Management de l`Encadrement Intermédiaire

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Management de l`Encadrement Intermédiaire
CLUB ENTREPRISES GROUPE ESC PAU
« Management de l'Encadrement Intermédiaire »
Compte Rendu de Séance
Maurice Thévenet a fixé comme buts de cette séance :
Pouvoir accompagner les middle managers / agents de maîtrise / chefs d'équipe et encadrement
intermédiaire ;
Aider au déploiement de référentiels de compétences de management pour l'encadrement
opérationnel ;
Motiver et redonner du sens à l'action des managers de proximité grâce au balisage de l'activité,
Reconnaître l’importance du manager intermédiaire : il est le maillon fondamental pour le
management des conflits intergénérationnels, inter-hiérarchie, inter niveaux de compétences, etc.
Il doit faire preuve d’une grande capacité de médiation et d’une créativité exemplaire ;
Développer la professionnalisation par rapport à l’obligation de résultats ;
Développer le rôle RH et management des cadres vis-à-vis des employés.
Le savoir amène à la responsabilité, d’où l’existence des managers.
Schopenhauer disait : « le seul moyen d'être heureux, c’est de ne pas avoir d'attentes ».
Cependant,
Le titre « Quand les petits chefs deviendront grands » est une provocation, une manière de s’opposer
au vocable pédant de la dénomination « Grands Décideurs ». Le terme « intermédiaire » est trompeur
car en fait, ce problème de management concerne bien toute la structure managériale, à tous les
niveaux.
Qu’est-ce que le management ? C’est une activité qui vise à essayer d'influencer le comportement
d'un collectif pour obtenir un résultat en gérant les conflits et à créer un environnement propice à la
production de biens et services : il existe donc du management de proximité à tous les étages de la
structure.
Le côté péjoratif du terme "petits chefs" renvoie automatiquement aux idées d’autoritarisme et de
mesquinerie, mais nous verrons qu’en fait, le comportement de ces managers de proximité est
déterminé par la reconnaissance de la hiérarchie pour l’essentiel. En effet, ces personnes, qui ont
autant de travers que les autres, jouent un rôle essentiel au sein des organisations, de toute nature
qu’elles soient politiques, associatives, syndicales, etc. C’est en quelque sorte la personne qui "se
coltine le collectif", et l' « organisation » des choses au quotidien.
Nous pouvons traiter le problème en 3 temps :
Qu'attend-on au juste en disant qu'il faut résoudre le problème du middle management ?
Constats d'enquêtes
Pistes d'actions, comment pourrait-on faire ?
Le management ressemble de près au processus d'éducation des enfants : nous avons toujours des
ami(e)s qui nous donnent des conseils, et lorsque nous essayons de les mettre en pratique chez soi,
ça ne marche pas. Finalement, "on fait toujours et seulement ce que l'on peut !"
Toutefois, ce que l'on peut apprendre, c'est un peu de théorie. L’étymologie du mot est la suivante : il
vient du verbe grec « theorein » qui veut dire contempler, regarder. C’est en fait pouvoir voir sous un
angle différent une chose.
I
LE BESOIN
Nous avons besoin que nos managers soient motivés, mais surtout "motivés à motiver" : les
personnes employées doivent se sentir impliquées dans leurs tâches et dans l’entreprise.
L'implication des opérateurs dépend du manager de proximité. Le manager de proximité doit
comprendre ce qui se passe au niveau technique et organisationnel afin de pouvoir « communiquer »
de manière efficace avec les employés et ouvriers.
C’est parce dans l’entreprise nous nous heurtons à un problème de vision du sens, de l'intérêt, de la
portée des actions et de la reconnaissance des contributions des personnes que la fonction de
communication des managers de proximité est essentielle. Celui-ci doit traduire les informations
venant du « top management », et aussi les informations venant du terrain.
Les managers de proximité doivent aussi savoir donner du sens au travail pour les employés et
ouvriers, il doit y avoir de la réciprocité. Il faut qu’ils démontrent que « cela vaut la peine de se lever le
matin » simplement.
Très souvent, les employés parlent entre eux des problèmes relationnels. Les relations humaines
avec le chef direct sont vraiment importantes : il détient le pouvoir de « réenchantement » ou
assombrissement de l'ambiance du bureau ("sociologie de la table" : les gens utilisent le moment du
repas du soir pour se défaire de leurs sentiments, exutoire de la soirée).
