Quatorzième Séance La responsabilité du fait des choses

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Quatorzième Séance La responsabilité du fait des choses
UNIVERSITE PANTHEON-ASSAS (PARIS II)
Année universitaire 2013-2014
TRAVAUX DIRIGES - 2ème année de Licence en Droit
DROIT CIVIL
Cours de Monsieur le Professeur Nicolas MOLFESSIS
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Distribution : du 10 au 15 mars 2014
Quatorzième Séance
La responsabilité du fait des choses
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I. – L’émergence du principe général de responsabilité du fait des choses.
L’examen de la responsabilité du fait des choses sera, au cours de la présente séance, puis
ultérieurement, envisagé à diverses reprises.
On ne s’occupera pas, dans la présente séance, de la loi du 5 juillet 1985, dite Loi Badinter
(accidents de véhicules terrestres à moteur), même si certains arrêts concernent les accidents
d’automobiles (à l’époque où ils ont été rendus, semblable loi n’existait pas). Au demeurant,
l’homme peut causer aujourd’hui encore bien des dommages avec d’autres choses que des
véhicules terrestres à moteur. Par exemple avec des bicyclettes. On ne se préoccupera pas non
plus, pour l’heure, de la responsabilité du fait des produits défectueux, envisagée plus tard.
La réflexion doit être centrée sur l’article 1384 alinéa 1er du Code civil et sur la construction
édifiée par la jurisprudence à partir de ce texte.
L’amélioration du sort de la victime d’accidents entraînés par l’emploi de choses s’est
manifestée, à l’époque de la rédaction du Code civil, au moyen d’un procédé du droit de la
preuve : la présomption.
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Elle permet à la victime de profiter d’un renversement du fardeau de la preuve. Ainsi, parce
qu’il y a fait d’une chose, la responsabilité du gardien de cette chose va être, à certaines
conditions, présumée. Et il s’agit alors de savoir dans quels cas existe cette présomption et de
quelle manière celui sur qui elle pèse, va pouvoir se dégager.
Les rédacteurs du Code civil n’avaient estimé nécessaire d’améliorer la situation de la victime
que dans deux cas :
- à propos des accidents causés par des animaux (1385) ;
- à propos des accidents causés par la ruine d’un bâtiment (1386).
Au premier alinéa de l’article 1384 du Code civil, figurait une disposition de caractère
général, ainsi rédigée : « On est responsable non seulement du dommage que l’on cause par
son propre fait, mais encore de celui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre,
ou des choses que l’on a sous sa garde ». Dans l’esprit des rédacteurs du Code civil, il
s’agissait là seulement d’une transition servant à annoncer les dispositions suivantes, relatives
aux cas de responsabilité du fait d’autrui (art. 1384, al. 2 et s. ; on les verra au cours d’une
séance ultérieure) et aux cas de responsabilité du fait des choses, spécialement prévus par les
rédacteurs du Code civil (art. 1385 et 1386).
Toute l’évolution jurisprudentielle a consisté, à partir du développement du machinisme et des
accidents du fait des choses qui se sont alors multipliés, à améliorer la situation des victimes
de dommages dont les causes étaient souvent inconnues, ce qui rendit d’autant plus important
le renversement de la charge de la preuve.
On tenta tout d’abord d’interpréter largement les exceptions figurant aux articles 1385 et
1386. Mais cela ne pouvait suffire.
Et c’est dans ces conditions que, par l’arrêt Teffaine du 11 juin 1896, la jurisprudence a
« inventé » au sujet de la responsabilité du fait des choses inanimées (s’agissant des animaux,
il y avait l’art. 1385) un principe général de la responsabilité du fait des choses en le fondant
sur l’article 1384, alinéa 1er du Code civil : « On est responsable… par le fait… des choses
que l’on a sous sa garde ». Règle générale, car désormais, par l’effet créateur de la
jurisprudence, cette formule cessa d’avoir pour seul objet d’annoncer les articles 1385 et
1386. Elle devint le fondement du principe général de responsabilité du fait des choses.
Là-dessus, la jurisprudence a édifié toute une construction. (On pourra ainsi méditer sur la
formation progressive d’un concept d’origine jurisprudentielle).
Plusieurs questions devaient en effet être résolues. Au premier rang, il fallait déterminer la
nature de la présomption : présomption de faute ou de responsabilité ? Dans le premier cas, le
gardien peut s’exonérer en prouvant son absence de faute ; dans le second, il ne peut
s’exonérer que par la preuve d’une cause étrangère.
Le débat a été intense en doctrine. La jurisprudence n’a été fixée que par l’arrêt Jand’heur des
Chambres réunies du 13 février 1930. Cet arrêt est essentiel et sans doute le plus célèbre de
tout le droit de la responsabilité.
- Il permet tout d’abord d’affirmer la généralité de l’article 1384 al. 1er, évitant la
casuistique selon que la chose était ou non dirigée par la main de l’homme, atteinte
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d’un vice propre ou non, dangereuse ou non… Selon cet arrêt, « il n’est pas nécessaire
que la chose ait un vice inhérent à sa nature et susceptible de causer un dommage,
l’article 1384 al. 1er rattachant la responsabilité à la garde de la chose et non à la
chose elle-même ». Ainsi, pour l’application de la présomption qu’elle édicte, la loi ne
distingue pas suivant que la chose qui a causé le dommage était ou non actionnée par la
main de l’homme.
- Il a également pour intérêt d’affirmer que l’article 1384 al. 1er pose une présomption de
responsabilité.
Document 1 : Ch. réunies, 13 février 1930, arrêt Jand’heur ; Grands arrêts de la
jurisprudence civile, T. II, n° 199 ; D. 1930, 1, 57, note Ripert.
Cet arrêt doit être connu et bien connu. La suite s’ordonne à partir de lui.
