Séance 1 - L`identification du service public

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Séance 1 - L`identification du service public
Séance 1 - L'identication du service public
Table des matières
La notion de service public
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I./ L'exigence d'une dénition du service public
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II./ La dénition classique issue de l'arrêt NARCY (CE, 28 juin
1963)
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1./ La mission d'intérêt général . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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2./ Les prérogatives de puissance publique . . . . . . . . . . . . . . . .
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3./ Le contrôle public
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III./ La dénition renouvelée de l'arrêt APREI (CE, 22 février
2007)
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A./ La conrmation des modalités traditionnelles d'identication du
service public par l'arrêt APREI
. . . . . . . . . . . . . . . . . .
1./ La primauté de la qualication législative
. . . . . . . . . . .
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2./ La conrmation de la dénition traditionnelle du service public en présence de prérogatives de puissance publique . .
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B./ L'admission de nouvelles modalités d'identication du service public par l'arrêt APREI . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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1./ La remise en cause de prérogative de puissance public comme
critère nécessaire du service public
. . . . . . . . . . . . .
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2./ Le sort incertain du contrôle public au regard du faisceau
C./ Bilan
d'indices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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La distinction SPA-SPIC
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I./ L'origine de la distinction
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II./ Les intérêts de la distinction
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A./ La détermination du régime juridique applicable à l'activité en cause
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B. / La détermination de la compétence juridictionnelle
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. . . . . . . .
III./ Les modalités de la distinction
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A./ L'existence d'une qualication textuelle . . . . . . . . . . . . . . .
B./ Le recours à des critères jurisprudtiels . . . . . . . . . . . . . . . .
1./ L'objet du service
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2./ Le mode de nancement du service . . . . . . . . . . . . . . .
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3./ Le mode de fonctionnement du service . . . . . . . . . . . . .
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C./ Le recours à une présomption réfragrable reposant sur la nature
de l'établissement public gérant le service public
. . . . . . . . .
IV./ Les dicultés de la distinction
A./ La relativité du critère matérielle
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B./ Les qualications textuelles erronées . . . . . . . . . . . . . . . . .
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C./ La complexité de la gestion administrative
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D./ Les qualications textuelles de l'établissement public parfois insusantes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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E./ Une combinaison USIA parfois remise en cause . . . . . . . . . . .
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La notion de service public
De manière générale, on peut introduire la notion en dénissant le service
public comme l'ensemble des activités devant être assurées ou contrôlées par
les personnes publiques, ces activités apparaissent comme des instruments. Des
instruments de construction, de défense, de cohésion et de contrôle du corps
social. En une formule on peut dire que le service public permet de faire société
et de conserver la société. Il y a une importance fondamentale du service public
qui apparaît à la fois comme une justication et une limitation du pouvoir. Une
justication car le service public est une des fonctions de la sphère publique, il
existe des personnes publiques pour garantir des missions de service public. Il
existe des personnes publiques pour garantir des missions de service public. Il
s'agit également d'une limitation car la sphère publique ne saurait invoquer un
pouvoir discrétionnaire qui ferait l'économie du service public. Le service public
s'impose aux personnes publiques comme nalité qu'elles doivent nécessairement
poursuivre.
Le service public n'est donc pas seulement une notion fonctionnelle ou un
critère jurisprudentiel. Il relève véritablement d'une forme de métaphysique juridique voire même d'une théologie juridique. C'est pourquoi notamment L.DUGUIT
en a fait un élément-clé de sa théorie de l'État. Cette centralité juridico-politique
se la notion de service public se retrouve en droit administratif. En eet, ce dernier en fait un critère d'identication de la compétence du juge administratif
et donc également un critère d'application de ce même droit administratif (TC,
8/02/1873, BLANCO). Pour que le service public puisse jouer ce rôle en droit
administratif, encore faut-il que celui-ci soit précisément identié.
