Ne jouez pas au plus malin avec le fisc
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Ne jouez pas au plus malin avec le fisc
Ne jouez pas au plus malin avec le fisc Volker Saux - 01/11/2006 - L'Expansion Nos conseils pour ne pas commettre les erreurs, volontaires ou non, sur lesquelles l'administration a l'œil. La fraude fiscale peut coûter cher. Mais, avec 970 poursuites pénales recensées en 2005, elle ne concerne qu'une frange infime de contribuables. On estime ainsi à environ 5 000 par an le nombre de contrôles fiscaux approfondis. N'importe qui, en revanche, peut voir son dossier contrôlé « sur pièces » par le fisc. « L'objectif est de contrôler chaque année 15 % des personnes imposables. Dans mon centre, la moitié de ces contrôles donnaient lieu à des rectifications », explique Olivier Pietri, ancien inspecteur des impôts devenu récemment consultant fiscaliste. Certains y sont plus exposés que d'autres. « Les revenus supérieurs à 152 500 euros annuels sont systématiquement contrôlés tous les trois ans », précise-t-il. « Des défiscalisations dans les DOM-TOM ou des régimes fonciers qui génèrent du déficit augmentent les risques », observe Dominique Laurant, avocat spécialisé en droit fiscal et auteur de Gagnez contre le fisc (Delmas). Attention aux déclarations incohérentes : si vous touchez 250 000 euros par an et que votre patrimoine stagne, c'est louche. Pour autant, le fisc mène- t-il des campagnes ? « Il peut décider localement de cibler. Par exemple, sur les déclarations de frais réels supérieurs à tel montant », explique Olivier Pietri. « Si un inspecteur spécialiste des stock-options arrive dans un centre des impôts, il insistera sur ce point. Mais c'est imprévisible, juge Pascal Julien-SaintAmand, notaire dans les Yvelines et vice-président du Groupe Monassier. Parfois, on observe des recherches spécifiques : par exemple, afin de prévenir l'utilisation abusive des PEA pour restructurer un patrimoine, le fisc s'est penché sur tous ceux qui dépassaient une certaine valeur. » Au cas par cas, voici les points à ne pas négliger pour ne pas se retrouver dans le collimateur des inspecteurs. Famille et travail N'exagérez aucune source de déduction Avec la déclaration préremplie, en principe, les erreurs sur les salaires et les allocations disparaissent. Mais les contribuables peuvent encore être pris en défaut sur d'autres aspects de la vie courante. S'ils « inventent » une personne à charge, par exemple. Ou si, parents divorcés, « ils déclarent chacun leur enfant à charge, explique Vincent Grandil, avocat à Altexis, un cabinet spécialisé en conseil fiscal. C'est soit l'un, soit l'autre, ou des quarts de part en cas de garde alternée. Le fisc n'a qu'à vous demander un certificat de scolarité pour vérifier. » Au rayon famille, on trouve aussi la fausse pension alimentaire versée à une grandmère prétendument dans le besoin. Rien de plus facile, en vérifiant ses revenus, que de voir si cette pension est justifiée ou s'il s'agit d'un artifice destiné à obtenir une déduction. Enfin, n'oubliez pas que beaucoup de charges déductibles ou de revenus exonérés, comme les frais liés à un employé à domicile ou les salaires saisonniers touchés par des enfants étudiants, sont plafonnés. Dans le domaine professionnel, l'administration se montre vigilante sur les frais réels : quand, au lieu de l'abattement forfaitaire de 10 %, vous tenez à déduire le vrai Page 1 sur 4 montant de vos frais, soyez sûr de pouvoir les justifier. « On peut vous demander votre contrat de travail, votre type de véhicule, des factures d'entretien... », détaille Olivier Pietri. Immobilier Défiscalisez avec précaution Les dispositifs fonciers spéciaux qui permettent d'investir dans l'immobilier tout en défiscalisant attirent l'œil du fisc. Besson, Borloo populaire, Robien, mais aussi Demessine ou Malraux, « ils sont souvent sources d'erreurs dans les déclarations », juge Serge Levet, avocat fiscaliste de Savoie. Quelques exemples : le Borloo populaire, contrairement au Robien, ne permet pas de louer le logement à un membre de sa famille ; le régime Demessine, pour les investissements touristiques en zone de revitalisation rurale, « a pour condition la signature d'un bail commercial prenant effet dans le mois qui suit l'acquisition ou l'achèvement du logement. Il ne s'agit pas de l'achèvement de la résidence de tourisme, mais de celui du propre logement de l'acquéreur », précise Jean-Louis Le Boulc'h, avocat et auteur d'ouvrages sur la défiscalisation immobilière. La nuance peut échapper au non-initié. Jérôme Barré, du cabinet Franklin, suggère de joindre à sa déclaration des documents justificatifs : « Pour un investissement Malraux, par exemple, l'autorisation spéciale de travaux, le détail des charges, la copie du bail. Sinon, il est probable qu'on va vous poser des questions, même si vous n'avez rien à cacher. » Autre régime très exposé, celui de « loueur meublé professionnel » (LMP), qui permet, à partir de 23 000 euros annuels de revenus locatifs, d'en déduire les charges liées au logement. « C'est devenu un produit phare, explique Jean-Louis Le Boulc'h. Cela a alerté l'administration, qui regarde désormais de près ces dossiers. Attention aux abus de droit : certaines personnes créent une SARL de famille et y intègrent leur résidence secondaire, voire principale, pour se la louer à elles-mêmes en LMP. » Elles risquent alors de se voir appliquer une pénalité de 80 %. Revenus boursiers Sachez justifier vos