II. – La notion de garde : usage, contrôle, direction.
Pour être applicable, l’article 1384 al. 1er requiert un dommage causé par une chose, et un
gardien de la chose sur qui pèsera la responsabilité. La garde est la notion centrale, comme l’a
montré l’arrêt Jand’heur.
La notion a dû être définie. L’arrêt Franck, du 2 décembre 1941, a posé les trois critères qui,
réunis, font la garde d’une chose : l’usage, le contrôle, la direction. Est gardien de la chose
celui qui a ces trois pouvoirs sur la chose.
Le gardien n’est donc pas le propriétaire. Il peut l’être ; il peut ne pas l’être. Il l’est sans doute
le plus souvent dans les faits. D’où une nouvelle présomption – simple cette fois : le
propriétaire est présumé gardien. Il devra établir qu’il a transféré la garde de la chose à un
tiers, c’est-à-dire prouver qu’un autre que lui avait, au moment de la réalisation du dommage,
les pouvoirs d’usage, de direction et de contrôle de la chose.
Ces trois pouvoirs sont donc des pouvoirs de fait et non des pouvoirs de droit sur la chose.
Document 2 : Ch. réunies, 2 décembre 1941, arrêt Franck ; Grands arrêts de la
jurisprudence civile, T. II, n° 200 ; D.P. 1942, 25, note Ripert.
L’arrêt est presque aussi connu – ou doit l’être – que l’arrêt Jand’heur.
Document 3 : Cass. Civ. 2ème, 19 juin 2003, Bull. civ. II, n°201.
Si un propriétaire transfère à autrui la garde de la chose ou si on lui vole celle-ci, il cesse
d’être le gardien au moment même où une autre personne le devient. L’exemple illustre une
règle souvent affirmée et selon laquelle la garde est alternative et non cumulative.
Le terme signifie qu’à un moment donné une chose ne peut avoir qu’un seul gardien. Il n’en
reste pas moins que la garde peut être exercée concomitamment par plusieurs personnes qui
sont alors co-gardiens (souvenez-vous de la gerbe de plomb ou de la balle de tennis…).
Document 4 : Cass. Civ. 2ème, 7 novembre 1988, Bull. civ. II, n° 214.
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De même la jurisprudence a inventé une distinction entre la garde de la structure et la garde
du comportement, pour des choses douées, par hypothèse, d’une structure (dangereuse). Où
l’on voit se réintroduire, indirectement, une distinction refoulée par l’arrêt Jand’heur. Mais
cette fois, ces choses peuvent être objet d’une garde (en quoi la distinction ne va pas contre
l’arrêt Jand’heur), mais le gardien de la structure ne sera pas le même que le gardien du
comportement. On relèvera qu’il n’y a pas pour autant entorse au caractère non cumulatif de
la garde, car à un même moment, il n’y a pas deux gardiens de la structure et deux gardiens du
comportement, mais bien un seul.
Document 5 : Cass. 2ème sect. civ., 5 janvier 1956, arrêt Oxygène liquide ; D., 1957.261 note
Rodière, Grands arrêts de la jurisprudence civile, T. II, n° 201-202.
Document 6 : Cass. Civ. 2ème, 4 février 2010, inédit.
Voici donc où l’on se trouve :
- l’article 1384 pose une présomption de responsabilité qui pèse sur le gardien de la chose ;
- le gardien est celui qui a les pouvoirs d’usage, de direction et de contrôle ;
- la chose n’importe pas, puisque l’article 1384 alinéa 1er s’applique à toutes choses
inanimées (ne relevant pas d’un régime dérogatoire spécifique).
- Le propriétaire est présumé gardien, mais peut avoir transféré la garde.
La définition de la garde a soulevé une difficulté particulière s’agissant des personnes
dépourvues de discernement. Peut-on être gardien sans avoir la faculté de discernement ? La
direction et le contrôle ne supposent-ils pas la faculté de discerner ?
Document 7 :
-
Civ. 28 avril 1947, Grands arrêts de la jurisprudence civile, T. II, n° 203-205 ;
-
Civ. 2ème, 18 décembre 1964, Grands arrêts de la jurisprudence civile, T. II, n° 203205 ; D. 1965.191, concl. Schmelck, note Esmein ;
-
Ass. Plén. 9 mai 1984, Gabillet, Grands arrêts de la jurisprudence civile, T. II, n° 203205 ; D. 1965.525, 3ème arrêt concl. Cabannes, note Chabas.
III.- La chose et le fait de la chose.
Logiquement, la chose n’importe plus depuis l’arrêt Jand’heur (v. supra). Toutefois, on voit
réapparaître dans le régime même de l’article 1384 al. 1er, des distinctions : ainsi, la
distinction entre la garde de la structure et la garde du comportement rappelle la distinction
ente les choses douées ou non d’un dynamisme propre voir les choses dangereuses ou non. (v.
supra).
De même, une difficulté se pose pour les choses inertes. Les choses inertes, comme toutes les
autres, peuvent entraîner la responsabilité de leur gardien.
Mais l’application de l’article 1384 al. 1er suppose que la chose soit à l’origine du dommage :
il faut un fait causal de la chose.
Or, s’agissant des choses inertes, la question a été de savoir si elles peuvent être la cause du
dommage. Réponse affirmative. Mais, à partir de quand ? La jurisprudence exige qu’elles
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aient un rôle actif dans la réalisation du dommage, qu’elles soient intervenues dans la
réalisation du dommage. Quand y a-t-il rôle actif ? Lorsque la chose présente un caractère
anormal ? On comparera avec l’hypothèse de la chose en mouvement.
Document 8 : Cass. Civ. 2ème, 3 février 2011, inédit.
Document 9 : Cass. Com. 13 mars 2007, inédit ; RCA 2007, comm. 180.
IV.- Régime de la responsabilité : une responsabilité de plein droit.
