En principe, les grosses réparations sont à charge du propriétaire et

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En principe, les grosses réparations sont à charge du propriétaire et
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LOCATION
réparations | litige
Quelles réparations p
En principe, les grosses
réparations sont à charge
du propriétaire et les petites,
à charge du locataire.
Anne Moriau et Isabelle Nauwelaers
U
ne fuite dans le toit, la cheminée qui
doit être ramonée, les châssis qui
mériteraient une couche de peinture... Il n’est pas toujours simple
de savoir qui, du propriétaire ou du
locataire, doit prendre en charge de tels travaux.
Une précision : cet article concerne uniquement les locations faisant office de résidence
principale pour les locataires. Et nous partons
du principe que le logement répond à toutes les
exigences fédérales, régionales, voire communales en matière de superficie minimum, d’apport de lumière naturelle, de ventilation, etc.
contrats des clauses telles que "le locataire
déclare accepter le logement dans l’état bien
connu où il se trouve" (ou "en bon état") ou "le
locataire s’engage à effectuer tous les travaux
d’entretien". De telles clauses sont parfaitement
valables, mais elles peuvent avoir de lourdes
conséquences pour le locataire. Heureusement,
la plupart des juges saisis de litiges entre le propriétaire et le locataire interprètent de telles
clauses en faveur du locataire, surtout si elles
sont équivoques ou peu claires.
Contrat signé à partir du 18/05/2007
Si votre contrat de bail a été signé à partir du
18 mai 2007 ou s’il s’agit d’un contrat plus
ancien mais qui ne parle pas des réparations
locatives, ou pas d’une réparation déterminée,
ou encore s’il s’agit d’un contrat oral, il faut
se référer au code civil pour savoir ce qui est à
charge de qui.
Le locataire est avant tout tenu d’entretenir
le logement qu’il loue : tondre la pelouse, ramoner la cheminée, détartrer le chauffe-eau... Il
doit également assumer les petites réparations,
aussi appelées réparations locatives. Il s’agit
des réparations de moindre importance et fréquentes qui sont inhérentes à l’utilisation du
logement, mais qui ne sont pas imputables à la
Contrat antérieur au 18/05/2007
Dans les contrats de bail signés avant le 18 mai
2007, les propriétaires (et les locataires) pouvaient déterminer librement qui faisait quoi
en matière de réparation et d’entretien. On
retrouve ainsi dans bon nombre de ces anciens
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IL EST OBLIGATOIRE DE DRESSER UN
ÉTAT DES LIEUX AU DÉBUT DU BAIL
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s pour qui ?
force majeure, à l’usure ou à l’ancienneté; par
exemple, le remplacement d’un interrupteur,
d’une prise, d’un fusible, le colmatage d’une
canalisation ou d’une vitre (hors cas de force
majeure).
Le propriétaire doit prendre en charge toutes
les grosses réparations (réparation d’un mur
porteur, remplacement de poutres,...) ainsi que
tous les travaux importants d’entretien (peinture ou vernissage des châssis et des portes,
élimination des infiltrations d’eau,...). Il lui
incombe en effet non seulement de maintenir
le logement en état, mais aussi de garantir de
bonnes conditions de location. C’est également
au propriétaire qu’incombent toutes les réparations nécessaires imputables à :
> la vétusté (remplacement d’une vieille chaudière, p. ex.);
> l’usure normale (p.ex. retapisser ou remere
une couche de peinture à l’intérieur, normalement tous les 9 ans);
> la force majeure (remplacement d’une vitre
brisée par de la grêle, p. ex.);
> des réglementations administratives (type
déterminé d’installation électrique, p. ex.).
Attention : s’il s’avère que le locataire a
commis une faute (il a, par exemple, embouti
la porte d’entrée ou la porte de garage avec sa
voiture) ou qu’il a fait preuve de négligence (il
a laissé la cave sous eau pendant des mois, sans
avertir le propriétaire), la réparation est à charge
du locataire et non du propriétaire.
Cela dit, le code civil énonce uniquement des
principes généraux, sans entrer dans les détails;
il y a donc souvent discussion, et bon nombre
de litiges sur les réparations locatives ont déjà
abouti en justice. L’illustration de la page 18 indique, pour les réparations les plus fréquentes,
ce qui est généralement décidé par les juges. Ne
perdez toutefois pas de vue qu’un juge différent
pourrait, dans certaines circonstances, prendre
une autre décision.
