Du poème en prose au vers libre
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Du poème en prose au vers libre
• Le précurseur du poème en prose est Aloysius Bertrand (1807-1841) qui, dans son recueil Gaspard de la Nuit (1842), est le premier à gommer les frontières entre prose et poésie. Ses caractéristiques !" • Ce genre de poèmes se présente comme un fragment de prose ; au-delà de la séparation graphique et de la présence fréquente d’un titre signalant son autonomie, le poème en prose présente une forte cohérence d’ensemble. • Il n’est soumis à aucune convention structurelle précise : il ne comporte ni vers, ni rime. Malgré cette prise de liberté, il exige un travail d’écriture élaboré sur son architecture : − les jeux de sonorité et les effets de rythme sont produits par l’agencement des mots et l’organisation syntaxique de la phrase (symétries, échos) ; − la musicalité ainsi produite doit marquer un lien étroit avec le sens ; − les figures de styles et les images abondent ; − les modes d’énonciation peuvent être variés : dialogue, récit, description… − les sujets sont très concrets (description prosaïque d’un objet ou d’une situation du quotidien) ou au contraire le reflet d’un état intime du poète (amour, rêverie, souffrance, etc.). Ses représentants !" • Les romantiques ont largement participé à l’essor de la poésie en prose. Ses plus célèbres représentants sont sans nul doute Charles Baudelaire et Arthur Rimbaud, dont les recueils respectifs Petits poèmes en prose (1862) et Illuminations (1886) ont donné au genre ses lettres de noblesse. « Si tu pouvais savoir tout ce que je vois ! tout ce que je sens ! tout ce que j'entends dans tes cheveux ! Mon âme voyage sur le parfum comme l'âme des autres hommes sur la musique. » (Extrait de « Un hémisphère dans une chevelure », Petits poèmes en prose) • D’autres auteurs s’illustreront dans le poème en prose un siècle plus tard, et parmi eux : − René Char (1907-1988), Le Nu perdu. − Max Jacob (1876-1944), Le Cornet à dés. − Pierre Reverdy (1889-1960), Plupart du temps. − Francis Ponge (1899-1988), Le Parti pris des choses. II. Le vers libre Un vers moderne et "libéré" !" • Le vers libre, qui voit le jour avec le Symbolisme à la fin du XIXe siècle, irrigue toute la poésie moderne du XXe siècle. Le recours de plus en plus fréquent à ce type de vers s’explique par les mêmes raisons qui ont présidé à la naissance de la poésie en prose : la nécessité de s’affranchir du carcan trop étroit de la versification classique. Ses caractéristiques !" • Le vers libre brise l’unité rythmique du vers régulier pratiqué jusqu’alors. La rime, le vers et la strophe de la poésie versifiée traditionnelle sont abandonnés au profit d’une rythmique choisie librement par le poète. • Le poème à vers libre comporte cependant des caractéristiques qui le distinguent du poème en prose et permettent de le rattacher à la poésie versifiée : unité graphique du vers par le retour systématique à la ligne ; présence d’une majuscule en début de vers ; des effets d’enjambement et des jeux de sonorités (échos) ; un jeu sur la mise en page, qui est généralement aérée et productrice de sens. − − − − Un exemple !" « Racontez-moi encore Palma des Baléares ; Je ne connais qu'une île Au milieu de la Marne. » Jean Cocteau MemoPage.com SA © / 2006 / Auteur : Laure Hutchings / Expert : Jacques Ménigoz La naissance du genre !" • Son épanouissement répond à la volonté de certains poètes du XIXe siècle de s’affranchir de la rigidité des règles de composition de la poésie traditionnelle. Par leurs œuvres, ils entendent démontrer que l’art poétique ne dépend pas seulement d’éléments formels tels que la versification classique. Ils prônent la recherche de formes poétiques nouvelles. I. Le poème en prose Bien que les œuvres littéraires de l’Antiquité et plus tard les premiers romans médiévaux aient été composés en rimes, la distinction entre texte narratif et poésie s’impose très clairement à la Renaissance avec l’émergence d’une littérature en prose. Dès lors, le poème se doit d’être écrit en forme versifiée et selon les codes établis (vers, strophes, rimes, etc.) tandis que l’œuvre narrative est, quant à elle, composée exclusivement en prose. Ces contraintes qui régissent les deux genres vont être remises en cause aux XIXe et XXe siècle : la poésie, qui jusque là s’exprimait dans des formes fixes (sonnet, ode, rondeau, ballade), s’ouvre à de nouvelles formes, dites "libres" : le poème en prose et le vers libre. Quel est celui de nous qui n'a pas, dans ses jours d'ambition, rêvé le miracle d'une prose poétique, musicale sans rythme et sans rime, assez souple et assez heurtée pour s'adapter aux mouvements lyriques de l'âme, aux ondulations de la rêverie, aux soubresauts de la conscience ? Charles Baudelaire (Préface de Petits poèmes en prose, 1862). Du poème en prose au vers libre