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I./ L'exigence d'une dénition du service public
À l'origine, on observait une approche strictement organique, relativement
simple voire simpliste. En eet, on considérait que toute activité assurée par
une personne publique est un service public et que seule une personne publique
peut assurer un service public. Cette approche organique originelle va péricliter
en raison d'une complexication des choses. Cette complexication s'explique
par deux raisons :
L'explosion des activités exercées par les pouvoirs publics et ce notamment
par les deux guerres mondiales : historiquement, l'État se contenait d'assurer ses fonctions régaliennes (maintien de l'ordre, diplomatie et justice..),
les guerres mondiales vont changer la situation. Les personnes publiques
interviennent de plus en plus dans des domaines de plus en plus variés. On
peut citer à titre d'exemple, le logement, l'énergie, la culture et surtout
l'économie. Il y a donc un accroissement du champ des activités publiques
et accroissement quantitatif des interventions publiques. En conséquence,
il devenait impossible de dire que toutes les activités publiques devaient
être qualiées de service public
Les personnes privées vont être impliquées dans le service public. En eet,
les personnes privées peuvent exercer des missions de service public et ce
par trois moyens :
Par contrat (ex : délégation de service public), c'est un moyen très
ancien (CE, 1910, Cie Générale Française des Tramways & CE, 1916,
Cie Générale d'éclairage de Bordeaux)
Par habilitation textuelle : une norme unilatérale cone ici à une personne privée l'exécution d'une mission de service public (CE, 1938,
Caisse Primaire Aide et Protection & CE, 1942, MONPEURT)
Par carence de l'initiative publique, une personne privée peut exercer
sous sa responsabilité, une activité de service public dont elle détermine
le contenu sans qu'une personne publique lui en ait coné l'exercice.
Cette activité initiée par la personne privée peut se voir reconnaître,
un caractère de service public alors même qu'elle n'a pas fait l'objet
d'une dévolution de la part d'une personne publique ni par contre ni par
une norme unilatérale. Cette qualication en activité de service public
dépend de l'intérêt général de l'activité, de l'importance de l'activité
pour une personne publique ainsi que du fait que cette dernière exerce
un droit de regard sur son organisation et le cas échéant lui accorde des
nancements (CE, 2007, Commune d'Aix-en-Provence).
L'arrêt conrme l'immixtion des personnes privées dans la gestion
des services publics en présentant les diérents modes de gestion des
services publics selon une distinction fondamentale, on doit alors distinguer :
Les services publics d'initiative publique : d'une part, ces services
peuvent être directement gérés par les collectivités publiques soit
en régie, soit par l'intermédiaire d'un organisme créer pour gérer le
service (les collectivités publiques devant exercer sur cet organisme
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un contrôle comparable à celui qu'elles exercent sur leurs propres
services d'où la possibilité pour elle de s'assurer du strict respect de
son objet statutaire). D'autre part, ces services peuvent également
voir leur gestion conée à des tiers par deux moyens qui sont le
contrat (DSP ou MPS) ou l'existence d'un texte.
Les services publics d'iniative privée : ceux-ci sont qualiés de SP
si certains critères sont réunis : intérêt général de l'activité, importance de l'activité pour une personne publique, que cette dernière
exerce un droit de regard sur son organisation et lui apporte un
nancement.
Il est donc impossible de dénir le service public en raison du seul critère organique au vue de la diversication des personnes publiques et de l'immixtion des
personnes privées dans la gestion des service publics.
II./ La dénition classique issue de l'arrêt NARCY
(CE, 28 juin 1963)
L'arrêt NARCY rendu par le Conseil d'État en 1963 qui va poser les critères
d'identication du sevice public. Ces critères ne valent cependant pas lorsqu'il
existe une qualication textuelle. Dès lors que le législateur qualie ou dénie la
qualité de service public à une activité, le juge doit s'arrêter à cette qualication.
Il existe une primauté absolue de la qualication législative (ex : L. du 7/12/2006
dénissant le service public de l'énergie & L. 30/12/2006 dénissant le service
public d'eau potable et d'assainissement). Autrement dit, s'il n'y a pas de lois,
on doit entendre le service public comme une mission d'intérêt général exercé
sous le contrôle de la puissance publique par une personne morale ou physique,
publique ou privée dotée elle-même de prérogatives de puissance publique. Les
critères posés par l'arrêt NARCY étaient considérés comme cumulatifs (CE,
1992, Sté TEXTRON).
1./ La mission d'intérêt général
Il s'agit du critère le plus délicat car il est le plus subjectif. En eet, ce
que l'on considére comme relevant de l'intérêt général varie selon le temps ainsi
que selon les priorités politiques et sociales d'une nation à un moment donné.
L'exemple typique est celui de la culture qui dans un premier temps s'était vu
refuser par la jurisprudence la qualité d'activité de service public (CE, 1916,
Astruc) puis sept ans après (CE, 1923, GHEUSI), la culture était appréhendé
par le juge comme pouvant être une activité de service public.