Depuis l’arrêt Jand’heur, la responsabilité qui pèse sur le gardien de la chose est une
responsabilité de plein droit. On dit encore qu’il est présumé responsable. Cela signifie qu’il
ne peut s’exonérer qu’en prouvant une cause étrangère, soit un cas de force majeure, une faute
d’un tiers ou encore une faute de la victime (on se demandera si celle-ci peut être
partiellement exonératoire). La question se pose alors de savoir ce qu’est un cas de force
majeure :
Document 10 : Cass. civ. 2ème, 21 novembre 2013, pourvoi n°12-28154.
Document 11 : Cass. civ. 2ème, 4 juillet 2013, pourvoi n°12-23562.
V.- Sport, acceptation des risques et responsabilité du fait des choses.
Document 12 : Cass. Civ. 2ème, 28 mars 2002 ; D. 2002, 3237, note D. Zerouki ; LPA
4 septembre 2002, p. 8, note J-B. Laydu.
Document 13 : Cass. civ. 2ème, 4 novembre 2010, pourvoi n°09-65947.
Document 14 : article L. 321-3-1 du Code du sport issu de la LOI n°2012-348 du 12 mars
2012.
VI.- Exercice :
La fiche étant importante et les documents qui y figurent étant essentiels, ce qui implique
qu’il faut les connaître et les avoir compris, l’exercice proposé consiste à :
- faire les fiches d’arrêt
- pour les documents : 1, 3, 4, 5, 7 (Gabillet), 8, 9, 11 et 13 (on n’oubliera pas, pour ce
document, de le rapporter au document 14).
1) faire un état des questions qui marque les intérêts de la décision, par rapport au
problème soulevé et aux évolutions de la jurisprudence (antérieure et postérieure).
2) faire un court résumé de l’arrêt
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Exemple : sur le document 2. Ch. réunies, 2 décembre 1941
1) Points à étudier (état des questions)
- la notion de garde
- la distinction de la garde matérielle et de la garde juridique (débat, portée)
- les critères de la garde : usage, contrôle et direction
- l’explication de ces critères
- le devenir de ces critères, notamment avec l’objectivation de la notion et avec la
distinction de la garde de la structure et de la garde du comportement (document 7)
- la présomption simple de garde du propriétaire
- le transfert de la garde (document 3)
2) Résumé
La responsabilité du fait des choses n’étant pas attachée à la chose elle-même mais à sa garde
(Ch. réunies, 13 février 1930, document 1), il convenait dès lors de définir cette notion.
L’arrêt Franck fixe les critères de la garde en consacrant la thèse de la garde matérielle, ce
dont il résulte que le propriétaire d’une chose est seulement présumé en être le gardien.
L’arrêt définit la garde de la chose, au sens de l’article 1384, alinéa 1er, par la réunion de trois
critères cumulatifs : le gardien est celui qui dispose « de l’usage, de la direction et du
contrôle » de la chose. Partant, la perte de ces pouvoirs sur la chose entraîne la perte de la
garde de celle-ci et exclut la présomption de responsabilité édictée par l’article 1384, alinéa
1er. En l’espèce, la Cour de cassation décide que l’article 1384, alinéa 1er ne peut fonder la
responsabilité du propriétaire de la voiture cause d’un accident dès lors qu’il en avait perdu
l’usage, la direction et le contrôle par l’effet d’un vol. Le propriétaire dépossédé n’était plus
gardien de la chose et échappait à ce titre à la présomption de responsabilité de l’article 1384,
alinéa 1er.
La qualité de gardien résulte de l’exercice d’un pouvoir de fait sur la chose, elle ne requiert
donc pas l’existence d’un titre juridique. C’est ainsi qu’en l’espèce, le voleur de la chose a pu
être désigné comme le gardien responsable, malgré son absence de pouvoir juridique sur la
chose. La Cour de cassation consacre ainsi la notion de garde matérielle et refoule la notion de
garde juridique de la chose, qui liait la garde à l’exercice d’un pouvoir légitime sur la chose.
La conception adoptée permet ainsi au propriétaire de la chose d’échapper à l’application de
l’article 1384, alinéa 1er dès lors qu’il peut prouver qu’à la date du dommage, il était privé de
la possibilité d’exercer sur la chose les pouvoirs d’usage, de direction et de contrôle. La
solution revient donc à admettre qu’il pèse sur le propriétaire d’une chose une présomption de
garde, qu’il peut renverser en démontrant, soit qu’il a transféré la garde à autrui par un acte
juridique, soit qu’il en a été indûment privé, comme c’était le cas en l’espèce.
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Document 1 : Ch. réunies, 13 février 1930, arrêt Jand’heur.
Document 2 : Ch. réunies, 2 décembre 1941, arrêt Franck.
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Document 3 : Cass. Civ. 2ème, 19 juin 2003
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Amiens, 14
septembre 2001), que, le 16 avril 1998, M.
