intervention de robert gelli, procureur de la r

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intervention de robert gelli, procureur de la r
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« UN PROCUREUR GARANT D'UNE APPLICATION
IMPARTIALE ET EQUITABLE DE LA LOI. »
INTERVENTION DE ROBERT GELLI,
PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE A NANTERRE
PRESIDENT DE LA CONFERENCE NATIONALE DES PROCUREURS DE LA REPUBLIQUE
18 éme CONGRES DE L'IAP
MOSCOU
11 SEPTEMBRE 2013
La question de la place, du rôle du procureur au sein de la société et de ses rapports avec les acteurs
politiques, les juges et les citoyens est au coeur de la réflexion sur le ministère public tant au niveau
national qu'au niveau européen et international. Je me réjouis qu'à l'occasion de la conférence
annuelle de l'association internationale des procureurs qui nous réunit dans cette merveilleuse ville
de Moscou, les représentants du ministère public de nombreux pays de culture, de tradition
juridique diverses, contribuent à cette réflexion.
Mon propos consistera, après avoir évoqué les missions confiées au parquet français et ses
évolutions, d'essayer d'en tirer les conséquences sur les caractéristiques que doit présenter le
ministère public.
1/ Les missions du ministère public français et ses évolutions.
Le ministère public français a connu, au cours des dernières décennies, un accroissement
considérable de son rôle et ses missions. Sous l'effet de diverses réformes législatives et d'une
demande forte de justice de la part des citoyens, le procureur de la République se trouve de plus en
plus au centre des questions pénales.
- 1.1 Il est d'abord un acteur essentiel du processus judiciaire.
Chargé de veiller à l'application de la loi, au nom de la société et dans l'intérêt général, le procureur
exerce seul l'action publique, reçoit les plaintes et dénonciations et décide des suites qu'il convient
de leur donner.
Seule autorité à pouvoir saisir le juge, sous la réserve limitée dans la pratique de la possibilité pour
une victime de se constituer directement partie civile, le procureur de la République peut à tout
moment prendre des réquisitions devant la juridiction saisie et former des recours à l'encontre de
toutes décisions de justice.
Il dispose du pouvoir d'apprécier l'opportunité des poursuites.
Il peut ainsi classer une affaire après avoir estimé que les faits dénoncés ne constituent pas une
infraction à la loi pénale, que les faits ne sont pas suffisamment caractérisés ou que les charges
recueillies contre le mis en cause sont insuffisantes. Cette décision n'est pas soumise à une
validation du juge mais peut faire l'objet d'un recours devant le procureur général, autorité
hiérarchique supérieure.
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Dans un souci d'efficacité de la réponse pénale, les procureurs ont initié et développé les réponses
alternatives aux poursuites.
Le législateur a consacré ce rôle.
Il lui a même conféré des pouvoirs quasi-juridictionnels, avec la possibilité de proposer des peines
qui sont homologuées par le juge dès lors que le mis en cause assisté d'un avocat les accepte, (dans
le cadre de la composition pénale puis de la comparution sur reconnaissance préalable de
culpabilité).
Son rôle a été de même étendu en matière d'exécution des peines avec la possibilité de placer
directement sous surveillance électronique un détenu auquel il reste 4 mois de détention à purger ou
le recours à une procédure simplifiée d'aménagement de peine validée par un juge.
- 1.2 Il est aussi l'autorité chargée de suivre les enquêtes
Immédiatement avisé de la commission de crimes et délits par les services de police, il dirige,
contrôle et supervise l'action de la police judiciaire et le déroulement des enquêtes.
Ses propres pouvoirs en matière d'enquête ont été accrus avec la possibilité d'ordonner dans certains
cas avec l'autorisation du juge des mesures intrusives (perquisitions sans assentiment, écoutes
téléphoniques), ou de délivrer des mandats de recherche valant arrestation et placement en garde à
vue.
- 1.3 Il est dans le même temps garant des libertés individuelles et des droits des
parties
Il doit veiller au respect des droits individuels, au premier rang desquels figurent les droits de la
défense, s'assurer de la garantie des libertés individuelles, garantir la bonne alimentation des fichiers
de police et le contrôle des mentions qui y sont inscrites.
Il lui appartient aussi de veiller à ce que les victimes reçoivent aide et assistance effectives et soient
prises en considération dès la prise de plainte et tout au long du procès pénal.
Il est seul, parmi tous ceux qui concourent à une procédure judiciaire, à être autorisé par la loi à
rendre publics des éléments objectifs tirés de la procédure, sans porter d'appréciation sur le bien
fondé des charges retenues contre les personnes mises en cause.