Au vue de la variabilité de la notion, deux méthodes peuvent être employées
pour déterminer le caractère d'intérêt général d'une mission :
Il existe un texte qui attribue de façon explicite une mission dite d'intérêt
général à un organisme.
Il faut analyser la nature-même de l'activité en cause, le juge se demande
quelle est l'intention de la personne qui institue l'activite. Le juge se de-
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mande l'intention de la personne qui institue de l'activité et si l'activité
dont il est saisi vise l'objectif du plus grand service. On entend donc par
plus grand service la satisfaction d'un intérêt collectif. On s'intéresse
donc à la nalité de l'activité qui doit avoir une utilité publique au bénéce de tout ou partie des administrés. Sans intérêt général, il n'y a
pas de service public (CE, 1999, ROLIN). En l'espèce, les jeux de hasard
ne peuvent être appréhendés comme une mission de service public, faute
d'intérêt général. Comme l'indique de façon très claire, le commissaire du
gouvernement
Les jeux de hasard visent à apporter des recettes à l'État et non
pas à poursuivre un intérêt collectif ou à satisfaire tout ou partie des
administrés
2./ Les prérogatives de puissance publique
La personne qui exerce l'activité doit être dotée de prérogatives de puisance
publique. Une personne peut privée peut en être dotée par une personne publique
lorsque cette dernière lui cone l'exécution d'une mission de service public. Le
contrat ou la norme unilatérale lui conant la gestion du service public peut en
même-temps lui reconnaitre de telles prérogatives. Autrement une prérogative
de puissance publique doit être appréhendée comme un pouvoir exorbitant du
droit commun, un pouvoir que ne détient pas une personne privée ordinaire
ou une personne publique lorsqu'elle agit dans le cadre d'une gestion privée.
La prérogative de puissance publique est un pouvoir de faire exclusivement
rattaché à la personne publique et permettant à cette dernière de réaliser ses
fonctions notamment en imposant des obligations aux administrés. Par exemple,
on peut ainsi citer le pouvoir d'édiction d'une norme unilatéral à caractère
individuel ou réglementaire (CE, 1942, MONPEURT) ou bien le pouvoir de
xer des participations nancière à des opérations de protection des cultures
(CE, 1961, MAGNER) ou bien encore le pouvoir de prononcer des sanctions
disciplinaires à l'égard des sportifs (CE, 1976, Fédération Française de Cyclisme)
et enn, la délivrance ou le maintien des certicats de navigabilité des avions
civils (CE, 1983, Bureau VERITAS).
Deux raisons expliquent pourquoi les prérogatives de puissance publique
furent retenues comme critères du service public :
D'abord parce qu'il s'agit d'un critère objectif, simple à identier.
Ensuite, parce qu'il s'agit d'une marque indubitable de l'appartenance
d'un organisme à la sphère administrative. En étant doté d'une prérogative de puissance publique, un organisme acquiert quelque chose d'une
personne publique qui le rend apte à assurer pour le compte de celle-ci
une partie de ce qui est sa mission naturelle : le service public.
3./ Le contrôle public
L'idée est simple : il faut un contrôle public pesant sur la personne exerçant
l'activité en cause. En eet, même si la mision de service public peut être gérée
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par une personne privée, le service public reste une activité relevant par essence
de la puisance publique. Il doit toujours exister une prise en charge directe ou
indirecte par la puissance publique. En conséquence, il faut systématiquement
pouvoir rattacher une mission à une personne publique pour que cette mission
soit qualiée de service public. Peu importe que ce rattachement soit direct ou
indirect, celui-ci doit être nécessaire, ce rattachement est acquis à partir d'un
certain degré de sujétion ou de dépendance de l'organisme gestionnaire à une
collectivité publique. Ce contrôle public peut se matérialiser de façon diérente,
d'une part le contrôle peut être absolu car l'activité est exercée directement
par la personne publique. Dans cette hypothèse, la personne publique exerce
un pouvoir hiérarchique sur le personnel, un nancement direct de l'activité
etc...D'autre part, le contrôle peut être moins fort quand l'activité est exercée
par une personne privée de sa propre initiative ou suite à une dévolution publique. Dans cette hypothèse, le contrôle peut s'exercer de diérentes façons
d'abord lors de la création de l'organisme exerçant la mission, cette création
peut être la suite d'un agrément donnée par la personne publique. Ensuite, le
contrôle peut s'exercer sur l'organisation de l'organisme exerçant la mission (ex :
désignation des membres) . Enn, le contrôle peut porter sur le fonctionnement
de l'organisme exerçant la mission qui peut se traduire par un droit de veto,
l'apport d'un nancement, imposer certaines obligations ou encore s'assurer de
l'atteinte des objectifs dénis.