X..., tondant la pelouse de M. Y..., s’est blessé
aux doigts en voulant dégager de l’herbe
coincée sous la lame de la tondeuse
appartenant à ce dernier ; que M. X... a assigné
M. Y... en réparation de son préjudice, sur le
fondement de l’article 1384 du Code civil ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. Y... fait grief à l’arrêt de
l’avoir déclaré entièrement responsable du
dommage subi par M. X... et de l’avoir
condamné à réparer l’intégralité de son
préjudice, alors, selon le moyen, qu’est gardien
de la chose son utilisateur qui, en dehors de
tout lien de subordination envers le
propriétaire, en a l’usage, la direction et le
contrôle ; qu’en se fondant pour considérer que
M. X..., qui selon ses propres constatations
tondait la pelouse de M. Y... avec la tondeuse
de ce dernier, n’était pas gardien de la
tondeuse, sur la circonstance exclusive de tout
lien de subordination qu’il n’avait pas été
autorisé à se servir de la tondeuse pour son
usage personnel, ni à la sortir de la propriété, la
cour d’appel a violé l’article 1384, alinéa 1er,
du Code civil ;
Mais attendu que l’arrêt, après avoir énoncé
que le propriétaire d’une chose est réputé en
avoir la garde, que, bien que la confiant à un
tiers, il ne cesse d’en être responsable que s’il
est établi que ce tiers a reçu corrélativement les
pouvoirs d’usage, de direction et de contrôle de
la chose, retient que M. Y... n’avait confié sa
tondeuse à M. X... que pour un court laps de
temps et pour un usage déterminé dans son
propre intérêt, que M. X... n’avait pas été
autorisé à se servir de la tondeuse pour son
usage personnel, ni à la sortir de la propriété ;
Que de ces constatations et énonciations, la
cour d’appel a pu déduire que M. Y... était
demeuré gardien de la tondeuse ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que M. Y... fait grief à l’arrêt de
l’avoir déclaré entièrement responsable du
dommage subi par M. X... et de l’avoir
condamné à réparer l’intégralité de son
préjudice, alors, selon le moyen, qu’en statuant
ainsi, sans rechercher si la faute commise par
M. X... qui avait approché sa main de la lame
de la tondeuse en marche, n’était pas de nature
à exonérer totalement ou partiellement M. Y...
de la responsabilité qu’il encourait en sa
qualité de gardien, la cour d’appel a privé son
arrêt de base légale au regard de l’article 1384,
alinéa 1er, du Code civil ;
Mais attendu que le moyen est nouveau,
mélangé de fait et de droit et, comme tel,
irrecevable ;
D’où il suit que le moyen n’est pas recevable;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;
Document 4 : Cass. Civ. 2ème, 7 novembre 1988
Vu l’article 1384, alinéa 1er, du Code civil,
ensemble l’article 1203 de ce Code ;
Attendu que lorsque la garde d’une chose
instrument d’un dommage est exercée en
commun par plusieurs personnes, chacun des
cogardiens est tenu, vis-à-vis de la victime, à la
réparation intégrale du dommage ;
Attendu, selon l’arrêt infirmatif attaqué, qu’au
cours d’un jeu collectif, le mineur X... qui,
avec plusieurs enfants, attaquait une baraque
défendue par un autre groupe, a été blessé à
l’oeil par l’un des " assiégés ", tous armés de
flèches ; que l’auteur du jet de flèche n’ayant
pu être identifié, les consorts X... ont demandé
la réparation de leur préjudice à M. Y..., père
d’un des " assiégés ", et à son assureur, la
Mutuelle de la ville de Thann ; que la caisse
primaire d’assurance maladie de Mulhouse est
intervenue à l’instance ;
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Attendu que pour débouter les consorts X... de
leurs demandes, l’arrêt, après avoir retenu que
la garde de l’instrument du dommage
appartenait au groupe des assiégés, énonce
que, sur le fondement d’une responsabilité
collective, la responsabilité d’un seul membre
du groupe ne pouvait être retenue sans
provoquer la mise en cause des autres ;
En quoi la cour d’appel a violé le texte susvisé;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de
statuer sur les autres griefs des pourvois :
CASSE ET ANNULE.
Document 5 : Cass. 2ème sect. civ., 5 janvier 1956, arrêt Oxygène liquide
Vu l’article 1384, alinéa 1er du Code civil ;
Attendu que la responsabilité du dommage
causé par le fait d’une chose inanimée est liée
à l’usage ainsi qu’au pouvoir de surveillance et
de contrôle qui caractérisent essentiellement la
garde ; qu’à ce titre, sauf l’effet de stipulations
contraires valables entre les parties, le
propriétaire de la chose ne cesse d’en être
responsable que s’il est établi que celui à qui il
l’a confiée a reçu corrélativement toute
possibilité de prévenir lui-même le préjudice
qu’elle peut causer ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt confirmatif
attaqué que la société "L’Oxygène liquide"
avait expédié, par voie ferrée, au "Comptoir
des carburants" un certain nombre de
bouteilles métalliques remplies d’oxygène
comprimé ; qu’à l’arrivée en gare, ces
bouteilles furent prises en charge par X...,
entrepreneur de transports ; qu’au cours de leur
livraison dans les locaux du comptoir
destinataire, l’une d’elles éclata ; que la cause
de cette explosion, en l’état de l’expertise
effectuée, serait restée inconnue, encore qu’il
n’ait point été prouvé, ni même allégué, que
l’accident fût la conséquence d’un acte ou
d’une circonstance extérieurs à l’objet ; que
Y..., préposé de X..., ainsi que Z..., employé au
service du "Comptoir des carburants" furent
blessés par les éclats de la bouteille ;
Attendu que, pour débouter lesdites victimes,
ensemble les Caisses de sécurité sociale
intervenantes de leurs actions en réparation,
dirigées, sur la base de l’article 1384, alinéa
1er, du Code civil, contre la société
"L’Oxygène liquide", la Cour d’Appel appuie
sa décision sur ce motif que "seul, celui qui a
la garde matérielle d’une chose inanimée peut
être responsable de cette chose", ce qui n’était
pas le cas pour la défenderesse ;
Mais attendu qu’au lieu de se borner à
caractériser la garde par la seule détention
matérielle, les juges du fond, devaient, à la
lumière des faits de la cause et compte-tenu de
la nature particulière des récipients transportés
et de leur conditionnement, rechercher si le
détenteur, auquel la garde aurait été transférée,
avait l’usage de l’objet qui a causé le préjudice
ainsi que le pouvoir d’en surveiller et d’en
contrôler tous les éléments ;
Attendu qu’en refusant de se déterminer sur ce
point, la Cour d’appel n’a pas mis la Cour de
cassation à même d’apprécier quel était, en
l’espèce, le gardien de la chose, au sens de
l’article visé au moyen ;
D’où il suit que l’arrêt attaqué manque de base
légale ;
Par ces motifs :
Casse et annule les deux arrêts rendus entre les
parties par la Cour d’Appel de Poitiers le 29
octobre 1952 et les renvoie devant la Cour
d’Appel d’Angers.
