LIT907Z Enjeux poétiques_LBonenfant
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LIT907Z Enjeux poétiques_LBonenfant
SIGLE : LIT 931K-10 (maîtrise) / LIT 907Z-10 (doctorat) TITRE : Les enjeux poétiques et narratifs de la poésie en prose TRIMESTRE : automne 2014 PROFESSEUR : Luc Bonenfant Descriptif Contrairement au vers (qui annonce d’emblée la poésie), le poème en prose semble se donner dans une transparence – celle, continue, de la prose – qui se trouve pourtant rapidement gommée par la complexité même des poèmes. Partant d’une proposition de Michel Sandras, pour qui le genre représente un « ensemble de formes littéraires brèves appartenant à un espace de transition dans lequel se redéfinissent les rapports de la prose et du vers », le séminaire s’offrira comme un lieu de réflexion qui permettra de soupeser les enjeux narratifs et poétiques du poème en prose. Car d’un point de vue modal et générique, le poème en prose est en effet paradoxal : « poétique » parce que « poème », sa forme permet qu’on le confonde parfois avec les genres de la nouvelle ou du conte alors que son esthétique dénote ce que Christian Angelet a nommé une « tentation du roman ». L’objectif du séminaire est donc d’examiner les modalités esthétiques du genre poétique en prose. Pour le dire autrement, il s’agira de se demander ce qui fait qu’un texte peut être lu comme un poème alors même qu’il comprend des traits qui relèvent d’esthétiques et de formes externes à la poésie. La réflexion menée s’appuiera sur des propositions théoriques permettant d’engager un débat critique sur les conditions historiques, esthétiques et formelles de la poéticité d’un texte de prose. Genre « bâtard », « hybride », qui « ouvre le procès du vers et/ou de la poésie » (Daniel Delas), le poème en prose soulève donc, depuis deux cents ans qu’il existe, une série de problèmes ouvrant sur un certain nombre d’hypothèses de travail : • Hypothèses formelles : Le poème en prose peut se penser en regard de la « crise de vers » et de la question de la limite entre « vers », « vers libre » et « prose » qu’elle entraîne. On pensera aussi au verset, ce « vers à disposition de prose » comme écrit Roubaud. Pareillement, le rythme du poème en prose, dès lors qu’il est « envisagé comme organisation particulière d'une temporalité discursive » (Bourassa), indique pour l’essentiel la modernité d’un genre qui dirait sans cesse ses effets de contraste. • Hypothèses esthétiques : La question du rythme poétique pose bien évidemment celle de la musicalité et du rapport particulier que le genre peut entretenir avec le phénomène musical, par le biais de la transposition ou de l’accompagnement. Le cadrage (poétique) du poème en prose soulève quant à lui le rapport aux arts picturaux (David Scott) tout autant qu’aux phénomènes d’ekphrasis et de l’ut pictura poesis. Enfin, l’esthétique du poème en prose engendre des questions narratives auxquelles le nouvellistique et le romanesque – mais aussi le viatique et l’épique – ne sont pas étrangers. • Hypothèses énonciatives : Le poème en prose serait notamment marqué par un déni du lyrisme ; son plurivocalisme (romanesque ?) entraînerait en effet l’absence d’une position énonciative dominante propre au locuteur lyrique (Sandras). • Hypothèses herméneutiques : L’absence de marques qui lui seraient proprement attribuables fait en sorte que le poème en prose souligne le rôle prépondérant joué par le lecteur dans son appréhension. Le genre soulève aussi la question de la « poésie pure », engageant ainsi la dimension phénoménologique de son existence. Hypothèses historiques et intertextuelles : On interrogera notamment les conditions ayant mené à la naissance du genre poétique en prose, d’autant que l’existence du genre diffère selon qu’il s’agisse de son actualisation française ou plus largement européenne (Jechova). Qu’en est-il, aussi, des renvois intertextuels opérés par le poème en prose ? • Hypothèses politiques : Pour Lloyd, le poème en prose sert à « horrifier les Homais » de ce monde alors que Monroe pense qu’il permet de redonner une voix à ceux qui furent historiquement exclus de la parole poétique. Indéniablement, le poème en prose recèle une dimension subversive. Cette série d’hypothèses n’est certes pas exhaustive, mais elle laisse voir tout le dynamisme d’un genre marqué au sceau de la modernité. Tout en restant envisageables séparément, ces hypothèses de travail se recoupent aussi parfois : le prosaïsme du genre soulève tout à la fois des questions d’ordre formel, énonciatif et politique. Le choix des hypothèses étudiées dans le cadre du séminaire dépendra des intérêts des étudiants et des corpus choisis pour les exposés. • Modalités Ce séminaire est pensé comme un groupe de travail où le partage actif des points de vue, par le biais de présentations et de discussions, constituera le point focal des séances. Le séminaire exige une participation active des étudiant(e)s inscrit(e)s ; la présence aux séances est conséquemment requise. C’est pourquoi la formule d’évaluation proposée insiste davantage sur les exposés et les interventions orales. Le professeur présentera des hypothèses théoriques et critiques dans les premières séances, qui prendront la forme de cours magistraux. Les séances suivantes, aménagées selon la forme d’un séminaire, permettront aux participant(e)s de partager leurs points de vue par le biais d’exposés critiques et analytiques, variant selon les intérêts des participant(e)s. Travaux prévus • Un exposé court • Un exposé long • Une synthèse critique écrite Textes cités Jechova, Hana, François Mouret et Jacques Voisine (dir.), La poésie en prose des Lumières au Romantisme (1760-1820), Paris, PU Paris-Sorbonne, 1993. Lloyd, Rosemary, « Horryfying the Homais : The Challenge of the Prose Poem », L’esprit créateur, 39(1), 1999, p. 37-47. Monroe, Jonathan, A Poverty of Objects. The Prose Poem and the Politics of Genre, Ithaca/London, Cornell UP, 1987. Sandras, Michel, « Le déni du lyrisme dans le poème en prose », Textuel, 29, 1995, p. 121-136. Scott, David, Pictorialist Poetics, Cambridge, Cambridge UP, 1989. Bourassa, Lucie, Rythme et sens : des processus rythmiques en poésie contemporaine, Montréal, Balzac, 1993. Roubaud, Jacques, La vieillesse d’Alexandre, Paris, Ramsay, 1988.