Il doit accomplir toutes ses missions de façon impartiale comme vient de le consacrer une récente
loi du 25 juillet 2013.
Le comité des ministres du Conseil de l'Europe, dans une recommandation du 6 octobre 2000, a
défini le ministère public comme étant « l'autorité chargée de veiller, au nom de la société et dans
l'intérêt général, à l'application de la loi, en tenant compte, d'une part des droits des individus et,
d'autre part, de la nécessaire efficacité du système de justice pénale ».
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1.4 Enfin, il inscrit son action dans une politique pénale
Les magistrats du parquet, soumis à l'autorité hiérarchique du Garde des Sceaux sont chargés de
mettre en oeuvre la politique pénale définie par le Gouvernement et de l'adapter aux réalités locales
de leur ressort. Ils doivent rendre compte à cette autorité de leur action et de la conduite de la
politique pénale dans leur ressort. Ils ont donc en charge, au-delà du traitement des dossiers
individuels, de mettre en oeuvre une politique et de définir des priorités d'action mais aussi des
modalités de réponse pénale adaptées au contexte local.
Le procureur veille à la prévention des infractions à la loi pénale et à cette fin, anime et coordonne
dans le ressort de son tribunal la politique de prévention de la délinquance dans sa composante
judiciaire qui comprend aussi la protection judiciaire de la jeunesse et l'administration pénitentiaire
(article 39-2 du CPP).
Représentant l'ensemble de l'institution judiciaire, il est ainsi un acteur principal de toutes les
politiques partenariales de sécurité et de prévention de la délinquance, que ce soit dans le cadre des
conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance présidés par les maires, ou dans le
cadre des instances regroupant les services de l'Etat sous la présidence ou aux côtés du préfet.
La dimension politique du procureur en matière pénale, s'étend de plus en plus aux autres champs
d'intervention du parquet, c'est-à-dire, la matière commerciale, la matière civile qui touche à des
thématiques sociétales sensibles (adoption, filiation, état civil, tutelles,..) ou encore la protection de
l'enfance.
L'actuelle ministre de la justice a déclaré à plusieurs reprises que le ministère public était la colonne
vertébrale de la justice qui est l'épine dorsale de la démocratie.
Au centre de toute une série de missions qui peuvent avoir des finalités et des contenus
contradictoires, le procureur de la République se trouve ainsi en équilibre subtil mais parfois
instable.
Membre à part entière de l'autorité judiciaire, il est en contact régulier avec toute une série d'acteurs
aux logiques différentes, les juges du siège, les avocats, les policiers, les services de
l'administration, mais aussi le pouvoir exécutif, les élus locaux, les associations assurant la défense
d'un groupe de personnes.
L'évolution des missions et du rôle du ministère public le place au centre de critiques et de tensions.
L'accroissement des pouvoirs du parquet en matière d'enquête et en matière quasi-juridictionnelle
renforce la nécessité de son statut de magistrat mais dans le même temps, suscite des reproches sur
le manque de contradictoire de la phase d'enquête dirigée par le paquet et conforte les partisans
d'une séparation nette entre le siège et le parquet.
L'éloignement de la sphère juridictionnelle d'un parquet de plus en plus impliqué dans des
politiques de sécurité et de plus en plus préoccupé par des considérations de gestionnaire de flux
accroît la distance avec les magistrats du siège qui s'identifient moins à eux et leur reprochent d'être
d'abord des agents d'exécution des politiques gouvernementales.
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Dès lors, comment concilier ces contradictions? Comment donner les moyens aux procureurs de la
République de mener à bien ses missions et d'assurer de façon harmonieuse et exempte de critiques
ses relations au sein de la société avec tous les acteurs qu'ils côtoient quotidiennement?
2/ Les missions confiées par la loi au ministère public exigent des garanties statutaires.
Le ministère public est une autorité d'enquête et de poursuite. Dès lors, et au-delà de toute autre
considération, la question fondamentale qui est posée est de savoir quelles caractéristiques doit
présenter cette autorité.
L'enquête pénale consiste, à partir d'une infraction constatée ou dénoncée, à réaliser des
investigations pour en vérifier la réalité, le contexte et les circonstances, pour en identifier l'auteur
et déterminer ses motivations.
Certaines de ces investigations peuvent revêtir un caractère coercitif, intrusif, attentatoire à la vie
privée et en cela elles constituent une violence pour celui qui en est l'objet, mais une violence
légitime car il en va de l'intérêt de la société.
La façon dont cette enquête va être conduite est inévitablement déterminante pour la suite judiciaire
qui lui sera donnée et au-delà sur la peine qui sera prononcée par la juridiction du fond.
