Une protection fonctionnelle sous conditions
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Une protection fonctionnelle sous conditions
STATUT RESSOURCES HUMAINES Une protection fonctionnelle sous conditions Si les textes n’excluent pas que l’agent victime d’un vol au bureau puisse demander la protection fonctionnelle, un récent jugement du TA de Marseille montre que les conditions sont rarement réunies dans cette hypothèse. L’agent doit en effet établir un lien suffisant entre ce vol et ses fonctions. La seule circonstance qu’il soit commis dans l’enceinte des locaux où cet agent exerce n’est pas suffisante pour établir le lien avec les fonctions. Î Olivier Guillaumont 48 [email protected] Conseiller juridique Région Provence-Alpes-Côte d’Azur A ux termes de l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983, les agents bénéficient, à l’occasion de leurs fonctions, d’une protection organisée par la collectivité publique dont ils dépendent. Cette protection fonctionnelle, qui peut bénéficier tant aux fonctionnaires qu’aux agents publics non titulaires, peut revêtir deux aspects : la protection des agents mis en cause (agents poursuivis par un tiers pour faute de service et agents faisant l’objet de poursuites pénales) et la protection des agents victimes d’attaques. C’est de cette deuxième hypothèse qu’il était question dans le jugement du 30 décembre dernier. LES CONDITIONS DE LA PROTECTION DES AGENTS VICTIMES D’ATTAQUES Dès lors que les conditions légales sont réunies, la protection fonctionnelle présente un caractère impératif et ne peut être refusée que pour des motifs d’intérêt général dûment justifiés1. Par conséquent, le refus de protection ne reposant sur aucun motif d’intérêt général est illégal et cette illégalité engage la responsabilité de l’administration qui est condamnée à indemniser l’agent2. La collectivité doit protéger les agents contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l’occasion de leurs fonctions3. Cette énumération n’a pas un caractère exhaustif. Comme en témoigne le jugement commenté, le vol dont est victime l’agent sur son lieu de travail peut être regardé comme une « attaque » au sens de l’article 11 de la loi de 1983. Dans l’affaire commentée, la collectivité ne contestait d’ailleurs pas la matérialité du vol. De même et plus généralement, la pro- tection peut être accordée en cas d’atteinte aux biens (par exemple, en cas de dommages causés aux véhicules). Toutefois, pour que la protection soit accordée, le lien de causalité entre le dommage subi et les fonctions exercées doit être établi. Pour le TA de Marseille4, tel n’était pas le cas en l’espèce. UN LIEN SUFFISANT ENTRE LE VOL ET LES FONCTIONS L’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 précise que « la collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l’occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté ». L’application de ces dispositions est subordonnée à l’existence d’un lien étroit entre les menaces, attaques et autres agissements tels que définis ci-dessus et les fonctions de l’agent ou sa qualité de fonctionnaire. Le jugement commenté confirme que la circonstance que des attaques ou des vols se soient produits sur le lieu et pendant le temps de travail ne présume en rien l’existence d’un lien avec les fonctions telles qu’exigées par le texte5. La protection ne peut en effet être accordée au fonctionnaire que si les agissements dont il est victime le visent « en raison de sa qualité, de ses activités, ou de son comportement »6. “ Le refus de protection ne reposant sur aucun motif d’intérêt général est illégal ” La Lettre du cadre territorial • n° 418 • 15 mars 2011 RH-Statut.indd 48 08/03/11 14:57 “ Un lien de causalité doit être établi entre le dommage subi et les fonctions exercées ” Ainsi, pour pouvoir bénéficier de la protection, le fonctionnaire doit être visé es qualités. Il appartient à l’agent victime de rapporter un début de preuve que c’est en raison de sa qualité même de fonctionnaire ou d’agent public qu’il a subi des attaques. Les menaces, le vol ou l’extorsion de fonds peuvent alors ouvrir droit au bénéfice de ces dispositions si le lien entre ces faits et les fonctions est établi (par exemple : TA de Nice, 25 janvier 2008, n° 0402840, Louvet, jugement dans lequel il est relevé que « ces menaces avaient pour objet d’obtenir des avances sur traitement et des avancements de carrière, avantages que M. L ne pouvait lui consentir qu’en sa seule qualité de directeur du centre de gestion »). En revanche, tel n’est pas le cas si ce lien n’est pas établi. Or, la