La garde

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La garde
Claire Debourg
Fiche de niveau 3. Droit de la responsabilité / Responsabilité du fait des choses /
05/12/2007
La garde
La responsabilité du fait des choses est un régime de la responsabilité civile qui
prévoit que l’on est responsable du fait d’une chose que l’on a sous sa garde. C’est une
forme de responsabilité indirecte qui soulève la question de savoir comment désigner le
responsable lorsqu’une chose est à l’origine d’un préjudice. La jurisprudence, sur le
fondement de l’article 1384 al 1er, a eu recours à la notion de garde.
Cette notion est distincte de celle de possession ou de propriété de la chose. Une
personne peut être reconnue gardienne et donc responsable simplement parce qu’elle
contrôle la chose.
Définition de la garde :
Les bases de la définition de la notion de garde ont été donnée par l’arrêt Franck rendu
par la Cour de cassation le 2 décembre 1941 (S. 1941, I, p. 217, note H. Mazeaud ; DC
1942, p. 25, note G. Ripert, GAJC n° 194). Selon cet arrêt, le gardien est celui qui
détient « l’usage, la direction et le contrôle » de la chose, c’est-à-dire celui qui avait la
possibilité théorique d’empêcher que la chose ne cause un dommage. On retient donc
une conception matérielle de la garde, indifférente à la détermination de celui qui détient
un pouvoir juridique sur la chose. Cette conception a une incidence sur le moment
d’appréciation de la qualité de gardien. Celle-ci doit se faire à l’instant du fait
dommageable, peu important que la garde ne soit que momentanée voire très éphémère.
Cette maîtrise matérielle doit être accompagnée d’un pouvoir indépendant sur la chose.
Le préposé ne peut pas donc pas être gardien car il n’a la détention de la chose que sous
le contrôle de son commettant (à moins que le dommage soit causé dans le cadre d’un
abus de fonction).
Présomption de garde à la charge du propriétaire
La jurisprudence a toutefois posé une présomption de garde à la charge du propriétaire.
Ainsi, dans l’arrêt Req., 12 janvier 1927 (DP 1927, I, p. 145, note R. Savatier ; S. 1927,
I, p. 123, note H. Mazeaud.), la cour énonce que « si en principe le propriétaire est
réputé avoir la garde de la chose, rien ne s’oppose à ce qu’il prépose un tiers à cette
garde ». Il revient donc au propriétaire de renverser cette présomption en prouvant qu’il
avait perdu la maîtrise de la chose par transfert ou perte. Ce transfert peut être
volontaire (contrat) ou involontaire (vol, usurpation …). Les juges font preuve de sévérité
dans la reconnaissance d’un transfert de garde. Ils s’assurent notamment, qu’au moment
du dommage, le propriétaire n’était plus en mesure d’exercer un contrôle sur la chose.
Par ailleurs, la jurisprudence a parfois fait prévaloir la présomption même dans des
circonstances où le transfert apparaissait établi.
Garde et discernement
La jurisprudence n’exige pas le discernement du gardien. Une personne atteinte d’un
trouble mental peut être considérée comme gardienne d’une chose inanimée (Civ. 2e, 18
décembre 1964). De même, la qualité de gardien a été attribuée à un enfant dépourvu
de discernement (Ass. Plén. 9 mai 1984, Gabillet).
Pluralité de gardiens
Une garde en commun est concevable, le plus souvent, en vertu d’un pouvoir de fait sur
la chose. Toutefois, aucun des gardiens ne peut invoquer la garde des autres puisqu’elle
est partagée. Entre les gardiens, seule la preuve d’une faute peut justifier une
responsabilité.
Garde de la structure et garde du comportement
Une partie de la doctrine a mis en avant le fait que le gardien étant celui qui avait le
pouvoir d’empêcher que la chose ne nuise à autrui, cette qualité pouvait être attribuée à
des personnes différentes selon la cause exacte du dommage. Elle a proposé une
distinction entre la garde de la structure (interne) et la garde du comportement
(mouvement). Par exemple dans l’hypothèse d’un transport de produits dangereux qui
explose, le transporteur est responsable si l’explosion est due à un mauvais arrimage des
produits mais pas si l’explosion est due à un défaut structurel des produits. Cette
distinction semble avoir été consacrée implicitement (Civ. 2e, 11 juin 1953) puis
ultérieurement réaffirmée, mais la jurisprudence sur la question reste très floue.
Bibliographie
S. RETIF, Un critère unique de la garde de la chose : la faculté de prévenir le préjudice
qu’elle peut causer ? », Resp. civ. et ass. 2004, chron., n°24.
A. TUNC, La garde de comportement et de structure dans la responsabilité du fait des
choses, JCP 1957, I, 1384.