Si le locataire est négligent
Si votre locataire n’entretient pas correctement
le logement ou n’effectue pas les petites réparations, il en est lui-même la première victime,
puisqu’il occupe le logement. Mais vous avez
néanmoins le droit, en tant que propriétaire,
de lui rappeler ses obligations. Le schéma de la
page 19 résume la voie à suivre.
S’il s’agit de dégâts mineurs (une tache sur
un mur, par exemple), il peut éventuellement
aendre la fin du bail pour réparer et remere
ON CONSIDÈRE COMME DE
L’USURE NORMALE LE FAIT
DE DEVOIR REPEINDRE LES
MURS APRÈS 9 ANS
NOTRE CONTRAT TYPE T
Une clause de bon sens
■ Notre contrat type pour la location
d’un immeuble à usage de résidence
principale propose un texte équilibré
quant aux droits et aux devoirs des deux
parties. Pour les réparations, il précise
ce qui suit : "Les réparations locatives
et le menu entretien sont à charge du
locataire. Ils comprennent notamment :
le ramonage annuel des cheminées
utilisées; l’entretien des installations
de gaz, d’électricité et de chauffage;
l’entretien des installations sanitaires;
la désobstruction des décharges d’eaux
usées; le remplacement des vitres brisées;
l’entretien des revêtements des murs et
des sols, ainsi que des portes, fenêtres,
volets, serrures...; l’entretien du jardin.
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■ Toutes les autres réparations sont à
charge du bailleur et notamment celles
qui résultent de I’usure normale, de la
vétusté, d’un cas de force majeure ou d’un
vice de I’immeuble."
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le logement dans un état conforme à l’éventuel
état des lieux dressé au début de la location.
Mais si les dégâts risquent d’empirer en l’absence d’intervention (vitre brisée, par exemple),
vous pouvez exiger que votre locataire répare le
dommage.
Il va de soi que vous devez d’abord parler au
locataire. S’il ne réagit pas, ne tardez pas à lui
envoyer une mise en demeure par recommandé,
histoire de vous ménager une preuve écrite de
votre démarche.
Ce n’est que si ces démarches restent vaines
que vous pouvez envisager un procès devant le
juge de paix, pour demander que le locataire soit
condamné :
> soit à respecter ses obligations ainsi qu’au
paiement d’un dédommagement et/ou d’une
astreinte qui sera appliquée s’il ne répare pas et
que le dommage risque dès lors de s’aggraver;
> soit à la dissolution du bail s’il s’agit d’une
faute gave.
Si c’est le propriétaire qui est
récalcitrant
En pratique, c’est cee hypothèse-là qui est la
plus fréquente : que le propriétaire se fasse tirer
l’oreille pour effectuer les travaux ou réparations qui lui incombent.
La démarche à suivre par le locataire est résumée dans le schéma de la page 19.
Avant tout, il est évidemment essentiel
d’informer le propriétaire des problèmes et
de lui demander de les résoudre dans un délai
raisonnable. Prenez contact d’abord oralement
mais, s’il ne s’exécute pas immédiatement,
passez très vite à l’écrit (mise en demeure par
recommandé) afin de vous ménager une preuve
de votre démarche. Vous avez tout intérêt à
vous manifester rapidement : à défaut, si votre
propriétaire est de mauvaise foi, il pourrait aller
jusqu’à vous réclamer un dédommagement
sous prétexte que vous ne l’avez pas averti à
temps du problème et que vous avez donc laissé
la situation s’aggraver !
Si le propriétaire persiste à faire la sourde
oreille, l’étape logique suivante consiste à vous
adresser au juge de paix :
> soit pour une procédure en conciliation, si
vous pensez que vous avez des chances d’aboutir à un accord avec le propriétaire. Cee procédure est gratuite. Il ne s’agit pas d’un procès,
le juge de paix essaie simplement de concilier
les deux parties, sans condamner l’une d’entre
elles;
> soit pour un procès pur et simple, si vous
estimez que la probabilité de trouver un arrangement est minime ou si la procédure en conciliation échoue. Vous pouvez alors demander au
juge de paix l’autorisation de faire effectuer les
réparations à charge du propriétaire, ou la résiliation du bail. Deux possibilités s’offrent à vous
pour introduire un procès : soit en adressant une
requête au juge de paix (en principe, vous pouvez le faire tout seul, sans l’aide de personne;
cela revient à environ 35 €), soit en assignant
l’autre partie en justice (via un huissier de justice; cela revient nettement plus cher que la
requête). Comme il s’agit généralement
d’affaires relativement simples, vous
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réparations | litige
RÉPARATIONS LES PLUS FRÉQUENTES: À CHARGE DE QUI ?
