Lettre ouverte de l`UNAPAF à la Revue Nationale de la Chasse
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Lettre ouverte de l`UNAPAF à la Revue Nationale de la Chasse
Lettre ouverte de l’UNAPAF à la Revue Nationale de la Chasse Réforme du piégeage : La patate chaude… L’édito d’octobre 2012 de la « Revue Nationale de la Chasse » intitulé « Pièges à cons » a pour objet la réforme du piégeage. Son auteur, qui reconnaît « ne pas connaître toutes les arcanes du piégeage » se livre pourtant à une attaque en règle contre les piégeurs de France (traduire l’UNAPAF) qui, selon lui, « auraient voulu être reconnus comme une structure de vrais professionnels de la régulation » et « n’ont de cesse de considérer leur action aux antipodes du monde de la chasse ». Tout serait donc de leur faute car il faut bien passer la « patate chaude » à quelqu’un et de préférence à celui qui a le moins de moyens pour se défendre. Ce qui est particulièrement réducteur dans ce papier, c’est qu’on y exonère le ministère de ses responsabilités et surtout qu’on n’y trouve pas une ligne sur le rôle de la Fédération Nationale des Chasseurs qui était présente dans toutes les réunions du Conseil National de la Chasse et de la Faune Sauvage (CNCFS), qui vote lors des réunions et dont c’est quand même le rôle principal de défendre le monde de la chasse. Au demeurant, nous disons clairement que la FNC a fait de son mieux pour défendre le dossier du piégeage… comme nous. Nous avons d’ailleurs agi le plus souvent en concertation avec la FNC et de multiples contacts ont été pris tout au long du processus avec Maître Charles Lagier qui représentait souvent la FNC lors des réunions et avec le Président Bernard Baudin. Faut-il rappeler aussi que l’UNAPAF n’est pas membre de droit du CNCFS et ne participe aux séances qu’à titre consultatif sans pouvoir voter. Cela ne facilite pas la prise en compte de ses positions lors de ces réunions. Il ne faut pas non plus occulter que la réforme du piégeage s’est faite avec un ministère qui arbitrait des positions très antagonistes : d’un côté celles des chasseurs, piégeurs et agriculteurs… et de l’autre celles de nos « amis » écologistes qui ne nous font pas de cadeaux et avec lesquels les ministres de gauche comme de droite ont des rapports privilégiés. Il était donc prévisible que cette réforme aboutirait à des décisions de compromis qui ne sauraient satisfaire tout le monde… voire personne. Fallait-il quand même la faire ? Mais voyons d’abord pourquoi une réforme du piégeage était inévitable ? Depuis plusieurs années, certaines associations écologiques extrémistes s’étaient faites une spécialité d’attaquer les arrêtés préfectoraux sur les nuisibles avec une moyenne plus de 30 arrêtés attaqués chaque année (on a atteint un pic en 2011). Bon an mal an, on se retrouvait avec au moins 50 % des arrêtés cassés avec en prime souvent des indemnités financières payées par l’Etat. Le caractère massif et systématique de ces attaques a abouti peu à peu à un véritable « terrorisme judiciaire » qui refroidissait sensiblement l’ardeur des Préfets pour reclasser les espèces perdues au tribunal et on aboutissait inexorablement à un amoindrissement des listes départementales de nuisibles. Malgré un combat retardateur, le piégeage (car c’est lui qui est visé au travers de ces attaques) était compromis, voire condamné à moyen terme. Combien de départements ont vu, à la suite de jugements, les Préfets refuser l’inscription de telle ou telle espèce sur la liste l’année suivante ? Par ailleurs, la jurisprudence du Conseil d’Etat stipule que pour qu’une espèce soit classée nuisible, il faut : Prouver qu’elle porte atteinte de façon significative aux intérêts protégés (sécurité et santé publique, agriculture / élevage et faune / flore). A défaut, prouver qu’elle est susceptible de le faire et dans ce cas, prouver aussi que l’espèce est présente de façon significative sur le département. Cela implique la constitution de dossiers solides, chiffres à l’appui pour chaque espèce à classer, dossiers que certains département ont la peine à constituer (d’où les procès perdus). Dans ce cadre, il est particulièrement difficile de se défendre contre la prédation sur le gibier. En effet, autant il est aisé de calculer les dégâts financiers occasionnés sur un élevage professionnel autant il est difficile de mesurer la prédation en milieu naturel sur du gibier qui se fait « croquer »… sans rédiger pour autant un constat de dégâts écrit, chiffré et certifié. Dans ce domaine, il faut donc se limiter à des estimations, toujours contestées par nos détracteurs, voire par les Tribunaux. Pire encore, faute d’être clairement mentionnés dans les intérêts protéges mentionnés dans le Code de l’Environnement, les dégâts au gibier n’étaient souvent pas retenus par les juges des Tribunaux Administratifs (TA) au motif que les prédateurs chassent le gibier