le festin de Babette
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le festin de Babette
Fiche n° 1053 Le festin de Babette 6 au 19 février 2013 http://cinemateur01.com Le festin de Babette de Gabriel Axel 1h42 - Danemark - 1987 copie neuve sortie 19/12/2012 avec Stéphane Audran, Bodil Kjer, Birgitte Federspiel adapté de la nouvelle de Karen Blixen Oscar du meilleur film étranger en 1988 Ce film est programmé dans le cadre de La Quinzaine du bonheur ! Synopsis : Pour échapper à la sordide répression de la Commune en 1871, Babette débarque un soir d'orage sur la côte sauvage du Jutland au Danemark. Elle devient la domestique des deux très puritaines filles du pasteur et s'intègre facilement dans l'austère petite communauté. Mais après quatorze années d'exil, elle reçoit des fonds inespérés qui vont lui permettre de rentrer dans sa patrie. Elle propose avant son départ de préparer avec cet argent un diner français pour fêter dignement le centième anniversaire de la naissance du défunt pasteur... Le menu... Le menu et les plats sont décrits dans la nouvelle de Karen Blixen, mais sans préciser ni la préparation ni les temps de cuisson. Les aliments ont été confiés au chef Jan CocottePedersen, chef de cuisine du restaurant La Cocotte de Copenhague qui a réalisé les recettes. Celles-ci ont été publiées par après, et plusieurs plats sont devenus des classiques internationaux. Plats Soupe de tortue géante Blinis Demidoff (blinis au caviar et à la crème) Cailles en sarcophage au foie gras et sauce aux truffes Salade d’endives aux noix Savarin et salade de fruits glacés Fruits frais (raisins, figues, ananas...) Vins Xérès amontillado avec la soupe Champagne Veuve Clicquot 1860, accompagne les blinis Clos de Vougeot 1845 avec cailles et fromages Fine Champagne Stéphane Audran en pleine action Le Festin de Babette : deuxième service Pour Gabriel Axel, cette histoire est celle de son plus beau film, et il n'a pas attendu l'Oscar de 1988 pour en être convaincu. Pendant quatorze ans, le réalisateur s'est battu pour faire accepter le scénario par l'Institut danois du cinéma, dont un représentant lui avait répondu qu'il n'y avait "pas une minute de film dans cette merde". Mais Gabriel Axel tenait son histoire. Il ne lui avait fallu que onze jours pour dicter le scénario à sa femme, tandis que sur le mur, en face de lui, il voyait se dessiner le film que le conte de Karen Blixen lui inspirait : "C'est une si belle histoire ! Il y a tout dedans, la fidélité, la générosité, l'amour... Karen Blixen a tout écrit, tout montré image par image, comme le peintre qu'elle était." Vingt-cinq ans plus tard, le réalisateur se souvient avec bonheur des premières projections : "Les Suédois réservés, les Français enthousiastes, les Italiens qui criaient "Mamma mia ! Che bello !"... C'est un film qui apporte beaucoup de joie partout au monde." Franco-danois dans sa langue d'origine, universel dans son message, le film n'a pas pris une ride, et Gabriel Axel ne s'en étonne guère : "Une mère qui donne le sein à son enfant n'a pas changé. C'est toujours une mère qui donne le sein à son enfant." Poème gastronomique, éloge rêveur du pouvoir des belles saveurs sur les humeurs moroses, ce Festin n'impose pourtant pas sa métaphore si facilement. La Babette incarnée par Stéphane Audran n'a rien perdu de son mystère. Discrète à un point déconcertant, elle ne s'exprime qu'en cuisinant, le temps d'un festin unique. "C'est typiquement français !, renchérit Gabriel Axel. Une bonne bouffe, et on fait la paix !" On sentait, sur le tournage, que ce qui se passait n'était pas ordinaire. "Tu n'es pas seulement en train de faire un grand film, tu crées une atmosphère. Quelque chose d'impalpable, fait de tous ces petits détails qui manqueraient si on les retirait." Ce compliment de Jarl