sur base de la jurisprudence relative aux règles du code civil
en orange = à charge du locataire
en bleu = à charge du propriétaire
cheminée : ramonage
cheminée : réparations
sanitaires : entretien (p. ex. réglage des
robinets et remplacement des joints,
réparation des fuites sauf si elles sont
dues à l’ancienneté ou à une faute de
construction, débouchage du WC ou des
éviers,...)
toit : réparations
sanitaires : grosses réparations
(p. ex. remplacement, lorsqu’ils
sont usés, des robinets,du flotteur de
chasse d’eau, du tuyau du chauffe-eau,
etc.)
façades : réparations et
peinture
boiler ouchauffe-eau :
grosses réparations
fenêtres : peinture ou vernissage
boiler ou chauffe-eau :
entretien (réglage et
détartrage, p. ex.)
vitres : remplacement des
vitres cassées sauf
si force majeure
papier peint et
peinture : renouvellement
(environ tous les 9 ans)
balcon : réparations
sols et escaliers : grosses
réparations
tuyaux d’évacuation d’eau
et égouts : grosses
réparations
électroménager cuisine équipée :
entretien (filtre lave-vaisselle,
dégivrage frigo, etc.)
installation de chauffage :
entretien (purger les radiateurs,
nettoyer le brûleur,...)
électroménager cuisine équipée :
grosses réparations,
remplacement si usé
installation de chauffage, :
conduites d’eau et de gaz :
grosses réparations
jardin : entretien (tonte de la
pelouse,taille des haies,...)
trottoir : nettoyage, p. ex. après
une chute de neige
trottoir : réparations
portes extérieures : peinture ou
vernissage
clés, serrures,boîte aux lettres : entretien
pouvez vous défendre tout seul, sans
l’assistance d’un avocat. Le juge prononcera un jugement même si la partie adverse ne
se présente pas aux audiences.
Ne pas faire justice soi-même
installation
électrique :
grosses réparations
installation électrique :
entretien (p. ex. remplacer
les interrupteurs, prises, fusibles,...)
Bon nombre de locataires confrontés à un propriétaire récalcitrant à effectuer des travaux
envisagent de faire effectuer eux-mêmes la
réparation et d’envoyer ensuite la facture au
propriétaire. Nous déconseillons toutefois cee
solution. Le propriétaire peut en effet très bien
LA CONCILIATION DEVANT LE JUGE DE PAIX EST
GRATUITE MAIS LES DEUX PARTIES DOIVENT ÊTRE LÀ
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fosse septique et puits :
réparations
contester à ce moment la nécessité des travaux.
Et comment prouver la nécessité une fois
que les travaux ont été effectués ? C’est une
mission quasiment impossible. Ou encore, le
propriétaire risque de contester le montant de
la facture. Et s’il est du genre à avoir plus de mal
à extraire un euro de sa poche que de l’eau d’un
caillou, bonne chance pour le convaincre de
régler la facture !
Il n’y a qu’un seul cas précis dans lequel vous
pouvez envisager de procéder aux réparations
pour le compte du propriétaire sans demander
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son accord préalable : si vous ne pouvez pas le
contacter (parce qu’il est à l’étranger sans GSM
pour plusieurs semaines, par exemple) et que
la réparation est particulièrement urgente (toit
soufflé par une tempête,...). Le cas échéant, prenez si possible des photos de la situation avant
réparation, afin de pouvoir, au besoin, démontrer ultérieurement le caractère très urgent des
travaux.
Ou vous pensez pouvoir mere le propriétaire sous pression en ne payant plus (une
partie de) votre loyer tant que les travaux ne
sont pas effectués ? Cela peut constituer une
solution provisoire, pour autant que vous lui
ayez d’abord envoyé une mise en demeure par
recommandé et qu’il n’ait pas réagi. Mais ne
laissez en aucun cas le litige s’éterniser trop
longtemps. Sachez que les juges n’apprécient
pas beaucoup que l’on fasse justice soi-même.
Nous vous conseillons dès lors de prendre les
précautions suivantes :
> informez le propriétaire du motif pour lequel
vous retiendrez une partie du loyer.
> Il doit s’agir d’un réel problème de perte de
jouissance. Il n’est pas acceptable de retenir une
partie du loyer pour un problème exclusivement
de confort, par exemple une installation électrique vétuste qui entraîne des désagréments,
mais qui est néanmoins encore opérationnelle
et sûre.