Le choix du mode de poursuite est tout autant déterminant. Le recours à une comparution
immédiate ou à une convocation ultérieure devant le tribunal, la saisine d'un juge d'instruction, le
choix d'une sanction négociée ou d'une alternative à une poursuite induisent des réponses
différentes en terme de sanctions.
L'autorité chargée de l'enquête et de la poursuite doit donc obéir à un certain nombre de principes.
Elle doit d'abord être inspirée par le seul souci de la recherche de la vérité, de la défense de l'intérêt
général et du respect des droits et libertés individuelles. Le procureur ne peut pas être réduit à une
simple partie au procès, un accusateur ou le porte-parole d'une thèse.
Même si le procureur veille à la situation des victimes, à l'offre de soutien et d'assistance à leur
égard ainsi qu'à l'effectivité de l'indemnisation de leur préjudice, il n'en est pas pour autant le
représentant ni le défenseur.
Il n'est pas davantage le représentant du pouvoir exécutif.
L'autorité d'enquête et de poursuite doit aussi présenter des garanties pour les justiciables que son
action est à l'abri de toute pression, influence, qu'elle revêt une démarche impartiale au sens de la
recommandation du comité des ministres du Conseil de l'Europe du 6 octobre 2000 et qu'elle doit
avoir les attributs d'une autorité judiciaire indépendante selon la jurisprudence de la Cour
européenne des droits de l'homme.
Elle doit enfin disposer des moyens d'accomplir sa mission en termes humains, techniques et doit
pouvoir exercer une réelle et efficiente direction ou contrôle de la police judiciaire.
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Dès lors, il apparaît clairement que les procureurs de la République doivent disposer d'un statut qui
garantisse leur impartialité ainsi que d'une formation qui les qualifie en matière juridique.
Les membres du ministère public français sont très attachés à leur statut de magistrat. .
Il ne s'agit pas de satisfaire une quelconque revendication catégorielle ou le confort des membres du
ministère public.
Il s'agit bien plus d'assurer aux justiciables que l'autorité chargée de diriger l'enquête judiciaire, de
décider de la suite pénale à lui donner, de requérir au nom de l'intérêt général, n'est pas soumise à
des considérations politiques ou partisanes et qu'elle est guidée d'abord par une compétence
professionnelle, technique, juridique et respectueuse des droits.
Quel que soit son statut, le ministère public doit jouir d'une liberté totale dans l'exercice de ses
missions légales et d'une indépendance fonctionnelle dans la prise de décision individuelle.
Cela suppose que les membres du ministère public ne soient pas dépendants du pouvoir exécutif.
Leur nomination, leur carrière, leur mutation doivent être soumis à l'avis d'un organe indépendant,
un conseil supérieur de la magistrature ou de la justice composé de magistrats, élus par leurs pairs,
et de non magistrats, désignés selon des procédures garantissant leur impartialité.
Cela suppose aussi que le pouvoir politique ne puisse pas donner des instructions particulières dans
des dossiers individuels ni user de son influence pour déterminer un procureur de la République à
exercer ou ne pas exercer des poursuites, à conduire les enquêtes d'une certaine manière ou à
prendre telle réquisition devant la juridiction saisie.
La liberté d'action des procureurs est un corollaire indispensable à l'indépendance de la justice.
3/ Les instructions générales du Garde des Sceaux ne sont pas incompatibles avec le statut
de magistrat du ministère public.
Dans le système judiciaire français, le ministère public est placé sous l'autorité du ministre de la
justice.
Jusqu'à récemment le ministre de la justice pouvait donner des instructions dans les dossiers
individuels. Cette prérogative, même si elle était limitée dans le principe à une injonction d'engager
des poursuites dans un système d'opportunité des poursuites, était source d'une suspicion récurrente
d'intervention du pouvoir politique dans les affaires individuelles.
Une loi du 25 juillet 2013 a prohibé la possibilité pour le ministre de la justice de donner quelque
instruction que ce soit dans les dossiers individuels.
Désormais, le lien hiérarchique est fondée d'une part sur le devoir d'information du ministère de la
justice par les procureurs sur les affaires les plus importantes et les plus significatives et d'autre part
sur la mise en oeuvre de la politique pénale définie par le ministre de la justice.
Celui-ci conduit la politique pénale, le procureur général l'anime et la coordonne et le procureur de
la République la met en oeuvre en tenant compte des spécificités locales.
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Légitimé, inspiré par la politique pénale dont il est l'acteur local principal, nourri des informations
recueillies dans le cadre des instances locales de sécurité et de prévention de la délinquance sur le
contexte économique, social, sur l'état de la délinquance et le ressenti des citoyens, le procureur
peut conduire une action publique plus éclairée et apporter des réponses judiciaires plus adaptées.