plus-values « Les revenus mobiliers sont l'une des principales sources de redressement », constate Vincent Grandil. Il est risqué de badiner sur ce point : les revenus issus de la vente de titres cotés sont déclarés au fisc par les banques. La même prudence s'impose pour les dividendes, intérêts, jetons de présence et stock-options. « L'administration peut recouper ce que le contribuable reporte sur sa déclaration et ce que l'établissement payeur déclare de son côté », explique Jérôme Barré. En revanche, « si les banques sont tenues de communiquer à l'administration fiscale le montant des cessions de valeurs mobilières, ce n'est pas le cas pour la plus- ou moins-value générée », précise Jeremy Hassenforder, dirigeant de la société Alcyone Patrimoine. En cas de contrôle, le contribuable devra justifier le chiffre déclaré. « Il faut donc conserver tous les documents », note Vincent Grandil. Domiciliation Ne jouez pas avec votre adresse Page 2 sur 4 « Avant, il était possible de déduire les intérêts d'emprunts de sa résidence principale. On se domiciliait là où il y avait un emprunt à rembourser », rappelle Serge Levet. Cette mesure n'existant plus, déclarer comme principale sa résidence secondaire a-t-il toujours un intérêt ? Oui, si l'on souhaite l'équiper d'une source d'énergie économique (chaudière basse température, pompe à chaleur...). Cet investissement donne droit à un crédit d'impôt s'il est réalisé dans la résidence principale (L'Expansion n° 712, page 160). Ou « si l'on veut vendre la maison secondaire et qu'elle a moins de 15 ans. La plus-value est ainsi exonérée », explique un expert. Mais attention : « Le fisc peut vérifier où vos enfants vont à l'école, où vous êtes inscrit comme électeur, où se situe votre employeur, des éléments qui démontrent la réalité de votre résidence », prévient Jean-Louis Le Boulc'h. Les payeurs de l'ISF trouveront un autre intérêt à ce « changement d'adresse », puisque cet impôt permet un abattement de 20 % sur la résidence principale. Mais ils seront peut-être tentés par une autre option, plus lourde : se domicilier à l'étranger. « Tous mes clients dont le patrimoine est supérieur à 5 millions d'euros y pensent un jour », assure Jeremy Hassenforder. Mais les critères très stricts doivent être respectés scrupuleusement. Il faut partir pour de bon : « Un abonnement à un opérateur de téléphonie mobile ou des enfants scolarisés en France peuvent vous trahir. » Paiement de l'ISF Ne sous-évaluez pas vos biens « La hausse de l'immobilier a fait augmenter le nombre de redevables de l'ISF », constate Jeremy Hassenforder. La barre des 750 000 euros de patrimoine est désormais plus vite franchie. Conséquence : « Les contribuables ont tendance à sous-évaluer la valeur de leurs biens immobiliers pour ne pas payer l'ISF, ou pour en payer moins. » Une mauvaise évaluation est moins risquée qu'une absence de déclaration, car la prescription est de trois ans dans le premier cas, contre dix dans le second. Mais attention : le fisc n'est pas dupe quant à l'évolution du marché. De plus, « en cas de mutation (donation, vente...), on doit se fonder sur la valeur du marché. Si l'on vend 2 millions d'euros un bien déclaré 500 000, le fisc s'en apercevra », prévient Jeremy Hassenforder. « Il ne faut pas hésiter à anticiper en faisant une déclaration rectificative », conseille Dominique Laurant. L'ISF comporte encore bien des pièges, sur la valorisation des sociétés non cotées, sur les conditions d'exonération des biens professionnels, sur les décotes des biens immobiliers, sur l'obligation pour les concubins de faire une déclaration commune. Sans oublier, avertit Pascal Julien-Saint-Amand, « l'usufruitier, qui reste redevable sur 100 % du bien même quand il en a transmis la nue-propriété ». Enfin, n'oubliez pas de déclarer des comptes courants d'associés. Leur surveillance est un des dadas du fisc. Page 3 sur 4 En 2005, 2,3 milliards d'euros de redressements encaissés par le fisc Produit des contrôles sur pièces - 1,794 milliard d'euros Produit des contrôles fiscaux - 524 millions d'euros pour 4 959 contrôles Poursuites pour fraude fiscale - 970 Contrôles effectués auprès d'entreprises (77,8%), de professions libérales (11,7%) et de dirigeants de société ou de salariés (10,5%) Source : DGI, rapport annuel de performance 2005 Les risques encourus LES CONTRÔLES Le contrôle sur pièces Le fisc vérifie la déclaration. En cas de doute, il demande par écrit une information ou une justification. Le contribuable a deux mois pour répondre. L'examen contradictoire de situation fiscale personnelle C'est le vrai contrôle fiscal : examen des comptes bancaires, du train de vie... Plutôt rare, il touche surtout les gros patrimoines et gros revenus. LES SANCTIONS Le redressement, ou rectification Il entraîne une régularisation de l'impôt, majoré selon les cas : intérêts de retard (0,4% par mois), pénalités de retard (10%), «manquement délibéré» (40%), «manœuvre frauduleuse» ou «abus de droit » (80%). Au préalable, le fisc envoie une «proposition de rectification contradictoire». On dispose de trente jours pour contester. La taxation d'office Sans réponse à une demande de justification ou sans dépôt de déclaration, le fisc peut procéder à un redressement non contradictoire. La condamnation pour fraude fiscale En cas d'infraction grave et volontaire, ou d'accumulation des redressements, on risque le tribunal correctionnel. Peine maximale : 75 000 euros et cinq ans de prison. Page 4 sur 4