pour se nourrir (on ne peut pas leur en vouloir) alors que les chasseurs le font par plaisir (sous entendu… ces derniers peuvent s’en abstenir). Seules les dispositions législatives définissant le Schéma Départemental de Gestion cynégétique (SDGC) légalisent des actions de piégeage dans le cadre de la gestion cynégétique et seul ce cadre à été retenu pour la défense de intérêts du monde de la chasse lors de la réforme du piégeage. En réalité, ne nous leurrons pas, de nombreuses espèces ont été classées dans les départements grâce aux chiffres fournis par les agriculteurs. Enfin, les dégâts enregistrés par la multitude des particuliers dont les poulaillers sont dévastés chaque année par des prédateurs n’étaient pas reconnus par les TA qui limitaient la reconnaissance des dégâts aux seuls professionnels (bien que non indemnisés). En effet, pour paraphraser l’édito de M. Berton et comme l’aurait dit le Général, c’était « un foutu bordel » !!! Le classement nuisible n’est donc pas l’affaire du seul monde de la chasse mais résulte de trois composantes dont aucune n’est prioritaire sur l’autre : santé et sécurité publiques, agriculture / élevage, faune et flore. Le rôle et la position de l’UNAPAF est donc de défendre tous les intérêts protégés car on ne doit abandonner ni les chasseurs, ni les agriculteurs professionnels, ni les élevages privés… et les piégeurs de France agissent au profit de ces trois acteurs sans rendre prioritaire l’un au détriment de l’autre. A-t-on fait mieux avec la nouvelle réforme du piégeage ? Je serai tenté de dire que le résultat est contrasté. Ce qu’il y a de bon dans cette réforme et qui n’apparaît pas dans l’édito. Le classement est pour trois ans (on n’y revient pas chaque année). L’arrêté étant ministériel et unique, il ne peut être attaqué qu’en Conseil d’Etat ce qui évite la multitude des contentieux qu’on avait jusqu’à présent au TA ainsi que la cacophonie de jugements diamétralement opposés d’un département à l’autre. Les intérêts des élevages d’agrément (non professionnels) sont enfin reconnus. Les intérêts du monde cynégétique le sont aussi, même s’ils sont limités au SDGC. L’ensemble des intérêts protégés (les 3 composantes) est pris en compte. Ce qui fâche dans la réforme. De nombreux départements ont perdus des espèces faute d’avoir fourni des dossiers suffisamment étayés et là, chacun doit prendre sa part de responsabilité. La FNC a cependant obtenu que les Préfets puissent présenter de nouveaux dossiers sans attendre trois ans ce qui pourrait « limiter la casse ». Les choix faits pour chaque département par le ministre l’ont été par une commission ministérielle dans laquelle ni la FNC ni l’UNAPAF ne siégeaient. Ce mode de désignation n’est pas suffisamment transparent et donne l’impression d’être le « fait du prince ». L’arrêté est sorti avec beaucoup de retard (mi-août au lieu di 1er juillet). Le ministère a sorti « d’un chapeau » des éléments qui n’avaient jamais été débattus en commission (restriction sur certaines espèces, cohérence nationale pour les classements notamment) ce qui a provoqué la colère du monde cynégétique… et la nôtre. Les reproches de l’édito Contrairement à l’amalgame qui est fait dans ce papier, la réforme de l’âge des piégeurs n’a rien à voir avec la réforme du piégeage. C’est une revendication qui a été exprimée brutalement par les écologistes en marge de la réforme et à laquelle nous avons dû nous adapter. L’UNAPAF a argumenté et s’est prononcée contre cette limitation d’âge à 16 ans (toujours sans pouvoir voter). C’est d’ailleurs elle qui a défendu le dossier en CNCFS. Or, pour la petite histoire, au moment de voter, la Fédération Nationale des Chasseurs… s’est abstenue ce qui a entraîné l’adoption du projet. Peut-être a-t-elle estimé qu’il fallait une cohérence entre l’âge minima des chasseurs et celui des piégeurs… Là aussi, à chacun ses responsabilités. Il est inexact d’écrire que les pièges « se sont réduits comme peau de chagrin ». Seul l’assommoir perché a disparu (là aussi, hors réforme du piégeage) sous la pression écologiste et ce malgré un argumentaire qui semblait, dans un premier temps, satisfaire le ministère. Il faut dire que bien peu de départements autorisaient ce piège qui devenait très confidentiel. Ces deux dossiers montrent que nos détracteurs attaquent sur tous les fronts avec des ministères (de droite comme de gauche) qui leur prêtent une oreille attentive voire complaisante. Tout est bon pour amoindrir le piégeage et la récente réforme ne stoppera pas leur ardeur. En conclusion Il est inexact d’écrire que l’UNAPAF voudrait transformer les piégeurs en je ne sais quels « professionnels de la régulation ». C’est d’ailleurs idiot car les piégeurs sont des bénévoles et pas des professionnels, en revanche ce sont bien des spécialistes du piégeage. Vous vous demandez dans votre édito si nous devons devenir des « régulateurs » et autres « fonctionnaires de la mort ». Il me semble que vous retardez car il y a longtemps que le monde cynégétique justifie son existence comme gestionnaire et pas seulement pour le piégeage. Il en est de même pour les plans de chasse et les dégâts du grand gibier notamment du sanglier ainsi que les divers PMA. Faut-il rappeler que jadis, « les acteurs ruraux au grand cœur » que vous évoquez ne piégeaient que par nécessité pour vendre les peaux et pour défendre leurs élevages, rarement par plaisir. La vie était difficile dans nos campagnes et perdre son poulailler par prédation pouvait devenir économiquement tragique. C’était non seulement des « fonctionnaires » mais aussi des « commerciaux de la mort ». Arrêtons donc les imageries d’Epinal surtout quand elles sont fausses.. Le piégeage n’est pas une distraction, c’est une nécessité. C’est seulement l’art de la capture qui peut procurer une satisfaction légitime dans une confrontation entre le savoir-faire de l’homme et l’intelligence instinctive de l’animal. Ceci posé, contrairement à la FNC dont le combat principal est la défense du gibier (c’est son rôle naturel), l’UNAPAF doit avoir une vision plus globale des intérêts à protéger et se soucier sans exclusives du gibier, des professionnels de l’élevage, des petits éleveurs privés et de la santé publique. C’est pourquoi l’UNAPAF assume totalement son désaccord avec l’idée réductrice du « piégeage mode de chasse » qui parfois ressurgit chez certains membres de la FNC pour les raisons suivantes : Les attaques des écologistes se transporteraient sur les arrêtés fixant les périodes de piégeage et on reviendrait à la cacophonie des décisions des tribunaux administratifs. La chasse étant un plaisir et une distraction, il serait difficile de faire passer le piégeage comme une de ses composantes quand on connaît la mauvaise image qu’a le piège dans l’opinion publique. Piéger par plaisir serait du pain béni pour nos détracteurs qui ne tarderaient pas à nous traiter de sadiques. Pire encore, le piégeage s’exerce principalement pendant la période de reproduction des prédateurs (printemps et été), au moment où la prédation est la plus active. Comment justifier le « plaisir » de piéger pendant la période de reproduction alors que la chasse à tous les autres gibiers est fermée. Seuls les dégâts aux élevages et aux couvées de gibier peuvent justifier une régulation pendant la période de reproduction des prédateurs. Or, tout le monde sait que c’est à cette période qu’il y a le plus de dégâts. Comment intégrer enfin la destruction des espèces invasives dans un dispositif de « piégeage mode de chasse » alors qu’il s’agit à l’évidence d’une mission de service public. Enfin, il ne faut pas taper sur le « lampiste » qui fait au mieux pour défendre les intérêts des piégeurs avec les moyens qu’on lui laisse. Nous ressentons en effet très mal : De ne pas être membre de droit et de pas pouvoir voter lors des réunions du CNCFS sur les questions concernant le piégeage, ce qui affaiblit notre position. De devoir se battre en permanence pour être seulement « invités » aux réunions alors que nous représentons 25000 piégeurs. D’être à la remorque de la FNC sur un sujet qui est notre cœur d’action alors que le piégeage n’est, dans aucun texte, un mode de chasse et que les textes ne prévoient même pas, explicitement, la défense du gibier hors SDGC (ceci posé, la FNC fait beaucoup pour le piégeage et a toute sa place dans ce débat). De ne pas être convié par la FNC (ni par le ministère d’ailleurs) lorsque son Président va voir la ministre sur le dossier piégeage. D’être le seul bouc émissaire (commode) de toutes les critiques… dont les vôtres. Et pourtant, malgré ces difficultés, nous considérons qu’il est important, face aux attaques des écologistes que le monde du cynégétique et celui des piégeurs parlent d’une seule voix. Je regrette que votre édito, en faisant apparaître l’UNAPAF comme le principal responsable des défauts de la nouvelle réforme, contribue à diviser le monde cynégétique au lieu de le rassembler face à ses vrais adversaires que sont les associations écologiques extrémistes. Votre approche de la réforme du piégeage traduit une méconnaissance du dossier dont l’UNAPAF porte certainement sa part de responsabilité faute d’avoir suffisamment communiqué et expliqué son action et ses positions… ce sera mon seul mea culpa. Pour le reste, j’assume notre action et nos positions. Je regrette seulement qu’une revue cynégétique de qualité que j’apprécie beaucoup par ailleurs, ne se soit pas donnée la peine de me contacter pour recueillir mon avis avant de rédiger cet édito. J’espère que vous aurez le courage et l’honnêteté de publier cette lettre comme un droit de réponse à votre édito. Je vous prie de croire, Monsieur le Rédacteur en chef, à l’expression de ma considération distinguée. Jean-Claude SAULNIER Président de l’UNAPAF