Enfin, le manager intermédiaire doit aider les employés à s’approprier leurs tâches, à développer leur
conscience professionnelle.
Récapitulatif :
Implication
Réciprocité
Appropriation
Dans le processus de changement de toute entreprise, la variable qui fait la différence est toujours
celle du management de proximité.
La deuxième grande problématique du changement : exemple d’une recherche sur France Télécom
sur ce qui a déterminé les succès et les échecs. De même, la recherche sur l’absentéisme dans les
banques (95% des employés au poste les matins) : les résultats dépendent de la qualité de
management de proximité.
Le management intermédiaire joue trois rôles :
Il est l’interprète-traducteur : il explique les grands programmes de changement mis en place par la
direction, c’est une sorte de "vulgarisateur" de la stratégie établie par le Conseil d’Administration.
Il est aussi un "bidouilleur", un "bricoleur" : le changement marche quand le manager de proximité
bricole le programme de changement en adaptant aux conditions de terrain (problématique de prise
d'initiatives importantes de la personne, encore une fois, elle doit être motivée à fournir cet effort qui
n’est pas formellement demandé).
L’exemplarité est une chose importante aussi, il est possible que le manager de proximité puisse
« désobéir intelligemment » si sa motivation n’est pas en adéquation avec le challenge du
changement, ce qui va fausser les données qui doivent être transmises à la Direction.
C’est enfin et surtout un « régulateur d'émotions » : toutes les situations de changement impliquent
des incertitudes, des pressions, des angoisses, et donc beaucoup d'émotions. Il faut être conscient
qu’il y a, certes un besoin « d’initiateurs » de changement, mais aussi et surtout un besoin de mise en
branle de ce changement, qui n’est seulement possible que par le truchement du manager de
proximité : Il doit changer, faire en sorte que les autres changent et faire en même temps son travail,
ce qui implique une double pression.
Donc le manager de proximité joue le rôle de "bouchon de cocotte minute" et/ou de "punching ball"
(être là, être présent au moment critique, "quand la bataille fait rage"). Si ce rôle n’est pas assumé,
cela peut mettre plus d’un grain de sable dans les rouages de l’organisation.
Toutefois, comment peut-on faire lorsque le manager est en déplacement, ou simplement en réunion
importante, et donc coupé de ces collaborateurs.
Nous pouvons nous poser la question suivante : le management est-il nécessaire ?
En effet, Les gens veulent être autonomes, ils désirent souvent ne pas forcément se voir, pour éviter
de se "frotter", d’avoir à fournir l’effort de l’ "interaction humaine".
Cependant, il est évident aujourd’hui que dans nos organisations actuelles, on a besoin de plus de
management de proximité (exemple des décurions de l'armée romaine), mais la légitimité de ce rôle
doit être construite, car elle très difficile à gagner, et dans le même temps, les compétences sont
devenues plus difficiles à avoir (problème du management intermédiaire de projets temporaires par
exemple).
Il y a eu une tendance du "Lean manufacturing", d’organisation horizontale plate, avec l’élimination
des strates intermédiaires, en demandant aux cadres d'avoir ce rôle de proximité : il y a eu
inévitablement un problème de double compétence qui n’était pas "assumable" ("role spanning" ou
chevauchement des rôles), car les cadres aspirent à devenir de grands décideurs et non l'inverse, et
cela a, dans les tous les cas, été ressenti comme une "dégradation" voire une humiliation. En effet, les
managers intermédiaires ont perdu des agents de maîtrise qui encadraient les employés et ils doivent
le faire maintenant.
Il faut savoir jouer aussi avec le concept d'appartenance au groupe, l’appartenance d’un "monde", de
"clans" : c’est le principe de crédibilité.
Par exemple, des recherches sur le management à distance comme le télétravail etc ... ont montré
que plus vous devez faire du management de distance, plus il est nécessaire d’avoir du management
de proximité. Le manager qui gère des commerciaux essaie toujours de trouver un prétexte pour faire
de la proximité, en réunissant ses commerciaux pour recréer de la proximité, afin qu’ils échangent des
informations entre eux, et puissent savoir ce qui se passe au siège. Le management n'est pas une
science "dure", c'est de l'ad hoc, et le management à distance instaure un problème supplémentaire.