circonstance qu’un vol ou qu’une dégradation de véhicule appartenant à un agent soit commis dans l’enceinte des locaux où cet agent exerce n’est pas suffisante pour établir le lien avec les fonctions. Ainsi, l’effraction commise contre le véhicule d’un professeur stationné dans l’enceinte de l’établissement scolaire où il enseigne ne justifie pas à elle seule la protection fonctionnelle dès lors que le lien avec le service ne peut être établi7. De même, un enseignant n’est pas fondé à demander la protection fonctionnelle pour le vol de son vélomoteur stationné dans l’enceinte du lycée où il travaillait dans la mesure où le lien entre ce vol et ses fonctions n’est pas établi8. Le TA de Marseille a jugé que la circonstance que le vol (portefeuille, cartes de crédits…) ait été commis dans le bureau de l’agent pendant une absence momentanée, n’est pas de nature à établir à elle seule un lien suffisant entre ce vol et les fonctions de l’intéressé permettant de considérer, au sens des dispositions et des jurisprudences ci-dessus énoncées, qu’il aurait été victime de ce vol à l’occasion de ses fonctions. UNE DÉCISION LOGIQUE EN OPPORTUNITÉ Lorsque les agissements dont le fonctionnaire est victime sont le résultat d’un pur hasard, d’un acte fortuit ou gratuit, l’article 11 du statut ne s’applique pas puisque dans de telles hypothèses, l’imputabilité des agissements aux fonctions exercées n’existe pas. Ainsi, l’in- cendie de l’appartement d’une enseignante en poste à Bucarest causé par un échange de tirs entre les forces de sécurité roumaines et les insurgés n’est pas lié à l’exercice des fonctions9 puisque toutes les personnes du quartier ont subi des dommages comparables. La jurisprudence s’est prononcée dans un sens identique en matière de dégradations ou de vols de véhicules. Le fait que de tels agissements aient également touché les véhicules de plusieurs autres personnes étrangères à la fonction publique constitue un indice complémentaire permettant d’établir l’absence de lien avec les fonctions10. Fondée en droit, la décision du TA de Marseille l’est également en opportunité. L’exigence d’un lien (autre que le seul lien physique) avec les fonctions permet de couper court aux demandes abusives. Il faut en effet rappeler que l’octroi de la protection fonctionnelle entraîne également une obligation de réparation. La collectivité doit alors en effet réparer les différents préjudices que l’agent a pu subir (vol, vandalisme de véhicule, destruction d’objets personnels…). Cette indemnisation ne nécessite pas l’identification préalable du ou des auteurs des faits. 1. CE, 14 février 1975 n° 87730, X. 2. CE, 17 mai 1995, n° 141635, Z. 3. Art. 11 al. 3, loi n° 83-634 du 13 juillet 1983. 4. TA de Marseille, 30 décembre 2010, n° 0805754-7, M. C. 5. TA Rennes, 18 février 1988, Guiziou : AJDA 1988, p. 416. 6. CE, 16 octobre 1970, Martin : JCP G 1971, II, 16577, concl. Braibant. 7. CAA Versailles, 4 novembre 2004, n° 02VE01989, G. 8. CAA Bordeaux, 13 décembre 2005, n° 02BX00292, M. Claude M. 9. CAA Paris, 9 mai 2000, n° 97PA02073, C. 10. TA Dijon, 19 janvier 2000, n° 99920, Pierson. DOC C DO OC DOC À télécharger Sur www.lettreducadre.fr/base-juridique.html - CE, 17 mai 1995 - CAA Versailles, 4 novembre 2004 - CAA Bordeaux, 13 décembre 2005 À lire Sur www.lettreducadre.fr, rubrique « au sommaire du dernier numéro » - « Agent en danger : protéger ceux qui servent », La Lettre du cadre territorial n° 400, 1er mai 2010 - « Protection fonctionnelle : une abrogation couperet », La Lettre du cadre territorial n° 383, 1er juillet 2009 Pour aller plus loin - La protection fonctionnelle des agents publics, un ouvrage des Éditions Territorial. Sommaire et commande sur http://librairie.territorial.fr Les autres conséquences de la protection fonctionnelle Outre l’obligation de réparation, l’octroi de la protection fonctionnelle impose à la collectivité : - une obligation de prévention : si les attaques n’ont pas pris fin, la collectivité doit mettre en œuvre les moyens les plus appropriés pour éviter ou faire cesser les attaques auxquelles le fonctionnaire est exposé (assurer à l’agent une protection physique, au besoin par la force publique, procéder à un changement d’affectation dans l’intérêt du service, engager une procédure disciplinaire contre l’agresseur si celui-ci est un agent public…) ; - une obligation d’assistance : il s’agit d’apporter à l’agent une aide dans les procédures judiciaires entreprises, notamment devant les juridictions pénales. La Lettre du cadre territorial • n° 418 • 15 mars 2011 RH-Statut.indd 49 49 08/03/11 14:57