Un procureur de la République est constamment en situation de faire des choix dans l'exercice de
l'action publique notamment en matière de délinquance quotidienne: choix du service d'enquête,
choix de la modalité de l'enquête, choix de l'orientation de la procédure, choix de la réponse
judiciaire.
Il les fait d'abord bien sûr sur la base de la plainte qui lui est adressé ou des faits et des résultats de
l'enquête qui sont portés à sa connaissance par les services de police. Mais ces choix sont encore
plus judicieux s'il a une connaissance de la réalité du contexte local dans lequel ces faits sont
commis. Les informations qu'il recueille dans les instances de concertation auxquelles il participe
avec les acteurs locaux lui permettent d'acquérir cette connaissance.
Grâce à son implication dans le tissu local, à sa connaissance des responsables des services de
l'État, des élus, des associations, il peut mettre en place des modalités de réponses pénales
diversifiées, alliant la nécessaire fermeté et la pédagogie pour éviter la récidive.
C'est ainsi que peuvent se développer, avec le concours des responsables locaux et de financements
publics de l'Etat et des collectivités locales, toute une série de mesures, telles que la réparation
pénale pour les mineurs, les programmes de prise en charge des conjoints violents, la protection des
victimes de violences familiales, les stages de citoyenneté.
La participation active des procureurs à l'élaboration des politiques locales de sécurité constitue un
atout pour mener efficacement sa mission fondamentale d'orientation des procédures pénales. Mais
en s'impliquant fortement avec toute une série de partenaires locaux, il court le risque de se
retrouver sous influence. Pour éviter cet écueil, il est indispensable que son statut soit suffisamment
protecteur et lui impose une éthique.
Le procureur tient sa légitimité d'abord de la loi dont il a la charge de veiller à l'application puis du
lien hiérarchique avec le ministre de la justice dans l'application de ses orientations générales de
politique pénale
En matière de politique pénale, le procureur est chargé de mettre en œuvre, de décliner et d'adapter
au niveau local les orientations générales du Garde des Sceaux.
C'est ici que le lien hiérarchique trouve tout particulièrement sa consistance. Le procureur doit
appliquer cette politique générale mais aussi en rendre compte. On pourrait s'interroger s'il est bien
nécessaire que ce soit un magistrat qui remplisse ce rôle et si une autorité administrative ne pourrait
pas le faire aussi bien et peut être mieux comme il le fait pour l'ensemble des politique publiques.
Mais la politique pénale n'est pas une politique publique comme une autre.
Les politiques publiques consistent à accorder des droits, des avantages ou à en retirer, mais sur des
bases et des conditions objectives de durée, de ressources par exemple.
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La politique pénale fut-elle présenté de la façon la plus objective se traduit inéluctablement par
l'engagement de poursuites, des atteintes à la liberté, qui doivent s'apprécier sur la base de critères
multiples de faits, de contexte, de personnalité requérant de la part de celui qui les examinent une
impartialité.
Lorsqu'un ministre de la justice adresse une circulaire d'action publique aux procureurs leur
demandant de faire preuve de fermeté à l'encontre des auteurs de certains actes de délinquance, le
procureur, précisément parce qu'il est magistrat, qu'il est garant des libertés individuelles, qu'il sait
que le choix de la modalité de poursuite induit une certaine réponse judiciaire de la part des
magistrats du siège, parce qu'il dispose d'un pouvoir propre de donner suite, peut adapter cette
directive aux réalités locales et aux circonstances de fait et de personnalité de chaque dossier.
Dès lors, la qualité de magistrat du membre du parquet n'est pas incompatible avec les instructions
que lui adresse le ministre de la justice. Elle est même nécessaire.
Application de la loi, mise en oeuvre d'une politique pénale générale inspirent l'action du ministère
public français, mais il est une autre référence qui l'anime.
En effet, si le procureur de la République est tenu de prendre des réquisitions écrites conformes aux
instructions qui lui sont données par son procureur général ou aux orientations de politique pénale,
il développe librement « les observations orales qu'il croit convenables au bien de la justice », selon
les termes de l'article 33 du code de procédure pénale français.
Cette référence à ce qui est convenable au bien de la justice illustre parfaitement la mission
fondamentale qui est la sienne.
Le ministère public défend un intérêt supérieur qui est celui de la justice qui ne se limite pas à
l'intérêt général, à la défense de la société, mais qui englobe aussi la dimension humaine du procès
pénal.