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Document 6 : Cass. Civ. 2ème, 4 février 2010
Sur le moyen unique, pris en sa première
branche :
Vu l'article 1384, alinéa 1er, du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué, que
le 10 octobre 2003, un incendie s'est déclaré
dans la maison d'habitation de M. et Mme X...
et l'a endommagée ; qu'une expertise ordonnée
en référé ayant établi que l'incendie avait pris
naissance dans le sèche-linge de marque
Whirlpool, par suite d'un échauffement de cet
appareil, M. et Mme X... et leur assureur, la
sociéte Les Mutuelles régionales d'assurances
devenue société Thelem assurances, ont
assigné en responsabilité et réparation la
société Sogara, propriétaire du magasin
"Carrefour" où ils avaient acquis cet appareil le
13 novembre 1999, et la société Whirlpool
France ;
Attendu que pour déclarer la société Whirlpool
responsable du dommage subi par M. et Mme
X... et la condamner à leur payer diverses
sommes, l'arrêt énonce qu'il ressort du rapport
d'expertise de M. Z... que, s'il est patent que le
feu est parti du sèche-linge fabriqué par la
société Whirlpool, les causes de ce départ de
feu sont ignorées ; qu'aucun vice de l'appareil
n'a été mis en évidence ni aucune faute en
relation avec l'incendie à l'encontre de M. et
Mme X... et de ladite société ; que lorsque la
chose à l'origine du dommage a un dynamisme
propre et dangereux, ce qui est le cas de ce
sèche-linge à la fois chauffant et soufflant, doté
d'un dynamisme interne qui lui est propre, et
dont les potentialités de mise à feu, selon
l'expert, existent au regard de ses effets de
chauffe et de ses effets électrostatiques, il est
acquis que la responsabilité du fabricant en sa
qualité de gardien de la structure peut être mise
en cause, et qu'il lui appartient, pour s'exonérer
de sa responsabilité, de démontrer l'existence
d'un cas fortuit ou de force majeure, ou d'une
cause étrangère ; que la société Whirlpool ne
rapporte pas cette preuve ;
Qu'en statuant ainsi, après avoir relevé que les
causes de l'incendie étaient ignorées et que
l'appareil était exempt de vices, et alors qu'un
sèche-linge, à raison d'une potentialité de mise
à feu au regard des effets de chauffe et des
effets électrostatiques indissociables des
propriétés chauffantes et soufflantes qui le
rendent conformes à sa destination, ne
constitue pas, de ce seul fait, une chose dotée
d'un dynamisme propre et dangereux par
nature, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de
statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE
Document 7 :
-
Civ. 28 avril 1947
10
-
Civ. 2ème, 18 décembre 1964
-
Ass. Plén. 9 mai 1984, Gabillet
Document 8 : Cass. Civ. 2ème, 3 février 2011
Sur le moyen unique tel que reproduit en
annexe :
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Aixen-Provence, 6 janvier 2010), que M. Y... a été
victime d'une chute dans les locaux de la
société Ciffreo Bona (la société) ; qu'il a
assigné cette société ainsi que la Caisse des
français à l'étranger devant un tribunal de
grande instance en réparation des préjudices
subis sur le fondement de l'article 1384, alinéa
1er, du code civil ;
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de le
débouter de l'ensemble de ses demandes ;
Mais attendu que l'arrêt retient notamment, par
motifs propres et adoptés, que la victime ne
rapporte pas la preuve d'une défectuosité
quelconque relative au revêtement du sol de la
société et du lien de causalité pouvant exister
entre la chute qu'il allègue et le rôle anormal de
la chose ; que le contenu des attestations
produites ne permet pas, au regard des
11
appréciations seulement générales et non
circonstanciées qu'elles contiennent sur le sol
litigieux «particulièrement» et «de toute
évidence» glissant, d'appréhender avec un
degré de certitude suffisant le contexte exact
de la chute de M. Y... dont il est par ailleurs
établi qu'il se déplaçait avec une béquille dans
les locaux de la société ayant été victime, trois
semaines et demi auparavant, d'un accident lui
ayant occasionné une fracture de la cheville ;
qu'en l'absence de tout autre élément de preuve
tangible permettant de caractériser l'anomalie
du sol ainsi invoquée, les demandes de M. Y...