III./ La dénition renouvelée de l'arrêt APREI
(CE, 22 février 2007)
A./ La conrmation des modalités traditionnelles d'identication du service public par l'arrêt APREI
1./ La primauté de la qualication législative
L'idée est simple, l'arrêt APREI rappelle la primauté de la qualcation législative pour identier le service public.
2./ La conrmation de la dénition traditionnelle du service public
en présence de prérogatives de puissance publique
Lorsqu'il existe des prérogatives de puissance publique, cette existence rend
nécessaire la recherche de l'intérêt général et du contrôle public, ces trois critères
issus de l'arrêt NARCY doivent être présents de façon cumulative pour identier
une mission de service public.
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B./ L'admission de nouvelles modalités d'identication du
service public par l'arrêt APREI
1./ La remise en cause de prérogative de puissance public comme
critère nécessaire du service public
L'idée est simple, la détention d'une prérogative de puissance publique par
une personne exerçant la mission n'est plus un critère décisif pour qualier une
mission de service public. En eet, l'arrêt énonce de façon explicite que même en
l'absence de telles prérogatives, une personne peut être regardée comme exerçant
une mission de service public au regard de l'intérêt général de l'activité, aux
conditions de sa création, de son organisation ou de son fonctionnement, aux
obligations qui lui sont imposées ainsi qu'aux mesures prises pour vérier que
les objectifs qui lui sont assignées sont atteints.
Ainsi le caractère d'intérêt général de la mission et la réunion d'indices montrant l'intention de l'Administration de faire de la mission, une mission de service
public, sut pour qualier une mission de service public. Il y a un nouveau caractère indiérent de l'absence de prérogatives de puisance publique. De cette
façon, l'arrêt APREI conrme une jurisprudence isolée du Conseil d'État de
1990 (CE, 1990, Ville de Melun) qu'elle systématise. L'abandon du caractère
nécessaire de l'existence de prérogatives de puissance publique marque les mutations du service public. En eet, à l'époque où l'on exigeait cette prérogative,
celui-ci demeurait envisager comme un service public lourd voire structurant
(ex : autoroute, energie etc...) qui exigeait des prérogatives de puissance publique pour être mis en oeuvre. Désormais, le service public touche de plus en
plus des activités sociales, des activités d'assistance et de proximité. Autant de
domaines ne nécessitant pas la mise en oeuvre de moyen exorbitant du droit
commun pour être exercés.
2./ Le sort incertain du contrôle public au regard du faisceau d'indices
L'arrêt APREI ne parle pas expréssement du contrôle public comme critère
d'identication du service public. Après l'intérêt général, le juge met en avant
un faisceau d'indices matérialisant la volonté de l'Administration de permettre
l'exécution d'une mission de service public. Le juge fait référence aux conditions
de création d'organisation et de fonctionnement de l'organisme gestionnaire, il
évoque également les obligations imposées à cet organisme et les mesures prises
pour vérier que les objectifs lui étant assignés soient bien atteints. À partir de
là, deux interprétations sont possibles ; d'une part on peut estimer que le juge
continue de rechercher l'intérêt général et le contrôle public pour dénir le service
public seulement dans une tentative de pédagogie, le juge ne fait pas référence
uniquement au contrôle public mais explicite ce que doit être ou pourrait être
sa signication. Dans cette perspective-là, le faisceau d'indices correspondrait
au critère du contrôle public mais décomposé et explicité. D'autre part, le juge
créé de nouveau sous-critères à côté de celui de l'intérêt général. Ces nouveaux
sous-critères seraient la formulation d'un nouveau critère ; celui de l'investiture
donnée par la personne publique à l'exécution d'une mission de service public.
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C'est cette investiture qui serait appréciée à travers la technique du faisceau
d'indices.