Il existe une autre situation délicate à gérer où seuls les managers de proximité font face : le
management des « divas ». L’auto proclamation est la caractéristique des « divas », due à la
professionnalisation de leur profession. Dû au fait de leur expertise temporaire ou permanente, au fait
qu’ils soient à un moment T nécessaires et indispensables à la structure, les Divas usent de leur
pouvoir et créent des tensions. Une « diva », dans la relation qu'elle a dans son travail, pense que le
résultat de son travail ne dépend que d'elle : elle pense que ses valeurs sont supérieures à celles du
groupe.
Par exemple, être directeur d'école, c’est gérer trois variables : étudiants, amphithéâtres et
professeurs. Il faut savoir gérer les trois variables en même temps. Cependant, les professeurs
constituent en quelque sorte un modèle de « diva ». Il faut être assez fort pour supporter l'énergie
négative et attendre le moment où la personne approuve finalement pour faire ce pour quoi elle est
payée. Il faut savoir être tenace et intelligemment dissuasif, cela requiert une certaine maîtrise des
relations humaines.
Selon les recherches du Pr. Leavitt sur les "Hot Groups" de la Sun Valley (analyse du "process" du
travail en équipe en environnement sous pression). Ces groupes sont constitués de personnes
dédiées à leur tâche, elles trouvent dans la réalisation de leur tâche une source d'accomplissement
personnel : la source de leur plaisir reste donc égoïsme, finalement l'esprit d'équipe n'existe pas
forcément, les relations humaines sont acérées, et être le leader de tels groupes reste délicat. Chacun
cherchant sa performance finit par contribuer à la performance collective.
Pour bien manager ce genre d’équipe, il est nécessaire d’avoir 4 compétences :
Avoir une tolérance à l'ambiguïté et au chaos ;
Savoir faire le distinguo entre les dimensions "tâche" et "relation", le plus important restant la
relation ;
Savoir promouvoir le groupe à l'extérieur et le protéger de l'extérieur ;
Savoir faire preuve de compétence en "art dramatique", être capable de se mettre en
représentation, de ruser.
Il a toujours été de bon aloi de prendre comme modèle les organisations guerrières, alors
qu’aujourd’hui il faudrait savoir aller chercher des modèles dans le "sport" : le curling peut être vu
comme une source d’inspiration du modèle de "management moderne", en effet le rôle du balayeur
est essentiel, le balayeur ne touche jamais la pierre, mais il doit faire en sorte que la pierre atteigne
son but, la cible dessinée sur la glace. Le rôle du balayeur, qui symbolise le manager intermédiaire,
est moins séduisant que celui du héraut type, puisqu’au lieu de tenir un étendard, il s’agit là d’un
simple "balai", mais il n’en reste pas moins que ce rôle est essentiel à l’atteinte de la cible.
Autre exemple, l’organisation de réunions de famille : il faut fournir un effort presque démesuré pour
que la réunion ne soit pas un fiasco et que les personnes soient satisfaites.
II
CONSTATS A PARTIR DES ENQUETES
À la question "Pourquoi les personnes veulent devenir Managers de Proximité (MdP) ?", les
personnes interrogées ont répondu :
Pour échapper à l'ancien chef.
Pour disposer de plus de pouvoir, d'influence, de responsabilités…
Pour devenir manager, c'est gagner du statut (on sous-estime le statut officiellement), « sortir du
lot », etc. Mais il faut rester humble et faire attention aux sensibilités pour ne pas humilier.
Pour être reconnu à sa valeur.
Cependant, il n’a quasiment jamais été fait mention de motivation à s'occuper des gens, à prendre
l'humain pour ce qu'il est et tenter de produire en optimisant ce dont on dispose.
A la question "Qu'est-ce qu'il faudrait pour que votre mission de MdP soit plus attrayante ?", les
personnes interrogées ont répondu :
Que le recrutement des collaborateurs soit meilleur.
Que les collègues soient plus communicatifs.
Que les collègues cessent de se plaindre de leurs problèmes personnels (avec leurs conflits intra
bureaux).
Que l’on évite les pervers, les "aficionados" de l’intrigue, les semeurs de zizanie.
