avant-propos

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AVANT-PROPOS
Il est des sujets d’étude que n’importe quel chercheur hésite à aborder. La
question de la définition de l’investissement international en fait incontestablement
partie. Non que la question de l’investissement soit en elle-même effrayante. Mais sa
définition l’est. Paradoxe sans doute puisque définir un phénomène social, qu’il soit
économique ou juridique (ou les deux en l’espèce) est souvent la première démarche
qui s’impose.
L’investissement international entre justement dans le cercle des notions dont
l’étude et l’utilisation abondent sans que l’on sache exactement comment les définir.
A titre d’exemple, les notions de « peuple » ou, plus récemment, celle de
« terrorisme », entrent dans cette catégorie où l’investissement prend place. Il fallait
donc forcer un peu la porte pour essayer de connaître les raisons de cette impossibilité qui s’explique à la fois par un contexte politique ou économique particulier, mais
aussi par l’inaptitude d’une « définition » à résoudre les questions afférentes à
l’investissement. Consécutivement, il fallait un certain courage pour aborder de front
un tel sujet. Ce courage n’a pas manqué à Anne Gilles en dépit des légitimes doutes
qui ont jalonné cette recherche.
Partant d’une analyse inductive sur les traités et la question des catégories
juridiques, puis sur la jurisprudence et la nécessité d’un critère juridictionnel – avec
de remarquables analyses dans ce cadre – il était logique d’aboutir, cette fois-ci dans
une démarche déductive, à s’interroger sur la pertinence du « concept » et son utilité,
et ceci sans aucune prétention dogmatique. Il ressort de l’ensemble une belle maîtrise sur un sujet difficile. Le travail ne prétend d’ailleurs pas à une « finitude » mais
se veut un jalon parmi d’autres d’une interrogation sur ces concepts juridiques que
l’on ne peut ou ne veut définir mais qui sont abondamment utilisés.
Aucun travail de recherche n’avait abordé ce sujet, en dépit de nombreux travaux sur l’investissement. Pourtant, l’absence d’unicité de la définition de l’investissement est un sujet de préoccupation international depuis de nombreuses années,
qui a notamment conduit à l’échec d’une tentative de traité multilatéral dans ce
domaine. Il convenait dès lors d’en comprendre les raisons avec rigueur et d’une
manière dépassionnée. La démarche a alors été de se pencher sur la pratique conventionnelle, ce qui impliquait le dépouillement d’un grand nombre de traités dont
rend compte l’annexe de ce travail, puis sur la pratique arbitrale du CIRDI en raison
de la nécessité pour l’arbitre de définir ce qu’il entend par investissement pour
asseoir sa compétence. L’auteure a décidé d’opter pour trois parties, la dernière
ayant pour but de synthétiser d’une manière plus théorique les enseignements pratiques des deux premières parties. Cette troisième partie s’avère plus délicate à appréhender car il s’agit de prouver qu’il existe bien un « concept » d’investissement. Mais
c’est aussi le cœur de ce travail, son aboutissement, qui permet d’entrevoir toute la
richesse de l’étude non sans une certaine modestie de sa part. Sur un sujet de cette
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La définition de l’investissement international
importance, les matériaux utilisés sont fondamentaux. Or, aussi bien l’analyse jurisprudentielle – fine et abondante – que le dépouillement impressionnant des traités
bilatéraux d’investissement montrent que l’auteure n’est pas parvenue par hasard à
ses conclusions.
Dans cette quête, aucun jargon n’apparaît, le propos est clair et compréhensible, tout comme l’aller-retour entre la théorie et la pratique se fond dans un ensemble harmonieux. Anne Gilles a fait l’effort de dépasser la technicité de son sujet pour
s’engager sur la voie de la théorie du droit. Sur un tel sujet, cet effort est hautement
appréciable et permet de relativiser un discours technique trop souvent omniprésent et stérile.
Toutes ces raisons incitent à considérer que ce travail original et courageux
mérite une lecture attentive. Le droit international économique – et le droit des
investissements en particulier – s’émancipe très rapidement en ce début de
XXIe siècle. A cette émancipation, plusieurs raisons viennent à l’appui dont la plus
évidente est la place croissante des mécanismes économiques internationaux qui
augmentent consubstantiellement la place des instruments juridiques qui les encadrent. Mais une telle croissance de l’étude de cette branche du droit international
s’était jusqu’à présent largement exemptée de l’analyse de son cadre théorique. Ce
travail vient à point nommé pour réconcilier ces deux aspects dans une démonstration aussi harmonieuse que passionnante.
Jean-Marc Sorel
Professeur à l’Ecole de Droit de la Sorbonne (Université Paris 1)
Directeur de l’Institut de Recherche en Droit International et Européen de la Sorbonne
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