Entre ces deux lectures, il est délicat de trancher dénitivement, les deux
peuvent être valables. En tout état de cause, ce que l'on peut armer avec
un minimum de certitudes, c'est que le juge administratif cherche à travers le
faisceau d'indices à assouplir sa jurisprudence, il ne veut pas l'enfermer dans des
critères étroits pour au contraire se laisser une certaine marge de manoeuvre à
travers la technique du faisceau d'indices. Quoi qu'il en soit, quelle que soit
l'inteprétation retenue, l'idée essentielle qu'il demeure toujours une nécessaire
présence publique, un rattachement à celle-ci pour qu'une activité donnée soit
qualiée de service public. Si la personne publique n'assure pas elle-même la
mission, elle doit au moins l'assumer.
C./ Bilan
La première hypothèse demeure la qualication légale, la deuxième hypothèse est la présence des critères issus de la jurisprudence NARCY (CE, 28/06/1963).
Enn, il faut admettre l'idée d'une mission de service public même en l'absence
de PPP, on passe ici par le prisme de l'intérêt général et du faisceau d'indices.
La distinction SPA-SPIC
I./ L'origine de la distinction
Le 21 janvier 1921, la situation du service public pouvait s'analyser en deux
points :
Une unité substantielle de la notion : matériellement, il n'existe aucune
distinction selon la nature du SP en cause. Aucune catégorisation des SP
selon leur objet.
Une distinction des modes de gestion : on distinguait déjà que la gestion
est asurée par la puissance publique elle-même ou par une personne privée
habilitée par contrat.
Le 22 janvier, le TC rend l'arrêt Sté Commerciale de l'Ouest Africain. En eet
cet arrêt distingue au sein de la notion de service public entre SPIC et SPA. Il
marque la n de l'unité substantielle de la notion de service public. En l'espèce
était en cause un service de transport qui posait problème, en eet, ce service
étant un service public mais étant exploité dans les mêmes conditions que le
ferait une société commerciale. Le Tribunal des Conits va chercher à concilier
ces deux caractéristiques en forgeant la notion de SPIC. La juridiction précise
que le juge judiciaire est compétent par principe en matière de SPIC sauf quand
un texte spécial donne compétence au juge administratif en cette matière. La
distinction repose sur des bases matérielles et non organiques.
Pourquoi une telle distinction ? La première explication est la nécessité de
tenir compte de l'extension considérable du champs des activités publiques, les
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personnes publiques interviennent alors dans des domaines jusque lors toujours
dévolus aux personnes privées. La distinction entre SPIC et SPA vise à distinguer les services publics qui relèvent par essence des personnes publiques et les
services publiques qui s'ils poursuivent bien la satisfaction d'un intérêt général
relèvent matériellement des activités d'une personne privée. La seconde explication est celle qui voudrait que l'arrêt de 1921 permet de mettre en exergue
des services publics entiers faisant l'objet par essence d'une gestion privée. Dans
un arrêt de 1955, l'arrêt NALIATO, le TC avait mis en avant une nouvelle catégorie de services publics, les services publics dits sociaux. L'arrêt énonçant
en eet ue le but d'intérêt social d'une activité peut lui conférer le caractère de
service public. Dans l'arrêt GAMBINI de 1983, le TC abandonne cette troisième
catégorie.
II./ Les intérêts de la distinction
A./ La détermination du régime juridique applicable à l'activité en cause
L'idée est simple : le SPIC relève en principe du droit privé, le SPA relève
en principe du droit administratif. Relèvent ainsi du droit privé, les relations
extracontractuelles entre les SPIC et leurs usagers (CE,1988, SCI La Colline),
les relations contractuelles entre les SPIC et leurs usagers (CE, 1961, Établissement Companon-Rey & TC, 1962, Dame Bertrand), les contrats passés pour
assurer le SPIC (TC, 2006, Caisse centrale de ré-assurance c./ Mutuelle des
architectes français), les personnels employés au service des SPIC relèvent du
droit privé (CE, 1928, Billard) excépté pour le directeur de l'ensemble des services de l'établissement et le comptable s'il a la qualité de comptable public
(CE, 1923, DE ROBERT LAFREYGÉRE & CE, 1957, JALLENQUES de LABEAU). Enn, le règles applicables en cas d'engagement de la responsabilité du
fait de l'activité d'un SPIC que la victime du préjudice soit un tiers (TC,1933,
Dame MÉLINETTE) ou un usager (TC, 2003, Sté ISOMIR c./ Cie AXA). Le
droit privé reste applicable même lorsque le dommage subi par l'usager du fait
d'un SPIC implique des travaux publics ou des ouvrages publics, dans ce cas la
qualité d'usager du SPIC prime sur la qualité d'usager de l'ouvrage public. En
eet on estime classiquement que l'ouvrage concoure à l'activité du SPIC, en
conséquence le fait de l'ouvrage est ramené au fait de l'exploitation du service
(TC, 1954, GALLAND).
