Culte ou culture de la performance ? Le mot du directeur

Transcription

Culte ou culture de la performance ? Le mot du directeur
La culture de la performance
n°87 – février 2011
Le mot du président
MAGIS, qui fait souvent appel aux étymologies grecques
et latines, ne nous fait pas oublier « les autres
langues ». Performance, en anglais, c’est un spectacle,
une représentation théâtrale, musicale. D’où une
première idée : où est l’esthétique dans nos
performances de tous les jours, où le chrono, l’astuce,
l’exploit ont pris tout le champ sémantique ? Et si nous
revenions aux valeurs esthétiques (nb. : beau, bon et
bien ont la même origine, latine cette fois-ci) ! Je serais
heureux que notre prochaine performance ait une tête
de belle réunion, de beaux échanges, d’idées élégantes.
Ensuite, j’observe que to perform, c’est tout
simplement « faire », banalement ! Sans sous-entendu
de classement, de réussite, de victoire. Mais avec quand
même une idée intéressante : to perform, c’est faire
jusqu’au bout, complètement (to fulfill).
En mariant ces idées avec celles que nous avons quand
nous disons « quelle performance ! », nous désignerions
quelque chose de réussi, de beau et d’achevé.
Une performance, en quelque sorte !
Eric Barrier
Le saviez-vous ?
Culte ou culture de la performance ?
Le terme de performance est successivement lié
à la course de chevaux, à la compétition
sportive, au rendement maximal d’une machine
avant de s’imposer pour l’individu qui fait
quelque chose d’exceptionnel. Depuis un demi
siècle, le mot est utilisé à toutes les sauces,
dans les entreprises, dans le monde associatif et
dans tous les rouages de la vie sociale et
politique. Le budget de l’Etat a son site baptisé
« forum de la performance », et les ministres
ont même reçu en 2008 une grille d'évaluation
de leur travail. Rationalisation légitime ou culte
du résultat ?
« Le chef d'entreprise est devenu un modèle de conduite alors qu'il
était l'emblème de la domination du patron sur l'ouvrier. » Telle était
l’affirmation d’Alain Ehrenberg dans son livre « Le culte de la
performance », dès 1991. « "Ce culte inaugurait ainsi de nouvelles
mythologies permettant à chacun de s'adapter à une transformation
majeure : le déclin de la discipline au profit de l'autonomie. » Est
performant celui ou celle qui est responsable de résultats excellents.
En sommes nous sortis ?
A en croire Alain Fernandez (http://www.piloter.org/ebook/vivelaperformance.pdf)
« la performance est multi-facettes. Elle ne se satisfait pas toujours
de l’équation simpliste et destructrice de valeurs : réduire les coûts
pour augmenter les profits. Dans une optique de développement
durable, il s’agit d’aborder la question dans toutes ses dimensions» .
Une façon de dire que la clé de la performance n’est plus dans le
projet prométhéen d’une autonomie toute puissante, ni dans le
projet techno-scientifique des indicateurs révélant le résultat, mais
d’abord dans un horizon de valeurs qui donnent du sens. Car le
résultat -qualitatif ou quantitatif- est nécessaire mais insuffisant pour
donner du sens : il mérite toujours une interprétation en fonction de
valeurs partagées.
En ce sens la performance n’est pas un but ultime (objet du culte)
mais sa recherche constitue une culture légitime dans la mesure où
elle sert souvent des valeurs que l’on exprime habituellement en
termes de développement durable.
Qui l’a dit ?
Manager seulement pour le profit revient à jouer
au tennis en regardant le tableau des résultats
plutôt que la balle.
Ivan Lendl
Dans culture il y a culte et toute culture est une
manière de piété.
Alain
Il n'y a rien de plus inutile que de faire avec
efficacité quelque chose qui ne doit pas du tout
être fait.
Peter Drucker
J. W. Frothingham
Le mot du directeur des études
Le culte de la performance a fait long feu. La rationalisation des systèmes de production était certes nécessaire, et
la responsabilisation des acteurs méritait d’être repensée.
Mais la performance doit toujours être rattachée à la fois
aux acteurs qui la produisent et aux bénéficiaires qui en
profitent. Le contexte changeant, les grands systèmes IBM
des années 90 étaient performants mais inadaptés au
nouveau marché des ordinateurs personnels.
Pour n’avoir pas su l’observer, IBM s’est vu rattrapée par la
concurrence dans les années 80. La culture de la
performance dépend de la vision globale qu’elle sert, ce
qui suppose toujours de la part des responsables une
capacité de remise en cause permanente des process
existants et une observation fine du contexte économique
changeant dans lequel ils se situent. En matière de
performance rien n’est jamais acquis, tout avantage est
provisoire.
Pierre d’Elbée

Documents pareils