Comme se plaisait à le dire, une grande figure de la magistrature française, André Braunschweig,
« il faut avoir un certain amour des hommes pour être un bon magistrat », et donc aussi une bonne
autorité de poursuite, car « l'homme reste au coeur de la justice »
Ceux qui considèrent qu'il faut tirer les conséquences de la dépendance du ministère public par
rapport au ministre de la justice et clarifier la situation en faisant du parquet un relai institutionnel
du pouvoir politique sont dans l'erreur.
Au contraire lorsque le pouvoir exécutif exerce une autorité sur le ministère public, les membres du
parquet doivent avoir un statut encore plus protecteur afin de préserver les nécessaires équilibres
des pouvoirs dans une société démocratique.
4/ La soumission des membres du ministère public à des règles déontologiques et à un contrôle
de son action
L'indépendance ou à tout le moins l'autonomie des procureurs ne risque-t-elle pas de conduire à une
irresponsabilité? C'est une critique souvent opposée à une telle évolution.
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Je suis convaincu au contraire que la liberté dans l'action est non seulement source de responsabilité
mais en aussi est la condition, sous la réserve qu'un corpus déontologique et des règles de
transparence encadrent cette action.
En premier lieu, le magistrat du parquet est soumis à des obligations déontologiques qui peuvent
être regroupées dans un recueil. Le Conseil supérieur de la magistrature français a établi, à la
demande du pouvoir législatif, un recueil des obligations déontologiques des magistrats.
Ces obligations sont regroupées dans six chapitres, correspondant aux six qualités qui doivent
guider l'action des magistrats:
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l'indépendance,
l'impartialité,
l'intégrité,
la légalité,
l'attention à autrui,
la discrétion et la réserve.
Le non respect de ces obligations est passible de sanctions disciplinaires prononcées par un conseil
supérieur de la magistrature.
Le procureur de la République est soumis aux mêmes obligations déontologiques que le magistrat
du siège, même si le rôle de chacun est spécifique dans le système judiciaire. Les juges et les
procureurs agissent avec les mêmes références et valeurs, dont ils usent à des stades différents du
processus judiciaire.
Le procureur doit exercer les poursuites avec honnêteté, objectivité et impartialité. Il doit veiller à
l'égalité de traitement des justiciables et agir avec respect et écoute.
Dans ses rapports avec les juges, il doit éviter tout comportement qui pourrait être interprété comme
attentatoire à l'indépendance des juges ou qui pourrait laisser penser à une collusion avec eux.
En dirigeant l'enquête avec objectivité, il veille à ce que les tribunaux disposent de tous les éléments
de fait et de droit pertinents y compris ceux favorables à la personne poursuivie.
Il doit aussi être soumis à une certaine transparence sur sa situation personnelle et patrimoniale afin
de prévenir tout conflit d'intérêts dans l'exercice de sa fonction ou toute suspicion.
Le procureur de la République doit également rendre compte de son action.
Toute décision du ministère public, de poursuite ou de non poursuite, doit être justifiée au regard de
la règle de droit et doit pouvoir être motivée.
Les poursuites qu'il engage devant un tribunal ou les mesures restrictives de liberté sont
naturellement soumises au contrôle du juge, seul à pouvoir en décider.
Le renforcement du débat contradictoire et public dans le cadre de l'enquête menée par le parquet ne
constitue pas un obstacle dès lors que son efficacité est préservée.
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Lorsqu'il met en oeuvre la politique pénale et décide des priorités d'action publique et de réponse
judiciaire, il doit pouvoir s'en expliquer.
Il est ainsi prévu dans la loi française que les procureurs doivent rédiger un rapport annuel de
politique pénale sur l'application de la loi et des instructions générales ainsi qu'un rapport annuel sur
l'activité et la gestion de son parquet. Ce rapport est adressé au procureur général qui le transmet
ensuite avec son propre rapport au ministère de la justice.
Il doit informer, au moins une fois par an, l'assemblée générale des magistrats du siège et du parquet
des conditions de mise en oeuvre de la politique pénale et des instructions générales adressées à
cette fin par le ministre de la justice.
Dans le cadre des contrats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, le procureur
informe les élus (maires, président du conseil général), les diverses autorités administratives et
policières, les acteurs locaux associatifs, sociaux, préventifs, de l'action et de l'activité de son
tribunal. Il explique ses priorités, ses choix ainsi que les orientations générales du ministre de la
justice.
Pour conclure, je dirai que l'ensemble de ces règles de déontologie, la transparence, l'impartialité, le
professionnalisme doivent guider le comportement des procureurs de la République au sein de la
société et dans leurs rapports avec l'ensemble des acteurs que sont les juges, le pouvoir politique, la
police, les victimes, les justiciables et les citoyens,
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