> Il doit s’agir d’une réparation qui incombe au
propriétaire. Vous devez être bien certain de ne
pas être vous-même en charge de la réparation.
> La réaction doit être proportionnelle au dommage subi. Pas question par exemple d’arrêter
de payer le loyer s’il y a simplement un radiateur
défectueux. Mais si toute l’installation de chauffage rend l’âme au plus fort de l’hiver, c’est différent ! Concrètement, vous ne pouvez retenir la
totalité du loyer que si le logement est devenu
QUE FAIRE SI LES DÉGÂTS NE SONT PAS RÉPARÉS ?
Vous êtes
locataire
Vous êtes
propriétaire
le propriétaire ne répare pas les dégâts
le locataire n’entretient pas le logement ou
ne répare pas les dégâts, et il y a un risque
d’aggravation
19
totalement inhabitable.
> Pour prouver que vous êtes de bonne foi et disposé à payer le loyer si le problème est résolu,
vous pouvez verser la partie retenue du loyer
sur un compte spécial.
Quoi qu’il en soit, ne perdurez pas longtemps
dans cee voie; si le propriétaire fait le mort,
mieux vaut intenter sans tarder une procédure
en justice de paix.
Le locataire s’oppose aux travaux
Dernier cas de figure : le propriétaire veut procéder aux travaux, mais le locataire s’y oppose,
par exemple parce qu’il ne veut pas que l’on
pénètre chez lui en son absence. A-t-il le droit
de refuser les travaux et/ou de demander un
dédommagement pour les désagréments que
cela lui occasionne ?
S’il s’agit de réparations urgentes, comme le
toit qui fuit, le propriétaire peut passer outre
son refus et effectuer les travaux sans son autorisation. Bien entendu, le caractère urgent ou
non des travaux peut prêter à discussion; le cas
échéant, le juge de paix pourra se prononcer sur
la question.
La loi prévoit que le locataire n’a pas droit à
une diminution de loyer si les travaux durent
moins de 40 jours. S’ils durent plus longtemps,
le locataire peut déduire une partie du loyer, à
calculer en fonction de la durée des travaux (à
compter dès le premier jour) et de la partie du
bâtiment qui est inutilisable. Et si le logement
devient totalement inhabitable en raison des
travaux, le locataire a le droit de demander
au juge de paix de prononcer la résolution du
bail. ■
dans un premier temps, parlez-en avec lui
s’il ne bouge pas, envoyez-lui une lettre
recommandée dans laquelle vous le
mettez en demeure de procéder aux
réparations dans un délai raisonnable
dans un premier temps, parlez-en avec lui
NOS CONSEILS
Agissez sans tarder
s’il ne réagit toujours pas :
ne faites faire vousmême les réparationsque si celles-ci sont
très urgentes et que le
propriétaire est injoignable, et envoyez-lui
ensuite la facture; voyez
les conseils ci-dessus
si vous retenez une
partie du loyer, veillez
bien à prendre une série
de précautions
(voir ci-dessus)
si le propriétaire ne réagit toujours pas,
vous pouvez vous adresser au juge de paix
pour une procédure en conciliation (1)
ou un procès pur et simple
s’il ne bouge pas, envoyez-lui une lettre
recommandée dans laquelle vous le mettez
en demeure de procéder immédiatement
aux réparations
s’il ne réagit toujours pas, vous
pouvez envisager un procès
devant le juge de paix
(1) Cette procédure a du sens uniquement si vous pensez que le propriétaire se présentera devant le juge et qu’il est
disposé à aboutir à un accord.
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T
■ Que vous soyez confronté à un locataire
négligent ou à un propriétaire récalcitrant
à exécuter des travaux, ne laissez pas la
situation telle quelle. Informez oralement la
partie adverse du problème et de la nécessité
d’effectuer des travaux ou réparations.
Si vous ne recevez pas un bon accueil,
envoyez très vite une mise en demeure par
recommandé, afin que l’on ne puisse pas
vous reprocher par la suite d’avoir tardé à
signaler le problème.
■ Si la partie adverse continue à faire la
sourde oreille, n’hésitez pas à soumettre le
litige au juge de paix. Surtout si vous êtes
locataire, puisque c’est vous, finalement,
qui êtes la première victime de la situation.
Procéder d’autorité aux travaux ou retenir
une partie du loyer est plutôt mal vu par les
juges; évitez dans la mesure du possible de
recourir à de telles solutions extrêmes.
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