la différence
entre l’ancien modèle qui est décrié par tous et le
nouveau modèle qu’ils proposent. Il serait
irresponsable qu’après tant de morts dus aux
élections et un net recul de la démocratie en
RDC suite à ce modèle tant décrié, de rebondir
avec le même modèle où la seule modification
est le nombre des commissaires. Voici pourquoi,
entre autres, des voix s’élèvent de plus en plus
pour réclamer un Dialogue National Souverain.
V.
Conclusion et
recommandation
Le modèle basé sur le partage politique des
commissaires a conduit à des commissions
politisées et partisanes, qui ont péché par
manque d’indépendance. Ce modèle favorisé
dans la plupart des pays francophones africains,
a caractérisé la CEI et la CENI de la RDC en
2006 et 2011 respectivement. Il a largement
démontré ses limites et est considéré comme
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Bureau International d’Études pour la Paix et le Développement (BIEPD)
précurseur des conflits armés postélectoraux en
Afrique comme ce fut le cas en RDC en 2006 et
2011; au Congo Brazza en 1999; au Gabon en
2009; au Togo en 2010 et en Côte d’Ivoire en
2012.
Le modèle basé sur les compétences et la probité
des membres de la société civile exclut toute
influence de la politique sur la commission, ce
qui lui confère son indépendance. Les systèmes
électoraux qui ont opté pour ce modèle ont
connu des succès (Ghana, Cap-Vert, Liberia,
Zambie et Sénégal).
Pour la RDC qui a tenté, à deux reprises et sans
succès, l’expérience du modèle basé sur les
critères politiques des commissaires, nous
recommandons le modèle basé sur les
compétences de la société civile qui exclut toute
influence politique sur la CENI.
1
Lopez Pintor, Electoral Management Bodies as
Institutions of Governance, UNDP, September 2000,
pp 25, 119-122
2
Honoré K. GUIE, Les commissions électorales en
Afrique de l’Ouest, publié dans Débats. Courrier
d’Afrique de l’ouest, no 11, janvier 2004, pp 13-18.
3
AETA, « En RDC, des « dysfonctionnements »
avérés des élections peuvent amener à la dissolution
de l’Assemblée nationale », Site Web d’AETA, 12
septembre 2012.
4
Idem
5
Prof. Ismaïla Madior Fall et Matthias Hounkpé, Les
commissions électorales en Afrique de l’Ouest,
Analyse comparée, janvier 2012.
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