B. / La détermination de la compétence juridictionnelle
Là encore, l'idée est simple. Compétence du JA = SPA, compétence du juge
judiciaire = SPIC. On parle d'une volonté d'instituer des blocs de compétence
institutionnalités.
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III./ Les modalités de la distinction
A./ L'existence d'une qualication textuelle
C'est habituel, la qualication de SPIC ou de SPA doit d'abord être recherchée dans les textes. La qualication législative l'emporte. (Ex : art. L.2224-11
du CGCT, l'eau et l'assainissement sont nancièrement gérés comme des SPIC).
B./ Le recours à des critères jurisprudtiels
En l'absence de texte, le juge va faire émerger des critères de distinction entre
SPIC & SPA (CE, 16/11/1956, USIA). Ainsi on est en présence d'un SPIC si le
service en cause ressemble à une entreprise privée au regard des trois critères.
Si l'un des trois fait défaut, alors on est en présence d'un SPA.
1./ L'objet du service
Le juge recherche si la mission en cause ressemble aux missions exercées par
les entreprises industrielles et commerciales, à cet égard pour identier un SPIC,
on doit être en présence d'une opération de production, distribution, vente de
biens ou de service eectivement assurés par le secteur marchand.
2./ Le mode de nancement du service
Il faut distinguer si le nancement du service est assuré par les usagers via des
redevances, c'est-à-dire des sommes payées au prorata de l'utilisation du service.
Il s'agit du prix en contrepartie de prestations fournies proportionnellement
aux services rendus. Si le nancement est assuré par des subventions publiques,
l'impôt ou des taxes alors on peut être en présence d'un SPA. En eet, les
subventions et les recettes scales sont des modes de nancement se caractérisant
par l'absence de contrepartie directe au prot de celui qui les aecte à un service
donné.
3./ Le mode de fonctionnement du service
Il s'agit ici de se demander si la personne assurant l'activité agit dans les
mêmes conditions qu'un industriel ou un commerçant, un opérateur économique
ordinaire sur le marché ou si le service fonctionne comme une administration. À
cette n, le juge utilise un certains nombre d'indices : le juge recherche s'il y a
une recherche de bénéces ou si prime un fonctionnement gratuit à prix coûtant
ou à perte. L'autre indice demeurant la nature de la comptabilité du service. On
doit aussi prendre en compte le régime juridique auquel est soumis le personnel
du service et enn le mode de gestion de service (régie ou monopole).
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C./ Le recours à une présomption réfragrable reposant sur
la nature de l'établissement public gérant le service public
L'hypothèse visée est ici celle d'un EP gérant un SP. Il arrive que les textes
qualient l'EP et non pas le SP lui-même. En ce cas, une présomption simple
est posée ; celle de l'adéquation entre la nature du gestionnaire et celle du service géré. Seulement cette présomption est réfragable, on peut invoquer le fait
que la nature de l'EP gérant le service n'a pas d'impact sur la nature du SP en
démontrant que le SP exploité a une nature distincte de celle de l'EP gestionnaire, on recours ici aux critères issus de l'arrêt USIA. Dans un arrêt de 1986,
l'arrêt BERGER, le CE a reconnu à propos du Centre Français du Commerce
Extérieur (qualié par décret d'EPIC) la gestion d'un SPA du fait que le service
géré fonctionne principalement avec de subventions.
IV./ Les dicultés de la distinction
A./ La relativité du critère matérielle
Une même activité peut être qualiée d'industrielle et commerciale ou administrative selon le lieu et l'époque en fonction des modes retenus quant au
nancement et au fonctionnement. Autrement dit, il n'y a pas toujours d'activité
industrielle et commerciale ou administrative par nature (Ex : les PTT).
B./ Les qualications textuelles erronées
Il arrive que des textes qualient des SPA de SPIC ou que des SPIC soit
qualiés de SPA. De la même façon des EPIC peuvent être qualiées d'EPA et
des EPA d'EPIC. Il s'agit de la théorie des EP & SP dits à visager inversé.
Lorsque la qualication erronée est opérée par un réglement, le juge administratif
peut requalier mais lorsque la qualication est opérée par la loi, il doit s'incliner
et appliquer le régime juridique découlant de cette qualication législative. Un
exemple de requalication : CE, 1986, BERGER.