doivent être rejetées ;
Qu'en l'état de ces constatations et
énonciations, la cour d'appel a pu décider que
la victime ne démontrait pas que le sol des
locaux de la société, en raison d'un caractère
anormal, avait été l'instrument de son
dommage ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Document 9 : Cass. Com. 13 mars 2007
Vu l’article 1384, alinéa 1er, du code civil ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que le navire Le
Laconia, dont le propriétaire armateur était la
société Crest international shipping corporation
(la société Crest), a fait escale au port du Havre
; que la société Compagnie industrielle
maritime (la société CIM), concessionnaire
d’outillage public au port autonome du Havre,
ayant constaté des dommages sur le duc d’albe
auquel s’était amarré le bâtiment, a assigné en
indemnisation la société Crest et le capitaine
commandant le navire ;
Attendu que pour rejeter la demande de la
société CIM, l’arrêt retient que la société Crest
et le capitaine du navire font justement valoir
que les dommages constatés après l’accostage
d’un navire ne peuvent être présumés en
résulter dès lors que la manoeuvre s’est
déroulée normalement, que la société CIM ne
formule aucune critique à l’encontre du
jugement en ce qu’il a constaté que l’accostage
s’est déroulé dans des conditions normales et
que la certitude d’un lien de causalité entre
l’accostage du navire et les dommages
constatés sur le duc d’albe n’est pas établie ;
Attendu qu’en statuant ainsi, alors que le
navire en mouvement entré en contact avec le
dispositif d’accostage endommagé avait
nécessairement contribué au dommage, peu
important que la manoeuvre eût été effectuée
dans des conditions normales, la cour d’appel a
violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, (…)
Document 10 : Cass. civ. 2ème, 21 novembre 2013
Sur le premier moyen, pris en sa première
branche :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 17
septembre 2012), que Mme X... était
propriétaire à Montbazon d'une parcelle située
sur un éperon rocheux menaçant de s'effondrer
à la suite d'un premier effondrement partiel du
soubassement en mars 2001 ; qu'à la suite de
deux arrêtés de péril et deux rapports
d'expertise amiable, la commune a assigné
Mme X... devant un tribunal de grande
instance afin de mettre à sa charge le coût des
travaux qu'elle avait pris en charge rendus
nécessaires par l'instabilité de l'éperon
rocheux;
Attendu que la commune de Montbazon fait
grief à l'arrêt de rejeter ses demandes alors,
selon le moyen, que le seul fait que le
12
propriétaire de la chose n'ait pas conscience de
l'imminence possible d'un dommage ne suffit
pas à l'exonérer de la responsabilité qui pèse
sur lui de plein droit sur le fondement de
l'article 1384 du code civil ; que la cour d'appel
a elle-même constaté que le syndicat
intercommunal pour la surveillance des cavités
souterraines et des masses rocheuses instables
d'Indre-et-Loire avait préconisé dès 1997 la
purge de blocs en surface, ce dont résultait que
le risque hydrique était connu ; qu'en décidant
que les fortes pluies survenues au premier
trimestre 2001 auraient constitué pour Mme
X... une circonstance exonératoire, sans
constater que ces pluies, par leur intensité
inédite, auraient elles-mêmes été imprévisibles
et irrésistibles, la cour d'appel n'a pas
légalement justifié sa décision au regard de
l'article 1384 du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient que l'intégralité
du coteau, comprenant l'éperon rocheux
litigieux, a fait l'objet d'une inspection du
syndicat intercommunal pour la surveillance
des cavités souterraines et des masses
rocheuses instables qui a conseillé la purge de
certains blocs en surface en raison de
l'écaillage de parties de la paroi qui
correspondait à une dégradation naturelle du
coteau ; que les deux experts qui sont
intervenus sont d'accord pour conclure que le
seul facteur ayant déclenché l'instabilité du
terrain est sans aucun doute possible la
saturation en eau du massif rocheux ; que le
premier expert a précisé que cette saturation
est due à un apport hydrique anormal et très
important dans la masse crayeuse que
constituait l'éperon tandis que le second expert
a expliqué que l'effondrement résulte des effets
des fortes pluviométries de ces derniers mois
enregistrées sur la région et indiqué que
l'éperon s'est révélé une zone sensible d'une
part sous l'effet direct des conditions
climatiques, mais également du fait de sa
position terminale au plateau qui a conduit
l'écoulement des eaux d'infiltration dans
l'ensemble de la masse crayeuse du coteau vers
ce secteur ; que l'expert a également retenu que
l'effondrement de l'éperon résulte de
l'effondrement du pied de falaise survenu cinq
jours plus tôt qui a entrainé l'effondrement de
deux murs de soutènement ; que le pied de la
falaise qui s'est effondré en premier n'est pas la
propriété de Mme X... et que l'expert a relevé
que depuis cet effondrement la falaise a reculé
et se situe dorénavant uniquement sur les
parcelles appartenant à Mme X... ; qu'il résulte
de ces observations précises et entièrement
concordantes que l'effondrement de la
propriété de Mme X... est dû, d'une part, à
l'effondrement du pied de la falaise survenu
cinq jours avant sur des parcelles qui ne lui
appartenaient pas et, d'autre part, à de fortes
pluies ayant un caractère anormal qui ont
entrainé, sur son fonds, en sus d'infiltrations
directes, l'écoulement des eaux d'infiltrations
provenant de tous les fonds voisins également
composés
d'une
masse
crayeuse
compartimentée ; qu'aucun signe précurseur de
l'effondrement n'a existé avant le 16 mars 2001
et qu'il était impossible, à cette date, de
procéder à des travaux immédiats qui auraient
été à la fois dangereux et inutiles ;
Que de ces constatations et énonciations, la
cour d'appel a pu déduire l'existence d'une
cause étrangère, imprévisible et irrésistible
exonérant Mme X... de sa responsabilité en
qualité de gardienne de l'éperon rocheux ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que le premier moyen, pris en sa
seconde branche, le deuxième et le troisième
moyen ne sont pas de nature à permettre
l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Document 11 : Cass. civ. 2ème, 4 juillet 2013
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., alors
qu'il se trouvait le 6 mai 1999 au bord du quai
de l'ancienne gare SNCF désaffectée d'Aulnat,
a été percuté par un train ; que blessé, il a,
après expertise médicale ordonnée en référé,
assigné la SNCF, en présence de la caisse
primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme,
afin d'obtenir la réparation de ses divers chefs
de préjudices ;
13
Sur le premier moyen :
Attendu que la SNCF fait grief à l'arrêt de la
déclarer responsable de l'accident subi par M.
