La spirale infernale du chômage et de l`addiction
Transcription
La spirale infernale du chômage et de l`addiction
Conférence spécialisée La spirale infernale du chômage et de l’addiction L’addiction mène au chômage, le chômage rend accro. Ces relations de cause à effet sont prouvées depuis longtemps, comme l’a rappelé une conférence à Zurich. Pourtant, cette thématique n’est pour ainsi dire pas prise en compte dans les concepts de conseil et de mesures financés par l’assurance-chômage. Par Daniel Fleischmann, rédacteur de PANORAMA — Les chômeurs souffrent plus souvent d’addictions que les actifs. Cette hypothèse est confirmée par plus de 50 études menées dans presque tous les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques et s’applique de manière égale à l’alcool, au tabac, au cannabis, aux psychotropes et au jeu pathologique avec mises d’argent. Il n’est pas rare que des effets sélectifs (les problèmes d’addiction augmentent le risque de se retrouver au chômage et d’y rester) et de causalité (le chômage favorise les problèmes d’addiction) se multiplient. «Sans résolution du problème d’addiction, une intégration professionnelle durable est rarement possible. Un diagnostic rapide et des mesures immédiates sont nécessaires afin d’atteindre l’objectif de réinsertion», souligne Urs Frey, coach emploi et responsable de l’inté- Projet «Questions relatives aux addictions dans les soins de base» L’Office fédéral de la santé publique, le GFD et Infodrog ont lancé le projet «Questions relatives aux addictions dans les soins de base». Ce dernier vise à permettre l’encadrement optimal de personnes dépendantes ou menacées de dépendance en dehors de la prise en charge spécifique, par exemple dans les ORP ou dans un contexte scolaire. Les ORP ou les écoles doivent notamment pouvoir diriger le plus rapidement possible, sans les discriminer, les personnes potentiellement dépendantes vers les services spécifiques adaptés. Traduction: Catherine Natalizia gration professionnelle à la clinique Südhang, centre de compétence bernois en matière d’addictions. Les services compétents, comme les offices régionaux de placement (ORP), rechignent à aborder ce thème, ce qui n’est pas étonnant vu leur mission légale de réinsertion rapide et durable de leurs clients. Le système «Plasta» (système d’information en matière de placement et de statistique du marché du travail) fournit des informations sur l’aptitude au placement de chômeurs, mais aucune donnée sur les éventuelles addictions. Des formulaires font également défaut en ce qui concerne la santé des personnes en recherche d’emploi, tels qu’ils sont par exemple demandés en Allemagne par Dieter Henkel (Institut de recherche en matière de dépendances de Francfort). Enfin, ce sont aussi les bases légales qui empêchent tant les assurés que les conseillers ORP de parler ouvertement de ce problème. Seules les personnes qui sont considérées comme aptes au placement peuvent recevoir des indemnités de chômage. Avouer une dépendance, c’est réduire à néant ce droit, du moins si la personne concernée n’assume pas ses devoirs. Défis pour les autorités du marché du travail Des professionnels des dépendances et des spécialistes en lien avec les autorités et les mesures du marché du travail (MMT) se sont réunis le 5 juin pour une conférence de l’association Fachverband Sucht et du Groupe d’experts Formation Dépendances (GFD), qui a débouché sur les constats suivants: •Le lien sélectif et de causalité de la dépendance et du chômage est manifeste et doit davantage être pris en compte dans la pratique. Le succès d’une thérapie nécessite en général d’avoir (re)trouvé une activité professionnelle. Des discussions régulières de cas entre les centres de conseil en matière de dépendances et les ORP seraient utiles. •Les conseillers ORP ne sont pas des conseillers en matière de dépendances et les rapports de confiance sont rares. Les conseillers ORP devraient être mieux informés pour pouvoir gérer, le cas échéant, la situation. Une formation continue ciblée pour quelques collaborateurs pourrait être pertinente, de même qu’une meilleure pondération des «facteurs de succès à long terme». •Des MMT qui englobent un encadrement professionnel des personnes dépendantes font défaut, même si les cantons de Berne («Réseau Contact») et de SaintGall («Mühlhof») offrent de bons exemples. Il ne reste souvent aux chômeurs dépendants que les ateliers protégés où le placement ne se fait pas par l’ORP, mais par l’assurance-invalidité. •Mise en place possible d’un centre de médiation national auquel les personnes concernées pourraient s’adresser, sous couvert d’anonymat. L’utilité d’une telle institution est controversée. — www.fachverbandsucht.ch > Downloads > Veranstaltungen PANORAMA 4 | 2014 — 29