Kulle, qui joue le général Löwenhielm, résume les ambitions simples et grandes de Gabriel Axel, qui y trouve une leçon tout aussi simple et grande : "Toute action convaincue peut être convaincante." De qui parle-t-il donc ? De Babette, cuisinant sa fortune en potage de tortue sous les yeux des villageois nourris à la soupe de pain sec ? De lui-même, en croisade quatorze ans durant, armé de sa seule certitude de tenir une belle histoire ? Un soir d'agapes, quatorze ans de guerre : le chef-d'œuvre en valait la peine, assurément. Le Monde B abette, cuisinière renommée dans un grand restaurant parisien, Le Café Anglais, fuit la répression de la Commune de Paris en 1871. Elle trouve refuge au Danemark, dans un petit village, au service de deux vieilles filles. Martine et Filippa sont les deux filles d'un pasteur autoritaire et possessif, guide d'une petite communauté luthérienne du Jutland, sur la côte danoise. Elles ont été amoureuses dans leur jeunesse, l'une d'un chanteur français, Achille Papin, et l'autre d'un jeune officier, le futur général Lorenz Löwenhielm. Mais elle se sont sacrifiées pour leur père et pour la communauté, se dévouant en œuvres de charité. Tous les ans Babette achète un billet de loterie. Quand elle gagne le gros lot, au bout de quinze ans, au lieu d'améliorer son sort, elle consacre tout son argent pour reconstituer, en une seule soirée et pour douze couverts, le faste de la grande cuisine parisienne. L'intention de Babette d'offrir un dîner français provoque la suspicion. Des denrées inconnues, du vin arrivent au village : le démon serait-il de la partie ? Babette s'active, la cuisine devient un lieu chatoyant de mille couleurs : les plats sont un régal pour l'œil. Dans la salle à manger, l'austère table en bois est habillée pour l'occasion : le bleu devient or. Pour résister à la tentation, les convives ont décidé de garder le silence, mais les corps exprimeront la merveille de l'instant. L'artiste a donné la vie. Le repas bouleverse l'ancien rituel : objet d'une communication nouvelle, il se veut temps et lieu d'accès à la transcendance : ''Arrive enfin le jour où nos yeux s'ouvrent et où nous comprenons que la grâce est infinie'', dit le général. Le repas ne se limite pas à une euphorie sensuelle. Le groupe des disciples qui s'était défait autour de la table précédente, se refait par la table de Babette et l'acceptation de la corporéité, non comme une puissance de mort maléfique mais comme lieu possible d'une présence divine : la réconciliation n'en est-elle pas le signe le plus manifeste ? Le spirituel serait-il dans le plus corporel ? Le billet de loterie est dépensé pour la gratuité. C'est l'invité de marque du festin, le général Löwenhielm, qui reconnaît les « cailles en sarcophage » du "Café anglais" et qui rappelle qu'un grand repas peut être une histoire d'amour, en levant son verre à celle des deux vieilles filles qu'il a toujours aimée mais qu'il n'a pas pu épouser. Ce n'est pas un film tendre mais un film bouleversant, grâce à la nouvelle de Karen Blixen dont Gabriel Axel a réalisé la mise en scène admirable de précision et de sobriété jusque dans les détails et dans ce stupéfiant contraste entre la vie triste et misérable de ce sinistre village luthérien et ce dîner fantastique, véritable débauche de mets succulents et de vins prodigieux, comme le Clos Vougeot 1845, si parfaitement inattendue dans ce paysage nordique austère, glacial et battu par les vents. Le prodige du film, indiqué par le petit speech du général qui conclut le dîner, est que c'est le festin qui accomplit la communion de tous les convives et des amants séparés que le pasteur n'avait jamais réalisée — il les avait séparés pour sa propre satisfaction. Tout le cinéma Pendant cette Quinzaine du bonheur, vous pourrez aussi voir avec grand plaisir :