X..., et de la condamner à réparer les
préjudices en résultant dans la limite de 20 %
de leur montant, alors, selon le moyen, que la
force majeure exonératoire de responsabilité de
la SNCF est caractérisée lorsque la victime a
eu la volonté de produire le dommage auquel
elle s'est exposée volontairement ; qu'en
l'espèce, la cour d'appel qui, après avoir
constaté les éléments suivants : position de la
victime jambes pendantes au bord du quai
d'une gare ouvert au passage d'un train pouvant
survenir à tout moment, absence de réaction
lorsque le conducteur du train avait actionné
l'avertisseur sonore, ingestion d'un tube entier
de Lexomil la nuit du 4 mai, appel des
pompiers par l'épouse le matin du 6 mai et
enfermement dans une pièce avec un couteau
ce même 6 mai, n'en a pas déduit que M. X...
s'était volontairement exposé au dommage qu'il
avait subi, de sorte que la force majeure
exonératoire de responsabilité pour la SNCF
était caractérisée, a omis de tirer les
conséquences légales qui s'induisaient de ses
propres constatations au regard de l'article
1384, alinéa 1er, du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient que l'accident
était survenu dans une gare désaffectée qui ne
comportait
aucun
dispositif,
aucune
signalétique ni aucun système empêchant
d'entrer dans l'enceinte de la gare et d'accéder
au bord du quai ; que la présence possible d'un
piéton au comportement imprudent au bord du
quai n'était pas imprévisible ; que l'exonération
totale de responsabilité revendiquée par la
SNCF ne pouvait se justifier qu'en présence
d'une faute de la victime assimilable à un cas
de force majeure, caractérisée lorsque la
victime a eu la volonté de produire le
dommage auquel elle s'est exposée, la SNCF
ne pouvant se voir reprocher de ne pas prendre
toutes mesures rendant impossible l'action
volontaire de la victime à l'origine de son
dommage ; que, pour prétendre échapper à
toute responsabilité et obligation indemnitaire,
la SNCF s'attachait à soutenir que M. X...
aurait eu une intention suicidaire ; que,
cependant, il était établi que M. X... était assis
au bord du quai, lorsqu'à une centaine de
mètres de distance, le conducteur du train qui
arrivait l'ayant vu avait alors fait usage à
plusieurs reprises de l'avertisseur sonore afin
de signaler son approche ; que M. X... n'avait
eu aucune réaction ; que, réalisant que le train
ne pourrait pas passer sans accrocher la
personne restant dans cette position, le
conducteur avait immédiatement fait usage du
système de freinage d'urgence ; que, toutefois,
le train avait heurté M. X..., parcourant environ
500 mètres, distance inéluctable, avant de
parvenir à une immobilisation totale ; qu'il était
évident qu'un freinage intervenu quelques
secondes plus tôt n'aurait en rien permis de
prévenir l'accident ou d'en limiter les
conséquences ; que le comportement de la
victime, resté passif, assis sur le bord du quai à
proximité
d'une
voie
apparemment
relativement peu fréquentée, les jambes
pendantes, ne pouvait être assimilé à celui
d'une personne qui, ayant la volonté d'attenter
à ses jours, vient se jeter sous un train à son
passage ; que la thèse du suicide était d'ailleurs
contredite par les éléments médicaux du
dossier ; que les psychiatres qui avaient
examiné M. X..., dans les semaines qui avaient
suivi l'accident, avaient indiqué de manière
catégorique que les événements du jeudi 6 mai
dans la matinée ne permettaient pas de retenir
la thèse d'un réel désir de se donner la mort ou
celle d'une tentative de suicide ; qu'il résultait
des pièces versées aux débats que M. X... était
dans un état de grande détresse depuis au
moins 48 heures avant l'accident ; que, dans
ses déclarations recueillies le 25 juin 1999 par
les services de police, M. X... indiquait qu'il se
trouvait dans une période de grande fatigue
physique et surtout morale ; qu'il s'était rendu
chez son médecin traitant qui lui avait prescrit
du Lexomil à prendre à raison d'un comprimé
le soir ; que, dans la nuit du 4 mai, il avait
avalé la totalité du tube, avait dormi toute la
journée du lendemain, 5 mai, et la nuit du 5 au
6 mai ; que, depuis le matin du 6 mai, il ne se
souvenait plus de rien ; que, selon les
informations données par son épouse, il s'était
levé à 10 heures, avait souhaité prendre l'air
alors qu'il était très énervé ; que son épouse
avait appelé le médecin traitant et, sur les
conseils de ce dernier, avait alerté les pompiers
qui étaient intervenus, mais n'avaient pas pu le
prendre en charge en l'absence de certificat
médical d'un médecin ; qu'il était parti seul à
pied, ne se souvenant plus dans quelle
direction ni comment il s'était retrouvé sur le
quai ; que le fait de s'être enfermé le matin du
14
6 mai dans une pièce de son domicile avec un
couteau dénotait certes l'état de confusion
mentale dans lequel se trouvait M. X..., sans
concrétiser pour autant l'hypothèse d'une
tentative suicidaire qui n'avait pas eu lieu et
qu'il contestait ; qu'ainsi, les éléments de la
force majeure qui pourraient permettre
l'exonération totale de responsabilité de la
SNCF n'étaient pas réunies ; que, néanmoins, il
était amplement démontré une faute
d'imprudence particulièrement grave de la
victime, assise les jambes pendantes au bord
d'un quai ouvert au passage de trains, pouvant
survenir à tout moment et sans faculté
d'évitement compte tenu des distances
inéluctables d'arrêt d'un train, de l'ordre de
plusieurs centaines de mètres après le début du
freinage ; qu'étant en lien de causalité avec le
dommage, cette faute exonérait partiellement
le gardien, dans une proportion importante
qu'il convenait de fixer en l'espèce à 80 %, la
part de responsabilité incombant à la SNCF
devant être limitée à l'indemnisation de 20 %
des dommages subis par M. X... ;
Que de ces constatations et énonciations
procédant de son appréciation souveraine de la
valeur et de la portée des éléments de preuve,
la cour d'appel a pu déduire que la SNCF ne
s'exonérait pas de sa responsabilité du
dommage causé par le fait du train dont elle
avait la garde par l'effet d'un événement de