Au regard de cette étude, les choses qui permettraient d'améliorer la situation ne sont tout simplement
pas réalisables. Il sera toujours impossible de disposer des meilleurs, il y aura toujours des problèmes
personnels, et il existe toujours des personnes délicates à gérer en terme de personnalités. En fait, on
s’aperçoit que les gens recherchent la paix, "l'autonomie", et aspirent à devenir un expert inatteignable
dans un bureau qui jouerait le rôle d’une "coquille de Bernard Lhermitte", car "tenir le balai n'attire
pas".
A la question "Pourquoi les gens n'aiment pas être MdP ?", les personnes interrogées ont répondu
que :
L’activité n’est pas valorisée (sauf pour le discours de départ en retraite !).
C’est l'activité humaine qui est perçue comme apportant le plus de souffrances (le harcèlement va
dans les deux sens !).
Avec l’ "Open Door policy", les managers sont de plus en plus sollicités, de ce fait ils sont exposés
continuellement aux impacts des "transferts de l'énergie négative", d'inoculation de "virus de la
mauvaise humeur".
Finalement, il faut être conscient qu’il existe une évolution des jobs dans nos sociétés, Il arrive de plus
en plus qu’il y ait un chevauchement des rôles des managers intermédiaires. Ajoutons à cela qu’il est
essentiel de savoir mettre en place un processus de maturité sur la nature humaine : accepter que les
relations humaines sont difficiles, et que chacun a son propre rythme et ne manage pas de la même
manière.
III
LES PISTES D’ACTION
Il existe en fait un problème de conviction : il faut pouvoir développer une conscience professionnelle
du "travail bien fait". Toutefois, il reste le problème du leurre, de la fausse conscience. On a
l'impression qu'on en fait, on se dit que l’on a fait le maximum, mais en fait ça n’est pas forcément le
cas :
Leurre de l'outil, de "l'administratif" : on est passé par toutes les phases du référentiel, on ne
cherche pas à faire plus sachant qu’il le faudrait.
Leurre de la gentillesse : les personnes qui utilisent la gentillesse pour ne pas avoir de problèmes,
qui ont compris les clés des « CRS » (Codes Relationnels Superficiels) : il faut savoir dire ce qu'on
pense, dire quand la situation est en train de déraper, même si se mettre en avant reste un
challenge, il faut savoir se représenter, s’exposer, prendre des risques et savoir supporter la
critique pour évoluer.
Les compétences clés sont finalement la capacité à "traiter" des personnalités difficiles et à manager
les conflits.
Comment valoriser cette fonction ? La solution du référentiel de compétences :
Cela peut donner "le meilleur comme le pire", tout dépend de la manière dont on l’utilise.
Attention à ne pas vouloir faire faire au référentiel ce qu'il ne peut faire : à vouloir trop détailler les
compétences, les concepts deviennent flous, car les mots signifient des choses différentes selon
les personnes.
La valorisation du MdP, c'est d’abord et avant tout l'intérêt que le patron y porte. Le patron doit
prendre l'initiative de mettre en avant ce rôle et le considérer comme un rouage clé de l’édifice.
CONCLUSION
Pour conclure, le rôle du MdP est un "apprentissage sur le tas". Chacun a son rythme, l’objectif est de
toujours s'améliorer (question du leadership : vision, charisme) et de réfléchir avec d’autres personnes
sur la complexité du management.
Mais que faut-il apprendre ?
Il faut apprendre à ses collaborateurs à faire du management (people empowerment)
Pour un Top Manager, le savoir-être est vital, il faut donner le goût et l’envie de s'occuper des gens
(question de la générosité), savoir aimer les gens, aimer le rapport aux autres, développer son affectif
tout en sachant garder une certaine distance afin de ne pas verser dans l’innocence et la vulnérabilité.
Comment donner l'envie de faire du management de proximité à quelqu’un qui ne connaît personne
qui aime ce rôle ? (question de l'exemplarité). En tant que leader, il faut savoir inspirer les autres
(plus que contrôler) et montrer que derrière l’ingratitude de la tâche, il existe une récompense bien
plus intéressante qu’un salaire, si élevé soit-il, qui est d’être un rouage essentiel pour le bon
fonctionnement de toute organisation.
Fernando CUEVAS
Arnaud GUERREIRO