C./ La complexité de la gestion administrative
Certains services publics sont mixtes ; à la fois SPIC et SPA. De la même
façon certains EP sont mixtes ; à la fois EPIC et EPA. Il sont alors dits à double
visage. Cela a une conséquence très simple, on doit alors relever l'application
concomitante du droit privé et du droit public, en fonction de l'activité à l'origine du litige que l'on détermine le juge compétent (Ex : Oce National de la
Navigation, (TC, 1949, GUIS), les CCI (TC, 1978, MARCHAND))
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D./ Les qualications textuelles de l'établissement public
parfois insusantes
Pour maîtriser le phénomène des EP à double-visage, le juge va vouloir s'appuyer exclusivement sur la qualication législative. Lorsque l'EP a un doublevisage mais qu'il dispose d'une qualication législative particulière ; on doit alors
se référer exclusivement à cette qualication. C'est ainsi que l'on a posé le principe selon lequel le juge judiciaire est compétent en cas d'EPA qualié d'EPIC
par la loi (TC, 2004, BLANCKEMAN). Seulement ce principe va connaître une
exception puisqu'en eet, on va progressivement admettre la compétence du
juge administratif pour connaître des litiges nés de l'utilisation de prérogatives
de puissance publique par l'EPIC. Ces PPP se manifestent à deux égards :
À travers les mesures d'organisations du service, organiser un EP et un SP
relèvent des pouvoirs exorbitants du droit commun (TC, 2004, Conseil Supérieur
Consultatif, doc n°13).
À travers les activités de l'EPIC, en eet un EPIC peut avoir des missions
parallèles à ses activités industrielles et commerciales qui manifestent l'existence
de PPP. C'est le cas par exemple quand l'EPIC a des missions de réglementation,
de police et de contrôle (TC, 2005, EURL Croisières Loraine La bergamotte
c./ VNF). Le recours doit porter contre les actes manifestant l'exercice de PPP
pour que le JA soit compétent. Il faut donc que les actes manifestant l'exercice
de telles prérogatives soient en attaqués en eux-mêmes. Le juge administratif
n'est pas compétent quand il s'agit de réparer le préjudice né de l'application
individuellle de ces actes (CE, 2003, PEYRON, doc n°12 & CE, 22/07/2009,
Cie des Bateaux-Mouches)
La stratégie nouvelle voulue par l'arrêt BLANCKEMAN est en réalité un
échec car perdure toujours l'idée d'un établissement public à double-visage. Cela
témoigne de l'irréductabilité des EP à double-visage.
E./ Une combinaison USIA parfois remise en cause
Il faut relever une diculté s'agissant des critères issus de la jurisprudence
USIA, cette diculté vient du fait que les critères cumulatifs semblent être
remis en cause. Positivement, il faut bien noter qu'un certain de nombre de
jurisprudences s'appuient sur un seul critère pour qualier le service public
intéressé, ainsi le juge a énoncé que la distribution d'eau est un SPIC par son
objet peu importe le mode nancement et l'organisation du service (TC, 23
mars 2005, ALBERTI-SCOTT) par exception elle n'est pas un SPIC lorsque sa
facturation à l'usager est périodique. Il y a donc une prise en compte subsidiaire
du mode de nancement. Cette jurisprudence pose une présomption de SPIC
du seul fait de l'activité exercée. Il y a donc un caractère secondaire du critère
tenant au nancement. Dans une jurisprudence de 2006 (TC, 2006, SA Camping
Les grosses pières), le juge énonce que le service d'enlèvement des ordures
ménagères est un SPIC par son mode de nancement sans prise en compte de
l'objet du service ou de son organisation. Dans la jurisprudence (TC, 2006, Sté
EUGTL c./ Escota), le juge énonce que la construction est l'exploitation d'une
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autoroute est un SPA par son objet sans prise en compte de son nancement et
des conditions de l'exploitation du service.
De ces trois jurisprudences découle une question légitime, celle de l'avenir
des critères cumulatifs de la jurisprudence USIA. L'interprétation visant à la
hiérarchisation des critères doit être écartée puisque le critère dominant change
en fonction des aaires. L'interprétation qui semble devoir être retenue est que
l'on passe en réalité d'une approche cumulative à la technique du faisceau d'indices. Cette technique permet alors au juge de combiner les critères de manière
plus souple.
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