force majeure imprévisible et irrésistible, et
statuer comme elle l'a fait sur l'indemnisation
demeurant à sa charge par suite de la faute
commise par la victime ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
Vu les articles 4 et 5 du code de procédure
civile ;
Attendu que pour condamner la SNCF à payer
à M. X... la somme de 97 399,72 euros, outre
intérêts au taux légal à compter de l'arrêt,
l'arrêt, après avoir procédé aux calculs des
sommes perdues par la victime au titre des
postes de préjudice des pertes de gains
professionnels futurs et de l'incidence
professionnelle, énonce que le montant global
indemnisant ces préjudices s'élève à la somme
de 289 119,30 euros, dont à déduire la somme
de 127 895,25 euros correspondant au montant
des sommes versées au titre de ce poste par le
tiers payeur, faisant ressortir une somme
effectivement perdue de 155 224,05 euros
avant application du partage de responsabilité,
et une somme due en définitive à la victime de
56 623,86 euros, aucune somme ne revenant au
tiers payeur ;
Qu'en statuant ainsi, alors que selon les
productions, M. X... avait demandé, au titre de
ces deux postes de préjudice, la somme globale
de 149 796 euros, la cour d'appel a violé les
textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce
qu'il a condamné la SNCF à payer à M. X... la
somme de 97 399,72 euros, outre intérêts au
taux légal à compter de l'arrêt, l'arrêt rendu le
23 mai 2012, entre les parties, par la cour
d'appel de Riom ; remet, en conséquence, sur
ce point, la cause et les parties dans l'état où
elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être
fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de
Bourges ;
Document 12 : Cass. Civ. 2ème, 28 mars 2002
Vu l’article 1384, alinéa 1er, du Code civil ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la mineure
Dounia X..., participant à un jeu collectif
improvisé inspiré du base-ball, a été blessée à
l’oeil droit par une balle de tennis relancée en
sa direction par le jeune Mohamed Y... au
moyen d’une raquette de tennis tenant lieu de
batte de base-ball ;
Attendu que pour rejeter l’action en réparation
de M. Omar X..., ès qualités d’administrateur
légal des biens de sa fille Dounia, la cour
d’appel a, par motifs propres et adoptés, retenu
que l’usage commun de la balle de tennis,
instrument du dommage, n’autorisait pas la
joueuse blessée à réclamer réparation sur le
fondement du texte susvisé;
15
Qu’en statuant ainsi, tout en constatant que la
balle de tennis avait été projetée vers la victime
par le moyen d’une raquette de tennis dont le
jeune Mohamed Y... avait alors l’usage, la
direction et le contrôle, ce dont il résultait que
la raquette avait été l’instrument du dommage,
la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
Sur les deuxième et troisième branches du
moyen :
Vu l’article 1384, alinéa 1er, du Code civil ;
Attendu que pour rejeter l’action en réparation
de M. Omar X..., la cour d’appel a, par motifs
propres et adoptés, retenu encore qu’en
participant à ce jeu, la jeune Dounia avait
accepté les risques qu’il comportait,
circonstance excluant l’application à son profit
du texte susvisé ;
Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle a constaté
par ailleurs que le dommage s’est produit à
l’occasion d’un jeu improvisé par des mineurs,
et non dans le cadre d’une compétition
sportive, la cour d’appel n’a pas donné de base
légale à sa décision ;
Par ces motifs : CASSE ET ANNULE, (…)
Document 13 : Cass. civ. 2ème, 4 novembre 2010
Sur le moyen unique, pris en sa quatrième
branche :
Vu l'article 1384, alinéa 1er, du code civil ;
Attendu que la victime d'un dommage causé
par une chose peut invoquer la responsabilité
résultant de l'article 1384, alinéa 1er, du code
civil, à l'encontre du gardien de la chose,
instrument du dommage, sans que puisse lui
être opposée son acceptation des risques ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi
après cassation (2e Civ., 4 janvier 2006, Bull.
2006, II, n° 1) que M. X..., alors qu'il pilotait
une motocyclette au cours d'une séance
d'entraînement sur un circuit fermé, a été
heurté par la motocyclette conduite par M. Y...,
dont le moteur appartenait à la société Suzuki
France et les autres éléments à la société
Bug'Moto ; que, blessé, il a assigné M. Y..., la
société Suzuki France, la société Bug'Moto, le
GIAT Team 72, préparateur de la moto de M.
Y..., en indemnisation, en présence de la caisse
primaire d'assurance maladie de Paris et de la
caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-deFrance, tiers payeurs ;
Attendu que pour débouter M. X... de ses
demandes, l'arrêt retient que l'accident est
survenu entre des concurrents à l'entraînement,
évoluant sur un circuit fermé exclusivement
dédié à l'activité sportive où les règles du code
de la route ne s'appliquent pas, et qui avait
pour but d'évaluer et d'améliorer les
performances des coureurs ; que la
participation à cet entraînement impliquait une
acceptation des risques inhérents à une telle
pratique sportive ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants,
la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de
statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses
dispositions, l'arrêt rendu le 17 mars 2008,
entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
remet, en conséquence, la cause et les parties
dans l'état où elles se trouvaient avant ledit
arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant
la cour d'appel de Versailles ;
16
Document 14 : article L. 321-3-1 du Code du sport issu de la LOI n°2012-348 du 12 mars
2012 (art. 1)
Les pratiquants ne peuvent être tenus pour responsables des dommages matériels causés à un
autre pratiquant par le fait d'une chose qu'ils ont sous leur garde, au sens du premier alinéa de l'article
1384 du code civil, à l'occasion de l'exercice d'une pratique sportive au cours d'une manifestation
sportive ou d'un entraînement en vue de cette manifestation sportive sur un lieu réservé de manière
permanente ou temporaire à cette pratique.
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